Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 30 mars 2022, n° 20/06507

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Sur la décision

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRET DU 30 MARS 2022

(n° , 14 pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/06507 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBYOD


Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Février 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2018034546

APPELANTS

Monsieur Z Y, né le […] à […], domicilié

[…]

[…]

M a d a m e F l o r e n c e V E R C O U S T R E , n é e L U C C H I l e 2 0 j a n v i e r 1 9 6 2 à ISSY-LES-MOULINEAUX (92) de nationalité française, domiciliée

[…]

[…]

SARL BRICHACA prise en la personne de ses représentants légaux, Monsieur Z Y et Madame B Y née X, ayant son siège social

[…]

[…]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LE HAVRE sous le numéro 827 855 594


Représentés par Me F G de l’AARPI G SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125


Ayant pour avocat plaidant Me Charlotte BELLET de la SCP BOURGEON MERESSE GUILLIN BELLET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0166, substituée par Me Rodolphe PERRIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0166

INTIMEE

S.A.S. HEALTHY GROUPE, anciennement dénommée SARL JOUR DEVELOPPEMENT, prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social […]

[…]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 448 915 033


Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044


Ayant pour avocat plaidant Me F-Luc SIMON de la SELARL SIMON ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0411, substitué par Me Marion AUBRY de la SELARL SIMON ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0411

COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Sophie DEPELLEY, conseillère, chargée du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente,

Mme Sophie DEPELLEY, conseillère,

Mme Camille LIGNIERES, conseillère.

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Meggy RIBEIRO

ARRÊT :


- contradictoire


- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


- signé par Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente, et par Meggy RIBEIRO, Greffière placée, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCEDURE

La société Healthy Groupe anime un réseau de restauration rapide, dit 'bar à salades’ exploité sous l’enseigne 'Jour’ au moyen de restaurants succursales et de restaurants franchisés.


Le 24 octobre 2016, en vue d’un changement d’activité professionnelle, M. Y qui a préalablement travaillé dans le secteur des assurances a adressé un dossier de candidature à la société Jour développement (devenue Healthy Groupe) dans la perspective de l’exploitation d’une franchise en restauration rapide de l’enseigne «'Jour'».


Le 16 décembre 2016, un document d’information pré-contractuelle est remis par la société Healthy
Groupe aux époux Y.


Le 27 janvier 2017, un contrat de franchise est signé entre la société Healthy Groupe et la société Brichaca constituée par M et Mme Z et B Y en vue de l’exploitation d’un point de vente de l’enseigne de restauration rapide «'Jour'» dans la ville de Bordeaux.


En application de l’article 9.1 du contrat de franchise, les époux Y ont remis à la société Healthy Groupe un chèque d’un montant de 60.000 euros comprenant une «'redevance initiale forfaitaire'» de 50.000 euros HT.


Le 22 février 2017, la société Brichaca gérée par les époux Y était immatriculée au registre du commerce et des sociétés.


Les époux Y n’ont pu obtenir un local approprié, notamment, par défaut d’un financement des banques pour tous les projets présentés.


Imputant leur échec au franchiseur, les époux Y ont notifié par lettre du 5 octobre 2017 à la société Healthy Groupe la résiliation du contrat. Ils ont dénoncé une absence d’investissement du franchiseur dans le montage de leur projet et lui ont notamment réclamé le remboursement du droit d’entrée initialement versé d’un montant de 50. 000 euros. La Société Healthy Groupe s’est opposée à ce remboursement.


C’est dans ce contexte que, par exploit d’huissier du 15 Juin 2018, la société Brichaca et les époux Y ont assigné la société Heathy Groupe devant le tribunal de commerce de Paris aux fins, notamment, d’obtenir l’annulation ou la résolution du contrat à titre principal et la condamnation à la restitution du montant du droit d’entrée et au paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 17 février 2020, le tribunal de commerce de Paris a':


Dit les demandes des époux Y recevables';


Débouté la SARL Brichaca, M. Z Y et Mme B X épouse Y de toutes leurs demandes,


Condamné la SARL Brichaca, M. Z Y et Mme B X épouse Y à payer in solidium à la SAS Healthy Groupe anciennement dénommée SARL Jour développement la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résiliation fautive du contrat de franchise';


Condamné la SARL Brichaca, M. Z Y et Mme B D épouse Y à payer in solidum à la SAS Healthy Groupe anciennement dénommée SARL Jour développement la somme de 8000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile';


Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires';


Dit qu’il n’y a lieu à exécution provisoire ;


Condamné la SARL Brichaca, M. Z Y et Mme B X épouse Y in solidium aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 116,74 euros dont 19,24 euros de TVA.

