Tribunal de grande instance de Paris, Référés, 16 décembre 2016, n° 16/60333

  • Référence·
  • Union européenne·
  • Saisie-contrefaçon·
  • Marque verbale·
  • Propriété intellectuelle·
  • Prix unitaire·
  • Sociétés·
  • Produit·
  • Logo·
  • Originalité

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TGI Paris, réf., 16 déc. 2016, n° 16/60333
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 16/60333

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

N° RG :

16/60333

N° : 1/FF

Assignation du :

07 Décembre 2016

(footnote: 1)

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

rendue le 16 décembre 2016

par C D, Juge au Tribunal de Grande Instance de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assisté de O P, Greffier.

DEMANDERESSE

S.A.R.L. B E

[…]

[…]

représentée par Me Garance DE MIRBECK, avocat au barreau de PARIS – #D1672

DÉFENDERESSES

S.A.R.L. CASHTEX

[…]

[…]

S.A.R.L. A

[…]

[…]

représentées par Me Linda HALIMI-BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS – #A0427

S.A.R.L. H I

[…]

[…]

non comparante

S.A.R.L. F G

[…]

[…]

non comparante

DÉBATS

A l’audience du 12 Décembre 2016, tenue publiquement, présidée par C D, Juge, assisté de O P, Greffier,

EXPOSE DU LITIGE

La société de droit luxembourgeois B E, qui a pour activité déclarée une activité de holding, est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur les marques suivantes :

  • la marque verbale de l’Union européenne « J K RECH » n° 013983168 enregistrée le 2 septembre 2015 en classes 3, 14, 18 et 25 pour viser notamment les vêtements ;
  • la marque verbale de l’Union européenne « J DE K RECH » n° 009952433 enregistrée le 14 octobre 2011 en classe 3, 14, 18 et 25 pour viser notamment les vêtements ;
  • la marque semi-figurative de l’Union européenne « GR K RECH » n° 000699769 enregistrée le 28 janvier 1999 en classes 3, 9, 14, 18 et 25 pour viser notamment les vêtements :
  • la marque verbale de l’Union européenne « K RECH » n° 006865893 enregistrée le 22 décembre 2008 en classes 3, 9, 14, 18 et 25 pour viser notamment les vêtements ;
  • la marque verbale de l’Union européenne « SYNONYME » n° 001708551 enregistrée le 14 juin 2000 en classes 14, 18 et 25, sous priorité de la marque française « SYNONYME » n° 1206032 du 8 juin 1982, pour viser notamment les vêtements ;
  • la marque verbale de l’Union européenne « SYNONYME DE K RECH » n° 009952681 enregistrée le 9 mai 2011 en classes 3, 14, 18 et 25 pour viser notamment les vêtements ;
  • la marque verbale de l’Union européenne « K RECH HOMME » n° 006182505 enregistrée le 31 juillet 2007 en classes 14, 18 et 25 pour viser notamment les vêtements.

La société B E se prétend par ailleurs titulaire depuis 2009 des droits d’auteur sur les deux logos suivants, le second (dit « logo stylisé ») étant la déclinaison du premier (dit « logo ouvragé ») :

Expliquant avoir été alertée le 6 octobre 2016 par son licencié exclusif pour les vêtements de la gamme homme « J K RECH » sur le territoire français, la société FIARINO, de l’approvisionnement par un client habituel, la société ELIE L FERY, auprès de la SA CASHTEX, la société B E a :

  • fait dresser par huissier le 11 octobre 2016 un procès-verbal de constat d’achat dans la boutique exploitée à Paris par la société ELIE L FERY ;
  • été autorisée par, ordonnance rendue sur requête par le délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris le 25 octobre 2016, à faire procéder à une saisie-contrefaçon dans cette boutique. Les opérations de saisie-contrefaçon se sont déroulées le 2 novembre 2016 et ont révélé la vente par la SA CASHTEX et la SARL A de produits argués de contrefaçon ;
  • assigné, selon elle, le 4 décembre 2016 la société ELIE L FERY devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon ;
  • été autorisée, par ordonnances rendues sur requête par le délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris le 10 novembre 2016, à faire procéder à une saisie-contrefaçon au siège social, dans le showroom, dans l’entrepôt et dans l’établissement secondaire de la SA CASHTEX. Les opérations de saisie-contrefaçon se sont déroulées le 18 novembre 2016 et se sont soldées, pour celles menées au siège social, par un procès-verbal de difficultés du 29 novembre 2016 en raison de l’exploitation des locaux par une société partenaire. Les opérations réalisées dans l’établissement secondaire révélaient un approvisionnement en produits argués de contrefaçon auprès de la SARL H I et de la SARL F G qui était licenciée de la société B E jusqu’au 9 décembre 2014.

C’est dans ces circonstances que la société B E, autorisée à assigner d’heure à heure par ordonnance du 6 décembre 2016, a, par acte d’huissier du 7 décembre 2016, assigné la SA CASHTEX, la SARL A, la SARL H I et la SARL F G en référés devant le président du tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marques et de droits d’auteur.

