Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 7 février 2020, n° 17/07808

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRÊT DU 07 FEVRIER 2020

(n° , 25 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/07808 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3DSR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Février 2017 -Tribunal de Commerce d’EVRY – RG n° 15F00574

APPELANTES

SAS GROUPE NOCIBE FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lille sous le n°485 332 563

représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assistée de Me Pascal WILHELM, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : K0024

SAS NOCIBE FRANCE DISTRIBUTION

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lille sous le n°384 970 786

représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assistée de Me Pascal WILHELM, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : K0024

INTIMEES

SA X

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n°719 807 406

r e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Quentin SIGRIST, avocat plaidant du barreau de PARIS

SAS ARTERE

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’Evry sous le n°500 499 587

représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

assistée de Me Charles DECAP, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : R183

SAS ORACLE FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n°335 092 318

représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

assistées de Me Aurélie BONNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0445 substituant Me Rémy BRICARD, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P445

SAS DIGORA

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Strasbourg sous le n°404 091 035

représentée par Me Frédérique Y, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

assistée de Me Pierre GROETZ, avocat plaidant du barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 Novembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise BEL, Présidente de chambre

Mme Agnès COCHET-MARCADE, Conseillère

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Mme Françoise BEL, Présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties:

La société Oracle France est une société éditeur de logiciels qui commercialise ses produits par des concessions de licences d’utilisation.

Elle édite notamment un logiciel Oracle Commerce qui est une plate-forme e-commerce.

La société Nocibe France Distribution est une société qui exploite des instituts de beauté, elle est notamment spécialisée dans le négoce d’articles de parfumerie.

La société Groupe Nocibe France est une holding, présidente de la société Nocibe France Distribution.

La société Artere est spécialisée dans le conseil en systèmes et logiciels informatiques, apportant à sa clientèle un savoir-faire notamment dans la gestion et l’accompagnement de projet e-commerce, telle l’intégration dans un environnement informatique déjà existant chez ses clients, des solutions logicielles.

La société Digora est une entreprise de service numérique spécialiste de la gestion et de la valorisation de données. Elle distribue à ce titre des licences logicielles Oracle, IBM ou encore SQL Server.

La sociétéFranfinance est une société filiale de la Société Générale, spécialisée dans les opérations de crédit et en particulier le rachat de créances auprès de grands Groupes.

****

Le 30 août 2013 la société Oracle France et la société Nocibe France Distribution ont conclu un contrat de cession d’une solution logicielle au prix de 258 639,75 euros HT;

Le 7 mai 2014 la société Artere et la société Groupe Nocibe France ont conclu un « Contrat d’intégration et d’accompagnement pour la mise en 'uvre d’une plate-forme e-commerce », avec effet rétroactif au 1er septembre 2013.

La société Oracle a cédé sa créance sur la société Nocibe France Distribution à la société de crédit X, cession acceptée par la société Nocibe par acte du 13 novembre 2013.

Le 24 octobre 2013, la société Nocibe France Distribution et la société Digora ont conclu des « Contrats de base de données et de mise à jour » pour la somme totale de 46.759,06 euros.

La mise en production de la nouvelle plate-forme de la société Nocibe prévue lors de la conclusion du contrat d’intégration au mois de mars 2014, a été reportée à plusieurs reprises.

La SASU Nocibe a fait dresser procès-verbal de constats d’huissier les 4 , 5 septembre et 17 décembre 2014 et fait réaliser un audit du projet e-commerce ayant donné lieu à un rapport du 9 novembre 2014 concluant à la viabilité de la solution, laquelle nécessitait cependant des ajustements, des corrections des anomalies, un état des lieux du processus de recette, des tests de performance.

Par lettre recommandée du 29 décembre 2014 la société Groupe Nocibe France reprochant des manquements à la société Artere ainsi qu’une perte de confiance , a prononcé la résiliation du contrat avec effet immédiat et mis en demeure cette société de lui verser diverses astreintes contractuelles et de lui remettre divers livrables.

Par acte en date du 7 juillet 2015 les sociétés Groupe Nocibe France et Nocibe France Distribution ont assigné au visa des articles 1134, 1147 et 1149 du code civil ( dans sa version antérieure au 1eroctobre 2016), les sociétés Oracle, Artere, Digora et X devant le tribunal de commerce d’Evry aux fins de voir condamner au principal les sociétés Oracle, Artere in solidum à leur payer la somme de 1.320 721,74 euros au titre de l’indemnisation des préjudices qu’elles estiment avoir subis résultant de l’échec du projet de plate-forme et autres demandes, la société Digora à restituer à la société Nocibe France Distribution la somme de 46.759,06 euros et la société X à restituer à la société Nocibe France Distribution la somme de 309.333,14 euros.

Les sociétés défenderesses se sont opposées aux demandes, la société Oracle contestant essentiellement toute relation contractuelle entre elle-même et le Groupe Nocibe France, toute indivisibilité ou interdépendance entre les contrats conclus entre elle-même et la société Nocibe France Distribution et entre la société Artere et la société Groupe Nocibe France et sollicitant le payement d’une facture de support, la société Artere soutenant les défaillances de Nocibe dans ses obligationset concluant au payement de ses factures et à l’indemnisation de ses préjudices, la société Digora faisant valoir essentiellement l’irrecevabilité des demandes formées à son encontre pour absence de fondement contractuel, la société X concluant au débouté et s’associant à l’argumentation développée par la société Oracle.

Par jugement du 22 février 2017 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce d’Evry:

a débouté la société Oracle de sa demande en payement au titre du support 2015, au motif d’un payement de ses factures par la société Nocibe,

a donné acte à la société Artere de ce qu’elle a produit les attestations d’assurance sur 2014 et 2015,

a débouté les sociétés Nocibe France Distribution et Groupe Nocibe France de leurs demandes d’indemnisation des préjudices subis concernant la société Oracle,

a condamné la société Groupe Nocibe France à payer à la société Artere la somme de 112 200 euros au titre de la facture Amazon, la somme de 71. 556 euros en deniers ou quittances valables au titre du solde du prix forfaitaire de 378 140 euros, énonçant que les sociétés Nocibe France Distribution et Groupe Nocibe France étaient seules responsables de la rupture, et débouté la société Artere de toute autre demande sur les factures indues et sur les demandes en dommages et intérêts,

a débouté la société Groupe Nocibe France de sa demande au titre de l’astreinte,

a condamné la société Artere et la société Oracle au paiement par moitié chacune de la somme de 100 000 euros, soit 50 000 euros pour la société Artere et 50 000 euros pour la société Oracle au titre de l’indemnisation des préjudices subis par les sociétés Nocibe France Distribution et Groupe Nocibe France,

a débouté les sociétés Groupe Nocibe France et Nocibe France Distribution de l’ensemble des demandes faites à l’égard de la société X,

a dit le Groupe Nocibe France irrecevable en ses demandes à l’encontre de la société Digora pour défaut de qualité à agir sur le fondement contractuel,

a débouté les sociétés Groupe Nocibe France et Nocibe France Distribution de leur action vis à vis de la société Digora, constatant que le contrat de vente de licence est conclu entre la société Digora et Nocibe France Distribution et qu’il n’y a aucune relation contractuelle entre la société Digora et le Groupe Nocibe France, débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires au présent jugement,

a débouté les sociétés Nocibe France Distribution, Groupe Nocibe France , Oracle et Artere de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

a condamné in solidum les sociétés Groupe Nocibe France et Nocibe France Distribution à payer à la société X une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, a condamné in solidum les sociétés Groupe Nocibe France et Nocibe France Distribution à payer à la société Digora une somme de 5 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile , aux entiers dépens.

Sur le fond le tribunal a jugé que la société Artere a failli à ses obligations essentielles et fait preuve d’un manque de professionnalisme en n’ayant pas su maîtriser les livraisons, ni les budgets, ni la prestation qui a augmenté financièrement à mesure de l’avancement alors que le projet était global et forfaitisé, de même qu’elle n’a pas su maîtriser les délais de livraisons qui se sont accrus à mesure du temps.

Le tribunal a jugé cependant qu’au vu des pièces il était impossible de déterminer avec certitude si la responsabilité de ces aléas incombait à la maîtrise d’oeuvre, à la maîtrise d’ouvrage ou au deux.