Par déclaration reçue au greffe le 22 mai 2020 la société Brichaca et les époux Y ont interjeté appel de ce jugement. Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 14 janvier 2022, la société Brichaca et les époux Y demandent à la Cour de':

Vu les articles 1112-1, 1130, 1131, 1132 et s., 1137 et 1139 (réd. Ord. n° 2016-131, 10 février 2016),

Vu l’article 1169 du Code civil (réd. Ord. n° 2016-131, 10 février 2016),

Vu l’article 1178 du Code civil (réd. Ord. n° 2016-131, 10 février 2016),

Vu l’article 1229 du Code civil (réd. Ord. n° 2016-131, 10 février 2016),

Vu les articles 1217, 1231-1 et 1231-2 du Code civil (réd. Ord. n° 2016-131, 10 février 2016),

Vu les articles 1240 et 1241 du Code civil (réd. Ord. n° 2016-131, 10 février 2016),

Vu les pièces versées aux débats,


Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré recevables les demandes des époux Y';


Infirmer le jugement entrepris pour le surplus, notamment en ce qu’il a débouté la société Brichaca et Monsieur et Madame Y de toutes leurs demandes et en ce qu’il les a condamnés solidairement à payer à la société Healthy Groupe la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts pour résiliation fautive du contrat de franchise et, statuant à nouveau';


A titre principal,


Juger que la société Jour développement, devenue Healthy Groupe, a méconnu les obligations précontractuelles d’information qui pesaient sur elle en fournissant dolosivement à Monsieur Y, à Madame Y et à la société Brichaca des informations précontractuelles erronées et mensongères et en s’abstenant dolosivement de leur fournir des informations essentielles sur les paramètres réels requis pour l’ouverture d’un restaurant sous enseigne «'Jour'» dans une ville comme celle de Bordeaux';


Juger que Monsieur Y Madame Y et la société Brichaca ont commis une erreur sur la rentabilité de l’activité entreprise en raison de l’inexactitude des informations économiques et financières transmises par la société Jour développement, devenue Healthy Groupe, qui les ont conduits à s’engager sur la foi d’un niveau de rentabilité qui ne pouvait en aucun cas être atteint ;


Juger que la société Jour développement devenue Healthy Groupe n’a pas fourni à Monsieur Y, à Madame Y et à la Société Brichaca la contrepartie du droit d’entrée acquittée ;


Juger que la société Jour développement, devenue Healthy Groupe, a manqué à ses obligations tant précontractuelles que contractuelles, et a engagé sa responsabilité à l’égard de Monsieur Y, de Madame Y et de la Société Brichaca';


En conséquence,


Prononcer l’annulation du contrat de franchise conclu le 27 janvier 2017 entre la société Jour développement et la société Healthy Groupe, ou à tout le moins les stipulations dudit contrat servant de base au paiement du droit d’entrée';


Condamner la société Jour développement, devenue Healthy Groupe, à restituer à la société Brichaca la somme totale de 50.000 euros HT versée au titre du droit d’entrée';
Condamner la société Jour développement, devenue Healthy Groupe, à payer à titre de dommages intérêts à':

Monsieur Y, la somme de 17.000 euros au titre de son manque à gagner en termes de rémunération,

Madame Y, la somme de 17.000 euros au titre de son manque à gagner en termes de rémunération,


Les époux Y E, la somme de 19.307 euros au titre des pertes éprouvées inutilement pour la mise en place d’un projet ayant échoué du fait du franchiseur,


La société Brichaca, la somme de 3.700 euros au titre des pertes éprouvées inutilement pour la mise en place d’un projet ayant échoué du fait du franchiseur,


A titre subsidiaire':


Juger que la société Jour développement, devenue Healthy Groupe, a méconnu ses obligations contractuelles d’aides et d’assistance, et de compétence,


Juger que la société Jour développement, devenue Healthy Groupe, a manqué à ses obligations tant précontractuelles que contractuelles, et s’est obligée de ce fait à réparer l’ensemble des préjudices qui résultent, pour Monsieur Y, Madame Y et la société Brichaca, de ses manquements,


En conséquence,


Prononcer la résolution du contrat de franchise conclu le 27 janvier 2017 entre la société Brichaca et la société Jour développement, devenue Healthy Groupe.