A l’audience du 12 décembre 2016, la société B E reprenait oralement les demandes et moyens développés dans son acte introductif d’instance auquel il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément aux dispositions combinées des articles 446-1 et 455 du code de procédure civile.

La société B E demande au juge des référés au visa des dispositions des articles 9 du règlement (UE) n° 207/2009 codifiant à droit constant le règlement (CE) n° 40/94 du 20 décembre 1993, tel que modifié par le règlement 2015/2424 du 16 décembre 2015, L 113-1, L 122-4, L 331-1-1, L 331-1-1-2, L 331-1-3, L 335-2, L 716-6 et L 716-7-1, L 717-1, L 717-2 et L 716-14 du code de la propriété intellectuelle et 485 et 809 du code de procédure civile :

  • de dire et juger recevable et bien fondée la société B E S.à r.l en ses demandes ; ce faisant,
  • de dire et juger que la société B E S.à r.l est investie des droits d’auteurs sur les Logos revendiqués dans la présente procédure lesquels sont originaux et protégeables au titre du Livre I du code de la propriété intellectuelle,
  • de dire que la société B E S.à r.l apporte la preuve rendant vraisemblable que les produits référencés CTX-001, CTX-002, X, Y, GRT et Z GR commercialisés par les sociétés CASHTEX, A, H I et F G portent atteinte à ses marques « J K RECH» et n° 013983168 et « K RECH » n° 006865893 et/ou aux logos,
  • en conséquence :
    • d’interdire sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, aux sociétés CASHTEX, A, H I et F G la fabrication et/ou la commercialisation ou la mise à disposition pour la vente, leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux de vêtements reproduisant ses marques et/ou Logos et plus particulièrement ceux portant les références « CTX-001 », « CTX-002 », « X », « Y », « Z GR » et/ou « GRT» ;
    • d’ordonner la saisie ou la remise entre les mains d’un tiers séquestre de son choix des produits portant atteinte aux droits d’B et détenus par chaque défenderesse et plus particulièrement ceux portant les références « CTX-001 », « CTX-002 », « X », « Y », « Z GR » et/ou « GRT» ;
    • de condamner les défenderesses à verser à titre provisionnel à B de manière solidaire la somme de 500.000 euros au titre de son préjudice moral et 1.000.000 euros au titre de son préjudice économique ;
    • à titre subsidiaire, s’il n’était pas fait droit à cette demande de condamnation à titre provisionnel, de l’autoriser à procéder à la saisie conservatoire sur les comptes bancaires de chacune des défenderesses à hauteur de la somme de 1.500.000 euros par défenderesse ;
    • de dire que différents éléments justifient de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts ;
    • d’ordonner la communication par les défenderesses de tous documents bancaires, financiers, comptables et commerciaux permettant de déterminer les biens dont elles sont propriétaires et qui seraient susceptibles de faire l’objet d’une saisie, et notamment les références de leurs différents comptes bancaires en France et à l’étranger, l’adresse de leurs bureaux, dépôts et entrepôts en France et à l’étranger et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
    • afin de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des produits argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits de la demanderesse, ordonner aux sociétés CASHTEX, A, F G et H I à communiquer, en application de l’article L. 716-7-1 les éléments suivants, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir :
      • a) les noms et adresses des fabricants des produits litigieux, producteurs, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des produits ou services, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants ;
      • b) les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que sur le prix payé et reçu pour acheter et vendre les produits en cause ; et tous justificatifs en attestant tels que les factures des fabricants, vendeurs et/ou acheteurs des produits ;
      • c) la copie de l’ensemble des factures d’achat par elles et de ventes aux tiers de l’ensemble des produits litigieux ainsi que de l’ensemble des commandes, avoirs et accords commerciaux ;
      • d) la communication d’un exemplaire de chaque couleur des modèles référencés GRT et Z GR entre les mains de la défenderesse.
    • de condamner les défenderesses solidairement à verser à B la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

En réplique, la SA CASHTEX et la SARL A, régulièrement représentées, demande au juge des référés de :

  • à titre principal, prononcer la nullité de l’assignation ;
  • à titre subsidiaire, rejeter les demandes adverses à l’exception de la mesure d’interdiction à laquelle elles ne consentent que pour manifester leur bonne foi et sans préjudice des contestations qu’elles opposeront au fond.

La SARL H I et la SARL F G, citées dans les conditions de l’article 659 du code de procédure civile, n’ayant pas comparu et n’ayant pas constitué avocat pour les représenter, l’ordonnance, rendue en premier ressort en application de l’article R 211-3 du code de l’organisation judiciaire, sera réputée contradictoire conformément à l’article 473 alinéa 2 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

A titre liminaire, le juge des référés constate que la SA CASHTEX n’a pas émis la moindre réserve sur ses conditions de représentation et sur la nature des condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre bien que son extrait Kbis mentionne l’existence d’un plan de redressement en cours. L’instance sera considérée comme régulièrement introduite, les créances alléguées étant quoi qu’il en soit nées, à les supposer fondées, postérieurement au jugement d’ouverture.

1°) Sur la nullité de l’assignation

Moyens des parties

La SA CASHTEX et la SARL A soutiennent que les pièces jointes à l’assignation étaient en format réduit et illisibles, la communication de pièces exploitables n’ayant été effectuée que le 9 décembre 2016 à 18 heures 30. Elles en déduisent leur impossibilité de se défendre utilement.

