CJUE, Avis 1/19, Avis de la Cour, Avis rendu en vertu de l’article 218, paragraphe 11, TFUE – Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (convention d’Istanbul) – Signature par l’Union européenne – Projet de conclusion par l’Union – Notion d’“accord envisagé”, au sens de l’article 218, paragraphe 11, TFUE – Compétences externes de l’Union – Base juridique matérielle – Article 78, paragraphe 2, TFUE – Article 82, paragraphe 2, TFUE – Article 83, paragraphe 1, TFUE – Article 84 TFUE – Article 336 TFUE – Articles 1er à 4 bis du protocole (n° 21) sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice – Participation partielle de l’Irlande à la conclusion par l’Union de la convention d’Istanbul – Possibilité de scinder l’acte de conclusion d’un accord international en deux décisions distinctes en fonction des bases juridiques applicables – Pratique du “commun accord” – Compatibilité avec le traité UE et le traité FUE, 6 octobre 2021

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 6 oct. 2021, Avis 1/19
Numéro(s) : Avis 1/19
Avis de la Cour (grande chambre) du 6 octobre 2021.#Convention d’Istanbul.#Avis rendu en vertu de l’article 218, paragraphe 11, TFUE – Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (convention d’Istanbul) – Signature par l’Union européenne – Projet de conclusion par l’Union – Notion d’“accord envisagé”, au sens de l’article 218, paragraphe 11, TFUE – Compétences externes de l’Union – Base juridique matérielle – Article 78, paragraphe 2, TFUE – Article 82, paragraphe 2, TFUE – Article 83, paragraphe 1, TFUE – Article 84 TFUE – Article 336 TFUE – Articles 1er à 4 bis du protocole (n° 21) sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice – Participation partielle de l’Irlande à la conclusion par l’Union de la convention d’Istanbul – Possibilité de scinder l’acte de conclusion d’un accord international en deux décisions distinctes en fonction des bases juridiques applicables – Pratique du “commun accord” – Compatibilité avec le traité UE et le traité FUE.#Avis 1/19.
Précédents jurisprudentiels : 28 avril 2015, Commission/Conseil ( C-28/12, EU:C:2015:282
arrêt du 24 juin 2014, Parlement/Conseil, C-658/11, EU:C:2014:2025, point 57
assumés ( arrêt du 28 avril 2015, Commission/Conseil, C-28/12, EU:C:2015:282
Commission/Conseil ( 22/70, EU:C:1971:32
Commission/Conseil ( Accord avec l' Arménie ), C-180/20, EU:C:2021:658
Commission/Conseil ( Accord avec le Kazakhstan ), C-244/17, EU:C:2018:662
Commission/Conseil ( AMP Antarctique ), C-626/15 et C-659/16, EU:C:2018:925
Commission/Conseil, C-28/12, EU:C:2015:282
Commission/Conseil, C-370/07, EU:C:2009:590
Commission/Conseil, C-377/12, EU:C:2014:1903
Commission/Conseil, C-94/03, EU:C:2006:2
Commission/Conseil ( CMR-15 ), C-687/15, EU:C:2017:803
Conseil, C-600/14, EU:C:2017:935
PNR UE-Canada ), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592
Identifiant CELEX : 62019CV0001(02)
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2021:832
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Texte intégral

AVIS 1/19 DE LA COUR (grande chambre)

6 octobre 2021

Table des matières

I. La demande d’avis

II. Le cadre juridique

A. Les directives pertinentes relatives à la coopération judiciaire en matière pénale

B. Les directives pertinentes relatives à la politique commune d’asile

C. Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne

III. La convention d’Istanbul et sa signature par l’Union

A. L’analyse de la convention d’Istanbul

B. Les propositions de décisions de signature et de conclusion de la convention d’Istanbul

C. La décision de signature 2017/865

D. La décision de signature 2017/866

IV. Les appréciations formulées par le Parlement dans sa demande d’avis

A. Sur les faits et la procédure

B. Sur les bases juridiques appropriées pour la conclusion de la convention d’Istanbul

C. Sur la scission en deux décisions distinctes des actes de signature et de conclusion de la convention d’Istanbul

D. Sur la pratique du « commun accord » des États membres

V. Résumé des observations présentées à la Cour

A. Sur les faits et la procédure

1. Sur la signature et la ratification de la convention d’Istanbul par les États membres

2. Sur la procédure de signature de la convention d’Istanbul au sein du Conseil

3. Sur la procédure de conclusion de la convention d’Istanbul au sein du Conseil

B. Sur la recevabilité de la demande d’avis

1. Sur les bases juridiques appropriées pour la conclusion de la convention d’Istanbul

2. Sur la scission en deux décisions distinctes des actes de signature et de conclusion de la convention d’Istanbul

3. Sur la pratique du « commun accord » des États membres

C. Sur le fond de la demande d’avis

1. Sur les bases juridiques appropriées pour la conclusion de la convention d’Istanbul

a) Sur une adhésion « large » ou « limitée » de l’Union à la convention d’Istanbul

b) Sur les critères d’identification des compétences de l’Union

c) Sur la relation entre la convention d’Istanbul et l’acquis de l’Union

d) Sur l’article 82, paragraphe 2, TFUE

e) Sur l’article 84 TFUE

f) Sur l’article 78, paragraphe 2, TFUE

g) Sur l’article 83, paragraphe 1, TFUE

2. Sur la scission en deux décisions distinctes des actes de signature et de conclusion de la convention d’Istanbul

3. Sur la pratique du « commun accord » des États membres

a) Présentation de la pratique du « commun accord »

b) Sur la compatibilité de la pratique du « commun accord » avec l’article 13, paragraphe 2, TUE ainsi qu’avec les articles 2 à 6 TFUE et l’article 218, paragraphes 2, 6 et 8, TFUE

c) Sur la compatibilité de la pratique du « commun accord » avec les principes d’attribution, de coopération loyale entre l’Union et ses États membres, d’unité de la représentation extérieure de l’Union et le droit international public

VI. Prise de position de la Cour

A. Sur la recevabilité de la demande d’avis

B. Sur la pratique du « commun accord » des États membres

C. Sur les bases juridiques appropriées pour la conclusion de la convention d’Istanbul

D. Sur la scission en deux décisions distinctes de l’acte de conclusion de la convention d’Istanbul

VII. Réponse à la demande d’avis

« Avis rendu en vertu de l’article 218, paragraphe 11, TFUE – Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (convention d’Istanbul) – Signature par l’Union européenne – Projet de conclusion par l’Union – Notion d’“accord envisagé”, au sens de l’article 218, paragraphe 11, TFUE – Compétences externes de l’Union – Base juridique matérielle – Article 78, paragraphe 2, TFUE – Article 82, paragraphe 2, TFUE – Article 83, paragraphe 1, TFUE – Article 84 TFUE – Article 336 TFUE– Articles 1er à 4 bis du protocole (no 21) sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice – Participation partielle de l’Irlande à la conclusion par l’Union de la convention d’Istanbul – Possibilité de scinder l’acte de conclusion d’un accord international en deux décisions distinctes en fonction des bases juridiques applicables – Pratique du “commun accord” – Compatibilité avec le traité UE et le traité FUE »

Dans la procédure d’avis 1/19,

ayant pour objet une demande d’avis au titre de l’article 218, paragraphe 11, TFUE, introduite le 9 juillet 2019, par le Parlement européen,

LA COUR (grande chambre)

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente, M. A. Arabadjiev (rapporteur), Mme A. Prechal, MM. M. Vilaras, M. Ilešič, L. Bay Larsen, A. Kumin et N. Wahl, présidents de chambre, MM. T. von Danwitz, F. Biltgen, Mmes K. Jürimäe, L. S. Rossi, MM. I. Jarukaitis et N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 octobre 2020,

considérant les observations présentées :

pour le Parlement européen, par MM. D. Warin et A. Neergaard ainsi que par Mme O. Hrstková Šolcová, en qualité d’agents,

pour le gouvernement belge, par Mme C. Pochet et M. J.-C. Halleux, en qualité d’agents,

pour le gouvernement bulgare, par Mmes E. Petranova, L. Zaharieva, T. Mitova et M. Georgieva, en qualité d’agents,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek, J. Vláčil et M. Švarc ainsi que par Mme K. Najmanová, en qualité d’agents,

pour le gouvernement danois, par M. M. P. Jespersen, en qualité d’agent,

pour l’Irlande, par Mmes M. Browne et G. Hodge ainsi que par M. A. Joyce, en qualité d’agents, assistés de M. P. McGarry et de Mme S. Kingston, SC,

pour le gouvernement hellénique, par M. K. Boskovits, en qualité d’agent,

pour le gouvernement espagnol, par Mme S. Centeno Huerta, en qualité d’agent,

pour le gouvernement français, par MM. J.-L. Carré, D. Dubois et T. Stéhelin ainsi que par Mme A.-L. Desjonquères, en qualité d’agents,

pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér et P. Csuhány, en qualité d’agents,

pour le gouvernement autrichien, par Mmes J. Schmoll et E. Samoilova ainsi que par M. H. Tichy, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna et Mme A. Miłkowska, en qualité d’agents,

pour le gouvernement slovaque, par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

pour le gouvernement finlandais, par Mme H. Leppo et M. J. Heliskoski, en qualité d’agents,

pour le Conseil de l’Union européenne, par Mme S. Boelaert ainsi que par MM. B. Driessen et A. Norberg, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. A. Bouquet et T. Ramopoulos ainsi que par Mmes C. Cattabriga et S. Grünheid, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 mars 2021,

rend le présent

Avis

I. La demande d’avis

1

La demande d’avis soumise à la Cour par le Parlement européen est formulée comme suit :

« [1)]

[a)]

Les articles 82[, paragraphe 2,] et 84 [TFUE] constituent-ils les bases juridiques appropriées pour l’acte du Conseil [de l’Union européenne] portant sur la conclusion au nom de l’Union [européenne] de la convention [du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (convention d’Istanbul)] ou cet acte doit-il se fonder sur les articles 78[, paragraphe 2], 82[, paragraphe 2,] et 83[, paragraphe 1,] TFUE et

[b)]

est-il nécessaire ou possible de scinder les décisions relatives à la signature et [à] la conclusion de la convention [d’Istanbul] […] en conséquence de ce choix de base juridique ?

[2)]

La conclusion par l’Union de la convention d’Istanbul, conformément à l’article 218[, paragraphe 6,] TFUE, est-elle compatible avec les traités en l’absence d’un commun accord de tous les États membres portant sur leur consentement à être liés par ladite convention ? »

II. Le cadre juridique

A. Les directives pertinentes relatives à la coopération judiciaire en matière pénale

2

La directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil (JO 2011, L 101, p. 1), applicable à l’ensemble des États membres, à l’exception du Royaume de Danemark, dispose, à son article 1er :

« La présente directive établit des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans le domaine de la traite des êtres humains. Elle introduit également des dispositions communes, en tenant compte des questions d’égalité entre hommes et femmes, afin de renforcer la prévention de cette infraction et la protection des victimes. »

3

La directive 2011/93/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, relative à la lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie et remplaçant la décision-cadre 2004/68/JAI du Conseil (JO 2011, L 335, p. 1, et rectificatif JO 2012, L 18, p. 7), applicable à l’ensemble des États membres, à l’exception du Royaume de Danemark, précise, à son article 1er :

« La présente directive établit des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans le domaine des abus sexuels et de l’exploitation sexuelle des enfants, de la pédopornographie et de la sollicitation d’enfants à des fins sexuelles. Elle introduit également des dispositions afin de renforcer la prévention de ce type de criminalité et la protection de ceux qui en sont victimes. »

4

La directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil (JO 2012, L 315, p. 57), applicable à l’ensemble des États membres, à l’exception du Royaume de Danemark, énonce, à son considérant 11 :

« La présente directive définit des règles minimales. Les États membres peuvent élargir les droits définis dans la présente directive pour offrir un degré de protection plus élevé. »

B. Les directives pertinentes relatives à la politique commune d’asile

5

La directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial (JO 2003, L 251, p. 12), qui est applicable à l’ensemble des États membres, à l’exception du Royaume de Danemark et de l’Irlande, précise à son article 3, paragraphe 4, sous a), et paragraphe 5 :

« 4. La présente directive ne porte pas atteinte aux dispositions plus favorables :

a)

des accords bilatéraux et multilatéraux entre [l’Union] ou [l’Union] et ses États membres, d’une part, et des pays tiers, d’autre part ;

[…]

5. La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté qu’ont les États membres d’adopter ou de maintenir des conditions plus favorables. »

6

La directive 2003/109/CE du Conseil, du 25 novembre 2003, relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (JO 2004, L 16, p. 44), qui est applicable à l’ensemble des États membres, à l’exception du Royaume de Danemark et de l’Irlande, dispose, à son article 3, paragraphe 3, sous a) et b) :

« La présente directive s’applique sans préjudice des dispositions plus favorables :

a)

des accords bilatéraux et multilatéraux conclus entre [l’Union] ou [l’Union] et ses États membres, d’une part, et des pays tiers, d’autre part ;

b)

des accords bilatéraux déjà conclus entre un État membre et un pays tiers avant la date d’entrée en vigueur de la présente directive ».

7

Aux termes de l’article 13 de cette directive :

« Les États membres peuvent délivrer des titres de séjour permanents ou d’une durée de validité illimitée à des conditions plus favorables que celles établies dans la présente directive. Ces titres de séjour ne donnent pas accès au droit de séjour dans les autres États membres tel que prévu au chapitre III. »

8

La directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98), qui est applicable à l’ensemble des États membres, à l’exception du Royaume de Danemark et de l’Irlande, dispose, à son article 4 :

« 1. La présente directive s’applique sans préjudice des dispositions plus favorables :

a)

des accords bilatéraux ou multilatéraux conclus entre [l’Union] – ou [l’Union] et ses États membres – et un ou plusieurs pays tiers ;

b)

des accords bilatéraux ou multilatéraux conclus entre un ou plusieurs États membres et un ou plusieurs pays tiers.

2. La présente directive s’applique sans préjudice des dispositions qui relèvent de l’acquis [de l’Union] en matière d’immigration et d’asile et qui s’avéreraient plus favorables pour le ressortissant d’un pays tiers.

3. La présente directive s’applique sans préjudice du droit des États membres d’adopter ou de maintenir des dispositions plus favorables pour les personnes auxquelles la présente directive s’applique, à condition que ces dispositions soient compatibles avec la présente directive.

4. En ce qui concerne les ressortissants de pays tiers exclus du champ d’application de la présente directive conformément à l’article 2, paragraphe 2, point a), les États membres :

a)

veillent à ce que le traitement et le niveau de protection qui leur sont accordés ne soient pas moins favorables que ceux prévus à l’article 8, paragraphes 4 et 5 (limitations du recours aux mesures coercitives), à l’article 9, paragraphe 2, point a) (report de l’éloignement), à l’article 14, paragraphe 1, points b) et d) (soins médicaux d’urgence et prise en considération des besoins des personnes vulnérables), ainsi qu’aux articles 16 et 17 (conditions de rétention), et

b)

respectent le principe de non-refoulement. »

9

La directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9), qui a succédé à la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (JO 2004, L 304, p. 12), et qui est applicable à l’ensemble des États membres, à l’exception du Royaume de Danemark et de l’Irlande, dispose, à son article 3 :

« Les États membres peuvent adopter ou maintenir des normes plus favorables pour décider quelles sont les personnes qui remplissent les conditions d’octroi du statut de réfugié ou de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et pour déterminer le contenu de la protection internationale, dans la mesure où ces normes sont compatibles avec la présente directive. »

10

La directive 2004/83, qui, bien qu’ayant été abrogée par la directive 2011/95, continue de lier l’Irlande, prévoit, à son article 1er :

« La présente directive a pour objet d’établir des normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de la protection accordée. »

11

La directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60), qui est applicable à l’ensemble des États membres, à l’exception du Royaume de Danemark et de l’Irlande, prévoit, à son article 5 :

« Les États membres peuvent prévoir ou maintenir des normes plus favorables en ce qui concerne les procédures d’octroi et de retrait de la protection internationale, pour autant que ces normes soient compatibles avec la présente directive. »

12

La directive 2005/85/CE du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (JO 2005, L 326, p. 13), qui, bien qu’ayant été abrogée par la directive 2013/32, continue de lier l’Irlande, précise, à son article 1er :

« La présente directive a pour objet d’établir des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres. »

13

La directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 96), qui est applicable à l’ensemble des États membres, à l’exception du Royaume de Danemark et de l’Irlande, énonce, à son article 4 :

« Les États membres peuvent adopter ou maintenir des dispositions plus favorables en matière de conditions d’accueil des demandeurs et des parents proches du demandeur qui se trouvent dans le même État membre, lorsqu’ils dépendent de lui, ou pour des raisons humanitaires, dans la mesure où ces dispositions sont compatibles avec la présente directive. »

C. Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne

14

Le règlement no 31 (C.E.E.) 11 (C.E.E.A.) fixant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 1962, 45, p. 1385), tel que modifié en dernier lieu par le règlement (UE) no 1416/2013 du Conseil, du 17 décembre 2013 (JO 2013, L 353, p. 24), énonce notamment, aux termes de son second considérant, que le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne vise à « permettre [aux fonctionnaires et aux agents de l’Union] de s’acquitter de leurs fonctions dans des conditions propres à garantir le meilleur fonctionnement des services ».

III. La convention d’Istanbul et sa signature par l’Union

A. L’analyse de la convention d’Istanbul

15

La convention d’Istanbul, dont le texte final a été adopté par le comité des ministres du Conseil de l’Europe le 7 avril 2011, a été ouverte à la signature le 11 mai 2011, lors de la 121e session de ce comité à Istanbul (Turquie). Entrée en vigueur le 1er août 2014, cette convention comprend un préambule, 81 articles répartis en 12 chapitres et une annexe relative aux privilèges et aux immunités qui s’applique aux membres du « Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique » (Grevio) mentionnés à l’article 66 de ladite convention.

16

Dans son préambule, la convention d’Istanbul cite, notamment, la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, la convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, la convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, la convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1249, p. 13) et le droit humanitaire international, en particulier la convention relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, signée à Genève le 12 août 1949 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 75, p. 287).

17

Ce préambule reconnaît que la violence à l’égard des femmes est une manifestation des rapports de force historiquement inégaux entre les femmes et les hommes ayant conduit à la domination et à la discrimination des femmes par les hommes, que la nature structurelle de la violence à l’égard des femmes est fondée sur le genre, et que la violence à l’égard des femmes est un des mécanismes sociaux cruciaux par lesquels les femmes sont maintenues dans une position de subordination par rapport aux hommes.

18

Aux termes de son article 1er, figurant à son chapitre I, intitulé « Buts, définitions, égalité et non-discrimination, obligations générales », la convention d’Istanbul vise notamment à protéger les femmes contre toutes les formes de violence, et à prévenir, à poursuivre et à éliminer de telles violences, à contribuer à éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à concevoir un cadre global, des politiques et des mesures de protection et d’assistance. Cette disposition indique également que cette convention est assortie d’un mécanisme de suivi spécifique.

19

Selon le point c) de l’article 3 de ladite convention, le terme « genre » désigne les rôles, les comportements, les activités et les attributions socialement construits qu’une société donnée considère comme appropriés pour les femmes et les hommes. Le terme « femme » inclut aussi, selon le point f) de cet article, les filles de moins de 18 ans.

20

Conformément aux articles 5 et 6 de la convention d’Istanbul, les parties à cette convention s’engagent à agir afin de prévenir, d’enquêter sur, de punir, et d’accorder une réparation pour les actes de violence couverts par ladite convention et à inclure une perspective de genre dans la mise en œuvre et l’évaluation de l’impact des dispositions de la même convention.

21

Aux termes des articles 7, 8, 10 et 11 de la convention d’Istanbul, figurant au chapitre II de celle-ci, intitulé « Politiques intégrées et collecte des données », les parties à cette convention s’engagent notamment à mettre en œuvre des politiques nationales effectives, globales et coordonnées pour prévenir et combattre toutes les formes de violence couvertes par ladite convention, à allouer à cette fin des ressources financières et humaines appropriées, à désigner des organes officiels responsables pour la coordination, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des politiques, à collecter les données statistiques désagrégées pertinentes, à intervalle régulier, sur les affaires relatives à toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la même convention et à soutenir la recherche portant sur les causes profondes des formes de violence couvertes par cette dernière et leurs effets, leur fréquence et les taux de condamnation.

22

Le chapitre III, intitulé « Prévention », de la convention d’Istanbul comporte notamment les articles 12 à 16 de celle-ci, qui exposent les obligations des parties à cette convention visant à promouvoir les changements dans les modes de comportement socioculturels en vue d’éradiquer les préjugés, les coutumes, les traditions et toute autre pratique fondés sur l’idée de l’infériorité des femmes ou sur un rôle stéréotypé des femmes et des hommes, à prévenir toutes les formes de violence couvertes par ladite convention, à mettre les besoins spécifiques des personnes vulnérables et des victimes au centre de leurs mesures, à veiller à ce que la culture, la coutume, la religion, la tradition ou le prétendu « honneur » ne soient pas considérés comme justifiant des actes de violence, à conduire, régulièrement et à tous les niveaux, des campagnes ou des programmes de sensibilisation, à inclure dans l’enseignement, les structures sportives, culturelles et de loisirs, et les médias du matériel d’enseignement sur des sujets tels que l’égalité entre les femmes et les hommes, les rôles non stéréotypés des genres, le respect mutuel, la résolution non violente des conflits dans les relations interpersonnelles, la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, et le droit à l’intégrité personnelle et à établir des programmes visant à apprendre aux auteurs de violence domestique à adopter un comportement non violent.

23

Le chapitre IV, intitulé « Protection et soutien », de la convention d’Istanbul prévoit, aux articles 18 à 28 de celle-ci, que les parties à cette convention prennent les mesures nécessaires pour protéger toutes les victimes contre tout nouvel acte de violence, y compris des mécanismes de coopération effective entre toutes les agences étatiques pertinentes, une information adéquate et en temps opportun sur les services de soutien et les mesures légales disponibles, le conseil juridique et psychologique, l’assistance financière, des services de santé et des services sociaux, des informations sur les mécanismes de plaintes individuelles/collectives, des refuges appropriés, facilement accessibles et en nombre suffisant, des permanences téléphoniques gratuites, des centres d’aide d’urgence pour les victimes de viols et de violences sexuelles, des conseils psychosociaux adaptés à l’âge des enfants témoins de violence ainsi que les mesures nécessaires pour que les règles de confidentialité imposées à certains professionnels ne constituent pas un obstacle à un signalement aux autorités compétentes d’un acte grave de violence commis ou à craindre.

24

Le chapitre V, intitulé « Droit matériel », de la convention d’Istanbul comporte, d’une part, les articles 29 à 32 de celle-ci, aux termes desquels les parties s’engagent à fournir aux victimes des recours civils adéquats à l’encontre de l’auteur de l’infraction et des autorités étatiques ayant manqué à leur devoir de prendre des mesures de prévention ou de protection nécessaires, en vue d’obtenir, à titre de réparations adéquates et dans un délai raisonnable, une indemnisation de la part des auteurs de toute infraction ou de la part de l’État pour des atteintes graves à l’intégrité corporelle ou à la santé, dans la mesure où le préjudice n’est pas couvert par d’autres sources. Ces dispositions imposent également que, lors de la détermination des droits de garde et de visite concernant les enfants, les incidents de violence soient pris en compte et que les mariages contractés en ayant recours à la force puissent être annulés ou dissous sans faire peser sur la victime une charge financière ou administrative excessive.

25

D’autre part, ce chapitre V comporte les articles 33 à 48 de cette convention par lesquels les parties à ladite convention acceptent l’obligation d’ériger en infractions pénales, assorties de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, notamment, la commission, la tentative, la complicité et l’aide à commettre une atteinte à l’intégrité psychologique d’une personne par la contrainte ou les menaces, un comportement menaçant dirigé envers une autre personne, conduisant celle‐ci à craindre pour sa sécurité, des actes de violence physique, des actes à caractère sexuel non consentis sur autrui, le fait de forcer un adulte ou un enfant à contracter un mariage, l’excision, l’infibulation ou toute autre mutilation des parties génitales d’une femme, un avortement chez une femme sans son accord préalable, une intervention chirurgicale qui met fin à la capacité d’une femme de se reproduire naturellement sans son accord ainsi que toute forme de comportement non désiré, verbal, non verbal ou physique, à caractère sexuel, violant la dignité d’une personne, en particulier lorsqu’il crée un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

26

Il est également prévu, à l’article 44, paragraphe 4, de la convention d’Istanbul, que la compétence pour poursuivre des infractions établies conformément aux articles 36 à 39 de cette convention, à savoir celles concernant les violences sexuelles, les mariages forcés, les mutilations génitales, les avortements et les stérilisations forcées ne soit pas subordonnée au dépôt préalable d’une plainte de la victime ou à une dénonciation préalable de l’État du lieu où l’infraction a été commise. Selon l’article 46 de ladite convention, constituent notamment des circonstances aggravantes la commission d’actes à l’encontre d’un ancien ou d’un actuel conjoint ou cohabitant, de personnes vulnérables ou d’enfants. L’article 48, paragraphe 1, de la convention d’Istanbul dispose que les parties à celle-ci prennent les mesures nécessaires pour interdire les modes alternatifs de résolution des conflits en ce qui concerne toutes les formes de violence couvertes par cette convention.

27

Le chapitre VI, intitulé « Enquêtes, poursuites, droit procédural et mesures de protection », de la convention d’Istanbul comporte les articles 49 à 58 de celle-ci, aux termes desquels les parties assurent que les services répressifs responsables répondent rapidement et de manière appropriée en offrant une protection adéquate et immédiate aux victimes de violences, notamment en traitant les enquêtes et les procédures judiciaires sans retard injustifié, en prenant des mesures opérationnelles préventives et en effectuant une appréciation du risque de létalité, de la gravité de la situation et du risque de réitération de la violence.