Condamner la société Jour développement, devenue Healthy Groupe, à restituer à la société Brichaca la somme totale de 50.000 euros HT versée au titre du droit d’entrée,


Condamner la société Jour développement, devenue Healthy Groupe, à payer à titre de dommages-intérêts à':


- Monsieur Y, la somme de 17.000 euros au titre de son manque à gagner en termes de rémunération,


- Madame Y, la somme de 17.000 euros au titre de son manque à gagner en termes de rémunération,


- Les époux Y E, la somme de 19.307 euros au titre des pertes éprouvées inutilement pour la mise en place d’un projet ayant échoué du fait du franchiseur,


- La société Brichaca, la somme de 3.700 euros au titre des pertes éprouvées inutilement pour la mise en place d’un projet ayant échoué du fait du franchiseur.


A titre plus subsidiaire':


Juger que la société Jour développement, devenue Healthy Groupe, a méconnu ses obligations contractuelles d’aides et d’assistance, et de compétence,


Juger que la société Jour développement, devenue Healthy Groupe a manqué à ses obligations tant précontractuelles que contractuelles, et s’est obligée de ce fait à réparer l’ensemble des préjudices qui résultent, pour Monsieur Y, Madame Y et la société Brichaca, de ses manquements,


En conséquence,


Prononcer la résiliation du contrat de franchise conclu le 27 janvier 2017 entre la société Brichaca et la société Jour développement, devenue Healthy Groupe,


Condamner la société Jour développement, devenue Healthy Groupe, à payer à titre de dommages intérêts à la société Brichaca la somme totale de 50.000 euros HT correspondant au montant du droit d’entrée versé,


Condamner la société Jour développement, devenue Healthy Groupe, à payer à titre de dommages intérêts à':


- Monsieur Y, la somme de 17.000 euros au titre de son manque à gagner en termes de rémunération,


- Madame Y, la somme de 17.000 euros au titre de son manque à gagner en termes de rémunération,


- Les époux Y E, la somme de 19.307 euros au titre des pertes éprouvées inutilement pour la mise en place d’un projet ayant échoué du fait du franchiseur,


- La société Brichaca, la somme de 3.700 euros au titre des pertes éprouvées inutilement pour la mise en place d’un projet ayant échoué du fait du franchiseur.


En toute hypothèse':


Condamner la société Jour développement, devenue Healthy Groupe, à payer la somme de 5.000 euros au profit de chacun des demandeurs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et abus de droit,


Rejeter l’ensemble des demandes, fins, moyens et conclusions formulées par la société Healthy Groupe en ce compris l’appel incident formé par cette dernière,


Condamner la société Jour développement, devenue Healthy Groupe, aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de Maître F G dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile,


Condamner la société Jour développement, devenue Healthy Groupe, à payer à Monsieur et Madame Y la somme de 12.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 03 janvier 2022, la société Healthy Groupe demande à la Cour’de :

Vu les articles 31, 32-1, 122, 699, 700 du Code de procédure civile,

Vu les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce,

Vu les articles 1178, 1217, 1224 et suivants, 1231, 1240 et 1353 du Code civil, Vu les pièces versées aux débats,

Vu la jurisprudence visée,

Vu le contrat de franchise signé entre les parties,


Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a':


Débouté Monsieur Y, Madame Y et la société Brichaca de toutes leurs demandes';


Rejeté la demande de nullité du contrat de franchise';


Rejeté la demande de résolution du contrat de franchise';


Jugé fautive la résiliation du contrat de franchise opérée par Monsieur Y, Madame Y et la société Brichaca,


Condamné in solidium Monsieur Y, Madame Y et la société Brichaca à payer la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,


Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a':


Déclaré les demandes des époux Y recevables';


Condamné in solidium Monsieur Y, Madame Y et la société Brichaca au paiement à la société Healthy Groupe, de la somme de 10.000 euros du fait de la résiliation fautive du contrat de franchise conclu entre les parties';


Débouté la société Healthy Groupe de sa demande de dommages et intérêts pour abus de procédure';


Débouté la société Healthy Groupe de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi';


Dit qu’il n’y a lieu à exécution provisoire';

Statuant à nouveau,


Déclarer les demandes des époux Y irrecevables';


Débouter la société Brichaca et les époux Y de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions';


Condamner solidairement la société Brichaca et les époux Y à verser à Healthy Groupe la somme de 200.628 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la résiliation fautive du contrat de franchise conclu entre les parties';


Condamner solidairement la société Brichaca et les époux Y à verser à Healthy Groupe la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts du fait du préjudice moral subi par Healthy Groupe';


Condamner société Brichaca et les époux Y à verser à Healthy Groupe la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la procédure abusive engagée à l’encontre de Healthy Groupe';
Condamner solidairement la société Brichaca et les époux Y à payer à Healthy Groupe la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens';


La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la nature et l’imputabilité de la rupture du contrat de franchise

Les époux Y et la société Brichaca reprochent principalement à la société Jour Développement devenue Healthy Groupe :


- l’absence de contrepartie au droit d’entrée de 60 000 euros TTC


- la carence du franchiseur dans l’aide et l’assistance qu’il se devait d’apporter aux franchisés, au regard des documents précontractuels et contractuels, pour la mise en oeuvre de leur projet d’ouverture d’un restaurant à l’enseigne 'Jour’ à Bordeaux,


- la communication de données chiffrées irréalistes et inadaptées à leur projet rendant impossible la création d’un restaurant 'Jour’ rentable à Bordeaux, et plus particulièrement :

*Des informations inexactes sur la marge brute

*Des informations inexactes sur la capacité d’autofinancement

*Des données peu fiables s’agissant des informations comptables (coûts de livraisons, frais bancaires, marge brute)

*De données fausses sur le fait que le franchiseur disposait d’un réseau bancaire sur lequel il était possible d’adosser un projet de création de restaurant

*Des données inexactes sur le prix des travaux pour la construction d’un restaurant « Jour » et sur le « budget global » nécessaire pour l’ouverture d’un restaurant sous enseigne Jour

*Des informations inexactes sur le montant du panier moyen

*Des informations inexactes sur le montant de l’apport personnel.


A l’appui de leur demande d’annulation du contrat de franchise et de restitution de la somme de 50 000 euros HT versée au titre du droit d’entrée, et sur le fondement des articles 1112-1, 1130, 1131, 1137, 1139 du code civil, les appelants soutiennent que la société Jour développement leur a sciemment communiqué des informations précontractuelles tronquées et fausses dans le dessein de leur faire croire à la possibilité de monter facilement et rapidement, pour un investissement limité, leur projet d’ouverture d’un restaurant 'Jour’ à Bordeaux, comme de faire croire à sa rentabilité future et les conduire ainsi à signer le contrat de franchise en toute confiance le 27 janvier 2017. Ils prétendent également sur le fondement de l’article 1169 du code civil que l’annulation du contrat de franchise est encourue pour défaut de contrepartie de la part du franchisé au montant particulièrement élevé du droit d’entrée.


A l’appui de leur demande subsidiaire de résolution ou de résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs du franchiseur et de paiement de dommages-intérêts à hauteur du montant du droit d’entrée, les appelants relèvent que malgré 7 mois de démarches actives de leur part, ils n’ont pas été en mesure d’ouvrir leur restaurant en raison des manquements du franchiseur dans son assistance à leur installation pour la recherche d’un emplacement, la négociation des baux et du financement des banques.

