Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 26 mai 2020, n° 19/00744

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Chronologie de l’affaire

Commentaires2

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www.alainlachkar-avocat.fr · 10 juin 2020

1) La relaxe pour défaut d'élément intentionnel du harcèlement sexuel par le juge pénal n'empêche pas nécessairement le juge civil d'admettre le harcèlement sexuel. Cass. soc., 25 mars 2020, n°18-23682. Dans l'arrêt du 25 mars 2020 (n° 18-23682), les faits évoqués étaient les suivants : une salariée, employée par la société en qualité d'assistance dentaire, a été engagée le 2 juillet 2012 et licenciée pour faute grave le 25 octobre 2013. S'estimant victime de harcèlement sexuel, elle saisit la juridiction prud'homale le 12 octobre 2015, le jugement définitif du tribunal correctionnel …

 

Village Justice · 10 juin 2020

Le présent article synthétise la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de harcèlement sexuel. Caractérisation du harcèlement sexuel, règles de preuve en la matière ou conséquences de sa dénonciation, la Cour de cassation a eu l'occasion en 2019/2020 de préciser le contour du harcèlement sexuel. 1) La relaxe pour défaut d'élément intentionnel du harcèlement sexuel par le juge pénal n'empêche pas nécessairement le juge civil d'admettre le harcèlement sexuel. Cass. soc., 25 mars 2020, n°18-23682. Dans l'arrêt du 25 mars 2020 (n° 18-23682), les faits évoqués étaient les …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Riom, ch. soc., 26 mai 2020, n° 19/00744
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 19/00744
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

26 mai 2020

Arrêt n°

ChR / EB / NS

Dossier n° RG 19/00744 – N° Portalis DBVU-V-B7D-FGEQ

S.A.S. MICHELIN AIR SERVICES

/

F Z

Arrêt rendu ce VINGT SIX MAI DEUX MILLE VINGT par la QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Karine VALLEE, Conseiller

Mme Diane AMACKER, Conseiller

En présence de Mme Erika BOUDIER greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

S.A.S. MICHELIN AIR SERVICES

[…]

63000 CLERMONT-FERRAND

en la présence de Mme N O, directrice

représentée par Me Andéol LEYNAUD de la SCP VIGNANCOUR ASSOCIÉS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

Mme F Z

[…]

63100 CLERMONT-FERRAND

comparante en personne

représentée par Me Emmanuelle RICHARD, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉE

Après avoir entendu Monsieur RUIN, Président en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 20 janvier 2020, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé le 24 mars 2020, prorogé ce jour, en raison de la crise sanitaire et de ses conséquences sur le fonctionnement de cette juridiction (application des dispositions de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables

aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020) par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS MICHELIN AIR SERVICES (ou société MAS) est une petite compagnie aérienne ou entreprise de transport public (+ de 10 salariés / – de 50 salariés), basée à l’aéroport de CLERMONT-FERRAND, qui appartient au groupe MICHELIN (filiale détenue à 100%) et qui exploite des avions de type AF (50 puis AG). Elle a notamment pour objet social le transport aérien de passagers ou de fret. Elle effectue des vols réguliers mais aussi des vols à la demande et dédie 100% de son activité au personnel du groupe MICHELIN ou aux clients du groupe. Elle est enregistrée sur la liste des transporteurs aériens français de la direction générale de l’aviation civile.

Madame F Z, née le […], a été embauchée par la SAS MICHELIN AIR SERVICES à compter du 5 juillet 2012, en qualité d’officier pilote de ligne, suivant contrat à durée indéterminée à temps complet signé le 10 mai 2012.

Madame F Z, à la suite d’une longue période d’arrêt de travail, a été déclarée inapte par le médecin du travail en date du 2 juin 2017 (une seule visite) dans ces termes : 'Inapte définitif au poste de pilote de ligne. L’état de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'.

Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 8 juin 2017, Madame F Z a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement. La salariée ne s’est pas rendue à l’entretien.

Madame F Z a été licenciée par la SAS MICHELIN AIR SERVICES pour inaptitude avec impossibilité de reclassement, selon une lettre recommandée avec accusé de réception du 27 juin 2017 rédigée dans les termes suivants :

'Madame,

Par lettre RAR reçue le 8 juin 2017, nous vous avons convoqué à un entretien préalable dans la perspective d’un éventuel licenciement, à 17 heures 30, le 15 juin 2017.

Vous avez souhaité ne pas vous rendre à l’entretien prévu avec Monsieur P C et moi-même, alors que cet entretien a été volontairement délocalisé sur le site des Carmes afin de vous éviter un retour sur votre lieu de travail , ainsi que vous le demandiez.

Nous vous rappelons les faits qui ont conduit à cette convocation.

Suite à vos arrêts de travail du 16 août 2016 au 1er juin 2017, vous avez été vu en visite médicale de reprise le 2 juin 2017 parle médecin du travail qui a rendu l’avis suivant : – « Inapte définitif au poste de pilote de ligne. L’état de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. ''

En conséquence, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour inaptitude physique avec impossibilité de reclassement dans un emploi compte tenu de votre état de santé.

Ce licenciement sera effectif le 30 juin 2017.'.

Par requête déposée au greffe en date du 14 février 2018, Madame F Z a saisi le conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins de voir notamment juger son licenciement nul ou, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse, dans tous les cas condamner son employeur à lui porter différentes sommes en réparation de l’ensemble des préjudices subis, des indemnités de licenciement afférentes, dire qu’elle ne pouvait être soumise à une convention de forfait jours et dire qu’elle a été victime de harcèlement et de discrimination fondée sur le sexe au cours de la relation de travail.

Par jugement contradictoire rendu en date du 1er avril 2019, le conseil de prud’hommes (section encadrement) de CLERMONT-FERRAND :

— s’est déclaré compétent pour statuer sur la demande de requalification du licenciement pour inaptitude ;

— a dit que le licenciement de Madame F Z est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

— a condamné la SAS MICHELIN AIR SERVICES à payer à Madame F Z les sommes suivantes :

* 56.600 euros en réparation de son préjudice pour rupture abusive du contrat de travail,

* 4.419,68 euros net à titre de rappel sur l’indemnité de licenciement,

* 16.980 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 1.698 euros au titre des congés payés afférents ;

— a dit que Madame F Z ne pouvait être soumise à une convention de forfait en jours sur l’année et condamné la SAS MICHELIN AIR SERVICES à lui payer la somme de 33.960 euros en réparation du préjudice pour travail dissimulé ;

— a dit que Madame F Z a été victime de discrimination fondée sur le sexe et condamné la SAS MICHELIN AIR SERVICES à lui payer la somme de 33.475,84 euros en réparation de son préjudice économique ;

— a dit que Madame F Z a été victime d’actes de harcèlement moral et sexuel et condamné la SAS MICHELIN AIR SERVICES à lui payer les sommes suivantes :