28

En outre, les parties à la convention d’Istanbul prévoient que des ordonnances d’injonction ou de protection appropriées soient disponibles sans charge financière ou administrative excessive pesant sur la victime, notamment dans des situations de danger immédiat en ordonnant à l’auteur de violence domestique de quitter la résidence de la victime. Les victimes doivent être mises à l’abri des risques de représailles, être informées lorsque l’auteur de l’infraction s’évade ou est libéré. Elles doivent être informées de leurs droits et des services à leur disposition et bénéficier d’une assistance appropriée, dont une assistance juridique et une aide juridique gratuite, disposer de la possibilité d’être entendues d’une manière qui permette que les contacts entre les victimes et les auteurs soient évités, notamment en témoignant sans être présentes. Selon les articles 54 et 56 de cette convention, il incombe aux autorités compétentes de protéger la vie privée et l’image de la victime, notamment en assurant que les preuves relatives aux antécédents sexuels et à la conduite de la victime ne soient recevables que lorsque cela est pertinent et nécessaire.

29

L’article 56, paragraphe 2, de ladite convention prévoit qu’un enfant victime et témoin de violence à l’égard des femmes doit se voir accorder des mesures de protection spécifiques et l’article 58 de la même convention dispose que le délai de prescription pour engager toute poursuite du chef des infractions établies conformément aux articles 36 à 39 de celle-ci doit continuer de courir pour une durée suffisante et proportionnelle à la gravité de l’infraction en question, afin de permettre la mise en œuvre efficace des poursuites, après que la victime a atteint l’âge de la majorité.

30

Au chapitre VII, intitulé « Migration et asile », de la convention d’Istanbul, l’article 59 de celle-ci prévoit, tout d’abord, l’obligation pour les parties à cette convention d’accorder aux victimes, dont le statut de résident dépend de celui de leur conjoint ou de leur partenaire, en cas de situations particulièrement difficiles, un permis de résidence autonome ainsi que l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour que les victimes obtiennent la suspension des procédures d’expulsion liées à ce statut. Cet article prévoit, ensuite, la délivrance d’un permis de résidence renouvelable lorsque le séjour des victimes est nécessaire au regard de leur situation personnelle ou aux fins de leur coopération dans le cadre d’une enquête ou de procédures pénales. Enfin, selon ledit article, les victimes de mariages forcés amenées dans un autre pays aux fins d’un tel mariage, et qui perdent en conséquence leur statut de résident doivent pouvoir récupérer ce statut.

31

Aux termes de l’article 60 de la convention d’Istanbul, la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre doit être reconnue comme une forme de persécution au sens de l’article 1, A (2), de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et comme une forme de préjudice grave donnant lieu à une protection subsidiaire. En outre, selon cet article 60, les parties à la convention d’Istanbul doivent veiller à ce qu’une interprétation sensible au genre soit appliquée à chacun des motifs de cette convention en vue de l’octroi du statut de réfugié et à ce que des mesures soient prises pour développer des procédures d’accueil sensibles au genre et des services de soutien pour les demandeurs d’asile, ainsi que des lignes directrices fondées sur le genre et des procédures d’asile sensibles au genre.

32

Aux termes de l’article 61 de la convention d’Istanbul, les victimes de violence à l’égard des femmes nécessitant une protection ne peuvent en aucune circonstance être refoulées vers un pays où leur vie serait en péril ou dans lequel elles pourraient être victimes de torture ou de peines ou de traitements inhumains ou dégradants.

33

Le chapitre VIII, intitulé « Coopération internationale », de cette convention comporte les articles 62 à 65 de celle-ci, qui prévoient que les parties à cette dernière s’engagent notamment à coopérer en matière civile et pénale aux fins de prévenir, de combattre, et de poursuivre toutes les formes de violence couvertes par ladite convention, de protéger et d’assister les victimes, de mener des enquêtes ou des procédures concernant les infractions, d’appliquer les jugements civils et pénaux, de permettre aux victimes d’une infraction établie et commise sur le territoire d’une partie à la convention d’Istanbul autre que celui sur lequel elles résident de porter plainte auprès des autorités compétentes de leur État de résidence et de considérer la convention d’Istanbul comme la base légale de l’entraide judiciaire en matière pénale, de l’extradition ou de l’exécution de jugements civils ou pénaux.

34

Les articles 63 et 64 de la convention d’Istanbul encouragent les parties à cette convention à transférer des informations pouvant aider à prévenir les infractions ou à entamer ou à poursuivre les investigations ainsi qu’à transmettre sans délai des informations selon lesquelles une personne risque d’être soumise de manière immédiate à des actes de violence dans le but d’assurer que les mesures de protection appropriées soient prises, tout en respectant la protection des données à caractère personnel, comme prévu à l’article 65 de ladite convention.

35

Au chapitre IX, intitulé « Mécanisme de suivi », de la convention d’Istanbul, l’article 66 de celle-ci institue le Grevio et le charge de veiller à la mise en œuvre de cette convention. Conformément à l’article 68 de ladite convention, les parties à celle-ci présentent, sur la base d’un questionnaire préparé par le Grevio, un rapport sur les mesures donnant effet aux dispositions de la convention d’Istanbul, pour examen par le Grevio, ce dernier examinant chaque rapport soumis avec les représentants de la partie concernée. Il peut également recevoir des informations concernant ladite mise en œuvre des organisations non gouvernementales et de la société civile et prend dûment en considération les informations disponibles dans d’autres instruments et organisations. Le Grevio peut, en outre, organiser des visites dans les pays concernés, le cas échéant assisté de spécialistes. Le Grevio est chargé d’établir un rapport sur la partie à la convention d’Istanbul faisant l’objet de l’évaluation, visant à permettre au comité des parties, institué à l’article 67 de cette convention, d’adopter des recommandations adressées à cette partie.

36

Au chapitre X, intitulé « Relations avec d’autres instruments internationaux », de la convention d’Istanbul, l’article 71 de celle-ci précise que cette convention ne porte pas atteinte aux obligations découlant d’autres instruments internationaux et que les parties à ladite convention peuvent conclure des accords aux fins de compléter ou de renforcer les dispositions de celle‐ci ou pour faciliter l’application des principes qu’elle consacre.

37

Le chapitre XII, intitulé « Clauses finales », de la même convention comporte les articles 73 à 81 de celle-ci. Aux termes de l’article 73 de la convention d’Istanbul, les dispositions de cette convention ne portent pas atteinte aux dispositions en application desquelles des droits plus favorables sont ou seraient reconnus.

38

Selon l’article 75 de ladite convention, celle-ci est ouverte à la signature des États membres du Conseil de l’Europe, des États non membres ayant participé à son élaboration ainsi que de l’Union et est soumise à ratification.

39

Selon l’article 77 de la même convention, tout État ou l’Union peut, au moment de la signature ou au moment du dépôt de son instrument de ratification désigner le ou les territoires auxquels s’appliquera la convention d’Istanbul et toute partie à celle-ci peut à tout autre moment par la suite, par une déclaration, étendre l’application à tout autre territoire au nom duquel elle est autorisée à prendre des engagements, voire retirer de telles déclarations.

40

L’article 78 de cette convention énonce qu’aucune réserve n’est admise à l’égard des dispositions de ladite convention, à l’exception de la possibilité pour tout État ou l’Union de préciser qu’il se réserve le droit de ne pas appliquer, ou de n’appliquer que dans des cas ou des conditions spécifiques, les dispositions établies à l’article 30, paragraphe 2, à l’article 44, paragraphe 1, sous e), paragraphes 3 et 4, à l’article 55, paragraphe 1, en ce qui concerne l’article 35 à l’égard des infractions mineures, à l’article 58 en ce qui concerne les articles 37, 38 et 39 et à l’article 59 de la convention d’Istanbul ainsi que le droit de prévoir des sanctions non pénales, au lieu de sanctions pénales, pour les comportements mentionnés aux articles 33 et 34 de cette convention.

B. Les propositions de décisions de signature et de conclusion de la convention d’Istanbul

41

Le 4 mars 2016, la Commission européenne a présenté au Conseil tant sa proposition de décision du Conseil portant signature, au nom de l’Union européenne, de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique [COM(2016) 111 final, ci-après la « proposition de décision de signature »] que sa proposition de décision du Conseil portant conclusion, au nom de l’Union européenne, de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique [COM(2016) 109 final, ci-après la « proposition de décision de conclusion »]. Cette dernière proposition, dont le contenu est, en substance, identique à celui de la proposition de décision de signature, est rédigée comme suit :

« 2.1 Compétence de l’Union pour conclure la convention [d’Istanbul]

Alors que les États membres demeurent compétents pour de larges parts de la convention [d’Istanbul], notamment en ce qui concerne la plupart des dispositions de droit pénal matériel et d’autres dispositions du chapitre V [de cette convention] dans la mesure où elles revêtent un caractère accessoire, la compétence de l’Union porte sur une part importante des dispositions de la convention [d’Istanbul] de sorte qu’elle devrait ratifier [ladite] convention aux côtés des États membres.

[…]

L’Union est exclusivement compétente en vertu de l’article 3, paragraphe 2, […] TFUE dans la mesure où la convention [d’Istanbul] est susceptible d’affecter ces règles communes ou d’en altérer la portée. Tel est le cas, par exemple, en ce qui concerne les questions relatives au statut de résident des ressortissants de pays tiers et des apatrides, y compris des bénéficiaires d’une protection internationale, pour autant qu’elles soient réglementées par le droit de l’Union, et l’examen des demandes de protection internationale ainsi que les droits des victimes de la criminalité. Même si nombre des dispositions en vigueur mentionnées [aux paragraphes précédents] sont des règles minimales, on ne saurait exclure que compte tenu de la jurisprudence récente, certaines puissent être également affectées ou que leur portée puisse être altérée.

2.2 Base juridique de la proposition de décision du Conseil

[…]

Les bases juridiques figurant dans le traité [FUE] et présentant ici un intérêt sont les suivantes : l’article 16 (protection des données), l’article 19, paragraphe 1 (discrimination fondée sur le sexe), l’article 23 (protection consulaire des ressortissants d’un autre État membre), les articles 18, 21, 46 et 50 (libre circulation des citoyens, libre circulation des travailleurs et liberté d’établissement), l’article 78 (asile, protection subsidiaire et protection temporaire), l’article 79 (immigration)[,] l’article 81 (coopération judiciaire en matière civile), l’article 82 (coopération judiciaire en matière pénale), l’article 83 (définition à l’échelle de l’Union des infractions pénales et des sanctions pour des domaines de criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontière), l’article 84 (mesures non harmonisées de prévention du crime), et l’article 157 (égalité des chances et égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière d’emploi et de travail).

Dans l’ensemble, bien que la convention [d’Istanbul] ait plusieurs composantes, sa finalité prépondérante consiste dans la prévention des crimes violents à l’égard des femmes, dont la violence domestique, et dans la protection des victimes de ces crimes. Il semble, dès lors, approprié de fonder la décision sur les compétences de l’Union relevant du titre V du [traité] FUE, notamment sur son article 82, paragraphe 2[,] et son article 84. Les dispositions de la convention [d’Istanbul portant] sur d’autres questions sont accessoires ou, comme c’est le cas de la protection des données, incidentes par rapport aux mesures qui constituent le thème central de [cette] convention. En conséquence, pour que l’Union exerce ses compétences sur l’intégralité de [ladite] convention, abstraction faite des éléments sur lesquels elle n’aurait pas compétence, les bases juridiques principales sont l’article 82, paragraphe 2[,] et l’article 84 […] TFUE. »

C. La décision de signature 2017/865

42

Le premier visa de la décision (UE) 2017/865 du Conseil, du 11 mai 2017, relative à la signature, au nom de l’Union européenne, de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique en ce qui concerne les questions liées à la coopération judiciaire en matière pénale (JO 2017, L 131, p. 11, ci-après la « décision de signature 2017/865 »), est libellé comme suit :

« vu le traité [FUE], et notamment son article 82, paragraphe 2, et son article 83, paragraphe 1, en liaison avec l’article 218, paragraphe 5 ».

43

Les considérants 1 à 11 de cette décision énoncent :

« (1)

L’Union a, avec le statut d’observateur, participé aux côtés des États membres, à la négociation de la [convention d’Istanbul] […]

(2)

En vertu de son article 75, la convention [d’Istanbul] est ouverte à la signature de l’Union.

(3)

La convention [d’Istanbul] crée un cadre juridique complet et multidimensionnel pour protéger les femmes contre toutes les formes de violence. Elle vise à prévenir, poursuivre et éliminer la violence à l’égard des femmes et des filles et la violence domestique. Elle régit toute une série de mesures allant de la collecte des données et de la sensibilisation, aux mesures juridiques consistant à ériger en infractions différentes formes de violence à l’égard des femmes. Elle comprend notamment des mesures de protection des victimes et la fourniture de services de soutien, et elle aborde la dimension sexiste de la violence en matière d’asile et de migration. Afin d’assurer une mise en œuvre effective de ses dispositions par les parties, la convention [d’Istanbul] établit un mécanisme de suivi spécifique.

(4)

La signature de la convention [d’Istanbul] au nom de l’Union contribuera à la réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines, qui constitue une valeur essentielle et un objectif fondamental de l’Union que cette dernière doit atteindre dans toutes ses activités conformément aux articles 2 et 3 [TUE], à l’article 8 [TFUE] et à l’article 23 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La violence à l’égard des femmes constitue une violation de leurs droits humains et une forme extrême de discrimination, profondément enracinée dans les inégalités entre les femmes et les hommes et contribuant à les perpétuer et à les accentuer. En s’engageant à mettre en œuvre la convention [d’Istanbul], l’Union confirme qu’elle est résolue à combattre la violence faite aux femmes sur son territoire et dans le monde, et renforce son action politique actuelle ainsi que l’important cadre juridique en vigueur dans le domaine du droit de la procédure pénale, qui revêt une importance particulière pour les femmes et les filles.

(5)

Tant l’Union que ses États membres sont compétents dans les domaines couverts par la convention [d’Istanbul].

(6)

Il convient de signer la [c]onvention [d’Istanbul] au nom de l’Union pour ce qui est des questions relevant de la compétence de l’Union dans la mesure où [cette] convention peut affecter des règles communes ou en altérer la portée. Cela s’applique, en particulier, à certaines dispositions de [ladite] convention relatives à la coopération judiciaire en matière pénale et aux dispositions de la [même] convention relatives à l’asile et au non-refoulement. Les États membres conservent leur compétence dans la mesure où la [c]onvention [d’Istanbul] n’affecte pas des règles communes ou n’en altère pas la portée.

(7)

L’Union jouit également d’une compétence exclusive pour assumer les obligations énoncées dans [cette] convention en ce qui concerne ses propres institutions et sa propre administration publique.

(8)

Comme la compétence de l’Union et les compétences des États membres sont étroitement liées, l’Union devrait devenir partie à [ladite] convention, aux côtés de ses États membres, de façon à pouvoir, ensemble et de manière cohérente, remplir les obligations édictées par la [c]onvention [d’Istanbul] et exercer les droits qui leur sont conférés.

(9)

La présente décision concerne les dispositions de [cette] convention relatives à la coopération judiciaire en matière pénale dans la mesure où ces dispositions peuvent affecter des règles communes ou en altérer la portée. Elle ne concerne pas les articles 60 et 61 de [ladite] convention, qui relèvent d’une décision distincte du Conseil relative à la signature à adopter parallèlement à la présente décision.

(10)

L’Irlande et le Royaume-Uni sont liés par les directives [2011/36 et 2011/93], ils participent donc à l’adoption de la présente décision.

(11)

Conformément aux articles 1er et 2 du protocole [(no 22)] sur la position du Danemark annexé au traité [UE] et au [traité] FUE, le [Royaume de] Danemark ne participe pas à l’adoption de la présente décision et n’est pas lié par celle-ci ni soumis à son application. »

44

L’article 1er de ladite décision prévoit :

« La signature, au nom de l’Union […], de la [convention d’Istanbul] en ce qui concerne les questions liées à la coopération judiciaire en matière pénale, est autorisée, sous réserve de la conclusion de ladite convention. »

D. La décision de signature 2017/866

45

Le premier visa de la décision (UE) 2017/866 du Conseil, du 11 mai 2017, relative à la signature, au nom de l’Union européenne, de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, en ce qui concerne l’asile et le non-refoulement (JO 2017, L 131, p. 13, ci-après la « décision de signature 2017/866 »), est libellé comme suit :

« vu le traité [FUE], et notamment son article 78, paragraphe 2, en liaison avec l’article 218, paragraphe 5 ».

46

Les considérants 1 à 8 et 11 de cette décision sont identiques à ces mêmes considérants de la décision de signature 2017/865. Quant aux considérants 9 et 10 de la décision de signature 2017/866, ils énoncent :

« (9)

La présente décision concerne uniquement les articles 60 et 61 de la convention [d’Istanbul]. Elle ne concerne pas les dispositions de [cette] convention relatives à la coopération judiciaire en matière pénale, qui relèvent d’une décision distincte du Conseil relative à la signature à adopter parallèlement à la présente décision.

(10)

Conformément aux articles 1er et 2 du protocole [(no 21)] sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé au traité [UE] et au [traité] FUE, et sans préjudice [de] l’article 4 dudit protocole, ces États membres ne participent pas à l’adoption de la présente décision et ne sont pas liés par celle-ci ni soumis à son application. »

47

L’article 1er de la décision de signature 2017/866 prévoit :

« La signature, au nom de l’Union […], de la convention [d’Istanbul], en ce qui concerne l’asile et le non-refoulement, est autorisée, sous réserve de la conclusion de ladite convention. »

IV. Les appréciations formulées par le Parlement dans sa demande d’avis

A. Sur les faits et la procédure

48

Le Parlement relève que la Commission a adopté, le 4 mars 2016, tant la proposition de décision de signature, ayant comme base juridique procédurale l’article 218, paragraphe 5, TFUE et comme base juridique matérielle l’article 82, paragraphe 2, TFUE et l’article 84 TFUE, que la proposition de décision de conclusion, ayant comme base juridique procédurale l’article 218, paragraphe 6, TFUE et la même base juridique matérielle que celle de la proposition de décision de signature.

49

Pour autoriser la signature de la convention d’Istanbul par l’Union, le Conseil aurait substitué à ces bases juridiques matérielles l’article 78, paragraphe 2, TFUE, l’article 82, paragraphe 2, TFUE et l’article 83, paragraphe 1, TFUE.

50

En outre, il aurait adopté, le 11 mai 2017, deux décisions distinctes aux fins de cette autorisation, à savoir, d’une part, la décision de signature 2017/865, fondée sur l’article 82, paragraphe 2, TFUE et l’article 83, paragraphe 1, TFUE, ainsi que, d’autre part, la décision de signature 2017/866, fondée sur l’article 78, paragraphe 2, TFUE.

51

Si la signature de la convention d’Istanbul au nom de l’Union a eu lieu le 13 juin 2017, le Conseil n’aurait adopté, à ce jour, aucune décision relative à la conclusion de cette convention par l’Union, dès lors que, selon le Parlement, le Conseil semble subordonner l’adoption d’une telle décision à l’existence préalable d’un « commun accord » de tous les États membres.

B. Sur les bases juridiques appropriées pour la conclusion de la convention d’Istanbul

52

Compte tenu des objectifs de la convention d’Istanbul, tenant à la protection des femmes victimes de violences et à la prévention de ces violences, tels qu’énoncés à ses articles 1er, 5 et 7 et précisés dans ses chapitres III et IV, le Parlement estime que la Commission était fondée à les considérer comme constituant les deux composantes prédominantes de cette convention.

53

Le Parlement s’interroge donc, en premier lieu, sur les raisons qui justifient l’abandon par le Conseil de la base juridique tirée de l’article 84 TFUE pour adopter les décisions de signature 2017/865 et 2017/866 et l’ajout des bases juridiques tirées de l’article 78, paragraphe 2, TFUE et de l’article 83, paragraphe 1, TFUE pour fonder, respectivement, la décision de signature 2017/866 et la décision de signature 2017/865.

54

S’agissant de l’article 78, paragraphe 2, TFUE, le Parlement relève que cette base juridique ne vise que le domaine de l’asile, couvert par les seuls articles 60 et 61 de la convention d’Istanbul, et se demande, partant, s’il est possible de regarder ces derniers articles comme constituant une composante autonome et prédominante de cette convention, ou si lesdits articles ne sont pas plutôt la déclinaison, dans le domaine particulier de l’asile, du souci général de protection de toutes les femmes victimes de violences, si bien qu’ils ne constitueraient que des dispositions auxiliaires ne requérant pas le recours à l’article 78, paragraphe 2, TFUE comme composante de la base juridique matérielle desdites décisions de signature.

55

En ce qui concerne l’article 83, paragraphe 1, TFUE, le Parlement relève que cette disposition limite la compétence de l’Union à certains domaines de criminalité, au nombre desquels les violences faites aux femmes ne figureraient pas. Ces violences ne relèveraient ainsi de la compétence de l’Union que dans le cadre de la traite des êtres humains, de l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants ou de la criminalité organisée.

56

Partant, les États membres ayant conservé leur compétence pour l’essentiel du droit pénal matériel dont traite la convention d’Istanbul et les éléments de cette convention relatifs à ce droit relevant de la compétence de l’Union paraissant secondaires, ils ne nécessiteraient pas l’ajout de l’article 83, paragraphe 1, TFUE pour fonder les décisions de signature 2017/865 et 2017/866.

C. Sur la scission en deux décisions distinctes des actes de signature et de conclusion de la convention d’Istanbul

57

Le Parlement relève que la circonstance selon laquelle l’Irlande pourrait se prévaloir des dispositions du protocole (no 21) sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé au traité UE et au traité FUE (ci-après le « protocole no 21 »), en relation avec les articles 60 et 61 de la convention d’Istanbul, ne peut pas en soi justifier un recours à l’article 78, paragraphe 2, TFUE comme base juridique de l’acte de signature de cette convention. Dès lors, si lesdits articles 60 et 61 ne sauraient être considérés comme constituant une composante autonome et prédominante de ladite convention, le recours à l’article 78, paragraphe 2, TFUE serait inutile et la scission de l’acte de signature de la même convention en deux décisions distinctes injustifiée.

58

En outre, le Parlement rappelle que les articles 60 et 61 de la convention d’Istanbul sont, en tout état de cause, largement couverts par des règles communes auxquelles est soumise l’Irlande, les directives 2004/83 et 2005/85 n’ayant été abrogées qu’à l’égard des États membres qui sont liés par les directives 2011/95 et 2013/32. Partant, à supposer même que l’ajout de la base juridique tirée de l’article 78, paragraphe 2, TFUE ait été justifié, se poserait la question de la nécessité de scinder l’acte de signature de cette convention en deux décisions distinctes.

D. Sur la pratique du « commun accord » des États membres

59

Le Parlement souligne que le caractère d’accord « mixte » de la convention d’Istanbul, dont la matière relève, pour partie, des compétences de l’Union et, pour partie, de celles des États membres, n’est pas contesté. Toutefois, l’article 218, paragraphe 6, TFUE prévoit, pour la conclusion d’un accord international au nom de l’Union, l’intervention d’une décision du Conseil adoptée à la majorité qualifiée après approbation du Parlement. Le Parlement s’interroge ainsi sur la démarche du Conseil consistant à s’assurer, avant de conclure la convention d’Istanbul, du consentement de tous les États membres à être liés par celle-ci.

60

Le Parlement reconnaît à cet égard qu’il importe d’assurer une coopération étroite entre les États membres et les institutions de l’Union dans le processus de négociation, de conclusion et d’exécution des engagements assumés, mais considère que l’attente d’un « commun accord » de tous les États membres pour la conclusion de ladite convention va au-delà d’une telle coopération et revient à appliquer, dans la pratique, la règle de l’unanimité au sein du Conseil en dépit de la règle imposant seulement la majorité qualifiée applicable en vertu du traité FUE.

61

Le Parlement estime en outre que la présente situation est distincte de celle dans laquelle le Conseil avait fusionné en un acte « hybride » les décisions de l’Union et des États membres, dans la mesure où, en l’occurrence, l’attente du « commun accord » des États membres empêche l’adoption de toute décision. Le Parlement souligne néanmoins que la pratique du « commun accord » semble constituer une pratique généralisée du Conseil et non une exigence appliquée au seul cas d’espèce.

V. Résumé des observations présentées à la Cour

62

Dans le cadre de la présente procédure, des observations ont été soumises à la Cour par la République de Bulgarie, la République tchèque, l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, la Hongrie, la République d’Autriche, la République de Pologne, la République slovaque, la République de Finlande, le Conseil et la Commission.

A. Sur les faits et la procédure

1. Sur la signature et la ratification de la convention d’Istanbul par les États membres

63

Selon la République de Bulgarie et le Conseil, depuis l’ouverture de la convention d’Istanbul à la signature, 21 États membres de l’Union, à l’exception de la République de Bulgarie, de la République tchèque, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la Hongrie et de la République slovaque, ont ratifié cette convention, sans tenir compte d’une éventuelle interférence de ces ratifications avec la compétence exclusive de l’Union.

64

Par ailleurs, selon le Conseil, plusieurs États membres ont émis des réserves et fait des déclarations lors de la signature ou de la ratification de la convention d’Istanbul, concernant notamment la compatibilité de certaines dispositions de cette convention avec leur constitution nationale. En outre, certaines parties à ladite convention, y compris quatre États membres de l’Union, auraient formulé des objections à ces réserves et à ces déclarations en vertu du droit international public.