Le tribunal a jugé que les sociétés Nocibe France Distribution et Groupe Nocibe France étaient seules responsables de la rupture en ce qu’elles avaient choisi de mettre fin au projet alors que les griefs pour justifier de cet arrêt ne correspondaient à aucune violation d’une obligation contractuelle mise à la charge de la société Oracle, qu’une responsabilité incombait tant aux sociétés Artere qu’aux sociétés Nocibe sur le suivi du projet mais que la rupture avait eu lieu au mépris des dispositions contractuelles sans mise en demeure de la société Artere de faire ou de faire valoir ses observations sur les reproches formulés alors que le projet en était à la phase corrective de sorte que seule les sociétés Nocibe étaient responsables de la rupture.

Le tribunal en a conclu que les sociétés Oracle et Artere devaient donc être payées du prix initial convenu puisqu’il était de la responsabilité de la société Nocibe de ne pas avoir voulu disposer de la chose. Le tribunal a décidé que la totalité des sommes forfaitaires devaient être payées à la société Artere et qu’il restait dû sur le montant forfaitaire initial la somme de 71.556 euros. Le tribunal a également décidé que la facture d’hébergement de la société Amazon indépendante des forfaits devait également être payée par la société Nocibe soit la somme de 112.200 euros mais a cependant débouté la société Artere des autres compléments de facture en ce que le projet n’était pas arrivé en phase de finalisation.

La demande d’astreinte au titre des retards de livraison formée par la société Nocibe est rejetée par le premier juge , dans la mesure où il ne ressort pas du contrat et de son annexe qu’une date de livraison a été signée et acceptée de façon contractuelle.

La société Artere est déboutée par le tribunal de ses demandes en indemnisation de son préjudice commercial en l’absence de démonstration de son préjudice, la société Artere n’ayant pas su maîtriser le projet, et de sa demande en indemnisation du préjudice d’image face à la société Oracle, sa responsabilité étant partagée avec la société Nocibe.

Le tribunal a condamné la société Oracle et la société Artere au paiement par moitié chacune de la somme de100.000 euros aux sociétés Nocibe au titre de l’indemnisation des préjudices que ces dernières ont subis à raison de la confusion provoquée par l’offre commune formulée conjointement par les sociétés Oracle et Artere, considérant que la société Nocibe n’aurait peut être jamais contracté avec la société Artere si elle n’avait pas été introduite par la société Oracle.

Le tribunal a débouté les sociétés Nocibe de leur demande de restitution de la somme réglée au titre de la créance cédée par la société Oracle à la société X fondée sur les articles L.313-23 du code monétaire et financier et 1165 du code civil, la cession du contrat de licence ayant été acceptée et les sociétés Nocibe ne pouvant donc ni s’opposer au paiement de cette dernière ni solliciter la restitution de la créance réglée en vertu d’un engagement autonome distinct du contrat de licence.

Il a déclaré irrecevable la société Groupe Nocibe France en ses demandes à l’encontre de la société Digora sur le défaut de qualité à agir sur le fondement contractuel dans la mesure où le contrat de vente de licence avait été conclu entre la société Digora et la société Nocibe France Distribution et qu’il n’y avait donc aucune relation contractuelle entre la société Digora et la société Groupe Nocibe France.

La société Nocibe France Distribution est déboutée par les premiers juges de ses demandes formées contre la société Digora, ne faisant pas la preuve d’un lien exclusif entre les licences vendues par la société Digora et le contrat signé avec la société Artere, en l’absence de solidarité dans le projet en cause entre les sociétés Digora et Artere, entre les sociétés Digora et Oracle et en l’absence de manquement démontré à l’encontre de la société Digora dans l’exécution du contrat de vente.

Par déclaration au greffe en date du 11 avril 2017, les sociétés Nocibe France Distribution et Groupe Nocibe France ont relevé appel du jugement.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 30 octobre 2017 par les sociétés Nocibe France Distribution et Groupe Nocibe France aux fins de voir la cour:

Vu les articles 1134, 1147 et 1149 du code civil (version antérieure au 1er octobre 2016),

Vu les articles 42 et 48 combinés du code de procédure civile,

Vu l’article 90 du code de procédure civile,

Vu les articles 74, 138 et 142 du code de procédure civile,

Vu le Contrat d’intégration,

Vu le Contrat de licence,

Vu les Contrats de base de données et de mise à jour,

Sur la compétence du tribunal de commerce d’Evry :

A titre principal,

Confirmer le jugement du 22 février 2017 en ce que le tribunal de commerce d’Evry s’est déclaré compétent,

A titre subsidiaire, si la cour devait infirmer le jugement sur la compétence,

Statuer au fond pour trancher le présent litige,

Sur le fond du litige :

Confirmer le jugement du 22 février 2017 en ce qu’il a dit les sociétés Groupe Nocibe France et Nocibe France Distribution recevables en leurs demandes,

Confirmer le jugement du 22 février 2017, en ce qu’il a débouté les sociétés Oracle France, Artere, Digora et X de leurs demandes et prétentions,

Infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau :

Condamner les sociétés Oracle France et Artere, in solidum, au paiement de la somme de 1 320 721,40 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamner la société Artere au paiement de l’astreinte prévue dans le Contrat d’intégration pour le retard sur le calendrier, à hauteur de 57 750 euros,

Condamner la société Artere à la restitution de la somme de 183 756 euros au titre de l’anéantissement rétroactif du Contrat d’intégration,

Condamner les sociétés Digora et X à la restitution des sommes respectives de 46 759,06 euros et 309 333,14 euros, au titre de la caducité de leurs contrats, indivisibles du Contrat d’intégration.

A titre subsidiaire, et s’il était jugé que l’article L313-29 du code monétaire et financier faisait obstacle à la restitution de cette somme par la société X :

Condamner la société Oracle France à garantir la société Nocibe France Distribution de la restitution de la somme de 309 333,14 euros, le tout avec intérêts au taux légal à compter de la date du 17 avril 2015, ce avec anatocisme ;

En tout état de cause,

Ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil;

Condamner in solidum les sociétés Oracle France et Artere au paiement de la somme de 50 000

euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner les sociétés Digora et X au paiement de la somme de 5 000 euros, chacune, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner in solidum les sociétés Oracle France et Artere aux entiers dépens.

A titre liminaire, sur la compétence du tribunal de commerce d’Évry, la partie appelante fait valoir que le tribunal de commerce d’Évry était compétent en première instance en raison de la mise en échec de la clause attributive de compétence contenue dans le contrat par application de l’article 42 du code de procédure civile en présence de plusieurs défendeurs au litige, la clause dont se prévaut la société Oracle n’étant opposable qu’à la société Nocibe France Distribution, et de l’indivisibilité du litige. Elle ajoute, sur le fondement de l’article 90 du code de procédure civile l’ obligation pour la cour, en tout état de cause, de statuer au fond.

La partie appelante réplique, sur le moyen d’irrecevabilité que dès lors qu’elle invoque l’indivisibilité des contrats conclus, son action conjointe à l’encontre de toutes les parties concernées en vue d’obtenir l’anéantissement en chaîne de ces contrats, chacune des société Nocibe a intérêt et qualité à agir, sur le fondement contractuel à son encontre.

Elle indique que les notions d’interdépendance et d’indivisibilité contractuelle se fondent à la fois sur la demande de condamnation solidaire des sociétés Artere et Oracle, au titre de la réparation du préjudice subi par Nocibe pour l’échec de l’intégration de la solution logicielle achetée auprès de la société Oracle et le prononcé de la caducité du Contrat de licence et des Contrats de base de données et de mise à jour de la licence Oracle, conclus avec les sociétés Oracle France et Digora, dès lors qu’est résolu le Contrat d’intégration.

Au fond, la partie appelante argue de la résolution pour inexécution fautive du contrat d’intégration par la société Artere, par application de l’article 24.1 du Contrat d’intégration,

par acquisition de la clause résolutoire du contrat précité , à titre principal, en raison des manquements de la société Artere à ses obligations essentielles, qualifiées d’ obligations de résultat. Elle indique qu’il pesait sur la société Artere une obligation de performance dans la réalisation des prestations ainsi qu’une obligation de célérité au titre de l’article 8.3 du contrat d’intégration qui n’ont pas été exécutées. Elle indique également que la société Artere a fait preuve d’un manque de professionnalisme tel qu’il ressort des échanges qu’elle produit entre juin et septembre 2014 et des constats d’huissiers réalisés qui attestent de ses défaillances.

Elle fait valoir au vu de ces éléments que l’échec du projet de plateforme est intégralement imputable au manque d’investissement et de compétence de la société Artere ce qui la conduit à mettre en 'uvre la clause résolutoire du contrat. Elle explique qu’elle a par ailleurs respecté les modalités de mise en 'uvre de la clause résolutoire prévues à l’article 24-1 du contrat d’intégration par diverses mises en demeure répétées qui n’ont jamais reçu de réponse.