* 50.000 euros en réparation de son entier préjudice,

* 30.000 euros du fait du défaut de prévention de la société en matière de harcèlement moral et sexuel ;

— a condamné la SAS MICHELIN AIR SERVICES à payer à Madame F Z la somme de 100.000 euros en réparation de sa perte de licence subie du fait des agissements fautifs de son employeur ;

— a condamné la SAS MICHELIN AIR SERVICES à payer à Madame F Z la somme de 300.000 euros en réparation de sa perte de chance d’exercer son métier de pilote de ligne et des incidences sur sa carrière complète du fait de la perte de sa licence ;

— a condamné la SAS MICHELIN AIR SERVICES à payer à Madame F Z la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— a ordonné l’exécution provisoire du présent jugement ;

— a condamné d’office, en application de l’article L.1235-4 du code du travail, la Madame F Z, prise en la personne de son représentant légal, à rembourser à Pôle Emploi le montant des indemnités chômage susceptibles d’avoir été versées à Madame F Z du jour de la rupture du contrat de travail au jour du présent jugement, et ce dans la limite de six mois d’indemnités ;

— a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

— a condamné la SAS MICHELIN AIR SERVICES aux dépens.

Le 11 avril 2019, la SAS MICHELIN AIR SERVICES a relevé appel de cette décision qui lui a été notifiée le 2 avril 2019.

Par ordonnance rendue en date du 24 avril 2019, le président de la chambre sociale de la cour d’appel de Riom a fixé l’affaire à l’audience du 9 septembre 2019 en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile. L’affaire a ensuite été renvoyée à l’audience du 20 janvier 2020.

Le 26 avril 2019, la SAS MICHELIN AIR SERVICES a fait signifier à Madame F Z la déclaration d’appel et l’avis 905. Madame F Z a constitué avocat le 13 mai 2019.

Par acte du 12 avril 2019, la SAS MICHELIN AIR SERVICES a fait assigner Madame F Z devant le premier président de la cour d’appel de Riom aux fins d’obtenir, en application des articles 521 et 524 du code de procédure civile, principalement l’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement critiqué, et subsidiairement la consignation de la somme de 605.535,54 euros entre les mains du bâtonnier séquestre de l’ordre des avocats de Clermont-Ferrand.

Par ordonnance du 16 mai 2019, le premier président de la cour d’appel de Riom a fait droit à la demande de consignation formulée par la SAS MICHELIN AIR SERVICES à hauteur de 400.000 euros et l’a déboutée, pour le surplus des condamnations mises à sa charge, de ses demandes d’arrêt de l’exécution provisoire.

Le 22 juin 2019, Madame F Z a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de voir prononcer la radiation de l’affaire en application des dispositions de l’article 526 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 7 octobre 2019, le conseiller de la mise en état a :

— constaté que Madame F Z ne maintient plus sa demande de radiation dans la mesure où la SAS MICHELIN AIR SERVICES a procédé à la consignation de la somme de 400.000 euros entre les mains du bâtonnier séquestre ;

— condamné la SAS MICHELIN AIR SERVICES à payer à Madame F Z la somme de 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné la SAS MICHELIN AIR SERVICES aux dépens de la procédure d’incident.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 19 janvier 2020 par Madame F Z,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 20 janvier 2020 par la SAS MICHELIN AIR SERVICES.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, la SAS MICHELIN AIR SERVICES conclut que la cour doit :

— annuler et en tout cas infirmer les condamnations de l’employeur à verser à la salariée les sommes de 100.000 euros pour perte de sa licence, 300.000 euros pour perte de chance d’exercer sa carrière de pilote et des incidences professionnelles ;

— infirmer le jugement déféré sur l’ensemble des chefs du jugement ;

— constater l’absence de reconnaissance par la CPAM du caractère professionnel de la pathologie revendiquée par Madame F Z ;

— dire en conséquence et en tout état de cause irrecevables les demandes de Madame F Z tendant à une indemnisation des séquelles de sa pathologie dont le lien avec son travail n’est pas reconnu ;

— dire que Madame F Z n’a été victime d’aucun harcèlement moral et sexuel ;

— dire qu’en tout état de cause l’employeur n’a commis aucune faute à l’origine de sa perte de licence et de son inaptitude ;

— dire que le licenciement prononcé pour inaptitude non professionnelle est bien-fondé et qu’il n’y a pas lieu au versement d’une indemnité compensatrice de préavis, à congés payés afférents, ni à de quelconques dommages et intérêts ;

— dire que Madame F Z a été remplie de ses droits en percevant la somme de 23.308 euros à titre d’indemnité de licenciement et qu’il n’y a pas lieu à un rappel à ce titre ;

— dire que Madame F Z n’a été victime d’aucune discrimination fondée sur le sexe ;

— dire qu’il n’y a pas lieu de remettre en question la convention de forfait ;

— dire que Madame F Z n’a jamais accompli d’heures supplémentaires ;

— dire et juger qu’il ne peut être reproché à l’employeur un quelconque travail dissimulé ;

— débouter Madame F Z de l’intégralité de ses demandes et prétentions indemnitaires et la condamner à restituer la somme de 228.633,52 euros ;

— condamner Madame F Z à lui payer la somme de 7.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner Madame F Z aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures, Madame F Z conclut que la cour doit :

— écarter des débats la pièce adverse 74 ;

— débouter la SAS MICHELIN AIR SERVICES de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

— infirmer le jugement en ce qu’il a dit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et, statuant de nouveau, juger que son licenciement est nul ;

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS MICHELIN AIR SERVICES à lui payer les sommes suivantes :

* 56.600 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive du contrat de travail,

* 100.000 euros en réparation de la perte de licence subie du fait des agissements fautifs de l’employeur,

* 4.419,68 euros nette à titre de rappel sur l’indemnité de licenciement,

* 16.980 euros au titre de l’indemnité de préavis,

* 1.698 euros au titre des congés payés sur préavis ;

— infirmer le jugement en ce qu’il a limité son indemnisation à la somme de 300.000 euros au titre du préjudice de carrière et, statuant de nouveau, condamner la SAS MICHELIN AIR SERVICES à lui payer la somme de 1.344.000 euros indemnisant l’impossibilité de se reclasser dans le métier qui était le sien (perte d’une carrière entière de pilote de ligne) ;

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Michelin Air Services à lui payer et porter la somme de 33.960 euros en réparation du préjudice subi du fait du travail dissimulé ;

— confirmer le jugement en ce qu’il a dit qu’elle a été victime de discrimination fondée sur le sexe ;

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS MICHELIN AIR SERVICES à lui payer la somme de 33.475,84 euros en réparation de son préjudice économique ;

— confirmer le jugement en ce qu’il a dit qu’elle a été victime de harcèlement moral et sexuel ;

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS MICHELIN AIR SERVICES à lui payer la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice ;

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS MICHELIN AIR SERVICES à lui payer la somme de 30.000 euros du fait du défaut de prévention en matière de harcèlement moral et sexuel ;

— confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé ;

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS MICHELIN AIR SERVICES à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la SAS MICHELIN AIR SERVICES à lui payer et porter la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement déposées par les parties.