65

Le Conseil souligne encore qu’il serait de notoriété publique que certains éléments et définitions contenus dans la convention d’Istanbul sont source de contentieux dans certains États membres du Conseil de l’Europe, la compatibilité des obligations établies dans cette convention avec les traditions, les législations et les constitutions nationales étant douteuse. Ainsi, certaines délégations nationales présentes au sein du groupe « Droits fondamentaux, droits des citoyens et libre circulation des personnes » (ci-après le « FREMP »), qui est un groupe de travail du Conseil chargé, notamment, d’examiner les propositions relatives à l’adhésion à la convention d’Istanbul, auraient indiqué avoir rencontré de sérieuses difficultés pour ratifier cette convention. Cela étant, aucun de ces États membres n’aurait officiellement informé le Conseil de ces difficultés ni de la nature irréversible des difficultés rencontrées.

2. Sur la procédure de signature de la convention d’Istanbul au sein du Conseil

66

La Commission relève que la proposition de décision de signature, qui a comme base juridique matérielle l’article 82, paragraphe 2, TFUE et l’article 84 TFUE, envisageait la signature de la convention d’Istanbul au moyen d’une décision unique et constatait l’existence des compétences respectives de l’Union, exclusives ou partagées, et des États membres. Toutefois, le Conseil n’aurait pas suivi l’approche de la Commission exposée dans cette proposition.

67

Le Conseil relève que les échanges au sein du FREMP sur la proposition de décision de signature ont été difficiles à plusieurs égards. En premier lieu, le FREMP aurait contesté, au regard du principe d’attribution, l’affirmation de la Commission, figurant dans cette proposition, selon laquelle « la compétence de l’Union porte sur une part importante des dispositions de la convention [d’Istanbul] », eu égard aux compétences attribuées à l’Union en vertu de l’article 3, paragraphe 2, TFUE, et aurait demandé que soit effectuée, au sein du Conseil, une analyse rigoureuse des compétences exclusives de l’Union en vue de la conclusion de la convention d’Istanbul. À la suite de cette analyse, le FREMP aurait conclu que la compétence exclusive de l’Union était limitée à certaines questions liées à la coopération judiciaire en matière pénale ainsi qu’à l’asile et au non-refoulement.

68

En deuxième lieu, tandis que la Commission et le Parlement auraient prôné une adhésion « large » de l’Union à la convention d’Istanbul en faisant de l’Union une partie à cette convention dans toute la mesure de ses compétences, exclusives ou partagées, exercées ou potentielles, de nombreuses délégations nationales présentes au sein du FREMP auraient considéré qu’une telle adhésion pourrait entraîner des complications pour les États membres ayant déjà ratifié ladite convention. L’adhésion « large » ne recueillant pas un soutien suffisant, il aurait été clair que seule une signature limitée à la compétence exclusive de l’Union pouvait recueillir une majorité qualifiée au sein du Conseil. Or, le choix entre une adhésion « limitée » et une adhésion « large » à la même convention serait un choix politique appartenant au Conseil.

69

En troisième lieu, le Conseil a estimé que la décision de signature de la convention d’Istanbul devait avoir comme base juridique matérielle l’article 78, paragraphe 2, l’article 82, paragraphe 2, et l’article 83, paragraphe 1, TFUE. En outre, le Conseil a considéré qu’il était juridiquement nécessaire de scinder la décision de signature en deux décisions distinctes. En effet, en vertu de l’application du protocole no 21, le calcul des majorités de vote au sein du Conseil en matière d’asile et de non-refoulement aurait différé de celui appliqué en matière de coopération judiciaire en matière pénale. L’Irlande partage la position du Conseil.

3. Sur la procédure de conclusion de la convention d’Istanbul au sein du Conseil

70

La Commission relève que la proposition de décision de conclusion, qui a comme base juridique matérielle l’article 82, paragraphe 2, et l’article 84 TFUE, fait l’objet de débats au sein du Conseil depuis le 26 avril 2016. La conclusion par l’Union de la convention d’Istanbul serait ainsi bloquée depuis plusieurs années, sans que le Conseil ait entamé les procédures prévues par les traités pour permettre à l’Union de s’engager sur le plan international. Cette situation serait la conséquence de la pratique du « commun accord » des États membres, en application de laquelle le processus décisionnel prévu à l’article 17, paragraphe 2, TUE et à l’article 218, paragraphe 6, TFUE resterait « verrouillé » tant que le consensus des États membres n’est pas atteint.

71

Cette pratique s’appliquerait aux accords dont la mixité est considérée comme étant nécessaire, au vu des compétences réservées aux États membres, mais également aux accords conclus au titre de compétences partagées. Le Conseil se trouverait, en l’occurrence, dans l’impossibilité de constater ce « commun accord », puisqu’au moins un des États membres aurait manifesté son désaccord en raison d’un potentiel conflit entre la convention d’Istanbul et son droit constitutionnel.

72

Si l’article 218 TFUE prévoit une procédure unifiée et de portée générale pour la négociation, la signature et la conclusion des accords internationaux de l’Union, les approches des institutions seraient ainsi divergentes en ce qui concerne les accords mixtes, ce qui susciterait des blocages affectant la capacité d’agir de l’Union sur le plan international. C’est en raison de cette situation de blocage que le Parlement aurait introduit la présente demande d’avis.

73

Le Conseil précise que, à la suite de l’adoption des décisions de signature 2017/865 et 2017/866, le FREMP a mené plusieurs travaux concernant l’adhésion de l’Union à la convention d’Istanbul, dont l’élaboration d’un code de conduite entre l’Union et les États membres destiné à traiter de questions telles que l’élaboration de positions, la coordination et l’établissement de rapports au titre des mécanismes de surveillance de cette convention. Des discussions approfondies auraient également été engagées sur la conclusion de ladite convention par l’Union, qui auraient été interrompues par la présente demande d’avis.

B. Sur la recevabilité de la demande d’avis

1. Sur les bases juridiques appropriées pour la conclusion de la convention d’Istanbul

74

Selon le Conseil, le Parlement et la Commission ont tardé à contester, au titre de l’article 263 TFUE, les décisions de signature 2017/865 et 2017/866. L’Irlande et le Conseil soutiennent à cet égard que contester ces décisions, dans le cadre de la présente demande d’avis, plus de deux ans après leur adoption met en doute la compatibilité d’une telle démarche avec la ratio legis de l’article 218, paragraphe 10, TFUE, lequel vise à informer immédiatement le Parlement à chaque étape de la procédure afin notamment de s’assurer qu’il soit mis en mesure de vérifier si le choix de la base juridique a été opéré dans le respect de ses attributions et de lui permettre de réagir immédiatement en cas de problème. Aussi, par la présente demande d’avis, le Parlement porterait atteinte à cette ratio legis, contournerait les délais impartis pour former un recours en annulation, ce que considère également la Hongrie, et porterait éventuellement atteinte au principe de coopération loyale ainsi qu’au statut international de l’Union.

75

La République de Finlande considère que la Cour est compétente pour examiner, dans le cadre de la présente procédure d’avis, la base juridique appropriée pour l’adoption de l’acte du Conseil qui concerne la conclusion, au nom de l’Union, de la convention d’Istanbul, dès lors qu’une base juridique incorrecte pourrait entraîner l’invalidation de la décision de conclusion.

76

La République de Pologne estime que le Parlement cherche à remettre en cause la décision du Conseil relative à l’adhésion de l’Union à la convention d’Istanbul au seul titre de ses compétences exclusives, en vue de revenir à une adhésion de portée large. Or, une telle requête ne pourrait pas faire l’objet de la procédure d’avis, ce choix étant de nature politique et réservé au Conseil. La Hongrie adhère à cette analyse et ajoute que, telle qu’elle est formulée, la première question ne permettrait pas de déterminer les compétences exclusives de l’Union.

77

Selon la Hongrie, la demande d’avis ne porte pas sur la compatibilité de la convention d’Istanbul avec les traités et ne vise qu’indirectement et marginalement la répartition des compétences entre l’Union et les États membres. Elle concernerait ainsi, tout au plus, la délimitation des compétences entre l’Union et les États membres. Or, à supposer même que l’étendue des compétences de l’Union puisse être déterminée, cela ne justifierait pas qu’un avis soit rendu, ce dernier ne contribuant pas à empêcher les États membres ou l’Union d’assumer des obligations internationales incompatibles avec la répartition des compétences entre eux, ces États et l’Union devant, en tout état de cause, s’acquitter solidairement de telles obligations. Eu égard aux décisions de signature 2017/865 et 2017/866 ainsi qu’à la circonstance que la convention d’Istanbul a d’ores et déjà été signée par tous les États membres et ratifiée par la majorité d’entre eux, il serait difficile de soutenir que la demande d’avis serait de nature à éviter des complications juridiques futures concernant la répartition des compétences entre l’Union et ses États membres.

78

En outre, si la première question devait concerner une décision du Conseil relative à la conclusion de la convention d’Istanbul, la Hongrie estime que cette question est hypothétique et prématurée, le Conseil n’ayant pas encore décidé de son contenu et n’ayant pas atteint le stade où il devra demander l’accord du Parlement, celui-ci pouvant formuler ses objections éventuelles à ce stade.

2. Sur la scission en deux décisions distinctes des actes de signature et de conclusion de la convention d’Istanbul

79

La Hongrie conteste également la recevabilité de la première question soulevée par le Parlement dans sa demande d’avis, en ce qu’elle porte sur la scission en deux décisions distinctes des actes de signature et de conclusion de la convention d’Istanbul, pour des motifs analogues à ceux exposés respectivement aux points 74 et 78 du présent avis. Il en va de même du Conseil, ce dernier soulignant en particulier que présente un caractère prématuré à ce stade la question portant sur les modalités selon lesquelles il pourrait envisager à l’avenir de conclure la convention d’Istanbul au nom de l’Union.

80

La République de Finlande considère en revanche que la Cour est compétente pour examiner le point de savoir si, eu égard au protocole no 21, il est nécessaire ou possible de scinder en deux décisions distinctes les actes de signature et de conclusion de la convention d’Istanbul en fonction de la base juridique appropriée. En effet, une telle scission pourrait remettre en cause non seulement les règles de vote au sein du Conseil, mais également les effets juridiques de la décision approuvant la convention d’Istanbul à l’égard, notamment, de l’Irlande.

3. Sur la pratique du « commun accord » des États membres

81

La République hellénique estime, en vue de contester la recevabilité de la seconde question formulée par le Parlement dans sa demande d’avis, que cette institution n’a pas suffisamment clarifié en quoi le comportement du Conseil serait préjudiciable.

82

La République de Bulgarie et la Hongrie contestent également cette recevabilité et relèvent à ce titre que cette seconde question ne concerne ni la compatibilité de la convention d’Istanbul avec les traités, ni la compétence de l’Union ou de l’une de ses institutions pour conclure cette convention, ni la base juridique des décisions du Conseil, mais bien le règlement intérieur du Conseil, annexé à la décision du Conseil, du 1er décembre 2009, portant adoption de son règlement intérieur (JO 2009, L 325, p. 35). En outre, la République de Bulgarie estime que la pratique du « commun accord » ne modifie pas les compétences de l’Union ou de ses institutions ni la procédure prévue à l’article 218, paragraphe 8, TFUE.

83

La Hongrie ajoute que, tant que le Conseil ne décide pas de la conclusion de ladite convention, toute complication en droit international est exclue d’emblée, de sorte que la demande d’avis ne présente pas d’utilité. Le Conseil fait également valoir que ladite seconde question est purement hypothétique, car procédant d’une spéculation quant à la manière d’agir du Conseil. Dans le même sens, l’Irlande, la République hellénique et le Royaume d’Espagne précisent qu’aucune démarche n’a été entamée par le Conseil pour exiger le « commun accord » des États membres avant d’adopter sa décision relative à la conclusion de la convention d’Istanbul.

84

Tout en étant conscients que la procédure d’avis permet d’aborder la question de savoir si la conclusion d’un accord relève ou non des compétences de l’Union, le Royaume d’Espagne, la Hongrie et le Conseil soulignent, premièrement, que le processus décisionnel au sein du Conseil se trouve encore au stade préparatoire auprès du FREMP. En outre, selon la Hongrie et le Conseil, l’adhésion à la convention d’Istanbul requiert un contrôle préalable en vue de réviser et de compléter les règles internes des institutions, des organes et des organismes de l’Union, y compris celles du statut des fonctionnaires de l’Union européenne. Or, de telles mesures n’auraient toujours pas été proposées. Ce serait au terme du cours normal de la procédure que la conclusion de cette convention serait soumise au Conseil pour décision, conformément à l’article 218, paragraphe 6, TFUE. La Hongrie ajoute que le Conseil n’est lié par aucun délai pour l’adoption de décisions de conclusion d’accords internationaux et que le motif pour lequel le Conseil ne prend pas une telle décision est dépourvu de pertinence.

85

Deuxièmement, le Conseil estime que le Parlement aurait dû demander si la conclusion par l’Union de ladite convention est compatible avec le droit international et les droits souverains des États membres en l’absence d’un « commun accord » de tous les États membres. Or, si le Conseil devait veiller à ce que la conclusion par l’Union de la convention d’Istanbul ne suscite pas de problèmes au regard du droit international, une telle question ne pourrait toutefois pas faire l’objet d’une demande d’avis. Le Royaume d’Espagne estime que la seconde question formulée par le Parlement dans sa demande d’avis devrait viser le point de savoir s’il est conforme au principe d’attribution et à l’article 218, paragraphe 6, TFUE de subordonner l’adoption de la décision de conclusion, au nom de l’Union, de la convention d’Istanbul au « commun accord » des États membres à être liés par celle-ci en ce qui concerne leurs compétences nationales.

86

En tout état de cause, selon le Conseil, la conclusion de la convention d’Istanbul par l’Union aurait lieu moyennant une décision du Conseil adoptée conformément à l’article 218, paragraphe 6, TFUE, sans qu’aucun vote supplémentaire soit requis. En outre, une telle décision ne saurait être considérée comme étant viciée par le fait que les États membres ont exprimé, préalablement, leur consentement à être liés par cette convention en ce qui concerne leurs compétences nationales. Une telle expression de consentement ne saurait d’ailleurs être considérée comme une complication que la procédure d’avis aurait pour objet de prévenir.

87

Dans l’hypothèse où le Parlement considérerait que le Conseil doit agir avant que les États membres expriment leur volonté d’être liés par l’accord concerné, le Royaume d’Espagne, la Hongrie, la République slovaque et le Conseil estiment que le Parlement aurait pu introduire un recours en carence au titre de l’article 265 TFUE. La procédure d’avis aurait une finalité différente et ne saurait être utilisée pour contraindre le Conseil à agir.

88

Troisièmement, l’adoption par l’Union de la décision de conclusion de la convention d’Istanbul devrait être distinguée du dépôt de l’instrument d’adhésion. Aucun de ces deux actes n’ayant été, à ce stade, adopté par le Conseil et la procédure étant toujours en cours, la demande d’avis reposerait sur des suppositions erronées, serait prématurée et hypothétique. Tout en admettant que la convention d’Istanbul est un « accord envisagé », au sens de l’article 218, paragraphe 11, TFUE, le Conseil conteste que ses procédures ou son calendrier internes puissent faire l’objet d’une procédure d’avis au titre de cette disposition. Cette position est partagée par la Hongrie.

89

En revanche, la République de Finlande est d’avis que la pratique du « commun accord » peut faire l’objet de la présente procédure d’avis, dès lors que la conclusion de ladite convention sans « commun accord » des États membres serait susceptible d’être invalidée si un tel accord était requis par les traités. En outre, pourraient être examinés dans le cadre de cette procédure non seulement le point de savoir si l’Union est compétente pour conclure un accord international spécifique, mais également celui de savoir si l’Union agit de manière conforme aux traités.

C. Sur le fond de la demande d’avis

1. Sur les bases juridiques appropriées pour la conclusion de la convention d’Istanbul

a) Sur une adhésion « large » ou « limitée » de l’Union à la convention d’Istanbul

90

L’Irlande et la République de Finlande relèvent que l’analyse présentée par le Parlement concernant les bases juridiques appropriées des décisions de signature 2017/865 et 2017/866 semble viser la convention d’Istanbul dans son intégralité. Cependant, ces décisions ne concerneraient que les domaines de cette convention qui relèvent, selon l’analyse du Conseil, de la compétence exclusive de l’Union. Il serait, en effet, possible pour le Conseil de limiter l’adhésion de l’Union à ces seuls domaines.

91

La République de Finlande estime que, partant, il faut déterminer les bases juridiques appropriées en vue de l’adoption des décisions de signature de la convention d’Istanbul en fonction des dispositions de cette convention qui relèvent de la compétence exclusive de l’Union, tout en ajoutant qu’il n’est pas exclu que le Conseil puisse encore décider d’exercer également des compétences partagées.

92

Or, dès lors que le choix de la base juridique d’un acte de l’Union, y compris celui adopté en vue de la conclusion d’un accord international, doit se fonder, notamment, sur le but et le contenu de cet acte, il serait tout à fait approprié, selon l’Irlande, de désigner les bases juridiques des décisions de signature dudit acte exclusivement à la lumière du contenu de ces décisions et non par rapport à l’ensemble de l’accord international visé, en l’occurrence la convention d’Istanbul.

93

La République de Pologne souligne également que l’étendue de l’adhésion détermine la finalité et le contenu des décisions de signature et de conclusion de la convention d’Istanbul. Le choix de la base juridique de ces décisions résulterait donc d’une décision politique du Conseil, que le Parlement chercherait à remettre en cause.

b) Sur les critères d’identification des compétences de l’Union

94

Selon la Commission, le constat d’une compétence externe exclusive de l’Union au titre de l’article 3, paragraphe 2, TFUE doit trouver son fondement dans une analyse concrète de la relation existant entre l’accord international envisagé et le droit de l’Union en vigueur. Cette analyse devrait prendre en compte les domaines couverts, leurs perspectives d’évolution prévisibles ainsi que la nature et le contenu de leurs règles et dispositions, afin de vérifier si un tel accord est susceptible de porter atteinte à l’application uniforme et cohérente des règles de l’Union. Un tel risque existerait lorsqu’un domaine est couvert en grande partie par des règles de l’Union et des dispositions du traité FUE, tels que son article 82, paragraphe 2, sous d), et son article 83, paragraphe 1, in fine, qui ouvriraient de telles perspectives dans la mesure où elles prévoiraient la possibilité d’élargir les compétences de l’Union.

95

Selon le Conseil, une compétence exclusive reconnue à l’Union pour la conclusion de la convention d’Istanbul ne peut reposer que sur la troisième hypothèse prévue à l’article 3, paragraphe 2, TFUE, à savoir lorsque cette conclusion est susceptible d’affecter des règles communes ou d’en altérer la portée. Cependant, le Conseil précise que, dans le cadre de cette troisième hypothèse, la Cour a constaté qu’une compétence interne ne peut engendrer de compétence externe exclusive que si elle est exercée. Si tel n’est pas le cas, il ne saurait y avoir de compétence exclusive implicite dans le cadre de ladite troisième hypothèse. Les dispositions de droit primaire auxquelles la Commission s’est référée dans sa proposition de décision de signature et sa proposition de décision de conclusion ne pourraient dès lors fonder une telle compétence. En outre, aux fins de l’identification des « règles communes » de l’Union, au sens de l’article 3, paragraphe 2, TFUE, il importerait de prendre en compte non seulement l’état du droit de l’Union tel qu’il existe au moment de l’analyse des compétences de l’Union, mais également ses perspectives d’évolution, lorsque celles-ci sont prévisibles au moment de cette analyse, ce qui impliquerait que la Commission ait au moins présenté une proposition au législateur de l’Union. L’affirmation de la Commission dans l’exposé des motifs de la proposition de décision de signature, selon laquelle l’« on ne saurait exclure » que l’Union dispose d’une compétence exclusive pour certaines parties de cette convention, irait à l’encontre du principe d’attribution et serait insuffisante pour établir une telle compétence.

96

Dans la mesure où la convention d’Istanbul et la législation pertinente de l’Union ne contiennent que des prescriptions minimales, le Conseil souligne que la compétence de l’Union pour conclure celle-ci ne saurait, en principe, être exclusive, au sens de l’article 3, paragraphe 2, TFUE. Le Conseil cite à cet égard la jurisprudence de la Cour selon laquelle un accord international contenant des prescriptions minimales ne peut donner lieu à une compétence externe exclusive de l’Union. La République de Finlande souligne qu’il résulte du libellé même de l’article 82, paragraphe 2, TFUE et de l’article 83, paragraphe 1, TFUE que la compétence de l’Union est limitée à l’adoption de prescriptions minimales.

97

Le Conseil estime, toutefois, que cette jurisprudence ne doit pas être appliquée de façon mécanique, mais qu’il convient d’examiner de manière concrète si l’accord international envisagé et le droit de l’Union laissent aux États membres un réel degré de liberté. Seul un tel examen permettrait de déterminer si, pour une disposition particulière de cet accord, le fait que seuls les États membres adhèrent audit accord est susceptible de porter atteinte à l’application uniforme et cohérente du droit de l’Union.

98

À l’aune de ces critères, la République de Bulgarie et le Conseil estiment que les dispositions de la convention d’Istanbul relèvent des compétences partagées de l’Union et de ses États membres, de la compétence d’appui de l’Union, de ses compétences exclusives et des compétences réservées aux États membres. L’Union aurait, en effet, acquis une compétence exclusive concernant certaines des dispositions de cette convention qui figurent dans les chapitres IV, V et VI de celle-ci, dans la mesure où ces dispositions concernent des victimes de violences couvertes par les directives 2011/93 et 2011/36, ainsi que concernant deux des trois dispositions du chapitre VII de ladite convention.

99

La République de Finlande conteste cette analyse en soulignant que c’était sans avoir examiné concrètement l’étendue de la liberté laissée aux États membres que la Cour a précédemment constaté, sur le seul fondement du libellé des dispositions du traité CE ou du caractère de prescriptions minimales de la législation secondaire, que les conditions d’une compétence exclusive de l’Union n’étaient pas réunies. En tout état de cause, la compétence exclusive de l’Union serait à ce point limitée qu’il serait douteux qu’une adhésion aussi ponctuelle soit possible, de sorte que l’Union devrait également adhérer à la convention d’Istanbul au titre de ses compétences partagées.

c) Sur la relation entre la convention d’Istanbul et l’acquis de l’Union

100

Selon la Commission, les objectifs exposés au chapitre I de la convention d’Istanbul et, plus particulièrement, à son article 1er, sous a) à e), correspondent aux objectifs de l’Union visés à l’article 2 TUE ainsi qu’aux articles 8, 19 et 67 TFUE. Les définitions clés figurant à l’article 3, sous a) et b), de cette convention trouveraient leur correspondance à l’article 22 et aux considérants 17 et 18 de la directive 2012/29.

101

Les obligations prévues au chapitre II de ladite convention, visant à placer les droits de la victime au centre de toutes les mesures adoptées en vue de prévenir et de combattre toutes les formes de violence couvertes par la même convention, trouveraient leur correspondance notamment dans les articles 1er, 8, 26 et 28 de la directive 2012/29 et dans des programmes financiers destinés à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes, notamment aux considérants 7, 10, 15 et 17 ainsi qu’à l’article 4, paragraphe 1, sous e), du règlement (UE) no 1381/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant un programme « Droits, égalité et citoyenneté » pour la période 2014-2020 (JO 2013, L 354, p. 62), à l’article 5 du règlement (UE) no 1382/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant un programme « Justice » pour la période 2014-2020 (JO 2013, L 354, p. 73), et aux considérants 2, 3 et 10 ainsi qu’à l’article 2, paragraphe 1, sous b), ix), du règlement (UE) no 235/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2014, instituant un instrument financier pour la démocratie et les droits de l’homme dans le monde (JO 2014, L 77, p. 85).

102

La matière faisant l’objet du chapitre III de la convention d’Istanbul, dédié à la prévention de toutes les formes de violence visées par cette convention, serait régie en droit de l’Union par l’article 84 TFUE, par l’article 18 de la directive 2011/36, par les articles 22 et 23 de la directive 2011/93, par la décision 2009/902/JAI du Conseil, du 30 novembre 2009, instituant un Réseau européen de prévention de la criminalité (REPC) et abrogeant la décision 2001/427/JAI (JO 2009, L 321, p. 44), par des programmes financiers, dont l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1381/2013, l’article 4, paragraphe 1, sous b), et l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1382/2013 ainsi que l’article 3, paragraphe 3, sous c) et d), du règlement (UE) no 513/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, portant création, dans le cadre du Fonds pour la sécurité intérieure, de l’instrument de soutien financier à la coopération policière, à la prévention et à la répression de la criminalité ainsi qu’à la gestion des crises, et abrogeant la décision 2007/125/JAI du Conseil (JO 2014, L 150, p. 93), et par l’article 25 de la directive 2012/29.

103

Concernant les mesures prévues au chapitre IV de la convention d’Istanbul visant à protéger les victimes de violences contre tout nouvel acte de violence, la Commission relève qu’ont été adoptées, sur le fondement de l’article 82, paragraphe 2, TFUE, la directive 2012/29 visant à assurer que les victimes de la criminalité reçoivent, notamment, un soutien et, sur le fondement de l’article 82, paragraphe 2, TFUE et de l’article 83, paragraphe 1, TFUE, les directives 2011/36 et 2011/93 visant à protéger les victimes de types de criminalité spécifiques.

104

S’agissant du chapitre V de cette convention, qui comporte les dispositions matérielles de droit civil et pénal, l’Union aurait adopté, notamment sur la base de l’article 83, paragraphe 1, TFUE, les directives 2011/36 et 2011/93, qui prévoient certaines infractions que viserait également ce chapitre. En outre, l’Union disposant, en vertu de l’article 83, paragraphe 1, in fine, TFUE, d’une compétence partagée en ces matières de droit civil et de droit pénal, rien ne l’empêcherait de l’exercer en concluant ladite convention.