A titre subsidiaire, la partie appelante demande à la cour de constater la résolution unilatérale du contrat d’intégration par lettre recommandée du 29 décembre 2014 en raison des manquements graves de la société Artere à ses obligations.

L 'appelante fait également valoir qu’il résulte de la résolution du Contrat d’intégration aux torts exclusifs de la société Artere que cette dernière ne peut prétendre au paiement de factures supplémentaires et qu’elle doit intégralement rembourser les factures qui lui ont été réglées par la société Nocibe et demande ainsi à la cour d’infirmer le jugement du tribunal de commerce d’Évry en ce qu’il l’a condamnée au paiement de la somme de 183 756 euros pour condamner la société Artere à la restitution de ladite somme et de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Artere de

ses demandes d’indemnisation qui n’apparaissent pas justifiées.

L’appelante ajoute que la société Artere doit également être condamnée au paiement de la pénalité prévue à l’article 15-4 du contrat d’intégration en ce que cette dernière n’a pas respecté les délais convenus dans le calendrier tel qu’il ressortait du contrat et se conformer sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de sa décision, à ses obligations de restitution et de suppression telles que prévues à l’article 24.4 du contrat d’intégration.

Elle fait valoir que la condamnation des sociétés Oracle et Artere à l’indemnisation des préjudices qu’elle a subis doit être solidaire en ce conformément à l’article 22-4 du contrat d’intégration instituant un mécanisme de responsabilité solidaire. Elle dit ainsi que ces deux sociétés doivent être condamnées à l’indemniser de l’intégralité des préjudices résultant de l’échec du projet de plateforme e-commerce et qu’elle est fondée à ce titre à demander l’indemnisation de l’intégralité des pertes subies c’est-à-dire l’indemnisation pour les frais dépensés par elle au titre des prestations complémentaires.

Enfin l’appelante considère que le contrat de licence et les contrats de base de données et de mise à jour sont caducs du fait de la résolution du contrat d’intégration en raison du caractère indivisible de ces contrats qui constituent un même ensemble contractuel. Elle demande en conséquence la restitution intégrale du prix versé par elle en vertu du contrat de licence et des contrats de base de données et de mise à jour.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 6 mars 2019 par la société Artere tendant à voir la cour:

Vu les articles 1134 et 1147 du Code civil,

Vu les dispositions contractuelles,

Déclarer les sociétés Nocibe France Distribution et Groupe Nocibe France mal fondées en leur appel.

Les en débouter, ainsi que de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

Déclarer la société Artere recevable et bien fondée en son appel incident.

En conséquence :

Confirmer le jugement du 22 février 2017 en ce qu’il dit que les sociétés Nocibe France Distribution et Groupe Nocibe France sont seules responsables de la rupture;

Infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau :

Condamner les sociétés Groupe Nocibe France et Nocibe France Distribution in solidum à payer à la société Artere la somme de 260.712 euros TTC au titre des factures impayées relatives aux prestations complémentaires réalisées par la société Artere ainsi que la facture relative à l’hébergement Amazon ;

Condamner les sociétés Groupe Nocibe France et Nocibe France Distribution in solidum à payer à la société Artere les sommes de 151.256 euros et 100.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice commercial subis par la société Artere ;

Condamner les sociétés Groupe Nocibe France et Nocibe France Distribution in solidum à payer à la société Artere la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice d’image subi par la société Artere ;

Débouter purement et simplement les sociétés Groupe Nocibe France et Nocibe France Distribution de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

Condamner les sociétés Groupe Nocibe France et Nocibe France Distribution in solidum à payer à la société Artere la somme de 25.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

La société Artere intimée soutient que la société Nocibe a été défaillante dans l’accomplissement de ses obligations essentielles et de collaboration en amont du projet ce qui la mise dans l’incapacité de réaliser ses propres obligations. Ainsi elle soutient que seule la société Nocibe est responsable de son propre préjudice et que sa demande est mal fondée.

Plus particulièrement s’agissant des défaillances de la société Nocibe elle fait valoir que cette dernière a failli dans la mise à disposition d’une équipe dédiée et nécessaire ainsi qu’elle s’y était engagée et conformément à son obligation générale de collaboration. Elle ajoute que la société a également été défaillance dans la gestion du projet, qu’elle est responsable du report de calendrier de livraison et des anomalies rencontrées en ne fournissant pas à la société Artere les moyens nécessaires en vue de la réalisation de ses prestations.

L’intimée soutient également que la résiliation est abusive et aux torts exclusifs de la société Nocibe laquelle n’a pas respecté les dispositions de l’article 24-1 du contrat d’intégration, en n’adressant aucune lettre de mise en demeure préalable à la résiliation du contrat.

Par ailleurs elle soutient que la société Nocibe est mal fondée à demander sur le fondement de l’article 1147 du code civil la réparation du préjudice subi du fait de l’inexécution des obligations de la société Artere, la société Nocibe étant responsable de l’échec du projet.

A titre reconventionnel elle fait valoir qu’elle a subi des préjudices. Elle explique que des factures non contestées n’ont pas été payées par la société Nocibe et en demande le règlement. Elle explique par ailleurs qu’en résiliant le contrat de manière unilatérale sans préavis et sans justifier de manquements imputables à la société Artere, la société Nocibe lui a causé un préjudice certain et direct ; qu’elle a notamment subi un préjudice commercial du fait de ce comportement et réclame l’indemnisation à hauteur des sommes qu’elle aurait dû percevoir au terme du contrat et correspondant donc au solde de la commande passée par la société Nocibe. Enfin elle fait valoir que les agissements et les propos mensongers de la société Nocibe ont eu un impact important sur l’image et la réputation de la société Artere, préjudice qu’il convient de réparer.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 18 octobre 2017 par la société Oracle tendant à voir la cour:

Vu les articles 48 et 77 du Code de procédure civile,

Vu les articles 1134, 1147, 1165, 1382 et 1383 du Code civil,

In limine litis,

Infirmer le jugement susvisé en ce qu’il a retenu la compétence du tribunal de commerce d’Evry

Constater qu’Oracle avait soulevé une exception d’incompétence in limine litis et n’y avait pas renoncé devant les premiers juges;

Dire et juger que le tribunal de commerce de Paris est compétent ;

En conséquence,

Renvoyer l’affaire devant le tribunal de commerce de Paris.

A titre subsidiaire, et dans l’hypothèse où les manquements contractuels d’Artere seraient retenus par la cour

Infirmer le jugement susvisé en ce qu’Oracle a été (i) déboutée de sa demande de paiement à hauteur de 6.989,26 euros au titre du support 2015, (ii) condamnée au paiement de 50.000 euros au titre de l’indemnisation des préjudices subis par les sociétés Nocibe France Distribution et Groupe Nocibe France, (iii) déboutée de sa demande de condamnation d’Artere à la relever et garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre tant à titre principal qu’à titre accessoire, (iv) déboutée de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Constater que le Contrat de licence est conclu entre Oracle et Nocibe France Distribution;

Constater l’absence de relation contractuelle entre Oracle et Groupe Nocibe France;

Dire et juger qu’Oracle n’a commis aucun manquement ;

Dire et juger qu’il n’existe aucune solidarité entre Oracle et Artere ;

Dire et juger que les contrats conclus entre Oracle et Nocibe France Distribution et entre Artere et Groupe Nocibe France ne sont pas indivisibles ou interdépendants ;

En conséquence,

Dire et juger le Groupe Nocibe France irrecevable à l’encontre d’Oracle pour défaut de qualité à agir sur le fondement contractuel ;

Dire et juger Nocibe France Distribution mal fondée en ses demandes dirigées contre Oracle;

Dire et juger que le contrat conclu entre Nocibe France Distribution et Oracle n’est pas caduc ;

Condamner Nocibe France Distribution à payer à Oracle la somme de 6.989,26 euros au titre du support pour l’année 2015 ;

Débouter Nocibe France Distribution et Groupe Nocibe France de toutes demandes de condamnations à l’encontre d’Oracle ;

Confirmer le jugement pour le surplus.

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire l’indivisibilité des contrats conclus entre Oracle / Nocibe France Distribution et Artere / Groupe Nocibe France était retenue,

Dire et juger qu’Oracle n’a commis aucun manquement ;

Dire et juger que l’ensemble des manquements à l’origine de l’échec du projet sont imputables à Artere ;

En conséquence,

Prononcer la caducité du Contrat de licence aux torts exclusifs d’Artere ;

Débouter X de toutes ses demandes, fins et conclusions formées à titre incident à l’encontre d’Oracle ;

Condamner Artere à relever et garantir Oracle de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre tant à titre principal qu’à titre accessoire.