MOTIFS

En application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties. La cour ne statue pas sur des demandes indéterminées, trop générales ou non personnalisées, qui relèvent parfois de la reprise dans le dispositif des conclusions d’une partie de l’argumentaire contenu dans les motifs. Ainsi, la cour ne statue pas sur les demandes de constat, de donner acte ou de rappel de textes qui ne correspondent pas à des demandes précises, exécutables ou exécutoires.

Madame F Z soutient que de son embauche jusqu’à son licenciement, elle n’a jamais été traitée à égalité avec ses homologues masculins, qu’il s’agisse de sa rémunération mais aussi de ses possibilités d’évolution et de promotion, et qu’elle a subi de ce fait une discrimination à raison de son sexe. Elle affirme avoir en outre subi un harcèlement, sexuel et moral, particulièrement insistant de la part d’un des pilotes, par ailleurs placé dans une position hiérarchique vis-à-vis d’elle. Elle fait valoir que, faute de réaction de la part de la direction de l’entreprise et du groupe MICHELIN, après un arrêt de travail de près d’un an, elle a fini par être déclarée inapte par le médecin du travail le 2 juin 2017, avant d’être licenciée peu après par la société MAS, par courrier daté du 27 juin 2017. Elle indique avoir par la suite été déclarée inapte de manière définitive à piloter tout avion, y compris de tourisme, par le Conseil médical de la Direction générale de l’aviation civile. Sa carrière de pilote pour laquelle elle s’est tant investie étant ainsi brutalement, mais surtout définitivement, stoppée.

La SAS MICHELIN AIR SERVICES conteste les prétentions et allégations de Madame F Z.

Madame F Z était auparavant hôtesse de l’air et a suivi, à compter de 2006, un parcours de mise à niveau sur le plan scientifique et de formation technique pour devenir pilote de ligne.

Madame F Z a souscrit en 2007 un emprunt bancaire de 50.000 euros. Elle a suivi entre mars 2007 et avril 2008 une formation préparant à la licence ATPL AVION (coût de la formation Institut Mermoz : 10.520 euros). Elle indique que l’obtention de sa licence lui est revenue, entre les coûts pédagogiques et de logement, à 100.000 euros.

Le contrat de travail de Madame F Z, qui ne précise pas la convention collective applicable, mentionne notamment :

— une qualité de cadre autonome et une fonction d’officier pilote de ligne sur un ou plusieurs types d’avion ;

— une autonomie importante, une liberté dans l’organisation de son temps de travail qui n’est ni soumis à un horaire collectif ni prédéterminé mais relève d’un forfait annuel de 212 jours de travail effectif, sous réserve des droits à congés payés et des règles relatives au repos quotidien et au repos hebdomadaire telles que prévues par le code de l’aviation civile ainsi que par le manuel d’exploitation de la société MAS ;

— une rémunération fixe comprenant un salaire brut annuel de 44.000 euros payé en treize versements (13 x 3.384,62 euros) et une partie variable dont le montant sera fonction de la réalisation des objectifs fixés (valeur maximale de la partie variable fixée à 7% du salaire brut annuel précité) ;

— un lieu de travail fixé à l’aéroport de CLERMONT-FERRAND, avec une obligation en situation de disponibilité de vol d’être joignable dans un temps limité à 30 minutes afin de pouvoir assurer un départ en mission 1 heure et 30 minutes après l’appel de l’employeur ;

— l’obligation d’être en possession d’une licence de vol et d’un certificat médical d’aptitude professionnelle ;

— un délai de préavis en cas de résiliation de trois mois ;

— une indemnité de licenciement (sauf faute grave) calculée sur la base d’un mois de salaire mensuel brut (hors primes) par année de service sans dépasser un montant total équivalent de 12 mois bruts.

— Sur la pièce 74 -

Dans ses dernières écritures, Madame F Z demande à la cour d’écarter des débats la pièce adverse 74 en invoquant la violation de la vie privée et du secret des correspondances.

Or, la pièce numérotée 74 qui est produite par la SAS MICHELIN AIR SERVICES (cf numérotation indiquée sur la pièce comme sur le bordereau) est une correspondance adressée le 13 janvier 2020 p a r l ' a v o c a t d e l a s o c i é t é M A S à M o n s i e u r l e P r o c u r e u r d e l a R é p u b l i q u e d e CLERMONT-FERRAND, courrier qui ne semble pas poser question s’agissant de la violation du secret des correspondances ou de la vie privée de Madame F Z.

L’appelante verse une pièce numérotée 75 qui correspond à un constat d’huissier en date du16 janvier 2020.

Avec l’autorisation de Madame Q R, veuve de l’ancien pilote S X décédé le […] (cf infra), la SAS MICHELIN AIR SERVICES a fait procéder par un huissier à des captures d’écran sur un matériel informatique (ordinateur portable) qui était utilisé avant son décès par Monsieur S X.

Cette capture d’écran fait apparaître quelques messages électroniques ou courriels échangés entre Madame F Z et Monsieur S X en date du 19 février 2018. Madame F Z ne conteste ni le contenu de ces messages ni être celle qui échange alors avec Monsieur S X.

Dans le cadre de cet échange électronique, Madame F Z et Monsieur S X évoquent de façon très succincte leurs situations d’invalidité ou d’inaptitude définitive (Monsieur S X était alors atteint d’une grave maladie létale et incurable). Madame F Z indique, encore de façon très lapidaire, qu’elle passera une visite d’aptitude le 19 février 2018, ce qui lui permettra de chiffrer son préjudice de carrière devant le conseil de prud’hommes, et que son discours sur son passé bien lourd chez 'Bib’ est prêt. Madame F Z mentionne également, sans que l’on puisse déterminer s’il s’agit d’humour (noir), d’une provocation, d’une manifestation de désespoir ou de dépression, ou d’une référence aux arguments de la SAS MICHELIN AIR SERVICES sur la nécessité de mieux contrôler les compétences et états de santé des pilotes ainsi que sur la modification de la réglementation aérienne depuis le drame attribué au comportement suicidaire d’un copilote d’une compagnie aérienne allemande : 'Je pense que je vais leur parler de mon idole andreas loubitz qui a été voir les alpes d’aussi près… ils hésiteront pas'.

Outre que la pièce visée par Madame F Z n’est pas la bonne, il n’y a pas d’atteinte au secret des correspondances s’agissant du droit pour l’héritier ou ayant droit de Monsieur X de faire usage des messages électroniques dont le défunt était destinataire et qui sont gardés en mémoire sur son ordinateur. De même, il apparaît que la SAS MICHELIN AIR SERVICES s’est procuré ces messages électroniques sans fraude ou manoeuvre ni violence.