En réplique, la société B E expose que les pièces étaient lisibles et que la communication du 9 décembre 2016 emporte quoi qu’il en soit régularisation.

Appréciation du juge des référés

En application de l’article 56 du code de procédure civile, l’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice :

1° L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ;

3° L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier.

Elle comprend en outre l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.

Sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public, l’assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.

Elle vaut conclusions.

Le régime de la nullité prévue par l’article 56 du code de procédure civile qui n’entre pas dans les cas limitativement prévus par l’article 117 du code de procédure civile est celui de la nullité pour vice de forme défini aux articles 112 et suivants du même code.

En vertu des articles 112, 114 et 115 du code de procédure civile, la nullité des actes de procédure pour vice de forme peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement mais est couverte si celui qui l’invoque a, postérieurement à l’acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité. Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public, la nullité ne pouvant être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public. La nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.

La communication des pièces n’est pas visée par l’article 56 et les irrégularités l’affectant n’emportent pas nullité de l’assignation, aucun grief n’étant invoqué à l’endroit du bordereau de communication de pièces. En revanche, leur illisibilité commande leur irrecevabilité pour violation du principe de la contradiction posé par l’article 16 du code de procédure civile et du droit qu’a toute personne de se défendre utilement. Ce moyen de défense sera requalifié en ce sens conformément à l’article 12 du code de procédure civile.

L’examen des pièces jointes à l’assignation révèle que celles-ci ne sont pas illisibles bien que leur format soit réduit et que les photographies sont exploitables. Si le procédé utilisé par la société B E n’est ni heureux ni d’une parfaite loyauté, il n’a pas empêché les sociétés CASHTEX et A de se défendre utilement, les pièces ayant en outre été communiquées à nouveau et dans un format non critiqué 3 jours avant l’audience, ce délai étant suffisant dans le cadre de l’urgence de la procédure.

En conséquence, l’exception de nullité requalifiée en moyen d’irrecevabilité des pièces produites sera rejetée et ces dernières déclarées recevables.

2°) Sur la contrefaçon vraisemblable et le trouble manifestement illicite

Moyens des parties

La société B E explique qu’elle justifie de l’exploitation intensive des logos au moins depuis 2009 notamment sur les vêtements et les étiquettes de la gamme K RECH homme, mais également sur d’autres articles tels que des parfums ou dans le cadre de la promotion de ses produits. Elle prétend ainsi bénéficier de la présomption de titularité des droits et procède à la description des œuvres dont elle revendique la protection. Elle impute aux défenderesses les faits suivants :

  • concernant les blousons « doudounes » sans manche (réf. X) découverts lors de la saisie-contrefaçon dans la boutique exploitée par la société ELIE L FERY et fournis par la SA CASHTEX, partiellement approvisionnée par la SARL H I et la SARL A : la reproduction à l’identique des marques de l’Union européenne « K RECH » n° 006865893 et « J K RECH » n° 013983168, ainsi que celle du logo ouvragé sur l’étiquette intérieure cousue en haut du dos et sur le sac de rangement et celle du logo stylisé sur une étiquette cartonnée ;
  • concernant les blousons « doudounes » manches longues avec sac de rangement (réf. CTX-001) découverts lors de la saisie-contrefaçon dans les locaux de la SA CASHTEX partiellement approvisionnée par la SARL H I : la reproduction des marques verbales de l’Union Européenne appartenant à B « J K RECH » n° 013983168 et « K RECH » n° 006865893, ainsi que celle du logo ouvragé avec les initiales « GR » sur l’étiquette intérieure cousue en haut du dos et sur le sac de rangement et celle du logo stylisé sur une étiquette cartonnée épinglée ;
  • concernant les parkas matelassées (réf. Y) découvertes lors de la saisie-contrefaçon réalisée dans les locaux de la SA CASHTEX : l’imitation des marques de l’Union européenne « J K RECH » n° 013983168 et de la marque « J DE K RECH » n° 009952433 par apposition sur une parka des inscriptions « K RECH HOMME », « GR » et « J K RECH » et sur l’autre des mentions « J JIMMY TAVERNITI » ainsi que « J » cousu sur une poche intérieure, ces dernières créant un risque de confusion dans l’esprit du public qui va nécessairement croire à tort que les produits vendus le sont sous la marque. Elle impute également aux demanderesses pour ces parkas matelassées (réf. Y) la reproduction sur l’étiquette intérieure cousue en haut du dos, du logo ouvragé dénaturé avec les initiales « JT » avec des caractères de même typographie, taille et couleur au lieu de « GR » ou, selon le cas, avec les initiales « JT » et sur l’étiquette cartonnée épinglée du logo stylisé dénaturé avec les initiales « JT » au lieu de « GR » ou, selon le cas, les initiales « JT » ;
  • concernant les blousons « doudoune » manches longues (réf. CTX-002) découverts lors de la saisie-contrefaçon dans la boutique exploitée par la société ELIE L FERY et fournis par la SA CASHTEX et la SARL A : la reproduction à l’identique des marques « K RECH » et « J K RECH » ainsi que du logo ouvragé sur l’étiquette intérieure cousue en haut du dos et sur le sac de rangement et du logo stylisé sur une étiquette cartonnée. Elle invoque la même dénaturation de ses logos que pour les parkas sur une face entière du sac de rangement, sur l’étiquette cartonnée épinglée ;
  • concernant « les autres références de produits », elle reconnaît l’absence de produits saisis mais oppose ses doutes liés à la nature des références utilisées (factures de H I n°01005 du 31/01/2015 (18 pièces article Z GR), n°030082 du 31/03/2015 (1449 pièces article JKT-02, 1611 pièces article GRT), n°030083 du 31/03/2015 36 pièces article Z GR) et des propos des saisis.