105

Les obligations procédurales en matière d’enquêtes et de poursuites, imposées par le chapitre VI de la même convention, correspondraient à celles contenues dans les directives 2011/36 et 2011/93, dans la directive 2011/99/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, relative à la décision de protection européenne (JO 2011, L 338, p. 2), dans la directive 2012/29 ainsi que dans le règlement (UE) no 606/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 12 juin 2013, relatif à la reconnaissance mutuelle des mesures de protection en matière civile (JO 2013, L 181, p. 4).

106

Dans le domaine de la migration et de l’asile, faisant l’objet du chapitre VII de la convention d’Istanbul, auraient été adoptées les directives 2011/95, 2013/32 et 2013/33, relatives à la protection internationale, aux procédures communes pour l’octroi et le retrait de cette protection et aux normes pour l’accueil des personnes demandant ladite protection. En outre, dans ce domaine, l’Irlande continuerait à être liée par les directives 2004/83 et 2005/85, dont les directives 2011/95 et 2013/32 constituent une refonte.

107

Enfin, concernant la coopération internationale en matière civile et pénale, visée au chapitre VIII de cette convention, l’Union aurait adopté toute une panoplie d’instruments juridiques tant en ce qui concerne la coopération civile que la coopération judiciaire en matière pénale.

108

Le Conseil relève d’emblée qu’il n’existe pas de législation spécifique de l’Union traitant de manière globale de la prévention de toutes les formes de violence à l’égard des femmes et de la lutte contre ce phénomène.

109

S’agissant des chapitres I à III de la convention d’Istanbul, le Conseil estime qu’ils concernent, au mieux, des matières relevant d’une compétence partagée non exercée de l’Union. Pour les obligations relevant du chapitre II de cette convention, relatives à la recherche, la compétence de l’Union s’exercerait, conformément à l’article 4, paragraphe 3, TFUE, parallèlement à celle des États membres. Pour celles liées à la prévention de crimes, l’Union ne serait compétente que pour appuyer l’action des États membres au titre de l’article 2, paragraphe 6, TFUE et de l’article 84 TFUE.

110

Le Conseil ne partage pas l’avis de la Commission selon lequel le chapitre IV de ladite convention contient des règles globalement comparables à celles figurant au chapitre 2 de la directive 2012/29 et estime que ce chapitre IV relève, à trois exceptions près, d’une compétence partagée non exercée de l’Union.

111

Premièrement, le champ d’application de cette directive serait restreint, en ce qu’elle ne s’appliquerait qu’aux victimes de la criminalité, en particulier dans le cadre de procédures pénales qui se déroulent sur le territoire de l’Union, à condition qu’il existe un élément transfrontalier interne à l’Union.

112

Deuxièmement, les directives 2012/29 et 2011/93 contiendraient des normes minimales, ce qui ressortirait du titre, des considérants 11 et 67, de l’article 9, paragraphe 3, et de l’article 26 de la directive 2012/29 ainsi que des considérants 25, 27, 38, 41 et 43 et de l’article 1er de la directive 2011/93, de sorte que les États membres pourraient satisfaire également aux dispositions du chapitre IV de la convention d’Istanbul, sans violation aucune ni de cette convention ni du droit de l’Union, une analyse approfondie de ceux-ci confirmant qu’une réelle liberté demeure pour les États membres dans le cadre dudit chapitre IV.

113

Troisièmement, le Conseil estime qu’une conclusion différente doit néanmoins être tirée en ce qui concerne deux catégories spécifiques de victimes, à savoir, d’une part, les enfants victimes d’infractions sexuelles, définies dans le cadre de la convention d’Istanbul comme étant les femmes de moins de 18 ans, pour lesquelles l’Union aurait adopté des règles détaillées dans la directive 2011/93, sur le fondement de l’article 82, paragraphe 2, TFUE et de l’article 83, paragraphe 1, TFUE. Seraient également pertinents l’article 1er, paragraphe 2, l’article 22, paragraphe 4, et les articles 23 et 24 de la directive 2012/29.

114

D’autre part, la directive 2011/36, en particulier les articles 12 à 16 de celle-ci, contiendrait des obligations précises d’assistance et d’aide aux enfants victimes de la traite. En effet, les dispositions détaillées de ces directives ne laisseraient aux États membres que peu de liberté, de sorte qu’il s’agirait, malgré la nature de prescriptions minimales, de deux domaines couverts en grande partie par des règles de l’Union, au sens de l’article 3, paragraphe 2, TFUE.

115

Quatrièmement, la Commission aurait affirmé à tort, dans la proposition de décision de signature et la proposition de décision de conclusion, que la directive (UE) 2015/637 du Conseil, du 20 avril 2015, établissant les mesures de coordination et de coopération nécessaires pour faciliter la protection consulaire des citoyens de l’Union non représentés dans des pays tiers et abrogeant la décision 95/553/CE (JO 2015, L 106, p. 1), qui est fondée sur l’article 23 TFUE en vertu duquel il incombe aux États membres de prendre les dispositions nécessaires et d’engager les négociations internationales en vue d’assurer cette protection, conférerait à l’Union une compétence exclusive quant aux aspects de protection consulaire visés à l’article 18, paragraphe 5, de la convention d’Istanbul. En outre, conformément à son considérant 13, le dépôt de plaintes auprès d’autorités compétentes situées en dehors de l’Union, telles que des ambassades, n’entraînerait pas l’application des obligations énoncées dans la directive 2012/29.

116

S’agissant du chapitre V de la convention d’Istanbul, la directive 2004/80/CE du Conseil, du 29 avril 2004, relative à l’indemnisation des victimes de la criminalité (JO 2004, L 261, p. 15), dont son article 12, paragraphe 2, la directive 2004/113/CE du Conseil, du 13 décembre 2004, mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services (JO 2004, L 373, p. 37), dont son considérant 26 et son article 7, la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (JO 2006, L 204, p. 23), dont son article 27, la directive 2010/41/UE du Parlement européen et du Conseil, du 7 juillet 2010, concernant l’application du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, et abrogeant la directive 86/613/CEE du Conseil (JO 2010, L 180, p. 1), dont ses considérants 18 et 23, la directive 2011/36, dont son article 17, et la directive 2012/29 comportent, selon le Conseil, des prescriptions minimales relatives aux matières visées à l’article 29, paragraphe 1, et à l’article 30, paragraphes 1, 2 et 3, de la convention d’Istanbul qui n’entraînent pas de compétence exclusive de l’Union. En outre, la directive 2004/113, à son article 3, paragraphe 3, et la directive 2006/54, à son article 8, comporteraient des exclusions de leurs champs d’application matériels. Par ailleurs, il n’existerait aucune législation de l’Union concernant les autres dispositions figurant audit chapitre. Cela étant, l’Union aurait acquis une compétence exclusive pour des dispositions du chapitre V de la convention d’Istanbul, pour autant qu’elles concernent les victimes couvertes par les directives 2011/93 et 2011/36.

117

Le Conseil estime que les articles 49 à 54 et 56 figurant au chapitre VI de cette convention visent des obligations qui correspondent dans une large mesure à celles figurant dans les articles 1er, 3, 4, 6, 8, 9, 11, 18 à 20 et 22 à 24 de la directive 2012/29, étant également pertinents l’article 15, paragraphe 2, et l’article 20 de la directive 2011/93 ainsi que les instruments de reconnaissance mutuelle entre les États membres en matière civile et pénale, à savoir le règlement no 606/2013, la directive 2003/8/CE du Conseil, du 27 janvier 2003, visant à améliorer l’accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l’établissement de règles minimales communes relatives à l’aide judiciaire accordée dans le cadre de telles affaires (JO 2003, L 26, p. 41, et rectificatif JO 2003, L 32, p. 15), les directives 2004/80 et 2011/99, la décision-cadre 2008/675/JAI du Conseil, du 24 juillet 2008, relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les États membres de l’Union européenne à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale (JO 2008, L 220, p. 32), la décision-cadre 2008/947/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution (JO 2008, L 337, p. 102), la décision-cadre 2009/315/JAI du Conseil, du 26 février 2009, concernant l’organisation et le contenu des échanges d’informations extraites du casier judiciaire entre les États membres (JO 2009, L 93, p. 23), et la décision 2009/316/JAI du Conseil, du 6 avril 2009, relative à la création du système européen d’information sur les casiers judiciaires (ECRIS), en application de l’article 11 de la décision-cadre 2009/315/JAI (JO 2009, L 93, p. 33). Or, s’agissant de prescriptions minimales, l’Union n’aurait pas acquis de compétence exclusive, à l’exception de celle qui lui est reconnue dans des matières visées par certaines dispositions des directives 2011/93 et 2011/36.

118

Quant aux trois articles que comporte le chapitre VII de ladite convention, le Conseil est d’avis que l’article 13, paragraphes 1 et 2, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004 L 158, p. 77, et rectificatif JO 2004 L 229, p. 35), l’article 3, paragraphe 5, et l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2003/86, la directive 2003/109 et les autres instruments du droit de l’Union pertinents au regard des paragraphes 1 à 3 de l’article 59 de la convention d’Istanbul ne contiennent que des prescriptions minimales et qu’aucune législation de l’Union existante ne présente de lien avec le paragraphe 4 de ce dernier article.

119

En revanche, s’agissant des matières relevant de l’article 60, paragraphes 1 à 3, et de l’article 61 de cette convention, la marge des États membres ne serait que théorique, eu égard aux prescriptions précises découlant, notamment, des considérants 30 et 39 ainsi que de l’article 4, paragraphe 3, sous c), et paragraphe 4, de l’article 9, paragraphe 2, sous a) et f), de l’article 10, paragraphe 1, sous d), et de l’article 30 de la directive 2011/95, qui ne lierait pourtant pas l’Irlande et le Royaume de Danemark, de l’article 10, paragraphe 3, sous d), des articles 18 et 24 ainsi que du considérant 32 de la directive 2013/32, de l’article 11, de l’article 17, paragraphe 2, de l’article 18, paragraphes 3, 4 et 7, des articles 19 et 21 à 25 de la directive 2013/33 ainsi que de l’article 5 de la directive 2008/115.

120

Le Conseil estime donc que, compte tenu du droit de l’Union en vigueur, l’Union dispose d’une compétence exclusive en ce qui concerne les matières relevant des articles 60 et 61 de la convention d’Istanbul, mais non pas en ce qui concerne les matières visées par son article 59 qui relèveraient d’une compétence partagée non exercée par l’Union.

121

S’agissant des chapitres VIII, IX et XI de la convention d’Istanbul, la répartition des compétences suivrait, selon la jurisprudence, celle observée pour les chapitres précédents de cette convention, de sorte qu’ils relèvent en partie de la compétence partagée de l’Union, en partie de sa compétence d’appui, en partie de sa compétence exclusive et en partie de la compétence des États membres, tandis qu’aucune analyse distincte ne serait nécessaire pour les chapitres X et XII de ladite convention.

122

Enfin, le Conseil rappelle qu’il y aurait eu, en son sein, un soutien insuffisant pour une adhésion « large » de l’Union à la convention d’Istanbul, de sorte qu’il aurait décidé, à la majorité qualifiée, de la signer de manière limitée aux matières relevant de la compétence exclusive de l’Union.

123

L’Irlande partage la position du Conseil.

d) Sur l’article 82, paragraphe 2, TFUE

124

Constatant que, selon le Parlement, le Conseil et la Commission, l’article 82, paragraphe 2, TFUE constitue l’une des bases juridiques appropriées de la décision de conclusion de la convention d’Istanbul, la Commission et la République slovaque estiment que cette disposition ne nécessite pas d’examen particulier.

125

Le Conseil estime que l’Union dispose d’une compétence exclusive pour conclure la convention d’Istanbul en ce qui concerne certains articles spécifiques de cette convention relatifs à la coopération judiciaire en matière pénale, dans la mesure où ces articles concernent des victimes de violences couvertes par les directives 2011/93 et 2011/36.

126

La République de Finlande et la République de Pologne considèrent que le libellé même de l’article 82, paragraphe 2, TFUE exclut, en ce qu’il ne donne à l’Union que la compétence pour adopter des règles minimales, qu’elle puisse disposer d’une compétence exclusive pour conclure la convention d’Istanbul en ce qui concerne ses dispositions relatives à la coopération judiciaire en matière pénale.

127

Si l’Union souhaitait, en revanche, adhérer à cette convention également dans ses aspects relevant de ses compétences partagées, cette disposition serait, de l’avis de la République de Finlande, l’une des bases juridiques appropriées pour la conclusion de la convention d’Istanbul.

e) Sur l’article 84 TFUE

128

La Commission estime que la convention d’Istanbul a pour objectif la prévention de la violence à l’égard des femmes et la protection des victimes. En concluant cette convention, l’Union appuierait l’action de prévention des États membres, en encadrant leurs mesures individuelles et spécifiques. Si la conclusion par l’Union était limitée à la seule protection des victimes, les institutions de l’Union pourraient être considérées comme exemptées des obligations de prévention, ce qui serait incohérent.

129

Par ailleurs, l’article 82, paragraphe 2, TFUE ne permettrait pas à lui seul d’appréhender toutes les mesures de prévention qui ne sont pas liées à une procédure pénale, au sens de l’article 82, paragraphe 2, TFUE. Or, de telles mesures feraient le plus souvent défaut dans le contexte spécifique de la violence exercée contre des femmes et ladite convention chercherait à remédier à cette carence.

130

La République de Pologne relève que l’article 84 TFUE n’attribue à l’Union ni une compétence exclusive ni une compétence partagée, mais se limite à définir les actions en vue d’appuyer l’action des États membres. Partant, cette disposition ne pourrait pas attribuer de compétence exclusive à l’Union et une adhésion de l’Union à la convention d’Istanbul sur le fondement de cet article aurait pour conséquence de lier non pas l’Union, mais les États membres.

131

La République de Finlande considère que, si l’Union souhaitait adhérer à cette convention en exerçant ses compétences partagées, ledit article 84 serait une base juridique appropriée.

f) Sur l’article 78, paragraphe 2, TFUE

132

Dans la mesure où les articles 60 et 61 de la convention d’Istanbul couvrent des matières qui ne relèvent ni de l’article 82, paragraphe 2, TFUE ni de l’article 84 TFUE, la Commission estime que ces matières sont de nature accessoire, de sorte que serait exclu l’ajout de bases juridiques couvrant ces matières. En effet, les articles 60 et 61 de cette convention, qui viseraient à assurer la prise en compte d’une perspective sensible au « genre » dans les décisions d’octroi de la protection internationale et dans les conditions d’accueil des victimes de violences, ne seraient que la déclinaison, dans le domaine de l’asile, des objectifs généraux de ladite convention et ne feraient pas de la même convention un acte du droit d’asile.

133

Le Conseil estime que l’Union dispose d’une compétence exclusive dans les matières relevant de ces deux dispositions de la convention d’Istanbul. Il est, par ailleurs, d’avis, comme la République slovaque, que ces matières ne peuvent être considérées comme accessoires par rapport aux dispositions de cette convention relatives à la coopération judiciaire en matière pénale.

134

La République de Finlande et la République de Pologne considèrent que, en la matière, le droit dérivé pertinent ne fixant que des prescriptions minimales, il ne peut y avoir de compétence exclusive de l’Union pour la conclusion de la convention d’Istanbul en ce qui concerne ses articles 60 et 61. Si l’Union souhaitait adhérer à la convention d’Istanbul en exerçant ses compétences partagées, l’article 78, paragraphe 2, TFUE ne concernerait, selon la République de Finlande, qu’un aspect accessoire de la convention d’Istanbul, de sorte que cette disposition ne serait pas une base juridique pertinente.

g) Sur l’article 83, paragraphe 1, TFUE

135

La Commission souligne que si la convention d’Istanbul s’applique également aux victimes de la traite des êtres humains et de l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants, son champ d’application ratione personae est beaucoup plus large. En outre, ces victimes seraient couvertes par des conventions spécifiques du Conseil de l’Europe, ainsi que, au niveau de l’Union, par les directives 2011/36 et 2011/93. Cette convention ne constituerait donc pas un acte dont la finalité principale serait la lutte contre ces formes spécifiques de criminalité.

136

Le Conseil estime que l’Union dispose d’une compétence d’appui dans les domaines couverts par certaines dispositions de ladite convention.

137

La République de Finlande et la République de Pologne considèrent que le libellé de l’article 83, paragraphe 1, TFUE exclut, en ce qu’il ne donne à l’Union que la compétence pour adopter des prescriptions minimales, de le considérer comme lui conférant une compétence exclusive pour la conclusion de la convention d’Istanbul.

2. Sur la scission en deux décisions distinctes des actes de signature et de conclusion de la convention d’Istanbul

138

La République de Bulgarie rappelle que, si la décision portant conclusion d’un accord international poursuit deux finalités dont l’une est principale et l’autre accessoire, elle doit être fondée sur la seule base juridique principale. Si, en revanche, la décision poursuit deux objectifs sans que l’un soit accessoire par rapport à l’autre, elle doit être fondée sur les différentes bases juridiques correspondantes. Dans ce cas, deux décisions pourraient s’avérer nécessaires, si les procédures applicables sont incompatibles entre elles.

139

La Commission rappelle à nouveau que l’article 78, paragraphe 2, TFUE n’est pas une base juridique appropriée pour la conclusion de la convention d’Istanbul. En tout état de cause, l’ajout de cette disposition n’aurait pas comme conséquence nécessaire de scinder en deux actes distincts la décision portant conclusion de cette convention, l’Irlande étant liée par l’acquis de l’Union en la matière. Certes, il ne s’agirait pas de l’acquis le plus récent, mais le protocole no 21 ne serait pas de nature à libérer cet État membre de ses obligations ni ne modifierait les critères pour l’identification de la base juridique appropriée.

140

Ainsi, le seul fait que l’article 4 bis du protocole no 21 permette à l’Irlande de ne pas participer à la version modifiée d’une règle existante serait sans pertinence, dès lors que les règles en matière de compétences exclusives externes sont fixées à l’article 3 TFUE et que la possibilité d’exercer un « opt-out » ne pourrait s’analyser comme l’octroi de la compétence à un État membre de conclure des accords internationaux en violation de l’article 3, paragraphe 2, TFUE.

141

La République de Finlande relève que, pour toutes les bases juridiques envisagées, l’adoption de décisions par le Conseil est soumise au protocole no 21 et que l’Irlande n’est dès lors pas tenue de participer à de telles décisions. La procédure décisionnelle étant par conséquent identique, il n’aurait pas été nécessaire de scinder en deux la décision de signature de la convention d’Istanbul.

142

Le Conseil relève que l’article 78, paragraphe 2, TFUE et l’article 82, paragraphe 2, TFUE déclenchent l’application du protocole no 21 et du protocole (no 22) sur la position du Danemark annexé au traité UE et au traité FUE (ci-après le « protocole no 22 »). Or, le Royaume de Danemark n’étant lié par aucun des actes de droit dérivé pertinents pour la conclusion de la convention d’Istanbul, l’applicabilité du protocole no 22 n’aurait entraîné aucune difficulté particulière. En revanche, l’Irlande participant à la coopération judiciaire en matière pénale instituée par les directives 2011/36 et 2011/93, mais n’étant pas liée par les directives 2011/95, 2013/32 et 2013/33, relatives au droit d’asile, cet État membre aurait dû participer à l’adoption de la décision de signature 2017/865, mais non pas, en vertu des articles 1er, 3 et 4 du protocole no 21, à celle de la décision de signature 2017/866, de sorte qu’il aurait été nécessaire d’adopter deux décisions de signature distinctes. La République de Bulgarie, l’Irlande, la République française et la République slovaque partagent cette analyse.

143

L’Irlande est d’avis que, dès lors, seule l’adoption de deux décisions distinctes lui permet d’exercer son droit, en vertu du protocole no 21, de n’être liée que par les mesures de la convention d’Istanbul relevant du titre V du traité FUE à l’adoption desquelles elle souhaite participer. En effet, si le Conseil avait adopté une décision unique, il aurait été impossible pour cet État membre de distinguer les aspects de la décision pour lesquels la compétence de l’Union est fondée sur la réglementation qui le lie de ceux pour lesquels cette compétence est fondée sur la réglementation qui ne le lie pas.

144

Or, une telle approche serait contraire au protocole 21 et porterait atteinte au principe fondamental du parallélisme entre les compétences internes et externes de l’Union, qui constitue le fondement de la doctrine résultant de l’arrêt du 31 mars 1971, Commission/Conseil (22/70, EU:C:1971:32), dite « doctrine AETR », telle qu’elle est consacrée à l’article 3, paragraphe 2, TFUE. L’analyse concrète requise viserait, en effet, la relation qui existe entre l’accord envisagé et le droit de l’Union « en vigueur », ce droit n’étant pourtant pas en vigueur dans cet État membre et l’accord n’étant, dès lors, pas susceptible de l’affecter, au sens de l’article 3, paragraphe 2, TFUE. L’Irlande ajoute que, ayant pu légiférer en la matière, elle serait dans une situation très difficile si elle était également liée, en vertu du droit de l’Union, par des obligations divergentes.

145

L’Irlande relève que le Parlement a demandé non seulement si l’adoption de deux décisions distinctes est « nécessaire », mais aussi si une telle adoption est « possible », sans expliquer pour quelle raison tel pourrait ne pas être le cas. Or, selon l’Irlande, aucune raison n’empêcherait l’adoption de deux décisions distinctes, qui ne porterait aucunement atteinte au fond de ces décisions. La République de Bulgarie estime également que l’adoption de deux décisions n’enfreint pas la procédure prévue à l’article 218 TFUE.

146

Le Conseil relève que, l’Irlande ayant décidé, depuis l’adoption des décisions de signature 2017/865 et 2017/866, de participer à la directive 2013/33, il serait possible que la situation soit différente pour la conclusion éventuelle de la convention d’Istanbul.

147

La République de Bulgarie relève qu’il est loisible au Royaume de Danemark, en vertu de l’article 7 du protocole no 22, de ne plus se prévaloir de ce protocole ou d’une partie de celui-ci, de sorte qu’il ne serait pas exclu qu’il devienne nécessaire de voter au sein du Conseil, en fonction du contenu respectif des différentes parties de la convention d’Istanbul, tant avec la participation que sans la participation de cet État membre.

3. Sur la pratique du « commun accord » des États membres

a) Présentation de la pratique du « commun accord »

148

La République d’Autriche relève que la pratique du « commun accord » s’est développée sous l’empire du traité CE et a été fixée, pour certains accords mixtes dans le domaine de la politique commerciale, à l’article 133, paragraphe 6, deuxième alinéa, CE, en raison de la structure particulière des compétences dans ce domaine, qui aurait rendu nécessaire un exercice cumulatif par la Communauté européenne et par les États membres de leurs compétences respectives. Selon cette pratique, le président du Conseil s’assurerait, en les interrogeant, que tous les États membres consentent à être liés par l’accord mixte concerné avant que le Conseil n’approuve la conclusion de celui-ci.

149

La République d’Autriche ajoute que la pratique du « commun accord » se borne à constater, à une date donnée, un consensus entre les États membres sur le consentement à être liés par l’accord mixte en cause, la ratification pouvant néanmoins échouer par la suite devant des parlements des États membres. En outre, rien n’empêcherait qu’un accord mixte devienne asymétrique après l’adhésion de l’Union à cet accord, les États membres pouvant se retirer à tout moment de celui-ci.

150

La République française précise que ladite pratique vise à s’assurer du consentement des États membres à être liés par les dispositions de l’accord relevant de leurs compétences nationales, lorsqu’une adhésion conjointe de l’Union et des États membres à cet accord est indispensable, à savoir lorsque l’accord ne saurait être mis en œuvre de manière cohérente sans être conclu conjointement par l’Union et par ses États membres. Tel serait le cas lorsque les dispositions dudit accord relevant des compétences de l’Union et celles relevant des compétences des États membres sont, comme en l’occurrence, indissociablement liées.

151

La Commission fait valoir que, ayant été censuré par la Cour pour avoir adopté des « actes hybrides », c’est-à-dire des décisions du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres réunis au sein du Conseil portant sur la conclusion d’accords, le Conseil aurait modifié son approche sans pour autant changer le but de sa pratique antérieure. En effet, le Conseil viserait à réintroduire un caractère « hybride » par l’ajout d’une étape antérieure à la prise de décision formelle en application des procédures fixées par les traités, au cours de laquelle il vérifierait l’existence d’un « commun accord » des États membres.

152

Cette pratique aurait pour conséquence que, dans un nombre important de matières, les propositions de la Commission sur la signature et la conclusion de conventions et d’accords resteraient bloquées au sein du Conseil, alors même que la majorité qualifiée requise serait clairement atteinte.

153

Le Conseil souligne qu’il a cessé de recourir aux « actes hybrides » et que sa pratique actuelle découle du souci légitime de veiller à éviter des doutes quant à la portée et à la validité dans l’ordre juridique de l’Union des instruments de droit international qu’il adopte. À cette fin, il veillerait à ce que tous les États membres concernés consentent à être liés au titre de leurs compétences nationales avant de procéder à l’adoption, à la majorité requise, de la décision du Conseil.