La production des messages électroniques susvisés, faisant partiellement référence à la procédure prud’homale mais ne présentant pas de valeur probante particulière dans le cadre du litige au fond, ne constitue pas en l’espèce une atteinte disproportionnée à la vie privée de Madame F Z ou aux droits de la défense ou aux droits substantiels des justiciables au regard du but poursuivi par la SAS MICHELIN AIR SERVICES.

Madame F Z sera donc déboutée de sa demande afin de voir écarter des débats la pièce adverse 74.

— Sur la discrimination, le harcèlement et l’obligation de sécurité -

Madame F Z évoque des faits de discrimination, de harcèlement (moral et sexuel) ainsi que des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité.

Madame F Z soutient que :

— elle a été embauchée le même jour qu’un homme, Monsieur T D, au même poste, mais à une rémunération inférieure de 10%, sans compter les impacts sur la rémunération variable, exprimée en pourcentage de la rémunération fixe. Elle était pourtant plus expérimentée que ce dernier au poste pour lequel ils étaient tous les deux recrutés, soit officier pilote de ligne ;

— elle a également été systématiquement lésée dans son évolution de carrière (accès tardif à la qualification de type QT AF AG / impossibilité d’accéder à la fonction de commandant de bord ATPL / rétrogradation sans préavis sur un AF 50 / perte de la qualification de type QT AF AG que l’employeur a laissé périmer), notamment par rapport à Monsieur T D.

Madame F Z relève qu’elle faisait l’objet de remarques particulièrement déplacées sur son apparence de la part du chef pilote, Monsieur Y, toujours très fier de sortir de l’avion « avec la blonde » qu’il appelait à « mater », renvoyant ainsi son copilote à une pure fonction décorative. Sans compter les blagues et remarques à caractère sexuel qu’elle subissait à longueur de journée. Elle n’avait d’autre option que de subir ce comportement, sous peine de subir des représailles et d’être celle « qui n’a pas les épaules suffisantes pour encaisser », comme cela lui a été abondamment reproché par la suite.

Madame F Z fait état d’une altercation subie le 5 mars 2015 dans les termes qui suivent. Le 5 mars 2015 à 20 heures, Madame Z et le commandant de bord, qui rentraient d’une mission de deux jours de vol et d’une nuit découchée en Finlande, avaient la surprise de se voir demander d’effectuer sur le champ une mission supplémentaire non programmée. L’établissement des plannings fait pourtant l’objet d’une stricte réglementation, toute modification étant susceptible d’impacter les temps de vol et de repos des pilotes et, par-là, la sécurité des personnes. Madame Z déclinait car elle devait récupérer de sa mission de deux jours et une nuit mais, sans qu’elle y soit obligée, restait au bureau des opérations afin d’aider à trouver une solution permettant d’assurer ce vol non prévu. S’agissant d’une mission non programmée, Madame Z était tout à fait en droit de refuser de l’effectuer. Monsieur Y n’a en effet pas supporté ce refus, qu’il a attribué au fait que Madame Z privilégie selon lui’ la danse à une mission de vol. Ce qui en dit long sur la façon dont il perçoit les femmes : si une femme pilote refuse légitimement d’effectuer un vol non prévu dans son planning, c’est forcément à cause d’une activité « de fille » : la danse. Ce qu’il ne se privera pas d’annoncer à l’ensemble du personnel afin de discréditer Madame Z. Non seulement il n’acceptait pas de Madame Z ce qu’il n’aurait pas eu l’idée de contester de la part de n’importe lequel des pilotes hommes, mais il ne se privait pas de le faire savoir auprès des autres salariés de la manière la plus vexatoire possible. Faisant ainsi de la « danseuse » une « pleurnicheuse ». Monsieur Y indiquait à Madame Z qu’elle était convoquée sans préavis au siège de MICHELIN par P U et ne se privait pas pour en parler à qui voulait l’entendre.

Si Monsieur Y avait quelque chose à reprocher à Madame Z, il lui appartenait de diligenter, dans les formes prévues par le code du travail, une procédure disciplinaire, et non de convoquer Madame Z dans son bureau sans dire que cette convocation venait de lui, pour instruire violemment son procès et l’humilier, au vu et au su de tous et la mettre à dessein dans un état psychologique qui l’empêcherait d’assurer le vol prévu, moins d’une heure plus tard.

Madame F Z affirme qu’à compter du mois de mars 2015, Monsieur Y, Responsable des activités au sol (RDOS), Responsable de la formation équipage (RDFE) et Responsable des Opérations aériennes (RDOA), devait lui reprocher continuellement, devant témoins, de prétendus manquements dont il la rendait responsable. Elle décrit la situation dans les termes qui suivent. Si quelque chose n’était pas fait, c’était forcément à cause de Madame Z, ses homologues masculins ne se voyant jamais rien reprocher. Monsieur Y scrutait tout particulièrement les moindres faits et gestes de Madame Z. Madame Z était ainsi régulièrement accusée devant d’autres salariés de l’entreprise d’être « bordélique » à son poste de travail, d’être « peu fiable », voire d’être « une menteuse ». Chaque fois qu’il en a eu l’occasion, Monsieur Y s’est efforcé de montrer en public tout le mépris que lui inspirait Madame Z. Monsieur Y se permettait toujours des réflexions déplacées sur les tenues vestimentaires de Madame Z, désormais négatives Enfin, Monsieur Y n’hésitait pas à modifier le planning de vol de Madame Z au dernier moment « après avoir soupiré contre elle ». Plus largement, Monsieur Y s’attachait régulièrement à désavantager Madame Z dans l’organisation des plannings.

Madame F Z relève qu’en septembre 2015, Monsieur Y, assisté de Monsieur A, mettait en place une nouvelle évaluation, en dehors de tout cadre réglementaire et, curieusement, centrée sur la moitié des équipages seulement. Elle décrit la situation dans les termes qui suivent. A la partie écrite, Madame Z obtenait la note de 82%, une note supérieure à 75% étant considérée comme très satisfaisante. La partie orale (un entretien en face à face avec Monsieur Y et Monsieur A qui durait’ trois heures !), Madame Z n’obtenait que la note de 50%. Cette évaluation mise en place à l’initiative de Monsieur Y, et non de la direction de MAS (représentée par Monsieur B), en dehors de tout cadre réglementaire, avec des critères que Monsieur Y avait été seul à définir, n’avait d’autre but que de jeter le discrédit sur Madame Z, accusée de « ne plus avoir le niveau suffisant » pour piloter. Cette évaluation, en plus d’être versée à son dossier, donnait lieu à « un programme de révision » portant le nom de Madame Z, affiché dans les locaux sous forme d’une « note de service » assortie d’un programme de révision, également visible de tous dans l’intranet. La volonté d’humilier Madame Z, qui devenait « incompétente » en plus d’être « une pleurnicheuse », est manifeste. Et pour que l’humiliation soit complète, la plus grande publicité était nécessaire. Curieusement, avant cette évaluation « maison », Madame Z avait toujours obtenu d’excellents résultats.