En tout état de cause,

Condamner in solidum Nocibe France Distribution et Groupe Nocibe France à verser à Oracle la somme de 40.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile dont distraction au profit du Cabinet Teytaud – Saleh en application de l’article 699 du Code de procédure civile ;

Condamner Nocibe France Distribution et Groupe Nocibe France aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître TEYTAUD, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile .

In limine litis, l’intimée Oracle soutient sur le fondement de l’article 77 du code de procédure civile que le tribunal de commerce d’Evry était incompétent en première instance en vertu d’une clause attributive de compétence présente dans le contrat de licence et qu’il aurait dû statuer sur l’existence ou non d’une indivisibilité et d’une interdépendance entre le contrat de licence et le contrat d’intégration pour se prononcer sur sa compétence, et non pas statuer sur le litige au fond.

Elle fait valoir que l’absence d’indivisibilité des demandes et d’interdépendance entre ces contrats fait obstacle à l’application de l’article 42 alinéa 2 du Code de procédure civile et que la clause attributive contenue dans le contrat conclu entre elle et la société Nocibe France Distribution

valide entre les parties ayant toutes contractées en qualité de commerçant et dont la validité formelle ne saurait être contestée, donnait compétence au tribunal de commerce de Paris de sorte que sur le fondement de l’article 48 du code de procédure civile le tribunal de commerce d’Evry aurait dû se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris.

A titre subsidiaire, dans la mesure où aucune faute ne lui est reprochée elle entend s’en rapporter à l’appréciation de la cour quant au bien fondé des griefs invoqués par la société Nocibe contre la société Artere et qui seraient à l’origine de l’échec du Projet.

Elle soutient en tout état de cause, que dans l’hypothèse où les manquements contractuels de la société Artere seraient retenus par la cour, en l’absence de responsabilité solidaire entre elle et cette dernière aucune condamnation in solidum avec la société Artere ne peut être prononcée. Elle explique en effet qu’il ne ressort pas de leur volonté d’avoir voulu établir une responsabilité solidaire entre elles et qu’il ne peut être invoqué les dispositions du contrat d’intégration pour faire peser sur elle une responsabilité solidaire alors qu’elle est tiers à ce contrat.

Elle soutient par ailleurs que le contrat de licence et le contrat d’intégration ne sont pas interdépendants et qu’il ne peut donc être prononcé la caducité du Contrat de licence et en conséquence la restitution des sommes versées au titre du Contrat de licence ou des contrats de support.

Elle fait également valoir sur le fondement des articles 1165 du code civil et 122 du code de procédure civile que la société Groupe Nocibe France est irrecevable en ses demandes formulées à son encontre en ce qu’elles ne sont pas liées contractuellement.

A titre infiniment subsidiaire, l’intimée Oracle fait valoir que dans le cas où la cour jugerait que le contrat de licence est caduc en raison de l’indivisibilité avec le Contrat d’intégration et en l’absence de faute de sa part, elle demande à ce que la société Artere la garantisse de toute condamnation.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 31 août 2017 par la société Digora aux fins de voir la cour:

Vu les articles 1186, 1199, 1363, 1382, 1383 et 1589 du Code civil,

Débouter les parties appelantes de l’ensemble de leurs demandes et, conséquemment, de confirmer le jugement entrepris.

A titre subsidiaire, et dans l’hypothèse où les manquements contractuels d’Artere seraient retenus par la cour:

Constater que le Contrat de vente de licence est conclu entre la société Digora et Nocibe France Distribution;

Constater l’absence de relation contractuelle entre la société Digora et le Groupe Nocibe France;

Dire et juger que la société Digora n’a commis aucun manquement ;

Dire et juger qu’il n’existe aucune solidarité entre Digora et Artere ;

Dire et juger qu’il n’existe aucune solidarité entre Digora et Oracle ;

Dire et juger que les contrats conclus entre Digora et Nocibe France Distribution et entre Artere et Groupe Nocibe France, dont les objets sont totalement différents, ne sont pas indivisibles;

En conséquence,

Dire et juger le Groupe Nocibe France irrecevable à l’encontre de la société Digora pour défaut de qualité à agir sur le fondement contractuel ;

Dire et juger Nocibe France Distribution mal fondée en ses demandes dirigées contre la société Digora ;

Constater que les licences vendues par la société Digora à la société Nocibe France Distribution sont des licences non limitées au seul projet qu’elle a conclu avec la société Artere ;

Constater que la société Nocibe France Distribution n’apporte en rien la preuve d’un lien exclusif entre lesdites licences vendues par la société Digora et le contrat signé avec la société Artere ;

Constater que les dispositions de l’article 1186 du code civil ne sont pas réunies ;

En conséquence :

Dire et juger que le contrat de vente conclu entre Nocibe France Distribution et Digora n’est pas caduc ;

Débouter NocibeFrance Distribution et Groupe Nocibe France de toutes demandes de condamnations à l’encontre de Digora ;

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire l’indivisibilité des contrats conclus entre Oracle / Nocibe France Distribution et Artere / Groupe Nocibe France était retenue :

Dire et juger le Groupe Nocibe France irrecevable à l’encontre de la société Digora pour défaut de qualité à agir sur le fondement contractuel;

Dire et juger Nocibe France Distribution mal fondée en ses demandes dirigées contre la société Digora ;

Constater que les licences vendues par la société Digora à la société Nocibe France Distribution sont des licences non limitées au seul projet qu’elle a conclu avec la société Artere ;

Constater que la société Nocibe France Distribution n’apporte en rien la preuve d’un lien exclusif entre lesdites licences vendues par la société Digora et le contrat signé avec la société Artere ;

Constater que les dispositions de l’article 1186 du code civil ne sont pas réunies ;

En conséquence :

Dire et juger que le contrat de vente conclu entre Nocibe France Distribution et Digora n’est pas caduc ;

Débouter Nocibe France Distribution et Groupe Nocibe France de toutes demandes de condamnations à l’encontre de Digora ;

A titre très infiniment subsidiaire, si par extraordinaire l’indivisibilité des contrats conclus entre d’une part Oracle / Nocibe France Distribution, d’autre part Artere / Groupe Nocibe France et, enfin, Digora / Groupe Nocibe France était retenue :

Dire et juger que la société Digora n’a commis aucun manquement ;

Dire et juger que l’ensemble des manquements à l’origine de l’échec du projet sont imputables à Artere ;

En conséquence,

Prononcer la caducité du Contrat de vente de licences aux torts exclusifs d’Artere ;

Condamner Artere à relever et garantir la société Digora de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre.

A titre reconventionnel

Condamner in solidum Nocibe France Distribution et Groupe Nocibe France à verser à la société Digora la somme de 100.000 euros de dommages et intérêts ;

En tout état de cause :

Condamner in solidum Nocibe France Distribution et Groupe Nocibe France à verser à la société Digora la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour couvrir l’ensemble des frais engagés dans les deux instances;

Condamner Nocibe France Distribution et Groupe Nocibe France aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Y en application de l’article 699 du code de procédure civile .

A titre liminaire l’intimée Digora soutient sur le fondement des articles 56-2 et 122 du code de procédure civile ainsi que l’article 1199 du code civil que la société Groupe Nocibe France est irrecevable en ses demande en ce qu’il n’existe aucun lien contractuel entre elles. Elle indique n’avoir pas non plus de lien contractuel avec la société Artere et n’avoir contracté qu’avec la société Nocibe France Distribution.

A titre principal, la société Digora soutient sur le fondement de l’article 1589 du code civil que le contrat conclu entre elle et la société Nocibe Distribution France était valide et qu’aucun

manquement ne peut lui être reproché au titre de ce contrat. Elle demande ainsi que les appelantes soient déboutées de leur action contre elle.

Elle soutient également que les appelantes n’apportent pas la preuve d’un lien entre l’achat de licences auprès d’elle et les accords conclus avec les sociétés Artere et Oracle de sorte que la vente ne peut pas être annulée.

Elle fait valoir sur le fondement de l’article 1186 du code civil qu’il n’existe aucun lien juridique et ou contractuel dès lors qu’aucun élément essentiel du contrat n’a disparu et qu’elle n’a par ailleurs jamais été informée de l’existence des contrats conclus entre les sociétés appelantes et les sociétés Artere et Oracle.