154

Contrairement à ce que laisserait entendre le Parlement, cette pratique ne serait ni une règle de vote ni une procédure particulière, les États membres étant libres de décider des modalités pratiques permettant d’établir l’existence du consensus. Ainsi, il y aurait eu des décisions prises par les représentants des gouvernements lors de sessions du Conseil ou en marge de celles-ci, des mentions figurant aux procès-verbaux de sessions du Conseil ou du Comité des représentants permanents (Coreper), des observations figurant dans des notes de groupes de travail et des consentements purement implicites. L’Irlande précise que, en l’occurrence, aucune démarche n’aurait été entamée afin de vérifier l’existence d’un « commun accord » des États membres.

b) Sur la compatibilité de la pratique du « commun accord » avec l’article 13, paragraphe 2, TUE ainsi qu’avec les articles 2 à 6 TFUE et l’article 218, paragraphes 2, 6 et 8, TFUE

155

La République d’Autriche et la Commission font valoir que, en exigeant le « commun accord » des États membres, le Conseil méconnaît l’article 13, paragraphe 2, première phrase, TUE ainsi que l’article 218, paragraphes 2, 6 et 8, TFUE, qui le désignent comme institution habilitée à autoriser, sur proposition et en accord avec le Parlement, la conclusion, par l’Union, des accords internationaux. En effet, une telle exigence ne serait pas prévue par ces dispositions, les règles relatives à la formation de la volonté des institutions de l’Union seraient établies par les traités et ne seraient à la disposition ni des États membres ni des institutions elles-mêmes.

156

Partant, si le Conseil pouvait décider de ne pas conclure un accord, par exemple en cas de minorité de blocage opposée à sa conclusion, il ne pourrait, en revanche, sans enfreindre l’article 13, paragraphe 2, TUE, selon lequel chaque institution agit dans les limites de ses attributions, ajouter à la procédure applicable l’étape de la vérification préalable de l’existence d’un « commun accord » des États membres.

157

En outre, les compétences de l’Union étant définies aux articles 2 à 6 TFUE et étant clairement distinguées de celles des États membres, il ne serait pas possible d’opérer, par un tel ajout, une fusion de fait avec le processus décisionnel intergouvernemental, même si les deux instruments resteraient formellement distincts. Cette pratique dénaturerait la procédure prévue à l’article 218 TFUE.

158

En effet, si l’acte formellement adopté est, certes, « non hybride », le processus décisionnel resterait « hybride », la position des États membres, prise individuellement, ayant priorité sur celle de l’Union, et cela sans aucune base dans les traités, voire en méconnaissance de la lettre et de l’esprit de l’article 4, paragraphe 3, TUE et en contournant les exigences posées par la Cour afin de préserver l’autonomie de l’ordre juridique de l’Union.

159

La Commission relève que, aux termes du préambule du traité UE, celui-ci ainsi que le traité FUE ont pour objectif général de franchir une nouvelle étape dans le processus d’intégration européenne. En vue d’atteindre cet objectif, le traité FUE préciserait davantage la répartition et les modalités d’exercice des compétences de l’Union dans le domaine des relations extérieures, notamment en clarifiant les compétences de l’Union (articles 2 à 6 TFUE), en précisant dans quels cas l’Union peut conclure des accords internationaux (article 216, paragraphe 1, TFUE) et en définissant plus précisément la procédure relative à la négociation, à la signature et à la conclusion de tous les types d’accords internationaux (article 218 TFUE).

160

La Commission estime que, partant, il est manifestement contraire aux objectifs des traités d’employer, en tant que pratique générale applicable à tous les accords mixtes, un processus décisionnel « hybride » qui entrave la capacité de l’Union à décider de s’engager sur le plan international et qui indique à la communauté internationale que l’Union n’est pas habilitée à prendre une décision autonome, mais dépend de la participation décisive des États membres.

161

Aussi, par la pratique du « commun accord », le Conseil violerait son obligation de coopération loyale consacrée à l’article 13, paragraphe 2, seconde phrase, TUE, le principe de coopération loyale s’appliquant également dans les relations interinstitutionnelles.

162

Par ailleurs, cette pratique perturberait l’équilibre institutionnel de l’Union, dans la mesure où elle accorderait aux États membres un rôle, au sein de l’Union, non prévu par les traités, l’article 218 TFUE décrivant les seuls droits et devoirs respectifs du Parlement, du Conseil, de la Commission, du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Or, le rôle ainsi accordé aux États membres compromettrait l’efficacité du cadre institutionnel de l’Union et pourrait faire prévaloir les intérêts des États membres sur ceux de l’Union.

163

La Commission rappelle que l’article 218, paragraphe 8, TFUE prévoit que le Conseil statue à la majorité qualifiée et en déduit que la pratique du « commun accord » des États membres viole cette disposition, en ce qu’elle la rendrait inopérante. Cette pratique compromettrait l’efficacité des procédures de l’Union. La République d’Autriche partage cette position et souligne que les traités prévoient des dispositions exhaustives sur la procédure de conclusion par l’Union de conventions, qui s’opposent à l’ajout de l’étape préliminaire du « commun accord ».

164

En revanche, la République slovaque soutient que, du fait que le Conseil n’a pas encore procédé à un vote, il ne peut pas avoir violé l’article 218, paragraphe 8, TFUE.

165

Selon l’Irlande, il est manifeste que l’article 218, paragraphes 6 et 8, TFUE régit la procédure de vote et que ni le Conseil ni les États membres ne peuvent s’écarter de cette disposition. Dans la mesure où le Conseil chercherait, préalablement au vote, à coordonner l’action de l’Union et des États membres, la pratique du « commun accord » résulterait, lorsque les compétences de l’Union et des États membres sont, comme en l’occurrence, étroitement liées, de l’obligation de coopération loyale.

166

Dans la mesure où la recherche du « commun accord » des États membres précéderait l’adoption de la décision de conclusion de la convention d’Istanbul au titre de l’article 218, paragraphes 6 et 8, TFUE, la République française et la Hongrie estiment que cette pratique n’altère pas ladite décision ou la règle du vote à la majorité qualifiée ni ne revient à adopter un « acte hybride ».

c) Sur la compatibilité de la pratique du « commun accord » avec les principes d’attribution, de coopération loyale entre l’Union et ses États membres, d’unité de la représentation extérieure de l’Union et le droit international public

167

La Commission rappelle que découle de l’exigence d’unité de représentation internationale de l’Union un devoir de coopération régissant la conclusion, par les États membres et l’Union, des accords mixtes, tels que la convention d’Istanbul. En outre, le principe de l’effectivité et l’obligation de protéger la réputation et la crédibilité internationale de l’Union exigeraient que la mise en œuvre des décisions prises par celle-ci soit facilitée par les institutions de l’Union et ses États membres.

168

Ainsi, dès la signature, et a fortiori à la suite de la conclusion d’un accord mixte au nom de l’Union, les États membres seraient tenus d’assister l’Union dans la mise en œuvre de cet accord. Dans la mesure où la conclusion conjointe de la convention d’Istanbul par l’Union et par ses États membres serait nécessaire, au sens de l’article 216 TFUE, pour réaliser les objectifs des traités en matière de protection de la dignité humaine, ces derniers seraient donc tenus de s’efforcer de lever les obstacles empêchant l’Union de déposer, avec les États membres, les instruments de ratification auprès du Conseil de l’Europe. Ils seraient donc tenus, au minimum, de faire toutes les propositions utiles auprès des instances nationales compétentes afin de faciliter la conclusion de cette convention par l’Union.

169

En tout état de cause, de l’avis de la Commission, la possibilité existe d’accompagner l’instrument d’adhésion de l’Union à ladite convention d’une déclaration qui rappelle la nature évolutive des compétences de l’Union, qui relève que l’Union ne dispose pas de compétences dans tous les domaines couverts par la même convention et qui précise les domaines dans lesquels elle adoptera ses mesures de mise en œuvre. En effet, la nature limitée des compétences de l’Union étant bien connue du Conseil de l’Europe, une telle possibilité serait inhérente à la disposition permettant l’adhésion de l’Union.

170

La République de Finlande relève qu’aucune disposition du droit de l’Union ne subordonne la conclusion de la convention d’Istanbul à l’adhésion de tous les États membres de l’Union. Partant, il n’existerait pas de base juridique pour la pratique du « commun accord ». Le seul fait qu’une coopération étroite entre les États membres et les institutions de l’Union s’impose pour la négociation, la conclusion et l’exécution d’accords internationaux ne permettrait pas non plus, selon la République de Finlande et la République d’Autriche, de déduire qu’un « commun accord » des États membres est nécessaire pour que l’Union puisse se lier ni que les États membres ont besoin de l’accord du Conseil pour se lier dans le cadre de leurs propres compétences, chacun pouvant agir seul dans le cadre de ses compétences.

171

Lors de la conclusion d’un accord mixte, l’Union et ses États membres sont, selon la République d’Autriche, des parties liées, mais distinctes de l’accord, chacune devant agir dans le cadre de ses compétences et dans le respect des compétences de toute autre partie contractante, en appliquant ses propres procédures constitutionnelles en matière de négociation, de signature, de conclusion et de ratification. La République de Finlande souligne qu’une adhésion de l’Union sans le « commun accord » des États membres ne peut conduire à ce que l’Union soit liée autrement que dans le cadre de ses propres compétences, ce que considère également la République d’Autriche.

172

À l’aune de ces considérations, la République de Finlande estime qu’exiger un « commun accord » des États membres est contraire tant à l’article 13, paragraphe 2, TUE et à l’article 218 TFUE qu’au principe de l’autonomie du droit de l’Union, dès lors que cette dernière ne pourrait pas exercer de manière autonome les compétences dont elle dispose et que l’adoption de la décision du Conseil nécessiterait l’accord unanime des États membres plutôt que l’obtention d’une majorité qualifiée. Le principe de coopération loyale auquel sont notamment tenus les États membres ferait également obstacle à une telle exigence.

173

Le Conseil souligne d’emblée, d’une part, qu’il résulte du principe d’attribution, tel que consacré à l’article 5 TUE, que toute compétence non attribuée à l’Union appartient aux États membres et estime qu’il en découle qu’aucune institution de l’Union ne peut ordonner aux États membres d’adopter des actes qui relèvent de leur compétence. D’autre part, il n’existerait aucune obligation pour le Conseil d’adopter la décision de conclure la convention d’Istanbul et cette institution ne saurait être contrainte d’exercer une compétence potentielle de l’Union lorsque la majorité requise n’est pas atteinte. En effet, le Conseil et la Hongrie relèvent que l’article 218, paragraphe 6, TFUE ne prévoit aucun délai pour l’adoption d’une telle décision.

174

Le Conseil rappelle que la convention d’Istanbul a été négociée, contrairement à d’autres accords internationaux, sans participation active de l’Union et en déduit qu’elle n’a pas été négociée en tenant compte de la délimitation des compétences entre l’Union et ses États membres. À cet égard, le Conseil relève que, s’il est possible de délimiter clairement les compétences visées par certaines dispositions de cette convention, cela n’est, en revanche, pas le cas pour ses chapitres IV à VI et VIII à XII. En particulier, dans la mesure où la compétence exclusive de l’Union, au titre de l’article 3, paragraphe 2, TFUE, ne viserait que des aspects particuliers des directives 2011/36 et 2011/93, il existerait pour chaque disposition concernée de ladite convention également une compétence des États membres, relative aux aspects non couverts par ces directives.

175

Cette institution estime que les compétences de l’Union et des États membres sont donc, en l’occurrence, indissociablement liées et rappelle que l’article 133, paragraphe 6, CE prévoyait que certains accords ne pouvaient être conclus par le Conseil s’ils comprenaient des dispositions excédant les compétences de l’Union. Dans la mesure où certains domaines relevaient de la compétence partagée de l’Union et des États membres, cette disposition précisait que la négociation de tels accords requérait le « commun accord » des États membres et que leur conclusion devait être effectuée de manière conjointe par l’Union et les États membres. Or, la disparition de cette disposition dans le traité FUE ne traduirait pas le rejet de cette pratique, mais serait la conséquence du transfert à l’Union, par l’article 207, paragraphes 1 et 4, TFUE, de compétences en matière de politique commerciale.

176

En outre, l’exigence prévue à l’article 102 CEEA, selon laquelle un accord mixte ne peut être conclu par l’Union que lorsque tous les États membres intéressés le ratifient, assurerait la cohérence entre l’action internationale de l’Union et la répartition des compétences et des pouvoirs dans le domaine interne, selon le principe d’unité de la représentation extérieure de l’Union.

177

Selon le Conseil, il découle également de l’article 207, paragraphe 6, TFUE, qui prévoit que l’exercice des compétences attribuées par cet article n’affecte pas la délimitation des compétences entre l’Union et les États membres ni n’entraîne une harmonisation des dispositions législatives ou réglementaires des États membres dans la mesure où les traités excluent une telle harmonisation, que l’Union, lorsqu’elle exerce sa propre compétence, ne peut ignorer celle des États membres. Le principe d’unité de la représentation internationale de l’Union exigerait une coopération réciproque entre les États membres et les institutions de l’Union tout au long de la négociation, de la conclusion et de l’exécution des accords mixtes.

178

Le Royaume d’Espagne estime que, étant donné que la convention d’Istanbul concerne des domaines inextricablement liés, ce principe requiert de coordonner, notamment, la signature, la conclusion et, dans la mesure du possible, l’entrée en vigueur de cette convention. Or, la pratique du « commun accord » serait la seule pratique permettant de garantir le respect réciproque des compétences dans une telle situation. La République de Bulgarie estime que, si l’Union adhérait à ladite convention alors même que des États membres ne veulent pas y adhérer, l’Union excéderait ses compétences, porterait atteinte aux compétences des États membres et violerait, partant, le principe d’attribution.

179

La République de Bulgarie, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française et la Hongrie soulignent que, dans le cadre de tels accords mixtes, chacune des parties doit agir dans le cadre de ses compétences et dans le respect des compétences de toute autre partie contractante. Or, eu égard aux liens inextricables existants entre les compétences de l’Union et celles des États membres pour la conclusion de la convention d’Istanbul, le principe d’attribution, la sécurité juridique, la coopération loyale et la mise en œuvre cohérente des obligations requerraient que l’Union et les États membres deviennent parties à cette convention. Le Royaume d’Espagne souligne que la mise en œuvre de ladite convention impose des aménagements tant du droit de l’Union que des droits des États membres.

180

À cet égard, le Conseil relève que, selon les articles 27 et 46 de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331, ci-après la « CVDT »), ni l’Union ni ses États membres ne sauraient invoquer à l’égard des autres parties à la convention d’Istanbul la répartition des compétences entre eux comme motif de non-respect de celle-ci. En outre, la République française et le Conseil soutiennent que n’est pas compatible avec l’autonomie du droit de l’Union le fait de soulever devant le Grevio un problème de compétence, dès lors que celui-ci serait chargé de la résolution d’un problème qui relève de la compétence réservée de la Cour.

181

La République de Bulgarie, la République tchèque, le Royaume d’Espagne, la République française et la Hongrie en déduisent que, en l’absence de « commun accord » des États membres, l’Union ne serait pas en mesure de garantir la bonne exécution de ses engagements qui porteraient sur l’ensemble de la convention d’Istanbul, si bien qu’elle s’exposerait à ce que sa responsabilité internationale soit mise en cause pour une action ou une omission pour lesquelles aucune compétence ne lui est reconnue.

182

En effet, si l’Union prenait des engagements ne relevant pas de sa compétence exclusive, elle serait néanmoins, selon la République hellénique et le Conseil, tenue pour responsable selon le droit international pour l’exécution de l’entièreté de l’accord. De plus, l’adhésion de l’Union à un accord pour lequel elle n’est que partiellement compétente en l’absence d’adhésion de tous les États membres se traduirait non seulement par un « patchwork d’obligations », en fonction de l’État membre concerné, mais soulèverait la question de savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure l’accord est en vigueur sur le territoire des États membres. Pour autant que l’adhésion excède les compétences de l’Union, l’acte d’adhésion serait, en outre, susceptible d’être annulé.

183

De plus, si certaines conventions multilatérales prévoient la possibilité de faire une déclaration de compétence, tel ne serait pas le cas de la convention d’Istanbul, ce que relèvent également la République hellénique et la Hongrie. En tout état de cause, selon le Conseil, une telle déclaration serait douteuse, eu égard à l’évolution de la répartition des compétences entre l’Union et ses États membres.

184

À l’aune de ce qui précède, la République tchèque, l’Irlande, la République hellénique, la Hongrie et le Conseil sont d’avis que si, comme en l’occurrence, la pleine exécution des engagements internationaux résultant d’un accord n’est possible, en droit et en fait, que lorsque tous les États membres y participent, alors qu’ils n’acceptent pas tous d’être liés par cet accord au regard de leurs compétences nationales, les principes de coopération loyale, de l’unité dans la représentation extérieure de l’Union et d’attribution des compétences interdiraient à l’Union de procéder à l’adoption des décisions de signature ou de conclusion dudit accord au motif que cela empiéterait sur les compétences des États membres.

185

Le Conseil conteste que le devoir de coopération loyale implique qu’un État membre ne puisse pas s’opposer à ce que l’Union adhère à une convention pour laquelle elle est partiellement compétente, entraînant l’obligation pour les États membres d’y adhérer eux-mêmes. En effet, ce devoir ne saurait entraîner aucune obligation pour un État membre de ratifier un accord, ce que considèrent également la République tchèque, la République française, la Hongrie et la République d’Autriche, la République française ajoutant qu’une telle interprétation de ladite obligation se heurterait au principe d’attribution et violerait en outre le droit international public qui reconnaîtrait, comme en attesterait le préambule de la CVDT, le principe du libre consentement des États à être liés par un accord international. Selon la République tchèque, une telle interprétation violerait également le principe du droit international « pacta tertiis nec nocent nec prosunt » (« les conventions ne nuisent ni ne profitent aux tiers »), tel que codifié aux articles 34 à 38 de la CVDT.

186

En effet, s’il ressort de la jurisprudence que le devoir de coopération loyale peut faire obstacle, en particulier lorsqu’une procédure d’adhésion est en cours au niveau de l’Union, à la conclusion d’accords par les États membres, selon la République française et le Conseil, aucune obligation incombant aux États membres d’agir dans un domaine de compétence de l’Union n’aurait, à ce jour, été constaté, ce qui vaudrait a fortiori pour les domaines dans lesquels l’Union ne détient aucune compétence. Le Royaume d’Espagne, la République française et le Conseil estiment que la volonté de l’Union d’adhérer à un accord ne peut l’emporter sur le droit d’un État membre de ne pas y adhérer, en ce qu’un devoir de coopération loyale s’imposerait également aux institutions de l’Union à l’égard des États membres.

187

La République française en déduit qu’un tel devoir impose à l’Union d’attendre le « commun accord » des États membres et en conclut que la conclusion par l’Union de la convention d’Istanbul en l’absence d’un tel « commun accord » violerait tant le droit de l’Union que le droit international. Le Royaume d’Espagne ajoute que le fait qu’il puisse être difficile d’obtenir le consentement des États membres ne permet pas de présumer une atteinte à l’exercice de la compétence de l’Union.

188

Si la pratique actuelle du Conseil apparaît peu commode, en ce qu’elle peut retarder pendant une durée considérable la conclusion d’un accord mixte, des considérations institutionnelles et politiques, dont la légitimité des accords mixtes, justifient, selon cette institution, cette pratique. En effet, la légitimité de ces accords, mais également de l’Union serait entamée si cette dernière imposait à un État membre de ratifier un accord mixte malgré un référendum négatif ou l’opposition d’une entité étatique sans se donner le temps de trouver une solution inclusive permettant de surmonter les difficultés rencontrées.

189

Le Conseil et la Hongrie ajoutent que des éléments de la convention d’Istanbul peuvent toucher à l’identité nationale de certains États membres, dont le respect par l’Union leur serait garanti par l’article 4, paragraphe 2, TUE. À cet égard, la République de Bulgarie relève que, selon le Konstitutsionen sad (Cour constitutionnelle, Bulgarie), certaines dispositions de cette convention comportent des notions incompatibles avec la Constitution et l’ordre public bulgares, dont les notions d’« attributions socialement construites », de « rôles stéréotypés » et de « genre », qui visent à définir la notion de « sexe » d’une manière incompatible avec la définition retenue dans la Constitution bulgare. Or, si l’Union adhérait néanmoins à ladite convention, la République de Bulgarie risquerait de se voir contrainte, pour assurer le respect des engagements internationaux de l’Union, de mettre en œuvre des mesures contraires à sa Constitution. Partant, une telle adhésion violerait le principe de coopération loyale.

190

De même, la République slovaque, tout en retenant une approche analogue à celle du Conseil, fait valoir que la Národná rada Slovenskej republiky (Conseil national de la République slovaque) s’est opposée à la ratification de la convention d’Istanbul par la République slovaque et par l’Union.

191

En tout état de cause, l’Irlande, le Royaume d’Espagne et la République slovaque estiment que le Conseil peut attendre le « commun accord » des États membres, dès lors qu’il est une institution de l’Union et que, à ce titre, il bénéficie d’une indépendance. L’équilibre institutionnel signifierait notamment que le Conseil n’est pas tenu d’adopter une décision portant conclusion de la convention d’Istanbul, dès lors qu’il dispose d’une liberté de choix relevant de ses attributions. L’attente du « commun accord » des États membres ne violerait ainsi aucune disposition du droit de l’Union et permettrait d’éviter d’avoir à régler des conflits politiques.

VI. Prise de position de la Cour

A. Sur la recevabilité de la demande d’avis

192

Aux termes de l’article 218, paragraphe 11, TFUE, un État membre, le Parlement, le Conseil ou la Commission peut recueillir l’avis de la Cour sur la compatibilité d’un accord envisagé avec les traités.

193

En premier lieu, il est de jurisprudence constante de la Cour que cette disposition vise à prévenir les complications qui résulteraient de contestations en justice relatives à la compatibilité avec les traités d’accords internationaux engageant l’Union. En effet, une décision judiciaire constatant éventuellement, après la conclusion d’un accord international engageant l’Union, que celui-ci est, au vu soit de son contenu, soit de la procédure adoptée pour sa conclusion, incompatible avec les dispositions des traités ne manquerait pas de créer, sur le plan non seulement interne de l’Union, mais également des relations internationales, des difficultés sérieuses et risquerait de porter préjudice à toutes les parties intéressées, y compris les États tiers [avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, point 69].

194

Eu égard à la fonction de la procédure prévue à l’article 218, paragraphe 11, TFUE, consistant à prévenir, au moyen d’une saisine préalable de la Cour, d’éventuelles complications au niveau de l’Union et au niveau international qui résulteraient de l’invalidation d’un acte de conclusion d’un accord international, le seul risque d’une telle invalidation suffit pour admettre la saisine de la Cour [avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, point 74].

195

En revanche, cette procédure ne vise pas à protéger spécifiquement les intérêts et les droits de l’État membre ou de l’institution de l’Union à l’origine de la demande d’avis, ceux-ci disposant à cet effet de la voie du recours en annulation contre la décision du Conseil de conclure l’accord ainsi que de la possibilité de solliciter, à cette occasion, des mesures provisoires par une demande de référé [voir, en ce sens, avis 3/94 (Accord-cadre sur les bananes), du 13 décembre 1995, EU:C:1995:436, points 21 et 22].

196

Ladite procédure n’a pas non plus pour objet de régler les difficultés liées à la mise en œuvre d’un accord envisagé qui relèverait de compétences partagées entre l’Union et les États membres [avis 2/00 (Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques), du 6 décembre 2001, EU:C:2001:664, point 17].

197

En deuxième lieu, il ressort de la jurisprudence que doivent ainsi pouvoir être examinées dans le cadre de la procédure prévue à l’article 218, paragraphe 11, TFUE toutes les questions susceptibles de soulever des doutes quant à la validité matérielle ou formelle de l’accord au regard des traités. Le jugement sur la compatibilité d’un accord avec les traités peut, à cet égard, notamment dépendre non seulement de dispositions qui concernent la compétence, la procédure ou l’organisation institutionnelle de l’Union, mais également de dispositions du droit matériel [avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, point 70].

198

Toutefois, en ce qui concerne les règles internes à l’Union, leur caractère de droit interne de l’Union exclut qu’elles puissent faire l’objet d’une procédure d’avis, qui ne peut concerner que des accords internationaux dont la conclusion est envisagée par l’Union [avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014, EU:C:2014:2454, point 149].

199

En troisième lieu, il convient de rappeler que le choix de la base juridique appropriée de la décision du Conseil relative à la conclusion de l’accord envisagé revêt une importance de nature constitutionnelle dès lors que, ne disposant que de compétences d’attribution, l’Union doit rattacher les actes qu’elle adopte aux dispositions du traité FUE qui l’habilitent effectivement à cette fin. Ainsi, le recours à une base juridique erronée est susceptible d’invalider l’acte de conclusion lui-même et, partant, de vicier le consentement de l’Union à être liée par l’accord auquel cette dernière a souscrit [voir, en ce sens, avis 2/00 (Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques), du 6 décembre 2001, EU:C:2001:664, point 5, et avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, points 71 et 72].

200

Tel est le cas notamment lorsque le traité ne confère pas à l’Union une compétence suffisante pour ratifier l’accord dans son ensemble, ce qui revient à examiner la répartition des compétences entre l’Union et les États membres pour conclure l’accord envisagé, ou encore lorsque la base juridique appropriée dudit acte de conclusion prévoit une procédure législative différente de celle qui a effectivement été suivie par les institutions de l’Union [voir, en ce sens, avis 2/00 (Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques), du 6 décembre 2001, EU:C:2001:664, point 5].

201

En quatrième lieu, la Cour a eu l’occasion de relever que l’acte autorisant la signature de l’accord international et celui qui en prononce la conclusion constituent deux actes juridiques distincts entraînant des obligations fondamentalement distinctes pour les parties intéressées, le second ne constituant nullement la confirmation du premier. Dans ces conditions, l’absence de recours en annulation dirigé contre le premier acte ne fait pas obstacle à l’introduction d’un tel recours à l’encontre de l’acte portant conclusion de l’accord envisagé ni ne rend irrecevable une demande d’avis soulevant la question de la compatibilité de celui-ci avec le traité [avis 2/00 (Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques), du 6 décembre 2001, EU:C:2001:664, point 11].

202

Par ailleurs, la circonstance que certaines questions sont susceptibles d’être abordées dans le cadre d’autres voies de recours, et notamment d’un recours en annulation, ne constitue pas un argument permettant d’exclure que la Cour puisse être saisie à titre préalable en vertu de l’article 218, paragraphe 11, TFUE [avis 2/00 (Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques), du 6 décembre 2001, EU:C:2001:664, point 12].