En réplique, la SA CASHTEX et la SARL A opposent la nullité encourue par la saisie-contrefaçon pratiquée au sein de la boutique de la société ELIE L FERY faute d’assignation au fond dans les délais légaux et dénoncent l’absence d’urgence. Elles contestent la titularité des droits d’auteur et l’originalité des logos, opposent l’absence de tout élément sur les « autres références de produits » non saisis réellement. Elles ajoutent que rien ne démontre l’illicéité de l’approvisionnement par la SARL F G.

Appréciation du juge des référés

  1. Sur l’urgence

L’urgence n’est une condition ni pour faire cesser un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 du code de procédure civile ni pour empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon au sens de l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle qui régissent le litige. Par ailleurs, l’urgence présidant à l’organisation d’un référé d’heure à heure aux termes des articles 485 et suivants du code de procédure civile a été appréciée lors de l’autorisation qui constitue une mesure d’administration judiciaire insusceptible de recours et de contestation, la suffisance du délai accordé aux défenderesses pour préparer leur défense ayant pour sa part été examinée contradictoirement à l’audience. Aussi le moyen opposé par la SARL A et la SA CASHTEX, qui constitue une fin de non-recevoir au sens de l’article 122 du code de procédure civile, sera rejetée.

  1. Sur les faits de contrefaçon de marques

Conformément à l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. La juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente. La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d’un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l’existence de son préjudice n’est pas sérieusement contestable. Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l’engagement d’une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. A défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés.

Dans ce cadre, conformément aux articles 9 « droit conféré par la marque de l’union européenne » net 9 ter « date de l’opposabilité du droit aux tiers » du Règlement (UE) 2015/2424 du 16 décembre 2015 modifiant notamment le Règlement CE n° 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire entrés en vigueur le 23 mars 2016 conformément à son article 4, la marque de l’Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif opposable aux tiers à compter de la publication de l’enregistrement de la marque. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires, d’un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ou d’un signe identique ou similaire à la marque de l’Union européenne pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services

En vertu des dispositions combinées des articles 14 « application complémentaire du droit national en matière de contrefaçon » (non modifié), 101 « droit applicable » (modifié formellement) et 102 « sanctions » (modifié formellement) des Règlements (UE) 2015/2424 du 16 décembre 2015 et CE n° 207/2009 du 26 février 2009, si les effets de la marque de l’Union européenne sont exclusivement déterminés par les dispositions du règlement, les atteintes à une marque de l’Union européenne et leurs sanctions sont régies par le droit national concernant les atteintes à une marque nationale.

A cet égard, conformément à l’article L 717-1 du code de propriété intellectuelle, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 11 et 13 du règlement (CE) 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire désormais dite de l’Union européenne.

Et, conformément à l’article L 716-1 du code de la propriété intellectuelle, l’atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon, qui peut être prouvée par tout moyen en vertu de l’article L 716-7 du même code, engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L 713-2, L 713-3 et L 713-4 du même code.

En vertu de l’article 713-2 du code de la propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :

a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : « formule, façon, système, imitation, genre, méthode », ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement ;

b) La suppression ou la modification d’une marque régulièrement apposée.

Enfin, aux termes de l’article L 713-3 du code de propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public :

a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ;

b) L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.

En application du droit interne interprété à la lumière de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres conformément au principe posé par l’arrêt Von Colson et Kamann c. Land Nordhein-Westfalen du 10 avril 1984 comme en application directe du droit communautaire, le risque de confusion doit faire l’objet d’une appréciation abstraite par référence au dépôt d’une part en considération d’un public pertinent correspondant au consommateur des produits et services concernés normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, et d’autre part par comparaison entre le signe litigieux utilisé et la marque protégée par référence à son enregistrement indépendamment de ses conditions d’exploitation mais également par comparaison des services et produits visés dans l’enregistrement et des produits et services commercialisés sous le signe litigieux. Le risque de confusion est en outre analysé globalement : tous les facteurs pertinents, dont la notoriété de la marque et l’importance de sa distinctivité, doivent être pris en considération, l’appréciation globale de la similitude de la marque et du signe litigieux devant être fondée sur l’impression d’ensemble qu’ils produisent au regard de leurs éléments distinctifs et dominants.