Ce test non réglementaire, organisé dans des conditions non réglementaires sans aucune nécessité objective, qui débouchait sur une formation qui n’avait, elle non plus, rien de réglementaire (alors même que la formation précède toujours l’évaluation, et non l’inverse) n’avait ainsi qu’un seul objectif : humilier publiquement et durablement Madame Z qui était désormais celle qui n’avait pas les compétences nécessaires pour voler.

Madame F Z relève qu’elle n’a pas été représentée à l’examen ATPL, après avoir dû abandonner ses prérogatives sur AF AG, alors qu’elle en avait pourtant exprimé le souhait. Elle décrit la situation dans les termes qui suivent. Le 24 janvier 2016, Madame Z, qui ne se décourageait pas, demandait à pouvoir passer l’ATPL à Monsieur B. Messieurs B et A lui indiquaient néanmoins quelques jours plus tard qu’il était impossible d’organiser l’examen d’ici le mois de juillet, date de la prochaine formation, pour des raisons administratives. Ce n’est qu’en avril 2016 que Madame Z apprenait de Madame V W, directrice commerciale et marketing du centre d’entraînement FLIGHT SAFETY qu’elle interrogeait sur les délais particulièrement longs imposés aux candidats à l’ATPL, qu’il fallait compter tout au plus quatre semaines pour organiser l’examen. Le dossier de candidature doit effectivement être présenté un mois à l’avance, et non six. Cette nouvelle preuve de mise à l’écart injustifiée était particulièrement violente à vivre pour Madame Z. Au moment de son licenciement, Madame Z, qui a toujours été reconnue comme une excellente professionnelle, n’avait, contrairement à ses collègues masculins, ni la qualification de type AF

AG, périmée, ni l’ATPL pratique, qu’elle n’a jamais pu passer.

Madame F Z soutient que l’employeur ne démontre pas avoir mis en 'uvre toutes les mesures de prévention d’une part, de résolution des difficultés d’autre part, dès lors qu’elles ont été portées à sa connaissance. Madame Z affirme qu’elle a pourtant informé sa hiérarchie de la discrimination et du harcèlement qu’elle subissait dès le mois de mars 2015. Elle a renouvelé ses alertes à plusieurs reprises par la suite, tant auprès de la médecine du travail que de la direction de l’entreprise et du groupe, sans qu’aucune mesure ne soit prise par l’employeur, qui se contente de nier tout problème. Elle relève que l’inertie de l’employeur a donc permis aux agissements de harcèlement de perdurer, jusqu’à ce qu’elle ne soit plus apte, médicalement, à travailler. Au-delà de la responsabilité de l’auteur du harcèlement, elle fait valoir que l’employeur a lui-même commis une faute qui a engendré un préjudice distinct pour elle. Elle relève que cela est d’autant plus grave qu’avait été identifié dans l’entreprise un contexte général de souffrance au travail, concernant davantage les femmes. Eu égard à ce contexte difficile, l’employeur se devait de prendre des mesures efficaces afin de protéger les salariées, sans attendre. Si des mesures avaient été prises en temps utile, Monsieur Y n’aurait pu continuer à la traiter différemment en raison de son sexe et à la lui faire subir ce harcèlement continu et elle volerait encore aujourd’hui. Elle soutient que dès le mois de mars 2015, la direction de la société MAS ne pouvait ignorer que Monsieur Y se permettait avec ses subordonnées des agissements dépassant le cadre professionnel, à forte connotation sexuelle et sexiste. Madame Z relève que, seule femme pilote, elle en a particulièrement fait les frais.

Elle maintient avoir alerté à de nombreuses reprises sa hiérarchie de la différence de traitement qu’elle subissait et de la violence de l’attitude de Monsieur Y à son endroit (- En mars 2015 ; – En avril 2015 ; – En septembre 2015, ce que reconnaissent Messieurs C et B dans leurs attestations ; – En novembre 2015 ; – En janvier 2016 (alerte du délégué du personnel) ; – En avril 2016, avant d’être arrêtée pour dépression ; – En juin 2016).

La SAS MICHELIN AIR SERVICES conteste tout fait de discrimination, harcèlement ou manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

De façon générale, l’appelante critique la valeur probante et/ou la forme des attestations produites par Madame F Z.

La SAS MICHELIN AIR SERVICES relève que s’agissant du harcèlement sexuel, Madame Z n’en rapporte pas la preuve et se contente de faire un procès d’intention à l’égard de Monsieur I Y, alors que l’intimée n’indique pas le moindre fait précis pouvant justifier de ses allégations, se contentant de verser aux débats trois attestations d’anciens collègues de travail qui ne sauraient nullement faire état d’un quelconque harcèlement sexuel subi par la demanderesse.

La SAS MICHELIN AIR SERVICES soutient que l’incident du 5 mars 2015 ne constitue pas un harcèlement moral à lui seul mais en outre, que l’employeur a pris les mesures qui s’imposent pour prévenir un tel risque. Elle relève que si l’employeur a alors été informé de difficultés relationnelles entre Madame F Z et Monsieur I Y, il apparaît d’une part que cette situation ne peut être qualifiée de harcèlement moral car précisément, des mesures ont été prises, dans la limite de ce qui était juridiquement possible, visant à prévenir tout dérive. Elle fait valoir qu’au final, il reste seulement un conflit entre collègues de travail pour lequel l’employeur a fait en sorte de la même façon d’apaiser une situation tendue entre les deux salariés notamment en ne les faisant plus voler ensemble.

L’appelante relève que les heures de vol mensuelles sont équilibrées entre tous les pilotes et bien en deçà du seuil de déclenchement des heures supplémentaires (après la 75e heure au niveau du mois et 740 heures pour l’année), que Madame Z ne peut donc sérieusement soutenir que Monsieur Y lui aurait fait, à elle seule, un planning avec de nombreux vols prévus pour la surcharger et exercer une quelconque persécution à son encontre.

La SAS MICHELIN AIR SERVICES indique que l’évaluation de septembre 2015 avait un caractère totalement objectif et n’avait donc rien d’humiliant puisque destinée bien au contraire à motiver les pilotes dont Madame Z à maintenir un haut niveau de connaissance en vue d’accéder au grade de commandant de bord.

L’appelante expose que Madame Z aurait nécessairement été qualifiée sur AF AG si elle n’avait pas été déclarée inapte (sous réserve qu’elle réussisse les tests) et elle aurait très vraisemblablement également obtenu le grade de commandant de bord avec le temps.

Comme l’indique Monsieur A, c’était bien l’objectif de sa démarche pour le compte de la société mais il ne lui avait toutefois rien été promis avec une date impérative.

S’agissant du respect de l’obligation de sécurité lui incombant, la société MICHELIN AIR SERVICES relève que les premiers griefs de Madame Z remontent à l’incident du 5 mars 2015, que par la suite l’employeur et les dirigeants ont pris les mesures nécessaires pour mettre un terme au conflit opposant Mme Z et Monsieur Y, en tout cas pour éviter qu’il ne s’envenime.