203

La procédure d’avis doit en effet permettre de résoudre toute question susceptible d’être soumise à l’appréciation juridictionnelle pour autant que ces questions répondent à la finalité de cette procédure [avis 1/13 (Adhésion d’États tiers à la convention de La Haye), du 14 octobre 2014, EU:C:2014:2303, point 54].

204

En cinquième lieu, il importe d’observer que la possibilité d’introduire une demande d’avis, en vertu de l’article 218, paragraphe 11, TFUE, n’exige pas, comme condition préalable, un accord définitif entre les institutions concernées. En effet, le droit accordé au Conseil, au Parlement, à la Commission et aux États membres de demander à la Cour son avis peut être exercé de façon individuelle, sans une concertation quelconque et sans attendre le résultat final d’une procédure législative connexe [avis 1/09 (Accord sur la création d’un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets), du 8 mars 2011, EU:C:2011:123, point 55].

205

Ainsi, la circonstance que l’adoption de l’accord dont il s’agit ne pourra intervenir qu’après la consultation, voire l’approbation, du Parlement et que l’adoption d’éventuelles mesures d’accompagnement législatives au sein de l’Union sera soumise à une procédure législative impliquant cette institution est sans incidence sur la faculté qui lui est octroyée, en vertu de l’article 218, paragraphe 11, TFUE, de solliciter un avis de la Cour [avis 1/09 (Accord sur la création d’un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets), du 8 mars 2011, EU:C:2011:123, points 55 et 56].

206

C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner si les questions posées par le Parlement sont recevables.

207

En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, de la recevabilité de la première question, sous a), force est de constater que celle-ci vise, contrairement à ce que fait valoir la Hongrie, à identifier la base juridique appropriée pour l’adoption d’un acte de l’Union portant conclusion de la convention d’Istanbul, ce qui répond à la finalité de la procédure d’avis, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 193, 195, 197, 199 et 200 du présent avis.

208

Dans la mesure où la Hongrie met néanmoins en doute l’utilité de la présente procédure, une adhésion à cette convention tant de l’Union que des États membres s’imposant dans les deux hypothèses évoquées par le Parlement dans le cadre de la première question, sous a), il suffit de relever que, si une base juridique inappropriée était retenue pour la conclusion par l’Union de ladite convention, la validité de l’acte de conclusion pourrait ultérieurement être mise en cause à l’occasion d’une procédure devant la Cour, engendrant ainsi les difficultés que la procédure d’avis vise précisément à prévenir, ainsi qu’il a été rappelé au point 193 du présent avis.

209

Pour autant que la République de Pologne et la Hongrie soutiennent que la première question, sous a), de la demande d’avis implique une remise en cause du choix politique du Conseil de procéder à une adhésion partielle à la convention d’Istanbul, il convient de relever qu’une telle circonstance, à la supposer établie, serait de nature à influencer la portée de l’« accord envisagé » au regard duquel doit être identifiée la base juridique appropriée en vue de la conclusion de cette convention. Une demande d’avis pouvant notamment avoir pour objet, ainsi qu’il a été rappelé aux points 199 et 200 du présent avis, le choix de la base juridique appropriée pour conclure un accord international envisagé, ladite circonstance est dès lors uniquement susceptible d’influer sur la réponse à la première question, sous a), sans pouvoir remettre en cause la recevabilité de cette dernière.

210

Quant à la circonstance évoquée par la Hongrie selon laquelle le Parlement a vocation à participer ultérieurement à la procédure de conclusion de la convention d’Istanbul et pourrait, le cas échéant, refuser de donner son approbation à cette occasion, il suffit de relever qu’il résulte de la jurisprudence rappelée aux points 204 et 205 du présent avis qu’une telle circonstance n’exclut nullement que cette institution puisse initier la présente procédure.

211

Pour autant que la Hongrie soutient que la première question est prématurée et hypothétique dans la mesure où elle vise un futur acte de l’Union portant conclusion de la convention d’Istanbul, dont le contenu n’a pas encore été définitivement arrêté, il importe de relever que la procédure d’avis, eu égard à son objectif de prévenir les complications aux niveaux international et de l’Union que ne manquerait pas de susciter une décision judiciaire constatant l’incompatibilité avec les traités d’un accord international conclu par l’Union, permet à la Cour d’être saisie d’une demande d’avis lorsque l’objet de l’accord envisagé est connu, même s’il subsiste un certain nombre d’alternatives encore ouvertes et de divergences relatives à la rédaction des textes en question, si les documents soumis à la Cour permettent à celle-ci de former un jugement suffisamment sûr au sujet de la question soulevée [avis 1/09 (Accord sur la création d’un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets), du 8 mars 2011, EU:C:2011:123, point 53 et jurisprudence citée].

212

Or, en l’occurrence, la Cour dispose non seulement du texte de la convention d’Istanbul, mais la demande d’avis fournit également des indications suffisantes portant tant sur le déroulement de la procédure d’adhésion à cette convention qui a été menée jusqu’au moment où cette demande a été déposée que sur les positions du Parlement, du Conseil et de la Commission à l’égard d’une telle adhésion, si bien que la Cour est en mesure de former un jugement suffisamment sûr au sujet de l’accord envisagé à l’aune duquel doit être identifiée la base juridique appropriée en vue de la conclusion de celui-ci par l’Union.

213

Ne saurait du reste être retenue l’allégation du Conseil, de l’Irlande et de la Hongrie selon laquelle le Parlement, par sa demande d’avis, remettrait en cause le choix de la base juridique des décisions de signature 2017/865 et 2017/866, et contournerait ainsi les délais impartis pour former un recours en annulation contre ces décisions. En effet, d’une part, la première question, sous a), ne vise pas ces décisions et, d’autre part, conformément à ce qui a été exposé au point 201 du présent avis, l’absence de recours en annulation contre une décision de signature d’un accord ne fait pas obstacle à la recevabilité d’une demande d’avis portant sur la compatibilité avec les traités dudit accord.

214

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que la première question, sous a), est recevable.

215

En deuxième lieu, en ce qui concerne la recevabilité de la première question, sous b), il convient de relever d’emblée que, en tant qu’elle porte sur la scission en deux décisions de l’acte de conclusion de la convention d’Istanbul, cette question a trait à la procédure de conclusion de cette convention et, partant, à la compatibilité formelle avec les traités d’une adhésion de l’Union à celle-ci. Conformément à ce qui a été exposé au point 197 du présent avis, une telle question est recevable dès lors qu’elle répond à la finalité de la procédure d’avis.

216

En revanche, la première question, sous b), n’est pas recevable en tant qu’elle vise la scission en deux décisions de l’acte de signature de la convention d’Istanbul par l’Union.

217

En effet, il est constant que la signature par l’Union de la convention d’Istanbul, qui a été autorisée par les décisions de signature 2017/865 et 2017/866, a été effectuée le 13 juin 2017, à savoir plus de deux ans avant l’introduction de la présente demande d’avis, et a, dès lors, déployé ses effets depuis cette date.

218

Dans ces conditions, à supposer même qu’un acte de signature d’un accord international puisse, en tant que tel, faire l’objet d’une demande d’avis, force est de constater que l’objectif de prévention poursuivi par l’article 218, paragraphe 11, TFUE ne pourrait plus, en tout état de cause, être atteint en ce qui concerne un tel acte si la Cour n’est saisie de sa compatibilité avec les traités qu’après son adoption [voir, par analogie, avis 3/94 (Accord-cadre sur les bananes), du 13 décembre 1995, EU:C:1995:436, point 19].

219

Dans ce contexte, l’Irlande, la Hongrie et le Conseil relèvent, à bon droit, que le Parlement aurait pu contester les décisions de signature 2017/865 et 2017/866 au moyen d’un recours en annulation et que le respect de l’exigence d’information du Parlement prévue à l’article 218, paragraphe 10, TFUE vise notamment à mettre cette institution en mesure d’exercer en temps utile son contrôle sur l’action du Conseil.

220

En conséquence, la première question, sous b), n’est recevable que dans la mesure où elle vise l’acte de conclusion par l’Union de la convention d’Istanbul.

221

En troisième lieu, quant à la recevabilité de la seconde question, visant une pratique du « commun accord » des États membres préalablement à la conclusion d’un accord mixte, il convient d’écarter d’emblée l’objection de la République hellénique selon laquelle le Parlement aurait insuffisamment identifié un comportement préjudiciable du Conseil. En effet, cette question vise non pas à identifier un tel comportement, mais à savoir si la conclusion par l’Union de la convention d’Istanbul est compatible avec les traités, et notamment avec l’article 218 TFUE, en l’absence d’un « commun accord » de tous les États membres à être liés par cette convention dans les domaines relevant de leurs compétences.

222

Il en résulte également que, contrairement à ce que prétendent la République de Bulgarie, le Royaume d’Espagne, la Hongrie et le Conseil, ladite question ne porte ni sur le règlement intérieur du Conseil, mentionné au point 82 du présent avis, le calendrier du Conseil ou ses procédures internes, ni sur le droit international public, ni encore sur les droits souverains des États membres, mais porte bien sur les exigences de procédure découlant des traités et notamment de l’article 218 TFUE en vue de la conclusion de la convention d’Istanbul.

223

Or, ainsi que l’a relevé la République de Finlande, si l’attente d’un tel « commun accord » était requise par les traités, la conclusion par l’Union de la convention d’Istanbul, qui interviendrait antérieurement à un tel accord, serait susceptible d’être invalidée, engendrant ainsi les difficultés que la procédure d’avis vise précisément à prévenir, ainsi qu’il a été rappelé au point 193 du présent avis.

224

Il en découle également que la seconde question ne vise pas à constater, comme le permettrait le recours en carence prévu à l’article 265 TFUE, que le Conseil s’est abstenu de statuer en violation des traités et que le Royaume d’Espagne, la Hongrie, la République slovaque et le Conseil ne sauraient donc utilement prétendre que la seconde question implique un détournement de la procédure d’avis.

225

Ne saurait davantage prospérer l’objection du Conseil tirée de ce que, une fois établi le « commun accord » de tous les États membres à être liés par la convention d’Istanbul dans les domaines relevant de leurs compétences, la conclusion de cette convention aura lieu dans le strict respect des exigences procédurales des traités. Une telle affirmation n’est, en effet, pas de nature à résoudre la question de savoir si la pratique du « commun accord » est conforme aux procédures expressément prévues par les traités et ne saurait donc faire obstacle à la recevabilité de cette question.

226

Enfin, pour autant que l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la Hongrie et le Conseil font valoir que la seconde question est prématurée et hypothétique, il suffit de rappeler, ainsi qu’il ressort du point 211 du présent avis, que la Cour peut être saisie d’une demande d’avis lorsque l’objet de l’accord envisagé est connu, même s’il subsiste un certain nombre d’alternatives encore ouvertes et de divergences relatives à la rédaction des textes en question, si les documents soumis à la Cour permettent à celle-ci de former un jugement suffisamment sûr au sujet de la question soulevée.

227

Or, étant donné que l’objet de l’accord envisagé est connu, que l’existence de la pratique du « commun accord » n’est démentie ni par les États membres qui participent à la présente procédure ni par le Conseil et que ce dernier souligne qu’il n’envisage la conclusion de la convention d’Istanbul au nom de l’Union qu’une fois que ce « commun accord » sera établi, la seconde question ne saurait être considérée comme étant irrecevable en raison de son caractère prétendument prématuré ou hypothétique.

228

Eu égard aux considérations qui précèdent, la demande d’avis est recevable, à l’exception de la première question, sous b), en tant que celle-ci vise la signature par l’Union de la convention d’Istanbul.

B. Sur la pratique du « commun accord » des États membres

229

Par la seconde question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, le Parlement demande, en substance, si les traités permettent ou imposent au Conseil d’attendre, avant de conclure la convention d’Istanbul au nom de l’Union, le « commun accord » des États membres à être liés par cette convention dans les domaines relevant de leurs compétences.

230

Il convient de rappeler que les traités fondateurs de l’Union ont, à la différence des traités internationaux ordinaires, instauré un nouvel ordre juridique, doté d’institutions propres, au profit duquel les États qui en sont membres ont limité, dans des domaines de plus en plus étendus, leurs droits souverains et dont les sujets sont non seulement ces États, mais également leurs ressortissants [voir, notamment, avis 1/09 (Accord sur la création d’un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets), du 8 mars 2011, EU:C:2011:123, point 65 ; avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014, EU:C:2014:2454, point 157, et arrêt du 28 avril 2015, Commission/Conseil, C-28/12, EU:C:2015:282, point 39].

231

En outre, les États membres, en raison de leur appartenance à l’Union, ont accepté que les relations entre eux, en ce qui concerne les matières faisant l’objet du transfert de compétences des États membres à l’Union, soient régies par le droit de l’Union, à l’exclusion, si telle est l’exigence de celui-ci, de tout autre droit [avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014, EU:C:2014:2454, point 193, et arrêt du 28 avril 2015, Commission/Conseil, C-28/12, EU:C:2015:282, point 40].

232

Par ailleurs, les règles relatives à la formation de la volonté des institutions de l’Union sont établies par les traités et ne sont à la disposition ni des États membres ni des institutions elles-mêmes (arrêt du 28 avril 2015, Commission/Conseil, C-28/12, EU:C:2015:282, point 42 et jurisprudence citée).

233

C’est ainsi que, aux termes de l’article 13, paragraphe 2, TUE, chaque institution doit agir dans les limites des attributions qui lui sont conférées par les traités, conformément aux procédures, aux conditions et aux fins prévues par ceux-ci.

234

S’agissant en particulier des accords internationaux que l’Union est compétente pour conclure dans ses domaines d’action, l’article 218 TFUE, pour satisfaire à des exigences de clarté, de cohérence et de rationalisation, prévoit une procédure unifiée et de portée générale concernant, notamment, la négociation et la conclusion de tels accords, sauf lorsque les traités prévoient des procédures spéciales [voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2018, Commission/Conseil (Accord avec le Kazakhstan), C-244/17, EU:C:2018:662, point 21 et jurisprudence citée].

235

La Cour a relevé que cette procédure, en raison précisément de son caractère général, doit tenir compte des spécificités prévues par les traités pour chaque domaine d’action de l’Union, notamment en ce qui concerne les attributions des institutions, et qu’elle vise à refléter, sur le plan extérieur, la répartition des pouvoirs entre les institutions applicable sur le plan intérieur, en particulier en établissant une symétrie entre la procédure d’adoption de mesures de l’Union sur le plan intérieur et la procédure d’adoption des accords internationaux aux fins de garantir que, en rapport avec un domaine donné, le Parlement et le Conseil disposent des mêmes pouvoirs, dans le respect de l’équilibre institutionnel prévu par les traités [arrêt du 4 septembre 2018, Commission/Conseil (Accord avec le Kazakhstan), C-244/17, EU:C:2018:662, point 22 et jurisprudence citée].

236

C’est ainsi que le paragraphe 1 de l’article 218 TFUE exige que les accords entre l’Union et des pays tiers ou des organisations internationales, lesquels, conformément à l’article 216, paragraphe 2, TFUE, lient les institutions de l’Union et les États membres une fois qu’ils sont conclus, soient négociés et conclus selon la procédure prévue aux paragraphes pertinents du premier de ces articles.

237

À cet égard, selon l’article 218, paragraphes 2 et 6, TFUE, la décision portant conclusion de tels accords est adoptée par le Conseil, le cas échéant après approbation ou consultation du Parlement. Or, pour l’adoption d’une telle décision, aucune compétence n’est reconnue aux États membres.

238

Par ailleurs, il ressort de l’article 218, paragraphe 8, TFUE que, s’agissant d’une décision telle que celle évoquée au point précédent, le Conseil statue à la majorité qualifiée dans l’hypothèse où une telle décision ne répond à aucun des cas de figure pour lesquels l’article 218, paragraphe 8, second alinéa, TFUE requiert un vote à l’unanimité [voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Conseil (Accord avec l’Arménie), C-180/20, EU:C:2021:658, point 30 et jurisprudence citée].

239

En l’occurrence, il est constant entre les parties à la présente procédure, tout d’abord, que la convention d’Istanbul est, le cas échéant, appelée à devenir un accord mixte, conclu en tant que tel par l’Union et les États membres, ensuite, que la décision du Conseil portant conclusion au nom de l’Union de cette convention ne peut être adoptée qu’après l’approbation du Parlement et, enfin, que c’est, conformément aux dispositions de l’article 218, paragraphe 8, premier alinéa, TFUE, en statuant à la majorité qualifiée que le Conseil devra, le cas échéant, procéder à l’adoption de ladite décision, dès lors qu’une telle décision ne répond à aucun des cas de figure pour lesquels l’article 218, paragraphe 8, second alinéa, TFUE requiert un vote à l’unanimité.

240

Dans le cadre d’un accord mixte conclu avec des pays tiers, sont parties l’Union et les États membres. Lors de la négociation et de la conclusion d’un tel accord, chacune de ces parties doit agir dans le cadre des compétences dont elle dispose et dans le respect des compétences de toute autre partie contractante (arrêt du 28 avril 2015, Commission/Conseil, C-28/12, EU:C:2015:282, point 47).

241

La Cour a, certes, reconnu que, lorsqu’il apparaît que la matière d’un accord relève, pour partie, de la compétence de l’Union et, pour partie, de celle des États membres, il importe d’assurer une coopération étroite entre ces derniers et les institutions de l’Union tant dans le processus de négociation et de conclusion que dans l’exécution des engagements assumés (arrêt du 28 avril 2015, Commission/Conseil, C-28/12, EU:C:2015:282, point 54 et jurisprudence citée).

242

Cependant, ce principe de coopération étroite ne saurait justifier que le Conseil s’affranchisse du respect des règles de procédure et des modalités de vote prévues à l’article 218 TFUE (arrêt du 28 avril 2015, Commission/Conseil, C-28/12, EU:C:2015:282, point 55).

243

La Cour a ainsi eu l’occasion de préciser que ne sauraient être regroupés dans une décision unique ni être adoptés dans le cadre d’une procédure unique deux actes différents, dont l’un implique un consensus des représentants des États membres, et donc leur accord unanime, tandis que l’autre doit être adopté conformément à l’article 218, paragraphe 8, TFUE, qui prévoit que le Conseil doit statuer, au nom de l’Union, à la majorité qualifiée (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2015, Commission/Conseil, C-28/12, EU:C:2015:282, point 52).

244

En l’occurrence, il est certes constant que la pratique du « commun accord » n’aboutit pas à regrouper deux actes différents, l’un qui est le fruit du consensus des États membres et l’autre qui est adopté par l’Union, dans une décision unique de nature hybride, telle que celle ayant été annulée dans l’arrêt cité au point précédent.

245

Toutefois, pour autant que cette pratique implique que la constatation du « commun accord » des États membres à être liés par un accord mixte dans les domaines relevant de leurs compétences soit, de l’avis du Conseil, considérée comme un préalable nécessaire à tout engagement de la procédure de conclusion prévue à l’article 218, paragraphes 2, 6 et 8, TFUE, elle conduit à ajouter à cette procédure une étape qui n’est pas prévue par les traités et qui se heurte, partant, à la jurisprudence rappelée au point 232 du présent avis ainsi qu’aux constatations effectuées aux points 237 et 243 de celui-ci.

246

Plus particulièrement, ainsi que l’ont fait valoir à bon droit la République d’Autriche, la République de Finlande, le Parlement et la Commission, pour autant que ladite pratique subordonne l’engagement de cette procédure à un consensus des représentants des États membres, et donc à leur accord unanime, alors que l’article 218, paragraphes 2, 6 et 8, TFUE conçoit la conclusion par l’Union d’un accord international comme étant un acte autonome de l’Union qui est adopté à la majorité qualifiée par le Conseil, le cas échéant après approbation ou consultation du Parlement, elle institue un processus décisionnel hybride incompatible avec les exigences prévues à ces dispositions et contraire à la jurisprudence découlant de l’arrêt du 28 avril 2015, Commission/Conseil (C-28/12, EU:C:2015:282).

247

En effet, si la pratique du « commun accord » devait avoir une portée telle que celle exposée au point 245 du présent avis, la possibilité même pour l’Union de conclure un accord mixte dépendrait entièrement de la volonté de chacun des États membres d’être lié par un tel accord dans les domaines relevant de leurs compétences et, partant, des choix que les États membres effectuent de manière souveraine dans ces domaines.

248

Or, conformément à l’article 218, paragraphes 2, 6 et 8, TFUE, lorsque la conclusion d’un accord international est proposée au Conseil, il revient à lui seul de décider, en statuant, en principe, à la majorité qualifiée et, le cas échéant, après approbation ou consultation du Parlement, de la conclusion de cet accord. Il a d’ailleurs été jugé à cet égard que le Conseil peut, à cette occasion, décider que l’Union exerce seule la compétence externe qu’elle partage avec les États membres dans le domaine d’action concerné, pour autant que soit réunie en son sein la majorité requise pour ce faire (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2017, Allemagne/Conseil, C-600/14, EU:C:2017:935, point 68).

249

Il s’ensuit que les traités non seulement n’imposent pas au Conseil d’attendre, avant de conclure la convention d’Istanbul au nom de l’Union, le « commun accord » des États membres à être liés par cette convention dans les domaines relevant de leurs compétences, mais lui interdisent de subordonner l’engagement de la procédure de conclusion de cette convention, prévue à l’article 218, paragraphes 2, 6 et 8, TFUE, à la constatation préalable d’un tel « commun accord ».

250

Cela étant, la conclusion par l’Union d’un accord international dépend de la possibilité pour le Conseil de recueillir en son sein la majorité requise.

251

En outre, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 200 de ses conclusions, les traités ne fixent aucun délai dans lequel le Conseil serait tenu d’adopter une décision de conclusion d’un tel accord.

252

Il s’ensuit que, dans les limites de la procédure prévue à l’article 218, paragraphes 2, 6 et 8, TFUE et sous réserve de l’approbation du Parlement, lorsqu’elle est requise, relèvent de la marge d’appréciation politique du Conseil tant la décision de donner suite ou non à la proposition de conclure un accord international, et le cas échéant dans quelle mesure, que le choix du moment approprié pour procéder à l’adoption d’une telle décision.

253

Il en découle que, pour autant qu’il agisse conformément à son règlement intérieur et que l’effet utile de l’article 218, paragraphes 2, 6 et 8, TFUE soit garanti, rien n’empêche le Conseil de prolonger les débats en son sein afin d’atteindre, notamment, la plus grande majorité possible en vue de la conclusion d’un accord international, la majorité requise pour un exercice plus large des compétences externes de l’Union ou encore, en cas d’accords mixtes, une coopération plus étroite entre les États membres et les institutions de l’Union dans le processus de conclusion, ce qui peut impliquer l’attente du « commun accord » des États membres.

254

En effet, une telle coopération étroite entre les États membres et les institutions de l’Union lors du processus de conclusion d’un accord mixte, tel que la convention d’Istanbul, requise par le principe rappelé aux points 241 et 242 du présent avis, en particulier lorsque les dispositions de cet accord relevant des compétences de l’Union et celles relevant des compétences des États membres sont indissociablement liées, permet de tenir compte, ainsi que l’a relevé le Conseil, le cas échéant au moyen d’un débat prolongé, de considérations institutionnelles et politiques susceptibles d’influer sur la perception de légitimité ainsi que sur l’efficacité de l’action extérieure de l’Union.

255

À cet égard, il importe cependant de souligner que, conformément à l’article 218, paragraphe 8, TFUE, cette marge d’appréciation politique est exercée, en principe, à la majorité qualifiée, de sorte qu’une telle majorité au sein du Conseil peut, à tout moment et selon les règles prévues par le règlement intérieur de celui-ci, dont notamment celles conférant à tout État membre et à la Commission le droit de demander l’ouverture d’une procédure de vote et réglant la transparence de cette procédure, en application de l’article 15, paragraphe 3, TFUE, imposer la clôture des débats et l’adoption de la décision portant conclusion de l’accord international. C’est ainsi au cas par cas et au fur et à mesure de l’évolution des débats au sein du Conseil qu’il revient à cette institution d’exercer ladite marge d’appréciation dans le plein respect des exigences prévues à l’article 218, paragraphes 2, 6 et 8, TFUE.

256

Ces constatations, et notamment celle selon laquelle le Conseil ne saurait, en méconnaissance de la procédure de conclusion d’un accord international prévue à l’article 218, paragraphes 2, 6 et 8, TFUE, soumettre la conclusion par l’Union de la convention d’Istanbul au « commun accord » des États membres à être liés par cette convention dans les domaines relevant de leurs compétences, ne sont pas infirmées par l’argumentation de la République de Bulgarie, de la République tchèque, de l’Irlande, de la République hellénique, du Royaume d’Espagne, de la République française, de la Hongrie, de la République slovaque et du Conseil tirée d’une incompatibilité, en l’absence d’un tel « commun accord », de la conclusion par l’Union de cette convention avec les principes d’attribution, de coopération loyale, de sécurité juridique, de l’unité de la représentation extérieure de l’Union, d’autonomie de l’Union, ainsi qu’avec le respect par l’Union de l’identité nationale des États membres ni par l’argumentation de ces États membres et du Conseil, tirée du risque que soit engagée la responsabilité internationale de l’Union si cette dernière devait conclure ladite convention en l’absence de l’adhésion de tous les États membres à celle-ci dans les domaines relevant de leurs compétences.

257

Premièrement, ces États membres et le Conseil ne sauraient utilement faire valoir que, en l’absence d’une adhésion à la convention d’Istanbul d’un ou de plusieurs États membres dans les domaines de celle-ci relevant de leurs compétences, une adhésion de l’Union à cette convention empiéterait sur les compétences desdits États membres et violerait, de ce fait, les principes d’attribution, de coopération loyale, de sécurité juridique et de l’unité de la représentation extérieure de l’Union.