La contrefaçon s’appréciant par référence à l’enregistrement de la marque, les conditions d’exploitation du signe par le titulaire de la marque sont indifférentes : seules doivent être prises en compte les conditions d’exploitation du signe litigieux et de commercialisation des produits argués de contrefaçon à l’égard desquels sera examinée la perception du public pertinent. Si, pour apprécier les conditions de validité d’une marque de l’Union européenne, le public pertinent est celui de l’ensemble du territoire de celle-ci pour les produits et services visés à l’enregistrement (CJCE August Storck c. OHMI 22 juin 2006), il est constitué en matière de contrefaçon par le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé du territoire sur lequel les actes de contrefaçon sont susceptibles d’avoir été commis, le risque de confusion naissant d’actes d’exploitation de produits ou services déterminés et localisés.

Le public pertinent est constitué par l’acheteur normalement avisé et attentif de vêtements, les prix pratiqués par les défenderesses impliquant leur qualification de produits de consommation de masse.

S’il est exact qu’à défaut pour le demandeur de s’être pourvu au fond, par la voie civile ou pénale, dans un délai de 20 jours ouvrables ou 31 jours civils si ce délai est plus long, l’intégralité de la saisie, y compris la description, est annulée à la demande du saisi conformément aux articles L 716-7 et R 716-4 du code de la propriété intellectuelle et que la société B E ne justifie pas de la délivrance de l’assignation contre la société ELIE L FERY dans le délai réglementaire, seule cette dernière a qualité pour solliciter la nullité de la saisie-contrefaçon dont elle a fait l’objet. Or, rien ne démontre qu’une telle demande ait été présentée. Aussi, le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 2 novembre 2016 sera retenu.

Aux termes du procès-verbal de constat d’achat du 11 octobre 2016, la société ELIE L FERY offre en vente :

  • une parka noire référencée Y au prix au détail de 129 euros porteuse de la mention « J JIMMY TAVERNITI » sur une étiquette cousue à l’intérieur,
  • un blouson sans manche rouge référencé X au prix de détail de 99 euros porteur d’un écusson rond comprenant les initiales « GR » en son centre et la mention « J K RECH » en sa périphérie, cette dernière étant reprise dans une étiquette cousue à l’intérieur de son col.

Il ressort en outre du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 2 novembre 2016 dressé au siège social de la société ELIE L FERY que celle-ci commercialise en outre un blouson « doudoune » sous la référence CTX-002 qui ne comporte toutefois que les mentions « JIMMY TAVERNITI » et « JT ». Les factures remises à l’huissier émanent de la SA CASHTEX à l’exception d’une seule du 21 décembre 2015 émise par la SARL A portant sur 17 articles référencés « CTX03 » acquis au prix unitaire de 11 euros HT, soit 187 euros HT. Les autres factures, émises entre mars et septembre 2016, portent sur un total de 36 articles référencés « CTX03 » au prix unitaire de 8,50 euros, 24 articles référencés « JKT02 » au prix unitaire de 15,50 euros et 89 articles référencés « CTX02 » à prix unitaire variable.

Les opérations de saisie-contrefaçon réalisées dans les différents locaux de la SA CASHTEX établissent que celle-ci a acquis auprès de :

  • la SARL F G en août et octobre 2015, 264 produits référencés JKT02 au prix unitaire de 8,50 euros HT et 6 300 pièces référencées CTX002 au prix unitaire de 9 euros HT,
  • la SARL H I, entre février et mars 2015, 1730 articles référencés CTX001, 2 099 référencés CTX002, 810 référencés CTX003 et 1 581 référencés JKT02 aux prix unitaires respectifs de 6, 5, 5 et 6 euros HT.

Le tableau de mouvements de stocks reproduit dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon révèle, selon l’analyse livrée par la demanderesse non contestée en sa teneur, qu’au total, entre 2001 et 2016 :

  • 1 437 produits sous référence X sont entrés et 533 sont sortis, 627 produits étant d’origine inconnue,
  • 2 867 produits sous référence CTX-001 sont entrés et 1 690 sont sortis, 1 137 pièces étant d’origine inconnue,
  • 2 897 produits sous référence Y sont entrés et 2 260 sont sortis, 1 052 et non 1 352 pièces étant d’origine inconnue,
  • 10 081 produits sous référence CTX-002 sont entrés et 5 218 sont sortis, 1 682 pièces étant d’origine inconnue.

Les saisies-description (aucune pièce saisie n’étant versée au débat) réalisées dans l’entrepôt et dans le showroom de la SA CASHTEX n’apportent pas d’élément supplémentaire sauf concernant :

  • la référence CTX-001 pour laquelle l’huissier constatait la présence sur une manche d’un écusson rond porteur des mots « J GR K RECH » également repris sur une étiquette amovible. Seules des marques verbales étant en litiges, cette description peut suffire à établir l’usage des termes litigieux sur le vêtement malgré l’absence de production des scellés et des photographies ;
  • la référence CTX-002 pour laquelle l’huissier constatait la présence sur une manche d’un écusson rond porteur des mots « J GR K RECH » également repris sur une étiquette amovible. En l’absence toutefois de photographies du produit et de production des scellés et au regard de la discordance entre cette description et la photographie visible sur le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 2 novembre 2016, ces constatations ne peuvent être retenues,
  • la référence Y appliquée à un exemplaire isolé du stock pour laquelle l’huissier constatait la présence sur étiquette cousue à l’extrémité de la manche des mots « J GR K RECH » également repris sur une étiquette cousue au niveau du col.