Ainsi, la société Digora dit qu’il n’y a aucune indivisibilité entre les licences achetées par la société Nocibe France Distribution auprès de la société Digora et les projets conclus entre la société Groupe Nocibe France et la société Artere. Elle explique que le contrat de vente de licence entre elle-même et la société Nocibe France Distribution constitue un troisième contrat ce qui empêche tout indivisibilité avec le contrat d’intégration.

De même, elle explique qu’il n’y a pas d’indivisibilité entre les licences achetées par la société Nocibe France Distribution auprès d’elle et les projets conclus entre la société Nocibe France Distribution et la société Oracle.

Elle demande que dans l’hypothèse où le contrat de licence, le contrat d’intégration et le contrat de vente de licence seraient jugés indivisibles que la société Artere la garantisse de toute condamnation en ce qu’elle n’est responsable d’aucun manquement au titre de ces contrats.

Enfin, à titre reconventionnel elle demande à la cour de condamner les sociétés appelantes à lui payer la somme de 100.000 euros de dommages et intérêts pour les préjudices qu’elle estime avoir subis.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 24 août 2017 par la société X aux fins de voir la cour:

Vu les dispositions de l’article L313-29 du Code monétaire et financier,

Vu l’acte d’acceptation de cession de créances du 13 novembre 2013,

Confirmer le jugement prononcé le 22 février 2017 par le tribunal de commerce d’Evry en ce qu’il a :

Débouté les sociétés Groupe Nocibe France et Nocibe France Distribution de l’ensemble de ses demandes à l’égard de la société X,

Condamné in solidum les sociétés Groupe Nocibe France et Nocibe France Distribution à payer à X la somme de 4.000,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Mettre hors de cause la société X s’agissant des autres prétentions.

Débouter les sociétés Groupe Nocibe France et Nocibe France Distribution de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

Subsidiairement

Constater que la société X s’associe à l’argumentation développée par la société Oracle France.

Débouter les sociétés Groupe Nocibe France et Nocibe France Distribution de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

Très subsidiairement

Vu les dispositions de l’article L313-23 du Code monétaire et financier,

Condamner la société Oracle France à garantir la société X de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre tant à titre principal qu’à titre accessoire.

En tout état de cause

Condamner la partie succombante à régler à la société X la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code procédure civile.

Condamner la partie succombante aux entiers dépens de la présente instance.

L’intimée la société X soutient sur le fondement des articles L. 313-23 et L. 313-29 du code monétaire et financier que les exceptions invoquées par la société Nocibe lui sont inopposables en raison de la régularisation de l’acte d’acceptation de la créance cédée, que la société Nocibe ne pouvait donc pas s’opposer au paiement de la créance cédée ni se prévaloir du non respect de la convention par le cédant ou le cessionnaire de la convention convenue entre eux et qu’elle n’est dès lors pas fondée à solliciter la restitution de la créance réglée.

Elle ajoute que s’il était fait droit aux demandes des sociétés appelantes notamment concernant le contrat de licence, la société Oracle devra la garantir en ce qu’elle aurait alors transmis une créance qui n’était pas exigible comme l’impose l’article L. 313-23 du Code monétaire et financier.

Motifs

La Cour renvoie, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées

1.Sur l’exception d’incompétence:

En application de l’article 78 du code de procédure civile dans ses dispositions en vigueur à la date de la présente instance, 'Si le juge se déclare compétent et statue sur le fond du litige dans un même jugement , celui-ci ne peut être attaqué que par la voie de l’appel, soit dans l’ensemble de ses dispositions s’il est susceptible d’appel, soit du chef de la compétence dans le cas où la décision sur le fond est rendue en premier et dernier ressort.'.

En l’espèce, le tribunal de commerce d’Evry a statué dans son dispositif sur le fond du litige par le jugement entrepris, après avoir mentionné dans l’exposé de la procédure que 'le juge chargé d’instruire l’affaire a entendu les parties représentées le 21/09/2016, date à laquelle les parties se sont mis d’accord sur l’exception d’incompétence et ont confié l’affaire au tribunal de commerce d’Evry et le 7/12/2016 pour les plaidoiries ou toutes les parties étaient représentées.'

Statuant sur le fond sans mentionner au dispositif un quelconque accord des parties sur l’exception d’incompétence, le tribunal s’est implicitement déclaré compétent.

Ce jugement prononçant au fond faisant l’objet de l’appel, présente la cour saisie en vertu de l’effet dévolutif de l’appel doit statuer sur l’ensemble du litige, de sorte que le soutien de l’exception d’incompétence au profit du tribunal de commerce de Paris, fondée sur la stipulation d’une clause attributive de compétence au profit de ce tribunal à laquelle la société Oracle prétend n’avoir pas

renoncé , est sans objet.

****

2.Sur la recevabilité des demandes formées par la société Groupe Nocibe France à l’encontre de la société Digora et de la société Oracle:

La partie appelante soutient l’indivisibilité des contrats conclus par la société Groupe Nocibe France et par la société Nocibe France Distribution ainsi que le « fondement contractuel » qui s’impose en l’espèce au regard de l’objet des demandes : l’anéantissement de cinq contrats indivisibles. Elle précise que la souscription par deux entités Nocibe distinctes est uniquement une question de politique d’investissement et de répartition des charges, que les contrats souscrits étaient complémentaires et participaient tous de la réalisation d’une seule et même opération : le projet de la nouvelle plate-forme e-commerce de Nocibe .

Les deux sociétés intimées concluent à l’irrecevabilité de la société Groupe Nocibe France pour défaut de qualité à agir sur le fondement contractuel.

La société Oracle soutient l’absence d’interdépendance ou d’indivisibilité entre le Contrat de licence et le Contrat d’intégration, et l’absence d’indivisibilité des demandes, la demande de condamnation solidaire formée par Nocibe ne servant qu’à créer artificiellement une indivisibilité juridique.

La société Digora oppose à la demande en restitution de sommes formée par la partie appelante sur le fondement de la caducité des contrats l’irrecevabilité de la société Groupe Nocibe France en ce qu’elle n’a contracté qu’avec la seule société Nocibe France Distribution selon une proposition commerciale de vente de licence Oracle, en vertu de l’article 1199 du code civil.

L’une et l’autre se prévalent de l’effet relatif des conventions.

Il résulte des productions que les parties ont conclu les divers contrats suivants:

La société Nocibe France Distribution a conclu avec la société Oracle un contrat de licence le 30 août 2013.

La société Nocibe France Distribution a conclu avec la société Digora un contrat de licence et mise à niveau le 24 octobre 2013.

La société Groupe Nocibe France a conclu le 7 mai 2014 avec la société Artere un contrat d’intégration et d’accompagnement aux termes duquel , il est expressément énoncé en préambule de l’acte que:

2:(…) En avril 2013, Nocibe a lancé un grand projet de plateforme e-commerce (ci-après dénommée la 'Plateforme') accessible et exploitable par l’ensemble des établissements, des entreprises et des enseignes de Nocibe (ci-après indistinctement les 'magasins de Nocibe').

Oracle a répondu à l’appel d’offre conjointement avec Artere, Oracle en qualité d’éditeur d’une solution logicielle adaptée aux besoins et correspondant aux attentes de Nocibe (ci- après la << Solution '') tels que décrit dans le cahier des charges (complété ultérieurement par les spécifications fonctionnelles générales jointes en annexe 7) et Artere en qualité de fournisseur et d’intégrateur de ladite solution logicielle et de créateur de la Plate-forme.

3.

C’est donc en ayant parfaitement connaissance des objectifs de Nocibe et de l’activité de Nocibe, que le binôme Oracle/Artere a remis à Nocibe les éléments de leur réponse et de leurs engagements complémentaires pour la réalisation de la Plate-forme.

Nocibe a ainsi décidé de con’er au binôme Oracle/Artere : (i) la fourniture de la Solution, (ii) la création de la Plate-forme grâce à l’intégration de l’environnement des systèmes d’information existants des magasins de Nocibe et la migration de leurs données, (iii) l’hébergement de la Solution et de la Plate-forme (en ce compris l’ensemble des données actuelles et à venir), (iv) la maintenance de la Solution et de la Plate-forme (en ce compris la sauvegarde des données de la Plate-forme, et (vi) l’accompagnement et le conseil relatifs à la maîtrise, l’exploitation et l’évolution de la Plate-forme.

Le contrat de licence de logiciel (la Licence) indissociable du projet d’intégration et signé avec Oracle fait l’objet d’un autre document. Celui-ci est repris en annexe de ce contrat d’intégration.