258

En effet, il a été rappelé au point 240 du présent avis que, notamment, lors de la négociation et de la conclusion d’un accord mixte, l’Union et les États membres doivent agir dans le cadre des compétences dont ils disposent et dans le respect des compétences de toute autre partie contractante.

259

Il en découle que la conclusion d’un accord mixte par l’Union et les États membres n’implique nullement que les États membres exercent, à cette occasion, des compétences de l’Union ni que cette dernière exerce des compétences de ces États, mais que chacune de ces parties agit exclusivement dans le cadre de ses compétences, sans préjudice de la faculté pour le Conseil, rappelée au point 248 du présent avis, de décider que l’Union exerce seule une compétence qu’elle partage avec les États membres dans le domaine d’action concerné, pour autant que soit réunie en son sein la majorité requise à cet effet.

260

Il en est ainsi également lorsque des États membres décident de ne pas conclure un accord mixte que l’Union décide quant à elle de conclure, sur le fondement des seules compétences qui lui sont attribuées.

261

S’agissant de la convention d’Istanbul, comme l’ont fait valoir la République tchèque, le Royaume de Danemark, le Royaume d’Espagne, la République d’Autriche ainsi que la Commission et que l’a relevé M. l’avocat général au point 217 de ses conclusions, la nature limitée des compétences de l’Union est connue du Conseil de l’Europe, si bien que rien ne permet de présumer que l’article 75 de cette convention, lorsqu’il précise que celle-ci est ouverte à la signature, notamment et spécifiquement, de l’« Union européenne », envisagerait une adhésion de l’Union dépassant ses compétences.

262

À cet égard, la Cour a eu l’occasion de relever que, par le choix des bases juridiques fondant la décision de conclusion d’un accord international, l’Union fournit également des indications à l’attention des autres parties à un tel accord en ce qui concerne, tout d’abord, la portée juridique de cette décision, ensuite, l’étendue de la compétence de l’Union au regard de cet accord et, enfin, la répartition des compétences entre l’Union et ses États membres, ladite répartition devant également être prise en compte au stade de la mise en œuvre de l’accord sur le plan de l’Union [voir, en ce sens, arrêts du 10 janvier 2006, Commission/Conseil, C-94/03, EU:C:2006:2, point 55 ; du 1er octobre 2009, Commission/Conseil, C-370/07, EU:C:2009:590, point 49, et du 25 octobre 2017, Commission/Conseil (CMR-15), C-687/15, EU:C:2017:803, point 58].

263

En outre, ainsi que l’ont relevé, lors de l’audience devant la Cour, le Royaume de Belgique, la République tchèque, l’Irlande, la République hellénique, la République d’Autriche, la République de Finlande, le Parlement et la Commission, il n’apparaît pas exclu que le Conseil et le Parlement puissent opter pour le dépôt d’une déclaration portant sur les compétences de l’Union lors de son adhésion à la convention d’Istanbul, qui permettrait, le cas échéant, de préciser encore davantage, à titre indicatif, les limites de ses compétences.

264

Partant, il n’est aucunement établi, dans le cadre de la présente procédure, que la conclusion par l’Union de la convention d’Istanbul en l’absence d’un « commun accord » des États membres à être liés par cette convention dans les domaines relevant de leurs compétences serait de nature à empiéter sur ces dernières compétences.

265

Deuxièmement, il en va de même s’agissant de l’argumentation, en particulier de la République de Bulgarie, de la Hongrie et de la République slovaque, selon laquelle une telle adhésion de l’Union impliquerait une violation par celle-ci de son obligation de coopération loyale et de celle, énoncée à l’article 4, paragraphe 2, TUE, de respecter l’identité nationale des États membres, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, en ce qu’elle serait susceptible d’impliquer que ces États membres doivent, pour assurer le respect des engagements internationaux de l’Union, mettre en œuvre des mesures contraires à leur Constitution.

266

En effet, force est de constater que, par cette argumentation, ces États membres visent à remettre en cause la compatibilité d’une conclusion par l’Union de la convention d’Istanbul avec les obligations de l’Union rappelées au point précédent. Or, une éventuelle incompatibilité d’une telle conclusion avec lesdites obligations ne pourrait être constatée qu’après un examen précis des obligations le cas échéant assumées par l’Union à la suite de la conclusion de la convention d’Istanbul, ce qui n’est pas visé par la présente demande d’avis et ne relève donc pas de la présente procédure.

267

Troisièmement, la République française et le Conseil soutiennent que la conclusion par l’Union de la convention d’Istanbul en l’absence d’un « commun accord » des États membres à être liés par cette convention dans les domaines relevant de leurs compétences n’est pas compatible avec l’autonomie du droit de l’Union, dès lors qu’elle impliquerait d’externaliser, notamment auprès du Grevio, une question interne à l’Union relative à la répartition des compétences entre celle-ci et ses États membres.

268

Certes, la Cour a déjà constaté qu’il peut ne pas être compatible avec les traités de confier à une juridiction internationale la tâche d’apprécier les règles du droit de l’Union qui régissent la répartition des compétences entre cette dernière et ses États membres ainsi que les critères d’imputation des actes ou des omissions de ceux-ci, afin d’adopter une décision définitive à cet égard qui s’imposerait tant aux États membres qu’à l’Union [avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014, EU:C:2014:2454, points 224, 231 et 234]. Toutefois, il importe de relever que la Cour a opéré cette constatation spécifiquement par rapport à des décisions émanant d’une juridiction internationale et assorties d’un caractère définitif et contraignant à l’égard de l’Union et de ses États membres et dans le cadre d’un examen détaillé portant sur la compatibilité matérielle de l’accord envisagé avec les traités, envisageant la situation dans laquelle tant l’Union que tous ses États membres seraient liés par l’accord en question.

269

Il s’ensuit que le point de savoir si, comme le soutiennent la République française et le Conseil, une telle constatation est transposable à une situation dans laquelle, d’une part, l’Union, mais non pas l’un de ses États membres, serait liée par la convention d’Istanbul et, d’autre part, intervient un organe tel que le Grevio, qui dispose des compétences exposées au point 35 du présent avis, requiert un examen précis de la compatibilité matérielle de la convention d’Istanbul avec les traités, ce qui n’est pas visé par la présente demande d’avis et ne relève donc pas de la présente procédure.

270

Quatrièmement, la République de Bulgarie, la République tchèque, le Royaume d’Espagne, la République française, la Hongrie et le Conseil estiment que la pleine exécution des engagements internationaux que prendrait l’Union par la conclusion de la convention d’Istanbul n’est possible, en droit et en fait, que lorsque tous les États membres participeront à ces engagements et en déduisent que, en l’absence du « commun accord » des États membres, l’Union ne serait pas en mesure de garantir la bonne exécution de ses engagements qui porteraient sur l’ensemble de cette convention, de sorte qu’elle s’exposerait à ce que sa responsabilité internationale soit mise en cause pour une action ou une omission pour lesquelles aucune compétence ne lui est reconnue.

271

À cet égard, certes, en vertu d’une jurisprudence constante, lorsque l’Union décide d’exercer ses compétences, un tel exercice doit se faire dans le respect du droit international [arrêt du 20 novembre 2018, Commission/Conseil (AMP Antarctique), C-626/15 et C-659/16, EU:C:2018:925, point 127 ainsi que jurisprudence citée].

272

Toutefois, il résulte des termes mêmes de l’article 218, paragraphe 11, TFUE que la procédure d’avis porte sur la compatibilité avec les traités d’accords internationaux dont l’Union envisage la conclusion. Il s’ensuit que cette procédure ne porte pas sur la compatibilité avec le droit international public de la conclusion par l’Union d’un accord international ni, partant, sur les conséquences pouvant découler d’une éventuelle méconnaissance future de ce droit lors de la mise en œuvre d’un tel accord. En particulier, l’éventuel engagement de la responsabilité internationale de l’Union au stade de la mise en œuvre de la convention d’Istanbul, au motif qu’elle ne garantirait pas la bonne exécution de ses engagements, ne serait pas, comme tel, susceptible de mettre en cause la validité de la décision par laquelle le Conseil a conclu cette convention au nom de l’Union.

273

En outre, il a été relevé aux points 258 et 264 du présent avis qu’il n’est pas établi que l’Union s’engagerait, par la conclusion de la convention d’Istanbul en l’absence d’un « commun accord » des États membres à être liés par cette convention dans les domaines relevant de leurs compétences, au-delà de ses propres compétences.

274

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question que, sous réserve du plein respect, à tout moment, des exigences prévues à l’article 218, paragraphes 2, 6 et 8, TFUE, les traités n’interdisent pas au Conseil, agissant d’une manière conforme à son règlement intérieur, d’attendre, avant d’adopter la décision portant conclusion par l’Union de la convention d’Istanbul, le « commun accord » des États membres à être liés par cette convention dans les domaines de celle-ci relevant de leurs compétences. Par contre, ils lui interdisent d’ajouter une étape supplémentaire à la procédure de conclusion prévue à cet article en subordonnant l’adoption de la décision de conclusion de ladite convention à la constatation préalable d’un tel « commun accord ».

C. Sur les bases juridiques appropriées pour la conclusion de la convention d’Istanbul

275

Par sa première question, sous a), le Parlement demande, en substance, si les bases juridiques appropriées pour l’adoption de l’acte du Conseil portant conclusion par l’Union de la convention d’Istanbul sont l’article 82, paragraphe 2, et l’article 84 TFUE ou si cet acte doit se fonder sur l’article 78, paragraphe 2, l’article 82, paragraphe 2, et l’article 83, paragraphe 1, TFUE.

276

Eu égard à l’argumentation avancée par les parties à la procédure dans le cadre de la première question, sous a), il convient de préciser d’emblée l’objet et la portée de l’examen qu’il convient d’opérer en vue de répondre à cette question.

277

Ainsi qu’il a été relevé aux points 234 à 239 du présent avis, selon l’article 218, paragraphes 2, 6 et 8, TFUE, la décision portant conclusion de la convention d’Istanbul doit être adoptée par le Conseil à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement.

278

En conséquence, dans les limites des questions posées dans la présente demande d’avis, il revient en tout premier lieu au Conseil et au Parlement de préciser à la Cour le périmètre de l’« accord envisagé », au sens de l’article 218, paragraphe 11, TFUE, qui fait l’objet de la présente procédure et à l’aune duquel doit être appréciée la base juridique sur laquelle devra, le cas échéant, reposer l’acte du Conseil portant conclusion de cet accord au nom de l’Union.

279

À cet égard, il est constant, tout d’abord, que ni le Conseil ni le Parlement n’envisagent une adhésion de l’Union aux parties de la convention d’Istanbul qui ne relèvent pas des compétences de l’Union.

280

Ensuite, si le Conseil a indiqué qu’il souhaitait limiter l’adhésion de l’Union à cette convention aux seuls domaines de celle-ci pour lesquels elle dispose de compétences externes exclusives et que les décisions de signature 2017/865 et 2017/866 reflétaient les bases juridiques qu’il avait identifiées à ce titre, force est de constater que la première question, sous a), de la demande d’avis ne présente pas de telle limitation, le Parlement y envisageant une conclusion de ladite convention sur le fondement des bases juridiques visées à cette question indépendamment du point de savoir si l’Union dispose ou non d’une compétence exclusive à ce titre, en application de l’article 3, paragraphe 2, TFUE.

281

Enfin, dans la mesure où le Parlement et la Commission évoquent l’hypothèse d’une adhésion à la convention d’Istanbul pour l’ensemble des parties de cette convention qui relèvent des compétences de l’Union, le Conseil a soutenu que la majorité requise en son sein pour une telle adhésion n’a pu être atteinte. Il s’ensuit qu’une telle adhésion présente à ce stade un caractère hypothétique et ne saurait dès lors servir de référence en vue de définir l’« accord envisagé » à l’aune duquel il convient de répondre à la première question, sous a), de la demande d’avis.

282

Dans ces conditions, il incombe à la Cour de procéder à l’examen de la première question, sous a), de la demande d’avis en partant de la prémisse selon laquelle le périmètre de l’« accord envisagé », au sens de l’article 218, paragraphe 11, TFUE, est défini par les termes de cette question et par le contenu des décisions de signature 2017/865 et 2017/866.

283

Dans la mesure où la Commission et plusieurs États membres font valoir qu’un tel accord envisagé, qui implique une adhésion partielle de l’Union, limitée à certaines de ses compétences seulement, à la convention d’Istanbul, se heurterait aux objectifs et aux termes mêmes de cette convention, et notamment à son article 78, il a été rappelé au point 272 du présent avis que la procédure d’avis porte sur la compatibilité d’un accord envisagé avec les traités et non pas sur la compatibilité d’un tel accord avec le droit international public, en particulier s’agissant des conditions posées par ledit accord en ce qui concerne l’adhésion à celui-ci.

284

Selon la jurisprudence constante de la Cour, le choix de la base juridique d’un acte de l’Union, y compris celui adopté en vue de la conclusion d’un accord international, doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent le contexte, la finalité et le contenu de cet acte [avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, point 76 ; arrêts du 4 septembre 2018, Commission/Conseil (Accord avec le Kazakhstan), C-244/17, EU:C:2018:662, point 36, ainsi que du 20 novembre 2018, Commission/Conseil (AMP Antarctique), C-626/15 et C-659/16, EU:C:2018:925, point 76].

285

Si l’examen d’un acte de l’Union démontre qu’il poursuit deux finalités ou qu’il a deux composantes et si l’une de ces finalités ou de ces composantes est identifiable comme étant principale tandis que l’autre n’est qu’accessoire, l’acte doit être fondé sur une seule base juridique, à savoir celle exigée par la finalité ou la composante principale ou prépondérante. À titre exceptionnel, s’il est établi, en revanche, que l’acte poursuit à la fois plusieurs objectifs ou a plusieurs composantes qui sont liés de façon indissociable, sans que l’un soit accessoire par rapport à l’autre, de telle sorte que différentes dispositions des traités sont applicables, une telle mesure doit être fondée sur les différentes bases juridiques correspondantes [avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, point 77, et arrêt du 4 septembre 2018, Commission/Conseil (Accord avec le Kazakhstan), C-244/17, EU:C:2018:662, point 37].

286

S’agissant, en particulier, d’un accord international poursuivant plusieurs finalités ou ayant plusieurs composantes, il convient, dès lors, de vérifier si les dispositions de cet accord qui poursuivent une finalité ou qui constituent une composante de cet accord sont l’accessoire nécessaire au caractère effectif des dispositions dudit accord qui poursuivent d’autres finalités ou qui constituent d’autres composantes, ou si elles revêtent une « portée extrêmement limitée » [voir, en ce sens, avis 1/08 (Accords modifiant les listes d’engagements spécifiques au titre de l’AGCS), du 30 novembre 2009, EU:C:2009:739, point 166]. En effet, dans chacun de ces cas, l’existence de cette finalité ou de cette composante ne justifie pas qu’elle soit spécifiquement reflétée dans la base juridique matérielle de la décision portant signature ou conclusion dudit accord au nom de l’Union.

287

En outre, figurent parmi les critères permettant d’identifier le caractère accessoire ou non d’une finalité ou d’une composante d’un acte, le nombre de dispositions qui y sont dédiées au regard de l’ensemble des dispositions de cet acte ainsi que la teneur et la portée des obligations énoncées dans ces dispositions [voir, en ce sens, arrêts du 11 juin 2014, Commission/Conseil, C-377/12, EU:C:2014:1903, point 56, ainsi que du 4 septembre 2018, Commission/Conseil (Accord avec le Kazakhstan), C-244/17, EU:C:2018:662, points 44 et 45].

288

Toutefois, le recours à une double base juridique est exclu lorsque les procédures prévues pour l’une et l’autre de ces bases sont incompatibles [avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, point 78].

289

En l’occurrence, quant au contexte de l’acte de conclusion de l’accord envisagé, tel qu’identifié au point 282 du présent avis, il ressort des considérants 1 à 3 des décisions de signature 2017/865 et 2017/866 que l’Union a, avec le statut d’observateur, participé aux côtés des États membres à la négociation de la convention d’Istanbul, que cette dernière est, en vertu de son article 75, ouverte à la signature de l’Union et qu’elle crée un cadre juridique complet et multidimensionnel pour protéger les femmes contre toutes les formes de violence. À ce dernier égard, il y est précisé que cette convention :

vise à prévenir, à poursuivre et à éliminer la violence à l’égard des femmes et des filles ainsi que la violence domestique ;

régit toute une série de mesures allant de la collecte des données et de la sensibilisation, aux mesures juridiques consistant à ériger en infractions différentes formes de violence à l’égard des femmes ;

comprend notamment des mesures de protection des victimes et la fourniture de services de soutien ;

aborde la dimension sexiste de la violence en matière d’asile et de migration, et

établit, afin d’assurer une mise en œuvre effective de ses dispositions par les parties, un mécanisme de suivi spécifique.

290

Cette analyse est corroborée par le contenu de la convention d’Istanbul, tel qu’il est résumé aux points 15 à 40 du présent avis.

291

S’agissant de la finalité de l’acte de conclusion de l’accord envisagé, les considérants 4 des décisions de signature 2017/865 et 2017/866 indiquent que la conclusion par l’Union de la convention d’Istanbul :

contribuera à la réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines, cette égalité constituant une valeur essentielle et un objectif fondamental de l’Union que cette dernière doit atteindre dans toutes ses activités conformément aux articles 2 et 3 TUE, à l’article 8 TFUE et à l’article 23 de la charte des droits fondamentaux, et

permettra à l’Union de confirmer qu’elle est résolue à combattre la violence faite aux femmes sur son territoire et dans le monde, de renforcer son action politique actuelle ainsi que l’important cadre juridique en vigueur dans le domaine du droit de la procédure pénale, qui revêt une importance particulière pour les femmes et les filles.

292

Or, il résulte des considérants 6 et 7 de ces décisions de signature que l’acte de conclusion de l’accord envisagé ne visera à atteindre ces objectifs transversaux qu’en ce qui concerne les dispositions de la convention d’Istanbul qui, à la fois, relèvent de la compétence de l’Union et sont relatives, tout d’abord, à la coopération judiciaire en matière pénale, ensuite, à l’asile et au non-refoulement et, enfin, aux institutions et à l’administration publique de l’Union. Si les articles 1ers desdites décisions de signature ne visent pas ce dernier volet relatif aux institutions et à l’administration publique de l’Union, le Conseil a néanmoins précisé, en réponse à une question de la Cour, qu’il demeure envisagé que l’acte de conclusion de cette convention portera sur ledit volet.

293

Cette finalité limitée de l’acte de conclusion de l’accord envisagé est corroborée par la base juridique matérielle visée tant dans les décisions de signature 2017/865 et 2017/866, à savoir l’article 78, paragraphe 2, l’article 82, paragraphe 2, et l’article 83, paragraphe 1, TFUE, que dans la première question, sous a), de la demande d’avis, qui mentionne ces mêmes dispositions ainsi que l’article 84 TFUE.

294

Il convient dès lors de prendre comme prémisse du raisonnement en réponse à la première question, sous a), de la demande d’avis que le contenu de l’acte de conclusion de l’accord envisagé portera sur les dispositions de la convention d’Istanbul présentant un lien avec la coopération judiciaire en matière pénale, l’asile et le non-refoulement et les obligations incombant aux institutions et à l’administration publique de l’Union, dans la mesure où ces dispositions relèvent de la compétence de l’Union (ci-après « la partie de la convention d’Istanbul faisant l’objet de l’accord envisagé »).

295

S’agissant, en premier lieu, de la coopération judiciaire en matière pénale, premièrement, il y a lieu de rappeler que les articles 44, 47 et 48 figurant au chapitre V, les articles 49, 50 et 54 à 58 contenus au chapitre VI et les articles 62 à 65 figurant au chapitre VIII de la convention d’Istanbul, ainsi qu’il ressort notamment du résumé de ces chapitres figurant aux points 25 à 29, 33 et 34 du présent avis, portent sur la compétence territoriale en matière de poursuite pénale des infractions visées dans cette convention, sur la prise en compte des condamnations prononcées sur le territoire d’une autre partie à ladite convention, sur l’interdiction des modes alternatifs de résolution des conflits, sur la nécessité d’enquêtes, de poursuites et de procédures judiciaires effectives, rapides, le cas échéant ex officio ou ex parte et tenant toujours compte des droits de la victime, sur la protection, l’information, l’assistance et l’aide juridique appropriées des victimes, sur les preuves admissibles, le droit de la victime d’être entendue et la protection des témoins, sur la prescription des infractions, sur la coopération en matière pénale aux fins de prévenir, de combattre, et de poursuivre toutes les formes de violence, de protéger et d’assister les victimes, de mener des enquêtes ou des procédures concernant les infractions et d’appliquer les jugements pénaux, sur la faculté pour les victimes d’une infraction commise sur le territoire d’une partie à la convention d’Istanbul de porter plainte auprès des autorités compétentes de leur État de résidence, sur l’entraide judiciaire en matière pénale, sur l’extradition ou l’exécution de jugements pénaux, sur le partage des informations pouvant aider à prévenir les infractions ou à entamer ou à poursuivre les investigations ainsi que des informations selon lesquelles une personne risque d’être soumise de manière immédiate à des actes de violence et sur le respect de la protection des données à caractère personnel.

296

Ainsi que le considèrent le Parlement, le Conseil et la Commission de même que plusieurs États membres parties à la présente procédure, ces dispositions relèvent dans une large mesure de la compétence de l’Union visée à l’article 82, paragraphe 2, TFUE, en vertu duquel l’Union, dans la mesure où cela est nécessaire pour faciliter la reconnaissance mutuelle des jugements et des décisions judiciaires, ainsi que la coopération policière et judiciaire dans les matières pénales ayant une dimension transfrontière, peut établir des règles minimales concernant notamment l’admissibilité des preuves entre les États membres, les droits des personnes dans la procédure pénale et les droits des victimes de la criminalité. Eu égard au nombre et à la portée desdites dispositions, il convient ainsi de considérer que l’article 82, paragraphe 2, TFUE devrait figurer parmi les bases juridiques de l’acte portant conclusion de l’accord envisagé.

297

Deuxièmement, les articles 7, 8, 10 et 11 figurant au chapitre II, les articles 12 à 16 contenus au chapitre III, les articles 18 à 28 figurant au chapitre IV, les articles 51 à 53 figurant au chapitre VI et les articles 62 et 63 énoncés au chapitre VIII de la convention d’Istanbul obligent les parties à cette convention, notamment, à mettre en œuvre des politiques nationales effectives, globales et coordonnées pour prévenir et combattre toutes les formes de violence, à allouer des ressources financières et humaines appropriées, à désigner des organes officiels responsables pour la coordination, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des politiques, à collecter les données statistiques, à soutenir la recherche sur les causes profondes de la violence et leurs effets, leur fréquence et les taux de condamnation, à promouvoir les changements en vue d’éradiquer toute pratique fondée sur l’idée de l’infériorité des femmes ou sur un rôle stéréotypé des femmes et des hommes, à prévenir toutes les formes de violence couvertes par ladite convention, à mettre les besoins spécifiques des personnes vulnérables et des victimes au centre de leurs mesures, à assurer que la culture, la coutume, la religion, la tradition ou le prétendu « honneur » ne soient pas considérés comme justifiant des actes de violence, à conduire des programmes de sensibilisation, à établir des programmes visant à apprendre aux auteurs de violence domestique à adopter un comportement non violent, à prendre les mesures nécessaires pour protéger toutes les victimes contre tout nouvel acte de violence, y compris des mécanismes de coopération effective entre toutes les agences étatiques pertinentes, une information adéquate et en temps opportun sur les services de soutien et les mesures légales disponibles, le conseil juridique et psychologique, l’assistance financière, les services de santé et les services sociaux, des informations sur les mécanismes de plaintes individuelles/collectives, des refuges appropriés, facilement accessibles et en nombre suffisant, des permanences téléphoniques gratuites, des centres d’aide d’urgence pour les victimes de viols et de violences sexuelles, des conseils psychosociaux adaptés à l’âge des enfants témoins de violence, à prévoir les mesures nécessaires pour que les règles de confidentialité ne constituent pas un obstacle à un signalement d’un acte grave de violence commis ou à craindre, à prévoir des mesures opérationnelles préventives, à effectuer une appréciation des risques pour les victimes, à permettre l’adoption d’ordonnances d’interdiction et d’injonction, à prévoir une protection, une information, une assistance et une aide juridique appropriées des victimes, à assurer une coopération en matière pénale aux fins de prévenir, de combattre, et de poursuivre toutes les formes de violence, de protéger et d’assister les victimes, de mener des enquêtes ou des procédures concernant les infractions et d’appliquer les jugements pénaux, à instituer le partage des informations pouvant aider à prévenir les infractions ou à entamer ou à poursuivre les investigations ainsi que des informations selon lesquelles une personne risque d’être soumise de manière immédiate à des actes de violence.

298

De telles obligations relèvent, ainsi que le soutiennent notamment le Parlement et la Commission, dans une large mesure du domaine de la prévention du crime pour lequel l’article 84 TFUE attribue à l’Union la compétence d’établir des mesures pour encourager et appuyer l’action des États membres. Eu égard au nombre et à la portée des dispositions citées au point précédent, qui comportent, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 158 de ses conclusions, des obligations présentant, dans une large mesure, un caractère autonome par rapport à celles synthétisées au point 295 du présent avis, il convient de considérer que ce volet de l’accord envisagé n’est pas purement accessoire à ces dernières obligations et ne présente pas une portée « extrêmement limitée ». Il s’ensuit que l’article 84 TFUE devrait également figurer parmi les bases juridiques de l’acte portant conclusion de l’accord envisagé.