Par ailleurs, rien ne permet de comprendre en quoi les produits référencés « GR » seraient contrefaisants, la seule utilisation des lettres « GR » dans une référence étant largement insuffisante pour établir une contrefaçon vraisemblable et les déclarations du saisi ne révélant pas les raisons de l’utilisation par l’huissier des mots-clés « Z GR » ou « GRT138 et suivants ».

Seules seront ainsi retenues les références Y et CTX-001 et 3, l’article référencé CTX-002 ne comportant aucune mention des éléments constituant les marques de l’Union européenne opposées.

Concernant les référence CTX-001 et X ainsi que la référence unique Y trouvée dans l’entrepôt de la SA CASHTEX, il n’est pas contesté que les mentions figurant sur l’écusson rond constituent des indications d’origine commerciale du produit sur lesquelles elles sont apposées. Or, les termes « J K RECH » constituent la reprise à l’identique de ceux constituant les marques verbales de l’Union européenne « J K RECH » n° 013983168 enregistrée le 2 septembre 2015 et « J DE K RECH » n° 009952433 enregistrée le 14 octobre 2011. Les produits étant identiques au vêtement de la classe 25 visés au dépôt de ces marques, la contrefaçon est vraisemblable.

Concernant la référence Y trouvée dans les locaux de la société ELIE L FERY, la seule reprise du terme « J » présent dans les marques verbales de l’Union européenne « J K RECH » n° 013983168 et n° 009952433, qui forment chacune un tout indivisible, est insuffisante à caractériser une imitation générant un risque de confusion dans l’esprit du public dont l’attention sera captée non par ce mot en dépit de sa position d’attaque mais par le patronyme, dominant en ce qu’il renvoie immédiatement à une origine commerciale, « JIMMY TARVERNITI » qui n’a rien de commun avec « K RECH » : la différence très nette entre les signes excluant le risque de confusion malgré l’identité des produits, la contrefaçon n’est pas vraisemblable. Toutefois, rien ne permettant de savoir quelle référence Y vendue correspond à celle trouvée dans l’entrepôt de la SA CASHTEX ou dans la boutique exploitée par la société ELIE L FERY et la confusion ainsi générée étant imputable aux sociétés venderesses qui ont choisi ces références, tous les produits Y seront réputés contrefaisants.

Par ailleurs, il ressort du jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 24 mars 2016 que le contrat de licence conclu avec la SARL F G a été régulièrement résilié le 9 décembre 2014 par la société B E. Rien ne démontre que les ventes d’août et d’octobre 2015 proviennent de stocks que la SARL F G pouvait écouler. Aussi ce moyen n’est-il pas pertinent.

Ainsi, des actes de contrefaçon vraisemblable sont imputables à :

  • la SARL F G pour la vente à la SA CASHTEX en août et octobre 2015, de 264 produits référencés Y au prix unitaire de 8,50 euros HT,
  • la SARL H I pour la vente à la SA CASHTEX, entre février et mars 2015, de 1730 articles référencés CTX-001, 810 référencés X et 1 581 référencés Y aux prix unitaires respectifs de 6, 5 et 6 euros HT,
  • la SARL A pour la vente à la société ELIE L FERY le 21 décembre 2015 de 17 articles référencés X au prix unitaire de 11 euros HT,
  • la SA CASHTEX pour la vente à la société ELIE L FERY, entre mars et septembre 2016, de 36 articles référencés X au prix unitaire de 8,50 euros HT et 24 articles référencés Y au prix unitaire de 15,50 euros HT ainsi que pour les sorties de ces références listées dans les tableaux de mouvement des stocks puisqu’il n’est pas opposé de contestation au titre de la prescription éventuelle.

c) Sur les faits de contrefaçon de droits d’auteur

Conformément à l’article 809 du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Le juge des référés étant juge de sa compétence et des conditions de recevabilité des actions dont il est saisi, l’examen de l’originalité des œuvres en débat, déterminante de la recevabilité de l’action, relève de ses pouvoirs qui ne préjudicient pas au principal au sens de l’article 488 du code de procédure civile, le défaut d’originalité vraisemblable de l’œuvre fondant l’action excluant quoi qu’il en soit l’existence d’un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 du code de procédure civile.

En vertu des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir étant irrecevable.

Et, conformément à l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En application de l’article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. Et, en application de l’article L 112-1 du même code, ce droit appartient à l’auteur de toute œuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

Dans ce cadre, si la protection d’une œuvre de l’esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale en ce sens qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et n’est pas la banale reprise d’un fonds commun non appropriable, il appartient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue. En effet, seul l’auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d’identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole et le principe de la contradiction posé par l’article 16 du code de procédure civile commande que le défendeur puisse connaître précisément les caractéristiques qui fondent l’atteinte qui lui est imputée et apporter la preuve qui lui incombe de l’absence d’originalité.