La Solution a été choisie parmi d’autres sur la base (i) des conseils conjoints et solidaires de Oracle et Artere, notamment concernant le dimensionnement de l’offre et (ii) d’un équilibre entre, d’une part, les fonctionnalités et prestations proposées et, d’autre part, les conditions financières de la Licence et de son intégration pour réaliser la Plate-forme.

Le binôme Oracle/Artere a confirmé réaliser l’ensemble de ces prestations dans le cadre d’un prix forfaitaire (fixe, global et définitif) avec un engagement ferme de résultat.

La mise en oeuvre de la Solution nécessite la signature d’un contrat d’intégration aux fins d’exploitation de la Plate-forme à l’ensemble des collaborateurs, partenaires, etc. des magasins de Nocibe (ci-après le 'Contrat d’Intégration’ ou dans le cadre des présentes, le Contrat). Le contrat d’intégration précisera les conditions de réalisation de la Plate-forme et couvrira notamment les prestations d’adaptation, de personnalisation, de paramétrage, de migration des données et de développements spécifiques pour les magasins de Nocibe où qu’elles soient localisées ainsi que son hébergement.

Le binôme Oracle/Artere s’étant présenté ensemble, Artere a confirmé, en présence et sous le contrôle de Oracle, qu’elle disposait d’une expérience confirmée et les ressources notamment humaines et matérielles idoines pour assurer les activités d’intégration et de tierce maintenance applicative de la Solution de Oracle retenue par Nocibe dans le cadre de la Plate-forme et qu’elle était parfaitement à même d’assurer la maintenance de la Solution et de la Plate-forme conformément aux hauts niveaux d’exigences de Nocibe.

C’est dans ces conditions que Nocibe et le binôme Oracle/Artere ont décidé de se rapprocher et sont convenues de conclure le présent contrat d’intégration dans les conditions et selon les termes ci-après précisés (…)'

- sur l’indivisibilité ou l’interdépendance dans les relations avec la société Oracle:

La partie appelante soutient que lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie, qu’en l’espèce

le contrat de licence ou de logiciel et le contrat d’intégration de la solution sur laquelle porte le premier participent tous deux d’une même opération et n’ont aucun sens indépendamment l’un de l’autre, ceux-ci constituent par nature un ensemble indivisible.

La société Oracle réplique que pour apprécier l’indivisibilité des contrats, la jurisprudence reconnaît que doivent être prises en considération tant l’opération dans son ensemble que la volonté des parties.

En l’espèce, il ne ressort nullement de la réponse à l’appel d’offre que la solution informatique proposée par la société Oracle et la prestation de services offerte par l’intégrateur ont été conçues comme formant au plan opérationnel un ensemble indivisible, les prestations des sociétés Oracle et Artere étaient présentées de façon distincte au sein de la réponse à l’appel d’offres, l’offre tarifaire étant également distincte, et qu’il ressort non seulement de la réponse à l’appel d’offres mais également du Contrat de licence qu’aucune solidarité ni indivisibilité n’était prévue.

En l’espèce, il est expressément énoncé au Contrat d’intégration conclu le 7 mai 2014 entre la société Groupe Nocibe France et la société Artere, que ' Le contrat de licence de logiciel (la Licence) indissociable du projet d’intégration et signé avec Oracle fait l’objet d’un autre document. Celui-ci est repris en annexe de ce contrat d’intégration.' Le contrat en cause conclu le 30 août 2015 entre les sociétés Nocibe France Distribution et Oracle constitue l’annexe 13 du Contrat d’intégration.'

Il résulte du préambule du Contrat d’intégration rappelant les démarches de Nocibe pour le lancement du projet de plate-forme, la réponse faite conjointement à l’appel d’offre par les sociétés Oracle et Artere, la société Oracle en qualité d’éditeur d’une solution logicielle adaptée aux besoins et correspondant aux attentes de Nocibe tels que décrits dans le cahier des charges (complété ultérieurement par les 'spécifications fonctionnelles générales’ jointes en annexe 7) et la société Artere en qualité de fournisseur et d’intégrateur de ladite solution logicielle et de créateur de la plate-forme, expressément énoncés par les parties, que le contrat de licence de logiciel fourni par la société Oracle à la société Nocibe France Distribution est nécessaire à la réalisation de la plate-forme par l’intégration de la solution logicielle réalisée par la société Artere. Le contrat d’intégration conclu entre la société Groupe Nocibe France et la société Artere, et le contrat de licence conclu entre la société Nocibe France Distribution et la société Oracle constituent en conséquence un ensemble contractuel indivisible.

La demande formée par la société Groupe Nocibe France est recevable.

- sur l’indivisibilité ou l’interdépendance dans les relations avec la société Digora:

La société Digora a émis en date du 22 octobre 2013 une proposition commerciale adressée à la société Nocibe France Distribution portant sur des licences de bases de données et de mise à jour, pour un montant de 46.759,06 euros, que cette société a acceptée le 24 octobre 2013 et ayant donné lieu à payement le 6 janvier 2014.

Cette proposition commerciale comprend en elle-même l’ensemble des éléments du contrat, en l’espèce le nom des parties, le vendeur Digora et l’acquéreur la société Nocibe France Distribution, l’objet du contrat, le prix de la cession. Elle ne vise aucunement la Plate-forme e-commerce que souhaite voir créer Nocibe en remplacement de son site internet marchand actuel ou la solution logicielle fournie par l’éditeur Oracle et implémentée par la société Artere.

Elle ne comporte aucune référence au contrat d’intégration conclu le 7 mai 2014 entre la société Groupe Nocibe France et la société Artere.

Ce contrat ne cite pas la société Digora. Celle-ci n’est pas intervenue dans la réponse à l’appel d’offre, pour la fourniture de la solution formalisée par le contrat de licence du 30 août 2013 ou les prestations d’intégration.

Au contraire le contrat d’intégration précité mentionne expressément que ' Nocibe a ainsi décidé de con’er au binôme Oracle/Artere : (i) la fourniture de la Solution(…)'.

L’acceptation de la proposition commerciale de la société Digora a entraîné la formation d’un contrat autonome entre les parties à la date de l’acceptation le 24 octobre 2013, et la société Digora a exécuté son obligation de délivrance par la livraison au mois d’octobre 2013.

La seule mention manuscrite 'projet web’ sur la facture du 25 octobre 2013 postérieure à la formation du contrat, n’est pas en elle-même susceptible de caractériser un lien d’interdépendance avec le Contrat de licence signé antérieurement le 30 août 2013 entre la société Oracle et la société Nocibe France Distribution et d’entraîner une solidarité entre les sociétés Digora et Oracle.

La société Digora n’a pas été informée par les sociétés Nocibe et n’a pas donné un consentement non-équivoque à son implication dans un ensemble contractuel indivisible. La circonstance que la société Digora est un revendeur de licences de l’éditeur Oracle est dépourvu d’un tel effet à son encontre.

Ainsi la cession à la société Nocibe France Distribution par la société Digora de licences de l’éditeur Oracle par une unique proposition commerciale n’entraîne pas l’inclusion de cette convention dans un ensemble contractuel indivisible avec les sociétés Nocibe France Distribution , Oracle et Artere.

Il n’est ainsi pas caractérisé l’existence d’un ensemble contractuel indivisible concernant une seule et même opération économique et un projet unique dont fait partie la convention conclue entre la société Nocibe France Distribution et la société Digora.

La société Groupe Nocibe France agissant à l’encontre de l’intimée Digora sur le fondement contractuel, lequel n’est pas établi, c’est à bon droit que le premier juge a déclaré la société Groupe Nocibe France irrecevable en ses demandes formées à l’encontre de la société Digora.

- sur l’indivisibilité ou l’interdépendance dans les relations avec la société Artere:

La société Groupe Nocibe France a conclu le 4 mai 2014 un contrat d’intégration avec la société Artere, à effet rétroactif au 1er septembre 2013 selon l’article 2 du contrat.

Selon l’article 31.1 et 31.2 du Contrat d’intégration, le Préambule et les Annexes font partie intégrante du Contrat. Le Contrat , son Préambule et les Annexes expriment l’intégralité de l’accord conclu entre les parties relativement à son objet, et annulent tous accords, négociations, engagements, ou écrits antérieurs portant sur l’objet du Contrat.

Il résulte du préambule du contrat d’intégration ci-avant rappelé que le contrat de licence de logiciel (la Licence) signé avec la société Oracle est indissociable du projet d’intégration, et participe d’un ensemble contractuel indivisible.