L’appelante fait valoir que c’est seulement après le 21 avril 2016 et son arrêt maladie que Madame F Z a prétendu avoir été harcelée par Monsieur Y et plus particulièrement le 11 mai 2016 lors d’une rencontre hors l’entreprise avec la Directrice Générale. C’est seulement à partir de cette date qu’elle s’est plainte directement des agissements de I Y qu’elle tenait responsable de son mal-être. C’est donc seulement à partir de cette date que l’employeur a été informé de ce que la relation entre eux, était pour elle qualifiée de harcèlement moral. Ce n’est donc qu’à partir de cette date que l’employeur a pu mettre en 'uvre d’autres mesures que celles visant à apaiser la mésentente puisqu’il apparaissait que, pour Mme Z, cette relation de travail conflictuelle avait pris une autre nature.

La SAS MICHELIN AIR SERVICES conteste toute discrimination salariale fondée sur le sexe, avancée par Madame Z.

L’appelante soutient que la différence de 4.000 euros concernant le salaire annuel de base, qui selon elle est restée constante au fil des années, se justifie par des éléments objectifs et pertinents et nullement du fait que Madame Z serait une femme et Monsieur D un homme, et donc en considération du sexe des salariés. Elle relève qu’au moment de l’embauche Monsieur D avait un nombre d’heures de vol plus élevé, disposait de plus d’expérience en tant que pilote professionnel et d’une expérience plus variée en tant que pilote. Elle indique qu’elle souhaitait valoriser certaines expériences sur certains types d’avions alors qu’elle n’exploite pas de lignes régulières ni de gros appareils mais des AF 50 ou AG qui sont des avions de taille modeste d’une dizaine de places. Elle soutient que les vols effectués et les exigences d’exploitation s’apparentent à ceux de l’aviation d’affaires qui nécessitent dextérité, souplesse et réactivité que ce soit aux commandes de l’avion ou en dehors. Ainsi les profils de pilotes ayant une grande capacité d’adaptation comme ceux issus de la Sécurité Civile ou de l’Armée de l’Air sont particulièrement appréciés par MAS.

La SAS MICHELIN AIR SERVICES expose que Monsieur D a passé l’ATPL avant Madame Z pour la simple et bonne raison que ce dernier était plus à même de réussir cet examen du fait de sa plus grande expérience par rapport à la demanderesse. Seules l’expérience en vol et l’ancienneté dans le pilotage ont été retenues pour décider de lui faire passer l’ATPL avant elle.

L’appelante indique que l’ensemble des pilotes, y compris donc Madame Z, devait être qualifié sur le AF AG puisqu’il n’allait rester que ce type d’avion (Migration du 50 au AG), Monsieur D ayant été qualifié sur le AF AG seulement fin 2016. Elle affirme que Madame Z, si elle avait pu rester dans l’entreprise, aurait obtenu toutes les qualifications nécessaires pour piloter ce type d’avion également. Pour preuve, la société avait enclenché le processus de formation de Madame Z sur l’appareil AF AG qui a dû être interrompu par un contretemps puisqu’une personne, embauchée en contrat à durée déterminée, devait arriver pour intervenir sur le AF 50, mais s’est finalement rétractée seulement quelques jours avant son arrivée prévue. Elle fait valoir que Madame Z a alors accepté de rejoindre les équipages du AF 50 pour combler cette absence impromptue alors qu’il fallait nécessairement conserver des pilotes qualifiés sur le AF 50 tant que cet avion était encore présent sur le site.

Dans le cadre d’écritures extrêmement longues et denses, en produisant de nombreuses pièces, les parties développent leur argumentation s’agissant des faits allégués de discrimination, de harcèlement

(moral et sexuel) ainsi que de manquements de l’employeur à son obligation de sécurité. Certains éléments, tels notamment ceux concernant la formation ATPL et la qualification ou passage de l’avion AF 50 à AF AG, sont évoqués au titre des trois fondements juridiques susvisés. Des arguments et pièces sont mélangés de considérations sur la discrimination, le harcèlement et l’obligation de sécurité incombant à l’employeur.

La cour va donc d’abord examiner les pièces déterminantes produites par les parties à l’appui de leur argumentation parfois mélangée de discrimination, de harcèlement et de respect ou manquement par l’employeur à son obligation de sécurité, mais analyser dans des chapitres différents les conséquences tirées des éléments d’appréciation produits par les parties s’agissant de fondements juridiques distincts avec des demandes d’indemnisation présentées de façon autonome.

S’agissant des attestations produites, il échet de rappeler que les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité. Il appartient au juge du fond d’apprécier souverainement la valeur probante d’une attestation non conforme à l’article 202 du code de procédure civile. Le juge ne peut rejeter une attestation non conforme à l’article 202 du code de procédure civile sans préciser ou caractériser en quoi l’irrégularité constatée constituait l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public faisant grief à la partie qui l’attaque.

Madame F Z a été en situation d’arrêt de travail de façon quasi continue à compter du 21 avril 2016.

Monsieur AA AB, médecin généraliste traitant de Madame F Z, atteste notamment que :

— Madame F Z l’a consulté le 21 avril 2016 pour un état de fatigue important avec troubles dépressifs réactionnels en rapport avec ses conditions de travail. Son état de santé a alors nécessité un arrêt de travail, avec prescription de tranquillisant et de somnifère ainsi qu’une prise en charge psychiatrique ;

— sur le plan neuro-psychiatrique, Madame F Z n’avait aucun antécédent personnel ou familial avant le 21 avril 2016.

Monsieur M AD, ancien médecin chef suppléant du CEMA de Roissy, atteste notamment que de 2004 à février 2016, à l’occasion de treize visites médicales, Madame F Z est apparue comme une personne équilibrée, en parfaite santé physique et mentale. Courant 2016, Madame F Z l’a avisé qu’elle était en arrêt-maladie en raison d’un contexte professionnel difficile et qu’elle était très inquiète quant à son avenir professionnel.

Dans le dossier santé au travail de Madame F Z, il est mentionné à la date du 18 janvier 2016 que la salariée fait état de difficultés relationnelles avec un pilote de l’entreprise qui lui est hiérarchiquement supérieur, et ce avec un clash survenu en mars 2015. Madame F Z relate, en pleurant, notamment des attitudes et propos discriminatoires et humiliants. Madame F Z indique essayer de prendre du recul et d’éviter la personne en question. Le médecin du travail relève que Madame F Z déclare ne pas avoir consulté médicalement et ne pas prendre de traitement.

Dans le dossier santé au travail de Madame F Z, il est mentionné à la date du 13 septembre 2016 que la salariée fait état d’un syndrome dépressif dans le cadre d’une situation de harcèlement moral, prend un traitement et indique avoir alerté à plusieurs reprises sa hiérarchie qui lui a accordé des entretiens mais sans prendre de mesures pour la protéger. Madame F Z se disait alors anéantie sur le plan professionnel et personnel.