A cet égard, si une combinaison d’éléments connus ou naturels n’est pas a priori exclue de la protection du droit d’auteur, encore faut-il que la description qui en est faite soit suffisamment précise pour limiter le monopole demandé à une combinaison déterminée opposable à tous sans l’étendre à un genre insusceptible d’appropriation.

Et, les notions de nouveauté et d’originalité sont distinctes, la seconde présupposant certes objectivement la première mais y ajoutant une dimension subjective résidant dans l’incarnation formelle de choix exprimant une personnalité.

La société B E définit en ces termes l’originalité des œuvres qu’elle revendique :

« Ces Logos sont originaux, leurs caractéristiques procédant de choix et d’agencements particuliers. Ainsi, ces Logos, l’un plus ouvragé, et l’autre plus stylisé, sont la déclinaison d’un blason comprenant en son centre un écu en forme ronde ou ovale reproduisant les initiales « GR » en noir et blanc, surmonté d’une fleur elle-même surplombée d’une couronne à cinq fleurons, le bas du blason comprenant un pic en forme de croix, le tout étant entouré de représentations sur les côtés. Leur originalité réside dans la combinaison particulière, pour le premier, de motifs floraux, d’une couronne et de feuillages, ces combinaisons, par leur caractère arbitraire et purement esthétique, reflétant la créativité et la personnalité de l’auteur ».

La société B E livre de ses logos une description purement technique qui découle de la stricte observation objective de ces derniers et de ce fait étrangère à la caractérisation de leur originalité faute de révéler les choix exprimant un parti pris esthétique et traduisant la personnalité de leur auteur. Rien ne permet de comprendre en quoi les différents éléments qu’elle se contente de juxtaposer sont le fruit d’un choix arbitraire de l’auteur et non la reprise d’une association banale appartenant au fond commun du blason dont l’utilisation à titre décoratif en matière vestimentaire est éminemment banale.

L’explicitation de l’originalité revendiquée étant insuffisante, les demandes de la société B E au titre de la contrefaçon de ses droits d’auteur se heurtent à une contestation sérieuse commandant leur rejet et rendant inutile l’examen de la titularité des droits.

d) Sur les mesures provisoires et conservatoires

La contrefaçon des marques verbales de l’Union européenne « J K RECH » n° 013983168 et « J DE K RECH » n° 009952433 étant vraisemblable pour les références Y et CTX-001 et 3, il sera fait droit aux mesures d’interdiction, sous astreinte conformément à l’article L 131-1 du code des procédures civiles d’exécution, et de mise sous séquestre dans les termes du dispositif pour ces références uniquement.

En outre, au regard de l’indétermination des sources d’approvisionnement et des canaux de distribution des défenderesses il sera fait droit, en application de l’article L 716-7-1 du code de la propriété intellectuelle, à la demande de communication de pièces concernant les références vraisemblablement contrefaisantes également sous astreinte dans les termes du dispositif.

Et, en l’absence du moindre indice sur le caractère contrefaisant des références GRT et Z GR, leur communication à la demanderesse, qui n’est par ailleurs fondée sur aucun des textes qu’elle invoque et qui touche à la preuve de la contrefaçon et non à la détermination de son étendue, ne sera pas ordonnée.

Par ailleurs, si, l’atteinte aux marques étant vraisemblable, le principe de la provision sollicitée n’est pas sérieusement contestable, son montant doit être apprécié en considération des critères de réparation du préjudice définitif fixés par l’article L 716-4 du code de la propriété intellectuelle et en fonction des actes imputables à chaque partie qui n’a pas concouru par son action à un préjudice unique.

Pourtant, alors qu’elle ne démontre pas avoir une activité distincte de celle qu’elle a déclarée et qui se réduit à une activité de holding exclusive de toute fabrication et vente de produits griffés, elle peut prétendre au fond non à un gain manqué ou aux bénéfices des contrefacteurs, qui ne peuvent quoi qu’il en soit être calculés sur la base de leurs chiffres d’affaires, mais à une somme forfaitaire supérieure au montant de la redevance qu’elle aurait perçue si elle avait consentie à l’utilisation de ses marques. Elle produit à ce titre non le contrat de licence conclu avec son licencié actuel mais celui conclu avec la SARL F G en août 2012 qui prévoit une redevance de 10 % sur le chiffre d’affaires net. Les défenderesses n’en contestant pas la pertinence, un taux supérieur de 15% sera retenu conformément à l’article L 716-4 du code de la propriété intellectuelle.

Il ressort des extraits Kbis produits et des procès-verbaux de saisie-contrefaçon du 18 novembre 2016 que :

  • monsieur L M est à la fois directeur général de la SA CASHTEX et gérant de la SARL A, ces deux sociétés partageant le même social,
  • monsieur N M, dont il n’est pas contesté qu’il est l’ancien gérant de la SARL F G, était l’interlocuteur de l’huissier lors de la saisie-contrefaçon pratiquée dans l’entrepôt d’Aubervilliers de la SA CASHTEX et s’est présenté comme le « frère du gérant »,
  • le 106B avenue Beaurepaire à Saint-Maur-des-Fossés est l’adresse de l’établissement secondaire de la SA CASHTEX et du siège social de la SARL F G ainsi que, faute de contestation sur ce point, de l’établissement secondaire de la SARL H I.