Ainsi qu’il a été précédemment démontré le contrat d’intégration conclu entre les sociétés Groupe Nocibe France et Artere et le contrat de licence conclu par la société Nocibe France Distribution avec la société Oracle qui font partie de la même opération économique et d’un projet unique de création de la plate-forme de e-commerce du groupe Nocibe, constituent un ensemble contractuel indivisible.

3. Sur l’acquisition de la clause résolutoire:

Aux termes de l’article 24.1 du Contrat d’intégration « en cas de non-respect par l’une ou l’autre des Parties de l’une ou quelconque de ses obligations, l’autre Partie pourra, sans préjudice des autres recours dont il dispose, résilier le Contrat 30 (trente) jours après une mise en demeure motivée adressée par lettre recommandée avec avis de réception à la Partie défaillante et restée infructueuse ».

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 29 décembre 2014, a société Groupe Nocibe France a adressé un courrier à la société Artere lui notifiant la résiliation du contrat d’intégration avec effet immédiat.

La société Groupe Nocibe France ne justifie pas du respect des formalités préalables à la résiliation par l’envoi d’une mise en demeure par lettre recommandée avec demande d’avis de réception motivée faisant courir un délai de 30 jours, conformément à l’article précité.

En effet, le courrier du 5 juin 2014 intitulé « Alerte retard significatif et anomalies » envoyé par lettre simple énumérant des 'dysfonctionnements ou points d’alerte’ et sollicitant 'd’indiquer en retour les actions que vous allez mettre en oeuvre dans les plus brefs délais pour résorber ce retard et garanties que vous pouvez nous donner sur la date de démarrage du site', ne constitue pas une interpellation de la société Artere d’exécuter son obligation de délivrance dans un certain délai.

La lettre du 24 juin suivant également adressée par courrier simple et intitulée « Seconde alerte retard significatif et anomalies » faisant état de l’inquiétude sur la capacité de la société Artere à gérer le projet et l’existence de nombreuses anomalies, ne comporte pas davantage d’interpellation de la société Artere et de mise en demeure d’exécuter ses obligations dans un certain délai.

Les lettres adressées à la société Oracle UK le 22 août 2014 et à la société Oracle France le 4 septembre 2014 sollicitant des 'propositions concrètes’ et 'l’intervention d’un nouvel acteur’ ne sont pas des mises en demeure de s’exécuter adressées au débiteur de la prestation d’intégration, la société Artere.

Dans ces conditions la partie appelante ne justifie pas de l’acquisition de la clause résolutoire convenue à l’article 24.1 précité.

4. Sur la résolution du contrat d’intégration pour manquements graves de la société Artere à ses obligations:

L’appelante soutient l’inexécution par la société Artere de ses obligations essentielles et plus précisément de l’obligation de performance dans la réalisation des prestations qui lui incombaient selon l’article 17 du contrat d’intégration ainsi que l’obligation de célérité prévue à l’article 8.3 dudit contrat.

L’article 17.2 du contrat stipule une obligation de résultat pesant sur le prestataire pour tous les Livrables et les Prestations dont il aura la responsabilité à l’exception des Prestations de formation et de transfert de connaissances qui par nature relèvent d’une obligation de moyens.

La société Artere justifie de la livraison du Catalogue le 28 août 2013, du Front Merchandising le 5 septembre 2013, du Tunnel de commande, Promotions, Fidélité, Fraude le 26 septembre 2013 et du Suivi commande et relation client selon des procès-verbaux de validation des spécifications fonctionnelles générales.

Elle justifie de la livraison des codes ainsi qu’il résulte du rapport d’audit.

S’agissant du respect des délais convenus pour les livrables et les prestations pour une mise en production au mois de mars 2014, l’article 8.3 du contrat stipule une obligation de concertation, rappelée par la société Artere dans sa critique de l’exécution de l’obligation de collaboration pesant sur Nocibe, dans le cadre du Comité de pilotage sur les moyens qui pourraient limiter le retard pouvant résulter de tout événement fait ou circonstance susceptible de retarder l’exécution de ses prestations par le prestataire, du fait du prestataire ou du client, et d’établir éventuellement un nouveau calendrier d’exécution.

La société Artere justifie par la production des comptes-rendus du Comité de pilotage que des reports de délais ont été nécessaires, sans qu’il soit toutefois démontré par l’appelante que les reports sont imputables au prestataire.

Le contrat d’intégration prévoit que chaque partie désigne un directeur de projet qui a la qualité nécessaire pour engager sa société et qui est responsable de la bonne exécution du contrat. Il doit pouvoir être joint à bref délai et être en mesure d’intervenir efficacement. Les courriels entre les parties du mois d’octobre 2013 établissent l’indisponibilité récurrente des personnels désignés par la cliente ce qui démontre une absence de concertation et de collaboration effective du projet par le client.

L’article 14.3 du contrat d’intégration prévoit qu’un Comité de pilotage a pour rôle d’assurer le contrôle et le suivi de l’avancement du projet de façon globale, a pour rôle deprendre les décisions stratégiques, de décider des options utiles à l’avancement, d’arbitrer les choix fonctionnels, techniques, financiers ou calendaires proposés par le comité de projet, de décider des éventuelles modifications contractuelles.

Il résulte de l’article 14.3.4 du contrat d’intégration que ' Les comptes-rendus de réunion seront préparés et soumis par le Prestataire pour approbation dans le délai de 5 jours à compter de la réunion étant précisé que l’acceptation sans réserve par les deux parties d’un compte rendu du Comité de pilotage dès lors qu’il est dans le périmètre de ses attributions, a valeur d’avenant au Contrat au regard des décisions qu’il contient . Les parties feront toutes diligences pour approuver ces procès verbaux ou, le cas échéant, émettre des réserves à leur sujet. Si, dans les dix jours qui suivent la communication du procès verbal aux parties, celui-ci n’a été signé par les parties, il sera considéré comme approuvé de plein droit.'

Or la société Groupe Nocibe France ne justifie pas par des réserves apportées aux comptes-rendus que des reports de livraison étaient imputables à la société Artere du fait d’ une maîtrise d’oeuvre défaillante, alors que la société Artere justifie en revanche de manquements de la société Groupe Nocibe France à ses obligations dans le planning des montages HTLM, par l’absence de validation interne pour l’identité graphique à l’automne 2013, la demande de fonctionnalité complémentaire en février 2014, la demande de modification de l’architecture de l’environnement 'recette/préprod’ au mois de mai 2014 et, selon le compte-rendu du 22 juillet 2014, dans la phase de rédactions des spécifications détaillées, de l’insuffisance de l’équipe- métier chez Nocibe alors qu’il s’agit d’ une obligation spécifique du client convenue à l’article 1.2 du contrat d’intégration, et de l’écart entre les spécifications générales et détaillées.

Les mentions des comptes-rendus non-contestés ayant valeur contractuelle, il résulte de ceux-ci qu’est établie par la société Artere l’inexécution par la société Groupe Nocibe France des ses propres obligations dont fait partie l’obligation de collaboration.

Les sociétés Nocibé n’établissent pas en revanche la réalité de manquements de la société Artere à ses obligations essentielles, notamment dans le respect des délais de livraison, compte tenu notamment des divers manquements de la société Groupe Nocibe France et de ses demandes nouvelles, alors que les parties se trouvaient en phase corrective à la date de résiliation du contrat , ni de manquements graves de l’intégrateur dans l’exécution de cette dernière phase certaines des anomalies visées au courrier du 24 juin 2014 faisant l’objet de corrections avant l’envoi de ce courrier.

Les sociétés appelantes ont fait réaliser un audit non-contradictoire le 9 novembre 2014 dont la conclusion majeure de la synthèse produite est que la solution est techniquement viable et doit aboutir. L’audit précise que 'l’équipe Artere présente bien le niveau d’expertise attendue sur ATG et est plutôt senior; le code audité est rassurant mais quelques actions sont nécessaires; un état des lieux précis du process de recette et de correction des anomalies est nécessaire afin de construire une projection; il faut faire un état des lieux précis sur la partie SEO pour limiter les risques sur le référencement; la campagne de mesure des performances ( tests) reste à préparer'.

La lecture du compte-rendu de l’audit fait apparaître qu’aucun manquement grave au plan technique

qui soit imputable au prestataire Artere n’a été mis en évidence , et que l’interruption de la prestation d’intégration avec la société Artere pose plus de problèmes qu’elle n’en résout pour chacune des parties, les alternatives étant peu satisfaisantes.

La perte de confiance qui a pu résulter d’une situation insatisfaisante de part et d’autre et qui est alléguée par l’appelante, ne constitue pas en elle-même un manquement grave imputable à la société Artere.