La société Healthy Groupe réplique, sur la demande en annulation du contrat, que les appelants ne démontrent aucune manoeuvre dolosive du franchiseur en ce que les informations ne sont ni inexactes ni données dans le dessein de tromper intentionnellement le franchisé. Elle relève en outre que le contrat en cause est à exécution successive et, à ce titre ne peut être résolu pour entraîner son anéantissement rétroactif. Elle ajoute qu’elle a rempli son obligation d’assistance qui n’est que de moyen et respecté l’ensemble de ses obligations en contrepartie du droit d’entrée, les époux Y n’ont pas respecté la procédure contractuelle de résiliation du contrat et n’apportent pas la preuve d’un manquement suffisamment grave pour justifier une telle résiliation.

Sur ce,


Sur le processus contractuel, la Cour observe que :


La plaquette publicitaire de juillet 2016 de présentation du franchise ' Jour’ faisait état des informations suivantes : 'Nos franchisés sont nos partenaires' pour 'définir ensemble le meilleur projet’ (page 7),'Notre assistance : la préparation à l’entretien avec les banques, l’étude des baux commerciaux et des emplacements, les négociations bailleur/cédant…'(Page 8).

M. Y faisait acte de candidature le 24 octobre 2016 pour un emplacement à Bordeaux dans le nouveau quartier des affaires et dès le 16 décembre 2016, il était destinataire du document d’information précontractuelle (DIP).


Ce document faisait état s’agissant des informations contractuelles sur les obligations du franchiseur à l’article 5.8 de 'l’assistance du franchiseur préalablement à l’ouverture d’un Restaurant Jour : le franchiseur s’engage à apporter son assistance et ses services au franchisé dans le cadre de la mise en place de son restaurant Jour, conformément à ce qui est stipulé dans le contrat (…) Le franchiseur assistera le Franchisé dans son choix de l’emplacement de son Restaurant Jour'.


Le DIP précisait au titre des 'informations financières’ :


- Un droit d’entrée de 50 000 euros


- un apport personnel de 150 000 euros,


- des frais d’aménagement, de travaux et d’équipement entre 1500 et 2500 euros/m2


- un chiffre d’affaires prévisionnel de 750 000 euros, un résultat net prévisionnel de 106 000 euros et une capacité d’autofinancement de 138 000 euros.


Sur les recommandations de Jour afin de réserver la zone et s’engager rapidement sur un emplacement (courriel du 22 novembre 2016 pièce Healthy n°6), la société Brichaca en cours d’immatriculation représentée par les époux Y ont signé dès le 27 janvier 2017 le contrat de franchise et versé la redevance initiale forfaitaire de 60 000 euros TTC.


Le contrat de franchise prévoit à l’article 1er objet du contrat- concession de franchise :

1.1 Concession de franchise :

' Le franchiseur concède au Franchisé, selon les termes du présent contrat, le droit d’exploiter, selon les méthodes et le savoir-faire du Franchiseur, sous l’enseigne Jour, un (1) Restaurant dans la zone identifiée par le Franchiseur [quartier centre ville Bordeaux]dans le document d’information précontractuel ( la 'Zone').

Il est précisé qu’au jour de la signature des présentes, le Franchisé n’a pas encore trouvé de local et d’emplacement pour l’implantation du Restaurant au sein de la Zone. Les parties reconnaissent donc que l’exclusivité mentionnée dans le document d’information précontractuel et concernant la Zone s’entend à ce stade d’une exclusivité de recherche pour un emplacement au sein de ladite Zone, le Franchisé s’engageant à trouver et à faire valider l’emplacement et le local par le Franchiseur dans un délai maximum de 6 mois à compter de la signature des présentes (…).'


L’article 2.1 sur la durée du contrat de franchise précise que : ' la durée du présent contrat et de la franchise qui y est concédée sera d’une durée de sept (7) années à compter de la date des présentes, sous condition que l’accord des Parties sur l’emplacement et le local du Restaurant intervienne dans le délai mentionné à l’article 1.1. Cette durée ne saurait être prolongée ou impactée d’une quelconque manière en fonction des dates effectives (i) de validation du local et de l’emplacement prévu pour le Restaurant et/ou (ii) d’ouverture du Restaurant, le cas échéant.'