Ces éléments suffisent à établir que, bien que des faits précis puissent être imputés à chacune des sociétés défenderesses qui ont des personnalités juridiques distinctes, elles agissent de concert et ont ainsi, par leur action combinée sinon concertée, concouru ensemble à la réalisation d’un même dommage subi par la société B E. Une condamnation in solidum est dès lors justifiée.

Au regard de la masse de références litigieuses et du taux de redevance habituellement pratiqué par la société B E, la SA CASHTEX, la SARL A, la SARL H I et la SARL F G seront condamnées in solidum à lui payer à titre de provision à valoir sur l’indemnisation définitive de son préjudice la somme de 40 000 euros réparant en outre l’atteinte à la valeur de ses marques, un signe unique étant reproduit, qui constitue un préjudice économique et non moral.

Aucun élément n’étayant le préjudice moral allégué, la demande de la société B E à ce titre sera rejetée.

Les autres demandes, très générales, de saisie conservatoire des comptes et de communication des pièces relatives aux biens et avoirs des défenderesses seront rejetées en raison de leur disproportion au regard du préjudice établi à ce jour.

3°) Sur les demandes accessoires

Succombant au litige, la SA CASHTEX, la SARL A, la SARL H I et la SARL F G seront condamnées in solidum à payer à la société B E la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les entiers dépens de l’instance de référés.

PAR CES MOTIFS

Le juge des référés, statuant publiquement en premier ressort par ordonnance réputée contradictoire mise à disposition au greffe,

Rejetons l’exception de nullité de l’assignation requalifiée en moyen d’irrecevabilité des pièces adverses ;

Rejetons l’intégralité des demandes de la société B E au titre des droits d’auteur ;

Disons qu’en reproduisant pour des produits identiques offerts en vente sous les références Y, CTX-001 et X le signe constituant les marques verbales de l’Union européenne « J K RECH » n° 013983168 et « J DE K RECH » n° 009952433 de la société B E, la SA CASHTEX, la SARL A, la SARL H I et la SARL F G ont porté une atteinte vraisemblable à ces marques ;

Interdisons à titre conservatoire à la SA CASHTEX, la SARL A, la SARL H I et à la SARL F G, jusqu’à ce qu’il soit définitivement statué sur le fond du litige, sous astreinte de 200 euros par infraction constatée et par jour de retard pour chacune d’elle pendant un délai de 3 mois courant dès la signification de l’ordonnance, d’user des signes « J K RECH » et « J DE K RECH » à titre de marque et de fabriquer, d’exporter, d’importer, d’offrir en vente, de vendre et de mettre sur le marché sur le territoire de l’Union européenne les produits référencés Y, CTX-001 et X ;

Se réservons la liquidation de cette astreinte ;

Ordonnons la mise sous séquestre des stocks de produits référencés Y, CTX-001 et X détenus par chaque défenderesse à un tiers choisi par la société B E aux frais de chacune des défenderesses pour le stock lui appartenant ;

Enjoignons à la SA CASHTEX, à la SARL A, à la SARL H I et à la SARL F G de communiquer à la société B E, chacune pour la part lui incombant, sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant 3 mois à l’issue d’un délai de 14 jours à compter de la signification de l’ordonnance les factures d’achat et de vente des produits référencés Y, CTX-001 et X mentionnant l’identité des fournisseurs et des acheteurs, le prix d’achat et de vente HT et TTC ainsi que les quantités achetées et vendues ;

Disons que ces pièces devront être certifiées conformes par un expert-comptable indépendant ;

Se réservons la liquidation de cette astreinte ;

Rappelons que, conformément aux articles L 716-6 et R 716-1 du code de la propriété intellectuelle, lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l’engagement d’une action au fond, le demandeur doit, dans un délai de vingt jours ouvrables ou de trente et un jours civils si ce délai est plus long à compter de la date de l’ordonnance, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République ;

Condamnons in solidum la SA CASHTEX, la SARL A, la SARL H I et la SARL F G à payer à la société B E la somme provisionnelle de QUARANTE MILLE EUROS (40 000 €) à valoir sur l’indemnisation définitive de son préjudice économique ;

Rejetons la demande d’indemnisation provisionnelle présentée par la société B E au titre de son préjudice moral ainsi que sa demande subsidiaire de saisie-conservatoire des comptes bancaires de la SA CASHTEX, de la SARL A, de la SARL H I et de la SARL F G et sa demande de communication de pièces relatives aux biens et avoirs de ces dernières ainsi qu’aux références GRT et Z GR ;

Condamnons in solidum la SA CASHTEX, la SARL A, la SARL H I et la SARL F G à payer à la société B E la somme de CINQ MILLE EUROS (5 000 €) en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons in solidum la SA CASHTEX, la SARL A, la SARL H I et la SARL F G à supporter les entiers dépens de l’instance ;

Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire à titre provisoire conformément à l’article 489 du code de procédure civile.

Fait à Paris le 16 décembre 2016

Le Greffier, Le Président,

O P C D

FOOTNOTES

1:

Copies exécutoires

délivrées le:

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal de grande instance de Paris, Référés, 16 décembre 2016, n° 16/60333