Après réalisation de l’audit, les parties ont poursuivi leurs relations contractuelles ce qui a donné lieu à un compte-rendu du Comité de pilotage du 20 novembre 2014 au cours duquel l’audit était présenté, ce compte-rendu mentionnant diverses diligences à réaliser par chacune des parties et projetant la mise en production au mois de juin 2015.

Dans la mesure où il n’est pas justifié de réserves émises dans un certain délai sur le compte-rendu selon les préconisations contractuelles, la date de la mise en production reportée au mois de juin 2015 est devenue contractuelle et ne peut constituer un retard imputable à la société Artere. Dès lors la livraison des livrables, convenue à l’article 8 du contrat lors de la mise en production à la fin du projet, a été contractuellement reportée au mois de juin 2015 et, l’absence de livraison reprochée par la partie appelante dans le délai initialement convenu est insusceptible de constituer un manquement par la société Artere à l’une de ses obligations essentielles.

Ce compte-rendu mentionne par ailleurs 95 évolutions sollicitées par la société Groupe Nocibe France , et établit un calendrier pour la gestion de ces événements. La société Groupe Nocibe France sollicitant encore à la date du 20 novembre 2014 un nombre élevé d’évolutions auxquelles il ne peut être apporté une solution à très bref délai, il ne peut sérieusement être soutenu par celle-ci que les retards dans la livraison de la plate-forme sont imputables à la seule société Artere et justifient la résiliation du contrat d’intégration à ses torts.

Le compte-rendu mentionne également un calendrier de réunions sur la rédaction des 'tuto', la correction des anomalies, les points bloqués en recette, pour les mois de novembre , décembre 2014 et janvier 2015.

Il n’est pas établi par la partie appelante que les éventuels manquements imputés à la société Artere sont suffisamment graves pour justifier une résiliation à effet immédiat aux torts de l’intégrateur.

Dans ces conditions il apparaît que la résiliation unilatérale du contrat d’intégration le 29 décembre 2014 par la société Groupe Nocibe France n’est pas fondée.

Il s’ensuit que la demande en restitution de sommes formée à l’encontre de la société Artere est rejetée.

La demande en condamnation au titre de l’astreinte contractuelle n’est pas fondée.

Aucune caducité des contrats n’est encourue.

Les demandes en restitution, en garantie, sont sans objet.

La demande de réformation formée par les appelantes du quantum des dommages et intérêts alloués en indemnisation du préjudice subi de l’inexécution fautive du contrat d’intégration par la société Artere est rejetée, et le jugement est infirmé en ce qu’il a accueilli la demande.

Succombant en leur prétention à l’inexécution fautive du contrat d’intégration par la société Artere et à la résolution ou la résiliation subséquente de ce contrat par la société société Groupe Nocibe France, les sociétés Nocibe sont déboutées de leurs demandes en dommages et intérêts.

5. Sur le payement des factures de la société Artere et l’appel incident de la société Artere sur la demande en dommages et intérêts:

— sur le payement des factures:

La société Artere sollicite la condamnation in solidum des appelantes à lui payer la somme de 260.712 euros TTC au titre des factures impayées relatives aux prestations complémentaires qu’elle a réalisées et de la facture relative à l’hébergement Amazon ainsi que l’indemnisation des préjudiceS subis, soit la somme de 151.256 euros et de 100.000 euros au titre d’un préjudice commercial et la somme de 20.000 euros au titre d’un préjudice d’image.

S’agissant des factures impayées, il résulte de l’article 10.6 du contrat que 'Toutes les prestations complémentaires éventuellement demandées par le client seront facturées à l’issue du mois au cours duquel elles auront été exécutées par le Prestataire.'

La partie appelante s’oppose au payement de l’intégralité des factures réclamées au motif que la résolution du contrat d’intégration pour manquements de la société Artere à ses obligations essentielles entraîne l’anéantissement rétroactif de ce contrat ce qui constitue une cause légitime du refus de payer les factures en cause.

La résiliation unilatérale infondée du contrat d’intégration prononcée par la société Groupe Nocibe d’une part et l’absence de contestation des prestations objets des factures hors forfait et de la facture d’hébergement n°FA0704 du 30 novembre 2014 'Amazon', restées impayées et versées aux débats, conduisent à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la demande de payement de ces factures à l’exception de la facture Amazon.

Dès lors les sociétés appelantes seront condamnées à payer in solidum à la société Artere la somme de 260.712 euros TTC au titre des factures impayées relatives aux prestations complémentaires réalisées par la société Artere et de la facture relative à l’hébergement Amazon.

— sur la demande en indemnisation du préjudice subi:

Selon l’article 2.1 du contrat d’intégration précité, 'le contrat prend effet à compter de la date rétroactive du 1er septembre 2013. Sa durée est liée à la bonne réalisation de la mise en production de la plate-forme et s’étendra un mois après le lancement de celle-ci'.

Le contrat étant à durée déterminée, stipulé moyennant un prix fixé au forfait, la société Artere est fondée à solliciter le solde des sommes prévues au contrat qu’elle réclame, constitutives d’un manque à gagner.

Dès lors les sociétés Groupe Nocibe et Nocibe France Distribution seront condamnées in solidum à payer la somme de 151.256 euros en indemnisation du préjudice commercial subi.

S’agissant de la demande portant sur l’indemnisation d’un préjudice commercial complémentaire de 100.000 euros, au titre de l’impossibilité de repositionner les dix collaborateurs affectés à la mission 'Nocibe’ sur d’autres missions, la société Artere ne produisant aucune pièce à l’appui de sa demande démontrant une faute des appelantes, un préjudice et un lien de causalité, le rejet de cette prétention est confirmé.

Il en est de même pour le préjudice d’image.

Sur l’appel incident formé par la société Oracle:

La société intimée sollicite la condamnation de la société Nocibe France Distribution à lui payer la

somme de 6.989,26 euros au titre du support pour l’année 2015.

Elle produit l’acceptation par la société Nocibe France Distribution le 10 novembre 2014 de la proposition commerciale portant sur des services de support technique logiciel pour l’année 2015 dont la livraison n’est pas contestée et dont il n’est pas justifié du payement par le client, en sorte que le jugement est infirmé en ce qu’il a débouté la société Oracle de cette demande et que la société Nocibe France Distribution est condamnée à payer à la société Oracle la somme de 6.989,26 euros.

Sur l’appel incident formé par la société Digora:

La société Digora ne rapportant pas la preuve d’une faute des appelantes, d’un préjudice et d’un lien de causalité, la demande en dommages et intérêts est rejetée.

Par ces motifs

La cour,

Infirme le jugement dont appel sauf en ce qu’il a déclaré la société Groupe Nocibe France irrecevable en ses demandes à l’encontre de la société Digora, a débouté la société Groupe Nocibe France et la société Nocibe France Distribution de leurs demandes à l’encontre de la société X ; a dit que les sociétés Groupe Nocibe France et Nocibe France Distribution sont seules responsables de la rupture, a débouté la société Groupe Nocibe France de sa demande au titre de l’astreinte; a débouté la société Artere de ses demandes en dommages et intérêts au titre du préjudice commercial forfaitaire et du préjudice d’image;

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Déboute la société Groupe Nocibe France et la société Nocibe France Distribution de l’intégralité de leurs demandes ;

Condamne la société Nocibe France Distribution à payer à la société Oracle la somme de 6.989,26 euros;

Condamne la société Groupe Nocibe France et la société Nocibe France Distribution in solidum à payer à la société Artere la somme de 260.712 euros TTC au titre des factures impayées relatives aux prestations complémentaires réalisées par la société Artere et à la facture relative à l’hébergement Amazon ;

Condamne la société Groupe Nocibe France et la société Nocibe France Distribution in solidum à payer à la société Artere la somme de 151.256 euros en indemnisation du préjudice commercial ;

Ajoutant,

Déboute la société Digora de sa demande en dommages et intérêts ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Groupe Nocibe France et la société Nocibe France Distribution in solidum à payer à la société Oracle la somme de 10.000 euros, à la société Artere la somme de 20.000 euros, à la société Digora la somme de 10.000 euros ;

Condamne la société Groupe Nocibe France et la société Nocibe France Distribution à payer à la société X la somme de 5000 euros ;

Rejette toute demande autre ou plus ample ;

Condamne la société Groupe Nocibe France et la société Nocibe France Distribution aux entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile s’agissant des conseils des sociétés Oracle et Digora.

Le greffier Le président

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 7 février 2020, n° 17/07808