L’article 4.1 sur les obligations du franchiseur et plus précisément celle d’assistance du Franchiseur préalablement à l’ouverture du restaurant, prévoit que : ' Le Franchiseur s’engage à apporter son assistance et ses services au Franchisé dans le cadre de la mise en place de son Restaurant, comprenant notamment une assistance raisonnable dans le cadre de l’étude d’emplacement choisi pour le local destiné au Restaurant réalisée par le franchisé (…)'

et il est précisé à l’article 4.2.3 que sous réserve des stipulations de l’article 8.1, l’ensemble des prestations prévues aux articles 4.1 et 4.2 sont comprises dans la redevance initiale forfaitaire prévue à l’article 9.1 et ne feront l’objet d’aucune facturation séparée par le Franchiseur, à l’exception toutefois, des frais de déplacement et d’hébergement du Franchiseur et de ses collaborateurs durant toute la durée du contrat.


L’article 9.1 relatif à la Redevance Initiale Forfaitaire ('RIF') stipule :

Définition : Le RIF correspond à l’ensemble des sommes à payer pour pouvoir bénéficier de l’usage de la Marque, du Concept et des services apportés par le Franchiseur conformément à l’article 4 ci-dessus préalablement à l’exploitation d’un Restaurant par le Franchisé.

Le montant : Le RIF s’élève à la somme de cinquante mille euros hors taxe (50 000 € HT) et est composée des éléments suivants :

- le droit à l’enseigne ;

- la participation au développement du réseau

- la formation initiale ;

- l’assistance au démarrage ;

- le transfert du savoir-faire ;

Paiement de la RIF

La RIF sera facturée et réglée à la signature du présent contrat.

Chaque RIF restera acquise au Franchiseur, que l’ouverture du Restaruant soir réalisée ou non.
Il est constant que fin août 2017, la société Brichaca et les époux Y n’ont pas été en mesure d’ouvrir un restaurant dans les délais contractuels, ce qui les a conduit à notifier la résiliation du contrat de franchise par courrier très circonstancié en octobre 2017 et de s’orienter vers un autre projet sur le Havre.


Cependant, la Cour constate que les époux Y avaient non seulement anticipé les démarches pour créer la société Brichaca en cours d’immatriculation lors de la signature du contrat de franchise en janvier 2017 moins de deux mois après la signature du DIP, mais ils ont été particulièrement actifs pour tenter de mener à bien leur projet. Il ressort en effet de l’ensemble de leurs échanges avec les responsables des banques et de la société Jour entre janvier 2017 et juillet 2017, que les époux Y ont été très actifs pour poser un ensemble de questions au franchiseur, visiter de nombreux emplacements et étudier par eux-même le marché local, élaborer un budget prévisionnel (pièce n°11) dès le 4 avril 2017 pour l’emplacement Place saint-Pierre puis un autre le 8 juin 2017 pour l’emplacement Place Ravezies et démarcher les banques pour obtenir des financements. En juillet 2017, ils ont tout particulièrement multiplié les relances auprès des banques et du franchiseur pour le projet sur le local place Saint-Pierre qui a finalement été perdu (notamment pièces n° 38, 48-1 et 48-2, 50 à 66).


Il ressort en outre des explications des époux Y non utilement contredites par la société Heathly Groupe que cette période de recherche d’un emplacement leur a permis d’analyser par eux-même le marché local et de comprendre que :


- Bordeaux est la ville où le nombre de restaurants par habitant est le plus élevé de France (un restaurant pour 285 habitants en 2016, pièce n° 14), ce qui n’était pas indiqué dans l’état local de marché transmis par le franchiseur Jour ( pièce n° 8)


- s’agissant des communications financières par le franchiseur, contractuelles ou commerciales, celles-ci n’intégraient pas le coût de l’emplacement (droit au bail ou fonds de commerce) et les frais de travaux peu réalistes, en sorte que l’apport personnel de 150 000 euros était largement insuffisant au regard du coût global de l’investissement. Les époux Y constatent que sur Bordeaux, après la visite de 40 emplacements, le prix moyen de cession des droits au bail ou des fonds de commerce est de 290 622 euros ou le prix moyen des loyers est de 5243 €/mois HT. Ils relèvent à cet égard que la plaquette publicitaire de juillet 2016 mentionnait simplement un apport personnel de 100 000 euros et un droit d’entrée de 50 000 euros, mais aucun élément sur le coût global de l’investissement. La présentation actuelle de la franchise, disponible sur le site de l’enseigne en mars 2018 (pièce n°17) est différente et indique les informations suivantes : un apport personnel de 100 K€ à 150 k€ (1/3 de l’investissement total) ,un droit d’entrée de 35 000 euros.