Selon un rapport de médecine du travail (Docteur E) daté du 2 juin 2017 :

— Madame F Z signale un harcèlement au travail depuis 2015 (cf dossier médical). Elle rapporte des situations dégradées de type chantage, menace, diffamation, humiliation sur le plan professionnel et personnel. Elle indique en avoir fait part à toute la hiérarchie ;

— Madame F Z a signalé au médecin du travail le 13 septembre 2016 une situation de harcèlement moral avec l’un des pilotes de l’entreprise ;

— le 2 juin 2017, Madame F Z exprime un état psychologique encore fragile.

Le 2 juin 2017, lors de la visite de reprise de Madame F Z, après une longue période d’arrêt maladie, le médecin du travail a mentionné un avis d’inaptitude en un seul examen dans les termes suivants : 'Inapte définitif au poste de pilote de ligne. L’état de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'.

Le dossier médical du pôle médical de la DGAC concernant Madame F Z mentionne en avril 2018 que celle-ci a présenté un syndrome dépressif sévère pendant près d’un an avec troubles des conduites alimentaires et idées suicidaires. Une grande émotivité et une démotivation pour le pilotage sont constatées lors de l’examen médico-psychologique.

Le 14 mai 2018, le conseil médical de l’aéronautique civile a déclaré Madame F Z 'Inapte définitivement à exercer sa profession de navigante comme classe 1".

Lors de l’embauche de Madame F Z, l’organigramme de la société MAS mentionne Monsieur I Y, pilote, comme responsable de la formation et des contrôles des compétences des pilotes ainsi que des opérations aériennes et de la planification des équipages, sous l’autorité hiérarchique de Monsieur AY-AZ B, directeur général délégué. Selon les seuls autres organigrammes versés aux débats, à compter de mars/avril 2016 Monsieur AE A est devenu responsable de la formation et des contrôles des compétences des pilotes, mais Monsieur I Y a été maintenu comme responsable des opérations aériennes et de la planification des équipages.

Madame F Z produit des évaluations hiérarchiques et bilans de compétence favorables jusque fin 2014 qui lui permettaient notamment d’envisager une évolution vers la fonction de commandant de bord :

— « Sérieuse et travailleuse, Mme Z s’est pleinement impliquée dans ses nouvelles fonctions et responsabilités. Le passage à la fonction commandant de bord pourra être envisagé d’ici quelques années en fonction des besoins de la compagnie. » (évaluation des éléments de performance en date du 01/03/2013) ;

— « Première pilote féminine chez MAS, F Z s’est coulée avec beaucoup de naturel au sein de l’équipe. Appréciée de ses collègues de travail, elle a donné avec son binôme T D une excellente image et fait tous les efforts requis pour s’intégrer rapidement. La qualité du travail délivré, le sérieux et l’application dont elle fait preuve sont très appréciés » (bilan de la performance 2012) ;

— « Madame Z a effectué une très bonne intégration au sein de MAS, ses résultats dans les différents organismes de formation (') ont été d’un très bon niveau. Madame Z assume pleinement et sans restriction sa fonction de copilote au sein de MAS » (synthèse avis hiérarchique du 1er mars 2013) ;

— « Bon niveau professionnel constaté » « Bien intégrée au sein des équipages, F Z délivre un travail en équipage de très bon niveau » « Très disponible, ayant le souci du travail bien fait, très impliquée au sein de la compagnie, F Z s’implique avec beaucoup d’engagement dans les différentes tâches qu’elle a à accomplir ».« Personnalité ouverte et désireuse aussi de progresser, F Z démontre chaque jour une volonté de progression et un esprit de service très appréciés tant par ses collègues de travail que par sa hiérarchie. » (évaluation finale des objectifs annuels de M. B, 28/02/2014).

L’appréciation hiérarchique des objectifs annuels pour l’année 2016 est plus mitigée. Il est notamment mentionné que Madame F Z n’a pas atteint l’objectif de suivre un programme de remise à niveau sur AF AG et de réussir la qualification.

Il est toutefois noté en synthèse un bon engagement de Madame F Z dans ses objectifs jusqu’au 20 avril 2016, et une assez bonne participation à la session DGP stage de juin 2016, malgré des difficultés de santé.

Monsieur S X (aujourd’hui décédé), pilote de ligne depuis 2007 pour la société MAS, atteste notamment que :

— il a été étonné de constater un écart salarial à l’embauche entre Madame F Z et Monsieur T D sur le même poste, à la même date et pour une expérience équivalente ;

— sur le plan relationnel, il a souvent entendu Monsieur Y faire à Madame F Z des remarques embarrassantes, et déplacées dans un contexte professionnel, sur son apparence physique, sa silhouette et ses tenues vestimentaires, ces remarques se voulaient flatteuses mais provoquaient chez F un fort malaise ;

— Madame F Z a été lésée sur d’autres aspects de sa carrière, notamment par rapport à Monsieur T D pour le passage de l’ATPL pratique (qualification nécessaire pour devenir commandant de bord) et le pilotage de l’avion AF AG remplaçant le AF 50. Monsieur Y a décidé de retarder la formation de Madame F Z sur AF AG, promise pour mars 2014 en compensation d’un ATPL retardé, et a finalement favorisé un autre pilote pour convenance personnelle. Madame F Z a finalement obtenu de participer à la qualification sur AF AG en novembre 2014 mais les efforts de la salariée ont été anéantis par Monsieur Y qui l’a renvoyée sans préavis à Paris en réentraînement sur AF 50 pour pallier le désistement d’un pilote fraîchement recruté pour renforcer les équipages AF 50 ;

— le 5 mars 2015, Madame F Z n’a pas pu effectuer un vol supplémentaire imprévu demandé en dernière minute par Monsieur Y. Nonobstant un refus légitime de la salariée, Madame F Z a été convoquée au siège social de la Manufacture MICHELIN. Dès le 6 mars 2015, Monsieur Y déclarait à qui voulait l’entendre dans l’entreprise que Madame F Z était une pleurnicheuse, un pilote non fiable sur laquelle on ne pouvait pas compter ;

— Madame F Z a souvent subi des changements de plannings de dernière minute et de forts désavantages dans l’organisation des vols, et ce notamment à l’initiative de Monsieur Y.

Madame AU-BA L, assistante de direction au sein de la société MAS, atteste notamment que :

— Monsieur Y adoptait un comportement sexuellement déplacé à son égard (regards déplacés, mains sur les épaules, proximité physique gênante, baiser dans le cou etc.) ;

— Monsieur Y a adopté une méthode inadaptée lorsqu’il a convoqué Madame F Z dans son bureau le 6 mars 2015 pour lui faire des remontrances.