299

Troisièmement, les articles 33 à 43 figurant au chapitre V de la convention d’Istanbul portent, en particulier, sur l’engagement des parties contractantes à ériger en infractions pénales assorties de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, la commission, la tentative, la complicité et l’aide à commettre une atteinte à l’intégrité psychologique d’une personne par la contrainte ou les menaces, un comportement menaçant envers une autre personne, conduisant celle‐ci à craindre pour sa sécurité, des actes de violence physique, les actes à caractère sexuel non consentis, le fait de forcer un adulte ou un enfant à contracter un mariage, l’excision, l’infibulation ou toute autre mutilation des parties génitales d’une femme, un avortement chez une femme sans son accord préalable, une intervention chirurgicale qui met fin à la capacité d’une femme de se reproduire naturellement sans son accord et toute forme de comportement non désiré, verbal, non verbal ou physique, à caractère sexuel, violant la dignité d’une personne, en particulier lorsqu’il crée un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

300

À cet égard, l’article 83, paragraphe 1, TFUE attribue à l’Union la compétence pour établir des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans, notamment, le domaine de la traite des êtres humains et de l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants.

301

Or, ainsi que l’a fait valoir notamment la Commission et que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 155 de ses conclusions, le chevauchement entre, d’une part, les obligations inscrites dans la convention d’Istanbul, telles qu’exposées au point 299 du présent avis, et, d’autre part, le champ d’action ouvert à l’Union par l’article 83, paragraphe 1, TFUE est à ce point ponctuel qu’il convient de considérer que les obligations que comporte cette partie de ladite convention, relevant de ce champ d’action, présentent une portée « extrêmement limitée » pour l’Union et que, dès lors, cette disposition ne devrait pas figurer parmi les bases juridiques de l’acte portant conclusion de l’accord envisagé.

302

En deuxième lieu, quant à l’asile et au non-refoulement, visés au chapitre VII de la convention d’Istanbul, il ressort de la synthèse des articles 59 à 61 de cette convention, figurant aux points 30 à 32 du présent avis, que ces dispositions prévoient, en substance, des obligations relatives à l’octroi de permis de résidence autonomes et renouvelables, à la récupération du statut de résident perdu à la suite d’un mariage forcé, à l’arrêt de procédures d’expulsion, à la reconnaissance d’une protection subsidiaire, à l’application d’une interprétation sensible au genre de chacun des motifs prévus par la convention relative au statut de réfugié, signée à Genève le 28 juillet 1951 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150), en vue de l’octroi du statut de réfugié, et à l’interdiction du refoulement dans certaines circonstances.

303

Ainsi qu’il est constant entre les participants à la présente procédure, de telles obligations entrent dans le champ d’application de l’article 78, paragraphe 2, TFUE.

304

Or, comme l’a relevé M. l’avocat général aux points 160 à 162 de ses conclusions, bien que la convention d’Istanbul ne contienne que trois articles relatifs aux matières mentionnées au point 302 du présent avis, ceux-ci forment un chapitre distinct de cette convention et prévoient des obligations précises et substantielles nécessitant, le cas échéant, l’adaptation de la législation des parties à ladite convention dans ces matières. Dans ces conditions, ce volet ne saurait être considéré comme étant accessoire ou d’une portée « extrêmement limitée », au sens de la jurisprudence citée aux points 285 et 286 du présent avis, de sorte que l’article 78, paragraphe 2, TFUE devrait figurer parmi les bases juridiques de l’acte portant conclusion de cet accord envisagé.

305

En troisième lieu, il est constant, tout d’abord, qu’une partie significative des obligations relatives à la prise de mesures préventives, instituées par les articles 7, 8, 10 et 11 figurant au chapitre II, les articles 12 à 16 contenus au chapitre III, les articles 18 à 28 figurant au chapitre IV, les articles 51 à 53 énoncés au chapitre VI et les articles 62 et 63 contenus au chapitre VIII de la convention d’Istanbul, telles qu’elles sont synthétisées au point 297 du présent avis, s’imposeraient, en substance, à l’Union également par rapport au personnel de son administration ainsi que par rapport au public fréquentant les locaux et les bâtiments de ses institutions, organes et organismes. Ensuite, il en irait de même s’agissant de plusieurs obligations résultant des articles 49, 50 et 56 figurant au chapitre VI ainsi que des articles 63 à 65 énoncés au chapitre VIII de cette convention, telles qu’elles sont synthétisées au point 295 du présent avis. Enfin, il apparaît que des obligations additionnelles, telles que celles prévues à l’article 30 de ladite convention, relatif au versement d’une indemnisation adéquate aux victimes de violences, sont susceptibles de s’imposer à l’Union en ce qui concerne spécifiquement son administration publique.

306

Ainsi qu’il a été, en substance, envisagé par le Conseil aux considérants 7 des décisions de signature 2017/865 et 2017/866, de telles obligations relèvent du champ d’application de l’article 336 TFUE.

307

Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 164 de ses conclusions, contrairement aux domaines couverts par l’article 82, paragraphe 2, TFUE et l’article 84 TFUE, s’agissant de son administration publique, l’Union ne devrait pas se limiter à mettre en place des prescriptions minimales ou des mesures d’appui, mais devrait assurer elle-même qu’il soit entièrement satisfait aux obligations décrites au point 305 du présent avis.

308

Il s’ensuit que, eu égard au nombre de dispositions concernées et à la portée des obligations qui seraient assumées à ce titre par l’Union à l’égard de son administration publique et au nombre limité de matières relevant de l’accord envisagé, cette composante de l’accord envisagé n’est pas de nature purement accessoire ni ne présente une portée « extrêmement limitée » et que l’article 336 TFUE devrait, en conséquence, figurer parmi les bases juridiques de l’acte portant conclusion de cet accord.

309

En quatrième lieu, quant aux obligations s’imposant à l’Union, qui découleraient des articles 66 à 70 figurant au chapitre IX et de l’article 74 énoncé au chapitre XII de la convention d’Istanbul, relatives au mécanisme de suivi et au règlement des différends, il suffit de rappeler que la compétence de l’Union pour contracter des engagements internationaux inclut celle d’assortir ces engagements de dispositions institutionnelles. Leur présence dans l’accord n’a pas d’incidence sur la nature de la compétence pour conclure celui-ci. En effet, ces dispositions ont un caractère auxiliaire et relèvent donc de la même compétence que celle dont relèvent les dispositions de fond qu’elles accompagnent [voir, en ce sens, avis 2/15 (Accord de libre-échange avec Singapour), du 16 mai 2017, EU:C:2017:376, point 276 et jurisprudence citée].

310

Il y a encore lieu de préciser, à l’instar de M. l’avocat général au point 165 de ses conclusions, que le cumul des bases juridiques appropriées identifiées dans le présent avis ne se heurte pas à la jurisprudence rappelée au point 288 du présent avis, étant donné que la procédure d’adoption de la décision portant conclusion de l’accord envisagé est la même, en vertu de l’article 218 TFUE, pour l’ensemble de ces bases juridiques qui, toutes, prévoient, sur le plan interne, le recours à la procédure législative ordinaire.

311

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question, sous a), de la demande d’avis que la base juridique matérielle appropriée pour l’adoption de l’acte du Conseil portant conclusion par l’Union de la partie de la convention d’Istanbul faisant l’objet de l’accord envisagé, au sens de l’article 218, paragraphe 11, TFUE, est composée de l’article 78, paragraphe 2, de l’article 82, paragraphe 2, ainsi que des articles 84 et 336 TFUE.

D. Sur la scission en deux décisions distinctes de l’acte de conclusion de la convention d’Istanbul

312

Eu égard aux constatations effectuées aux points 228 et 294 du présent avis, il convient de considérer que, par la première question, sous b), de la demande d’avis, le Parlement demande, en substance, s’il est nécessaire ou possible de scinder en deux décisions distinctes l’acte de conclusion par l’Union de la partie de la convention d’Istanbul faisant l’objet de l’accord envisagé.

313

Ainsi qu’il résulte de la demande d’avis et des observations soumises à la Cour, cette question est en lien avec l’applicabilité du protocole no 21 en ce qui concerne l’Irlande, du fait de l’identification, entre autres, de l’article 78, paragraphe 2, de l’article 82, paragraphe 2, et de l’article 84 TFUE, contenus dans le titre V de la troisième partie du traité FUE, en tant que bases juridiques appropriées pour la conclusion dudit accord. Par ailleurs, si la République de Bulgarie a relevé la pertinence potentielle pour ladite question du protocole no 22 également, le Conseil a fait valoir que l’application de ce protocole n’a entraîné aucune difficulté particulière en l’occurrence.

314

S’agissant du protocole no 21, il ressort des décisions de signature 2017/865 et 2017/866 que, sur le fondement de ce protocole, l’Irlande entendait, en effet, ne pas participer à la conclusion par l’Union du volet de la convention d’Istanbul relatif à l’asile et au non-refoulement, tout en participant à la conclusion des autres volets de cette convention.

315

Ainsi qu’il résulte du considérant 10 de la décision de signature 2017/865 et de l’argumentation de l’Irlande et du Conseil, cette distinction entre ces différents volets de la convention d’Istanbul se fonde sur le fait que l’Irlande est liée par les directives 2011/36 et 2011/93, tandis qu’elle ne l’est pas s’agissant des directives 2011/95 et 2013/32.

316

À cet égard, il convient de relever que, selon l’article 1er du protocole no 21, l’Irlande « ne [participe] pas à l’adoption par le Conseil des mesures proposées relevant de la troisième partie, titre V, du traité [FUE] ».

317

Aux termes de l’article 2 de ce protocole, « aucune des dispositions de la troisième partie, titre V, du traité [FUE], aucune mesure adoptée en application de ce titre, aucune disposition de tout accord international conclu par l’Union en application [dudit] titre et aucune décision de la Cour de justice de l’Union européenne interprétant ces dispositions ou mesures, ne lie » l’Irlande « ou n’est applicable à [son] égard » et ces « dispositions, mesures ou décisions ne portent en rien atteinte aux compétences, aux droits et aux obligations » de cet État membre. De plus, lesdites dispositions, mesures ou décisions « ne modifient en rien ni l’acquis communautaire ni celui de l’Union et ne font pas partie du droit de l’Union tels qu’ils s’appliquent » audit État membre.

318

Toutefois, conformément à l’article 3 dudit protocole, l’Irlande « peut notifier […] son souhait de participer à l’adoption et à l’application de la mesure proposée, à la suite de quoi cet État [membre] y est habilité ».

319

En vertu de l’article 4 du protocole no 21, « l’Irlande peut, à tout moment après l’adoption d’une mesure par le Conseil en application de la troisième partie, titre V, du traité [FUE], notifier […] son intention d’accepter ladite mesure ».

320

L’article 4 bis, paragraphe 1, du protocole no 21 précise que les dispositions de celui-ci « s’appliquent, en ce qui concerne […] l’Irlande, également aux mesures proposées ou adoptées en vertu du titre V de la troisième partie du traité [FUE] qui modifient une mesure existante contraignante à [son] égard ».

321

Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 186 à 189 de ses conclusions, il résulte des articles 1er à 4 bis du protocole no 21 qu’il ne saurait être considéré que la participation de l’Irlande aux directives 2011/36 et 2011/93 impliquerait de manière automatique que cet État membre soit tenu de participer à la conclusion par l’Union du volet correspondant de la convention d’Istanbul. En effet, sous réserve de la procédure prévue à l’article 4 bis, paragraphe 2, de ce protocole, dont l’application n’est pas envisagée dans la présente procédure, ces dispositions précisent sans équivoque que, à moins qu’elle ne notifie son souhait de participer à l’adoption et à l’application de la mesure proposée, l’Irlande ne participe ni aux mesures initiales relevant de la troisième partie, titre V, du traité FUE ni aux mesures, relevant de ce même titre, modifiant une mesure existante et contraignante à son égard.

322

Cette interprétation est corroborée par une lecture systématique du protocole no 21, de laquelle il ressort que l’article 2 de celui-ci ne peut être lu ni appliqué indépendamment de l’article 1er de ce protocole. En effet, la règle, prévue audit article 2, selon laquelle l’Irlande n’est pas tenue, en vertu de cet article 1er et sous réserve des articles 3, 4 et 6 dudit protocole, par les mesures, les dispositions et les décisions qui y sont visées, est intrinsèquement liée à celle, prévue audit article 1er, selon laquelle cet État membre ne participe pas à l’adoption des mesures relevant du titre V de la troisième partie du traité FUE, de telle sorte que ces deux règles ne peuvent se comprendre l’une sans l’autre [voir, par analogie, avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, points 115 et 116].

323

Ainsi, il serait contraire à l’objectif poursuivi par le protocole no 21 tant de permettre à l’Irlande de participer à l’adoption d’un acte de l’Union sans être liée par cet acte que d’admettre que cet État membre soit lié par un tel acte sans avoir participé à son adoption [voir, en ce sens et par analogie, avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, point 116].

324

La Cour a également précisé que le protocole no 21 n’est pas de nature à avoir une incidence de quelque nature que ce soit sur la question de la base juridique appropriée pour l’adoption de la décision concernée [avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, point 108].

325

En effet, la règle dégagée par la jurisprudence de la Cour, selon laquelle c’est la base juridique matérielle d’un acte qui détermine les procédures à suivre pour l’adoption de ce dernier, vaut non seulement pour les procédures prévues pour l’adoption d’un acte interne, mais également pour celles applicables à la conclusion des accords internationaux (arrêt du 24 juin 2014, Parlement/Conseil, C-658/11, EU:C:2014:2025, point 57).

326

En conséquence, les bases juridiques appropriées pour la conclusion de l’accord envisagé déterminent l’applicabilité de l’article 1er du protocole no 21 et, en vertu de cette disposition, la participation ou non de l’Irlande à l’adoption de l’acte de conclusion de cet accord détermine, à son tour, au titre de l’article 2 de ce protocole, si cet acte de conclusion est appelé à lier ou non cet État membre et, partant, à rendre ou non applicables à son égard les dispositions de la convention d’Istanbul faisant l’objet de l’accord envisagé.

327

Or, ces liens intrinsèques entre les articles 1er et 2 du protocole no 21 et la circonstance qu’aucune des dispositions de ce protocole n’envisage une participation partielle à une mesure excluent une participation sélective à une même mesure visée dans ces articles. Cette constatation est corroborée par le libellé de l’article 3 dudit protocole, lequel envisage seulement la possibilité pour l’Irlande de notifier son souhait de participer à l’adoption et à l’application « de la mesure proposée ».

328

Il s’ensuit que n’est pas autorisée par le protocole no 21 une scission en deux décisions de l’acte de conclusion de l’accord envisagé en vue de permettre à l’Irlande de participer à l’adoption de l’une des deux décisions, mais non pas à l’autre, alors même que, à l’instar des décisions de signature 2017/865 et 2017/866, chacune des décisions de conclusion porterait sur des mesures relevant de la troisième partie, titre V, du traité FUE et qui tombent dès lors sous le champ d’application de ce protocole.

329

Une telle scission en deux ou plusieurs décisions d’un acte de conclusion d’un accord envisagé serait d’ailleurs susceptible de se heurter tant à la jurisprudence rappelée aux points 285 à 287 du présent avis qu’aux termes de l’article 13, paragraphe 2, TUE, selon lesquels les institutions doivent agir, notamment, conformément aux procédures, aux conditions et aux fins prévues par les traités, ainsi qu’à la jurisprudence rappelée au point 232 du présent avis, selon laquelle les règles relatives à la formation de la volonté des institutions de l’Union sont établies par les traités et ne sont à la disposition ni des États membres ni de ces institutions elles-mêmes.

330

Cela étant, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 182 de ses conclusions, s’il est établi que l’acte de conclusion d’un accord international poursuit plusieurs objectifs ou a plusieurs composantes qui sont liés de façon indissociable, sans que l’un soit considéré comme étant accessoire par rapport à l’autre, de telle sorte que différentes bases juridiques sont applicables audit acte, une différence des règles de vote au sein du Conseil est susceptible d’entraîner l’incompatibilité de ces bases juridiques [voir, en ce sens, avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, point 109].

331

Or, dans un tel cas de figure, il peut s’avérer nécessaire d’adopter deux ou plusieurs décisions aux fins d’adopter un acte de conclusion d’un accord international envisagé [voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Conseil (Accord avec l’Arménie), C-180/20, EU:C:2021:658, point 40].

332

Il s’ensuit qu’il peut exister des situations faisant apparaître un besoin objectif de scinder en deux ou en plusieurs décisions un acte de conclusion d’un accord envisagé.

333

Tel peut notamment être le cas si une telle scission vise à tenir compte de la circonstance que l’Irlande ne participe pas aux mesures envisagées au titre de la conclusion d’un accord international qui relèvent du champ d’application du protocole no 21, alors que d’autres mesures envisagées au titre de cette conclusion ne relèvent pas de ce champ d’application.

334

Tel peut également être le cas si une telle scission vise à tenir compte de la circonstance que le Royaume de Danemark ne participe pas aux mesures envisagées au titre de la conclusion d’un accord international qui relèvent du champ d’application du protocole no 22, alors que d’autres mesures envisagées au titre de cette conclusion ne relèvent pas de ce champ d’application.

335

Il convient de rappeler, à cet égard, que le protocole no 22 vise, ainsi qu’il ressort des troisième à cinquième alinéas de son préambule, à établir un cadre juridique permettant aux États membres de poursuivre le développement de leur coopération dans le domaine de l’espace de liberté, de sécurité et de justice par l’adoption, sans participation du Royaume de Danemark, de mesures qui ne lient pas cet État membre, tout en offrant à ce dernier la possibilité de participer à l’adoption de mesures en ce domaine et d’être lié par celles-ci dans les conditions prévues à l’article 8 dudit protocole. À cet effet, l’article 1er, premier alinéa, du protocole no 22 dispose que le Royaume de Danemark ne participe pas à l’adoption par le Conseil des mesures proposées relevant de la troisième partie, titre V, du traité FUE, l’article 2 de ce protocole prévoyant que le Royaume de Danemark n’est pas lié par de telles mesures [voir, en ce sens, avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, points 111 et 112].

336

En l’occurrence, il découle de la réponse à la première question, sous a), que, parmi les composantes de la base juridique matérielle de l’acte de conclusion de l’accord envisagé, figure l’article 336 TFUE, lequel ne relève ni du titre V de la troisième partie du traité FUE ni, partant, du champ d’application des protocoles no 21 et no 22. Dans ces conditions, un besoin objectif de scinder l’acte de conclusion de cet accord peut être établi, en vue de tenir compte de la circonstance que l’Irlande ou le Royaume de Danemark ne participent pas à cette conclusion, dans la mesure où elle emporte un exercice par l’Union de ses compétences externes découlant de l’article 78, paragraphe 2, TFUE, de l’article 82, paragraphe 2, TFUE et de l’article 84 TFUE.

337

En conséquence, il y a lieu de répondre à la première question, sous b), de la demande d’avis que les protocoles no 21 et no 22 justifient de scinder en deux décisions distinctes l’acte du Conseil portant conclusion par l’Union de la partie de la convention d’Istanbul faisant l’objet de l’accord envisagé uniquement dans la mesure où une telle scission vise à tenir compte de la circonstance que l’Irlande ou le Royaume de Danemark ne participent pas aux mesures prises au titre de la conclusion de cet accord et relevant du champ d’application de ces protocoles, envisagées dans leur globalité.

VII. Réponse à la demande d’avis

338

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que :

sous réserve du plein respect, à tout moment, des exigences prévues à l’article 218, paragraphes 2, 6 et 8, TFUE, les traités n’interdisent pas au Conseil, agissant d’une manière conforme à son règlement intérieur, d’attendre, avant d’adopter la décision portant conclusion par l’Union de la convention d’Istanbul, le « commun accord » des États membres à être liés par cette convention dans les domaines de celle-ci relevant de leurs compétences. Par contre, ils lui interdisent d’ajouter une étape supplémentaire à la procédure de conclusion prévue à cet article en subordonnant l’adoption de la décision de conclusion de ladite convention à la constatation préalable d’un tel « commun accord » ;

la base juridique matérielle appropriée pour l’adoption de l’acte du Conseil portant conclusion par l’Union de la partie de la convention d’Istanbul faisant l’objet de l’accord envisagé, au sens de l’article 218, paragraphe 11, TFUE, est composée de l’article 78, paragraphe 2, de l’article 82, paragraphe 2, ainsi que des articles 84 et 336 TFUE ;

les protocoles no 21 et no 22 justifient de scinder en deux décisions distinctes l’acte du Conseil portant conclusion par l’Union de la partie de la convention d’Istanbul faisant l’objet de l’accord envisagé uniquement dans la mesure où une telle scission vise à tenir compte de la circonstance que l’Irlande ou le Royaume de Danemark ne participent pas aux mesures prises au titre de la conclusion de cet accord et relevant du champ d’application de ces protocoles, envisagées dans leur globalité.

En conséquence, la Cour (grande chambre) émet l’avis suivant :

1)

Sous réserve du plein respect, à tout moment, des exigences prévues à l’article 218, paragraphes 2, 6 et 8, TFUE, les traités n’interdisent pas au Conseil de l’Union européenne, agissant d’une manière conforme à son règlement intérieur, d’attendre, avant d’adopter la décision portant conclusion par l’Union européenne de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (convention d’Istanbul), le « commun accord » des États membres à être liés par cette convention dans les domaines de celle-ci relevant de leurs compétences. Par contre, ils lui interdisent d’ajouter une étape supplémentaire à la procédure de conclusion prévue à cet article en subordonnant l’adoption de la décision de conclusion de ladite convention à la constatation préalable d’un tel « commun accord ».

2)

La base juridique matérielle appropriée pour l’adoption de l’acte du Conseil portant conclusion par l’Union de la partie de la convention d’Istanbul faisant l’objet de l’accord envisagé, au sens de l’article 218, paragraphe 11, TFUE, est composée de l’article 78, paragraphe 2, de l’article 82, paragraphe 2, ainsi que des articles 84 et 336 TFUE.

3)

Le protocole (no 21) sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé au traité UE et au traité FUE, et le protocole (no 22) sur la position du Danemark annexé au traité UE et au traité FUE justifient de scinder en deux décisions distinctes l’acte du Conseil portant conclusion par l’Union de la partie de la convention d’Istanbul faisant l’objet de l’accord envisagé uniquement dans la mesure où une telle scission vise à tenir compte de la circonstance que l’Irlande ou le Royaume de Danemark ne participent pas aux mesures prises au titre de la conclusion de cet accord et relevant du champ d’application de ces protocoles, envisagées dans leur globalité.

Lenaerts

Silva de Lapuerta

Arabadjiev

Prechal

Vilaras

Ilešič

Bay Larsen

Kumin

Wahl

von Danwitz

Biltgen

Jürimäe

Rossi

Jarukaitis

Jääskinen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 octobre 2021.

Le greffier

A. Calot Escobar

Le président

K. Lenaerts

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Textes cités dans la décision

  1. Directive 2011/99/UE du 13 décembre 2011 relative à la décision de protection européenne
  2. Directive 2011/93/UE du 13 décembre 2011 relative à la lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie
  3. Directive 2005/85/CE du 1 er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres
  4. Directive (UE) 2015/637 du 20 avril 2015 établissant les mesures de coordination et de coopération nécessaires pour faciliter la protection consulaire des citoyens de l'Union non représentés dans des pays tiers
  5. Directive Qualification - Directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (refonte)
  6. Directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (refonte)
  7. Règlement (UE) 1416/2013 du 17 décembre 2013
  8. CEE Conseil: Règlement n° 11 concernant la suppression de discriminations en matière de prix et conditions de transport, pris en exécution de l'article 79, paragraphe 3, du traité instituant la Communauté économique européenne
  9. Directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres
  10. Directive 2012/29/UE du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité
  11. Directive 2004/83/CE du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts
  12. Règlement (UE) 235/2014 du 11 mars 2014 instituant un instrument financier pour la démocratie et les droits de l'homme dans le monde
  13. Règlement (UE) 1381/2013 du 17 décembre 2013 établissant un programme
  14. Directive 2011/36/UE du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes
  15. Directive 2004/80/CE du 29 avril 2004 relative à l'indemnisation des victimes de la criminalité
  16. Directive Retour - Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier
  17. Règlement (UE) 513/2014 du 16 avril 2014 portant création, dans le cadre du Fonds pour la sécurité intérieure,de l’instrument de soutien financier à la coopération policière,à la prévention et à la répression de la criminalité ainsi qu’à la gestion des crises,et
  18. Règlement (UE) 1382/2013 du 17 décembre 2013 établissant un programme
  19. Directive sur le regroupement familial - Directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial
  20. Règlement (UE) 606/2013 du 12 juin 2013 relatif à la reconnaissance mutuelle des mesures de protection en matière civile
  21. Directive Procédure d'asile - Directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (refonte)
  22. Directive 2004/113/CE du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès
  23. Directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée
  24. Directive Accueil - Directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte)
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CJUE, Avis 1/19, Avis de la Cour, Avis rendu en vertu de l’article 218, paragraphe 11, TFUE – Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (convention d’Istanbul) – Signature par l’Union européenne – Projet de conclusion par l’Union – Notion d’“accord envisagé”, au sens de l’article 218, paragraphe 11, TFUE – Compétences externes de l’Union – Base juridique matérielle – Article 78, paragraphe 2, TFUE – Article 82, paragraphe 2, TFUE – Article 83, paragraphe 1, TFUE – Article 84 TFUE – Article 336 TFUE – Articles 1er à 4 bis du protocole (n° 21) sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice – Participation partielle de l’Irlande à la conclusion par l’Union de la convention d’Istanbul – Possibilité de scinder l’acte de conclusion d’un accord international en deux décisions distinctes en fonction des bases juridiques applicables – Pratique du “commun accord” – Compatibilité avec le traité UE et le traité FUE, 6 octobre 2021