- le chiffre d’affaires prévisionnel 750 000 euros indiqué dans le DIP sans préciser qu’il s’agissait d’un chiffre d’affaires en année 2, alors que les prévisionnels établis par l’expert comptable pour les époux Y avait tablé sur un maximum de 500 000 euros sur les trois premiers exercices,


- les dossiers de financements ont été refusés par les banques, alors que les époux ont élaboré des prévisionnels de chiffre d’affaires plus bas que ceux indiqués dans le DIP, et un financement personnel de plus de 50% du coût global d’investissement évalué à 650 000 euros.


La Cour observe que cette étude de marché et ces constats n’ont pu être réalisés par les époux Y avant la signature du contrat de franchise et le versement de l’intégralité de la RIF, dès lors qu’il ne leur a pas été offert la possibilité après la signature du DIP , de signer un contrat de réservation de zone avec le paiement d’un acompte avant la signature du contrat franchise leur impartissant un délai de recherche de 6 mois pour trouver un emplacement.


Enfin, il ressort des échanges de courriels entre les parties (notamment pièces Healthy n° 6,7, 10,13, 16 à 20 et pièces Y n° 10, 31,32,33,34, 43 à 66) que l’assistance du franchiseur au démarrage s’est limitée à quelques conseils à distance et de deux visites sur place à la demande des franchisés, puis une implication trop tardive envers les banques (pièce n°16). Autrement dit, l’assistance du franchiseur dans la recherche des emplacements et dans l’accompagnement auprès des banques n’a pas été à la hauteur de ce qui était annoncé dans les documents publicitaires et contractuels et au regard du prix particulièrement élevé de la redevance initiale de ce qui est habituellement pratiqué (pièce Y n°16).


Si l’ensemble de ces éléments ne permettent pas d’établir que le franchiseur Jour a sciemment communiqué des informations inexactes ou caché des informations aux franchisés pour les tromper et les convaincre à signer le contrat de franchise ni que la rentabilité du concept faisait défaut avant l’ouverture du restaurant, il résulte cependant de l’ensemble de ces éléments que le franchiseur a été défaillant dans l’exécution de ses obligations contractuelles au démarrage du projet.


En effet, la transmission par le franchiseur d’informations chiffrées inadaptées pour l’installation d’un restaurant à Bordeaux sous l’enseigne 'Jour', son assistance insuffisante au regard des stipulations commerciales et contractuelles et un processus contractuel ne prévoyant pas une phase intermédiaire de réservation de zone permettant au candidat de réaliser une étude de marché avant de signer le contrat de franchise, ont contribué à l’échec de l’ouverture du restaurant dans les 6 mois de la signature du contrat de franchise malgré les multiples initiatives des époux Y. Toutefois, ces derniers ont notifié la résiliation du contrat le 5 octobre 2017 pour le compte de la société Brichaca, sans mise en demeure préalable, pour s’orienter vers un autre projet, et alors que le franchiseur était disposé à conclure un avenant au contrat de franchise pour étendre le temps de recherche de celui-ci (pièce Healthy n°14).


Au regard de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts partagés des parties.

Sur la demande de dommages-intérêts de la société Brichaca

La société Brichaca sollicite la somme de 50 000 euros HT à titre de dommages-intérêts correspondant au droit d’entrée versé, sur le fondement des articles 1217,1231-1 et 1231-2 du code civil, outre la somme de 3700 euros au titre des pertes éprouvées inutilement pour la mise en place d’un projet ayant échoué du fait du franchiseur.


La société Brichaca a versé une importante redevance initiale sans avoir pu bénéficier des informations, de l’aide et assistance correspondantes ayant contribué à l’échec de l’ouverture du restaurant à l’enseigne Jour sur la zone de Bordeaux dans le délai contractuel de 6 mois. Il convient de faire droit à sa demande de dommages-intérêts à ce titre mais limitée à la somme de 30 000 euros. Le jugement sera infirmé sur ce point.


Il n’est pas cependant démontré que ces manquements sont la seule cause de l’échec final du projet sur Bordeaux et la société Brichaca sera déboutée de sa demande complémentaire au titre des pertes éprouvées. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes de dommages-intérêts des époux Y

Les époux Y demandent la condamnation de la société Healthy Groupe à leur payer, à titre de dommages- intérêts, la somme de 17.000 euros au titre de leur manque à gagner en termes de rémunération et le versement de la somme globale de 19.307 au titre de pertes inutilement éprouvées pour la mise en place d’un projet ayant échoué du fait du franchiseur et, à ce même titre.


Les époux Y sont recevables à se prévaloir d’un préjudice né d’un manquement contractuel de la part du franchiseur.
Si les manquements du franchiseur ont contribué à l’échec de l’ouverture du restaurant dans le délai imparti de 6 mois, il n’est pas cependant démontré que ces manquements sont la seule cause de l’échec final du projet sur Bordeaux. Aussi, les époux Y seront déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice matériel.


Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes de dommages-intérêts de la société Healthy Groupe

La société Healthy Groupe réclame la somme de 200 628 euros à titre de dommages-intérêts du fait de la résiliation fautive du contrat de franchise, calculée sur la perte de redevances sur toute la durée du contrat et destinée à réparer :


- l’impossibilité d’avoir pu conférer le droit d’exploiter un magasin Jour à un autre candidat de sorte que l’enseigne n’a pas pu s’implanter sur le territoire de Bordeaux pendant le contrat de franchise,


- le temps et les frais engagés par Healthy Groupe en personnel et déplacements en vain pour accompagner les appelants dans leurs recherches de local qui n’a jamais aboutie,


- le préjudice d’image auprès des clients et des membres du réseau,


- la désorganisation du réseau, d’autres membres assistant à un départ non justifié d’un franchisé.


Elle sollicite également la somme de 10 000 euros au regard du comportement déloyal et fautif des appelants ayant quitté le réseau de manière brutale.


Il ressort de ce qui précède que les manquements du franchiseur ont contribué à l’échec de l’ouverture du magasin dans le délai contractuel et celui-ci n’apporte aucun élément précis sur le préjudice allégué, sachant que les frais invoqués sont compris dans le droit d’entrée et que les époux Y ont souhaité rapidement libérer la Zone de Bordeaux en résiliant le contrat de franchise dès le mois d’octobre 2017. Dès lors la société Healthy Groupe ne justifie pas de la réalité des préjudices invoqués et sera déboutée de ses demandes de dommages-intérêts. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les demandes au titre d’une procédure abusive


Compte tenu du sens de la décision rendue, les parties seront déboutées de leurs demandes respectives de dommages-intérêts pour procédure ou résistance abusive.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile


Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné in solidum la société Brichaca et les époux Y aux dépens de première instance et à verser la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


La société Healthy Groupe, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.


En application de l’article 700 du code de procédure civile, la société Healthy Groupe sera déboutée de sa demande et condamnée à verser à la société Brichaca et aux époux Y la somme de 12 000 euros.

PAR CES MOTIFS CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a :


- condamné la société BRICHACA et M et Mme Z et B Y à payer in solidum à la société HEALTHY GROUPE la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts pour résiliation fautive du contrat de franchise ,


- débouté la société BRICHACA de sa demande de dommages-intérêts,


- condamné in solidum la société BRICHACA et les époux Y aux dépens de première instance et à verser la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant de nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de franchise du 27 janvier 2017 aux torts partagés des sociétés JOUR DÉVELOPPEMENT devenue HEALTHY GROUPE et BRICHACA ;

CONDAMNE la société HEALTHY GROUPE à payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts à la société BRICHACA ;

DÉBOUTE la société BRICHACA du surplus de ses demandes à titre de dommages-intérêts ;

DÉBOUTE la société HEALTHY GROUPE de ses demandes de dommages-intérêts ;

CONDAMNE la société HEALTHY GROUPE aux dépens de première instance et d’appel ;

CONDAMNE la société HEALTHY GROUPE à payer à la société BRICHACA et à M et Mme Z et B Y la somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande.


LE GREFFIER LE PRESIDENT
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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 30 mars 2022, n° 20/06507