Une dispute forte ce jour-là entre les protagonistes, Monsieur Y AH et Madame F Z lui répondant notamment qu’il n’était pas son père. Madame F Z étant totalement dévastée après son entretien avec Monsieur Y, elle a pris l’initiative d’avertir Monsieur B ;

— Monsieur Y a adopté une attitude froide, distante et vexatoire à l’égard de Madame F Z lors d’une réunion du 26 novembre 2015 ;

— Monsieur Y adoptait des méthodes de management contestables générant des tensions nerveuses dans l’équipe, avec plusieurs personnels féminins pleurant au travail. L’environnement professionnel devenant ensuite sain et respectueux à l’arrivée de Madame G ;

— comme suite aux pressions et attitudes de Monsieur Y, l’état de santé morale de Madame F Z est devenu inquiétant. À sa demande, Monsieur B a reçu Madame F Z mais rien n’a changé et cette dernière était dans un état d’épuisement sérieux.

Monsieur AA AW AX, technicien avion au sein de la société MAS, atteste notamment que :

— le seul sujet de conversation qui intéressait Monsieur I Y était les femmes de la compagnie. Il avait envers les femmes de la compagnie un humour très misogyne et très souvent à caractère sexuel. C’est valable pour l’ensemble du personnel féminin de la société, aussi bien les femmes présentes dans son environnement proche que les passagères. Souvent sur le ton de l’humour, ses remarques sur les femmes étaient très déplacées et provoquaient beaucoup de gêne. Ses ''cibles'' préférées étant Madame H et Madame Z ;

— le 6 mars 2015, il a vu Madame F Z effondrée et en pleurs après que Monsieur I Y lui ait demander d’effectuer un vol supplémentaire imprévu qu’elle ne pouvait pas assurer, refus lui ayant valu une convocation au siège social MICHELIN ;

— Monsieur I Y a refusé par la suite de saluer Madame F Z qu’il ignorait ostensiblement.

Madame AI H, régulatrice réseau, atteste notamment que :

— le 6 mars 2015, Monsieur I Y lui a fait part de griefs injustifiés à l’égard de Madame F Z, et ce notamment en reprochant à l’intimée de ne pas accomplir correctement un travail administratif qu’il ne demandait pas aux autres pilotes. Monsieur I Y a convoqué Madame F Z dans son bureau et la salariée est ressortie en pleurant. Par la suite, Monsieur I Y a fait preuve d’un suivi et d’un niveau d’exigence bien plus élevé et tatillon à l’égard de Madame F Z par rapport aux autres pilotes. Il changeait les plannings de Madame F Z au dernier moment et sans fondement et faisait des remarques désobligeantes et injustifiées sur le travail de la salariée. Monsieur I Y a pris l’habitude de critiquer Madame F Z devant les autres salariés.

Tout le monde savait dans l’entreprise que F Z était dans le collimateur de I et qu’à la moindre erreur de sa part, il l’attendait ;

— lors d’une réunion en date du 25 novembre 2015, Monsieur I Y a fait en public des commentaires insultants sur la tenue vestimentaire de Madame F Z, la qualifiant injustement de provocante ;

— en 2015, l’employeur a décidé d’agrandir les locaux afin d’accueillir de nouveaux avions et du personnel supplémentaire. Madame F Z a été désignée 'chef de projet déménagement’ en plus de ses tâches de pilote, mais sans formation ni moyens adaptés. Madame F Z avait des tâches plus lourdes que celles des ses collègues copilotes masculins. F Z était épuisée, cela se voyait.

Monsieur J, pilote de la Marine Nationale puis commandant de bord dans l’aviation civile, atteste comme suit : « Concernant la valorisation des heures de vol, mesurer l’expérience des pilotes uniquement par rapport à un nombre d’heures n’a pas de sens. Un pilote peut cumuler beaucoup d’heures mais qui n’auront aucune valeur dans le TPP s’il s’agit seulement d’heures de travail aérien de type épandage agricole, lutte incendie ou surveillance des réseaux gaz/électricité’ Quelqu’un qui a beaucoup d’heures dans le travail aérien sera considéré comme débutant dans le TPP. Au printemps 2012, j’ai été témoin de la préparation de F aux journées de recrutement MAS. Elle attendait ça depuis longtemps, elle était très enthousiaste à l’idée d’exercer sa passion du vol pour le compte de Michelin, qu’elle avait en haute estime, et de piloter des avions aussi performants que ceux de la gamme Dassault, le tout dans sa région natale. A son retour de sélection, elle m’a raconté que les pilotes qu’elle avait rencontrés pour être sélectionnés venaient du travail aérien et n’avaient donc que peu voire pas d’expérience en TPP. Elle était confiante et moi aussi, sachant qu’elle cumulait déjà 1000 heures au total dont 800 heures en transport de personnes. Je me suis réjoui lors de l’annonce de son embauche dans cette nouvelle compagnie aérienne, qu’elle espérait tant. ».

Madame AJ AK, qui a travaillé pour la société MAS de 1998 à 2016 avant d’être licenciée en septembre 2016 atteste comme suit :

'Durant de nombreuses années, j’ai subi un système managérial dirigé par AY-AZ B. Cependant I Y cumulait tous les mandats nécessaires à l’existence d’une compagnie aérienne. À la fois le chef pilote, responsable du recrutement, responsable du planning pilote, responsable des opérations en vol, responsable des opérations aériennes, responsable de la formation des équipages, il avait les pleins pouvoirs sur le service et aussi sur l’ensemble du personnel. La compagnie MAS a toujours fonctionné sous le contrôle d’un seul homme, loin des préoccupations de la MFPM.

Lorsque F Z est arrivée en tant que première femme pilote, elle a eu des difficultés à s’intégrer compte tenu de la défiance qui pesait sur les compétences et la légitimité d’une femme à exercer ce métier. Elle a cependant redoublé d’effort pour se faire accepter par ses pairs avec sa nature joviale et son humeur constante. Elle s’est toujours montrée très professionnelle et disponible pour le service ; réactive à tous les changements de planning et volontaire pour s’impliquer au quotidien pour le bon fonctionnement des opérations.

Mais sa bonne volonté n’a jamais suffi à obtenir la reconnaissance de son travail ou du moins un traitement équitable par rapport à ses collègues.

Après avoir réussi sa qualification sur AF AG en fin d’année 2014, c’est à elle qu’on a demandé de faire l’aller retour à Lyon Saint Exupéry pendant les vacances de Noël, ce qu’elle a fait. Il fallait faire tamponner les 4 licences des pilotes fraîchement qualifiés pour les besoins du service de la reprise en janvier. Mais le 7 janvier 2015, journée marquée par les attentats de Charlie Hebdo à Paris, les responsables du service MAS venaient d’apprendre le désistement d’un pilote censé venir renforcer les équipages sur le AF 50. F est arrivée au bureau le matin et a été accueillie par AY-AZ B qui l’a guidée vers son bureau où l’attendaient également I Y, AE A et AN AO. J’ai vu F sortir du bureau, accompagnée des quatre responsables. Elle semblait bouleversée et s’est retournée vers eux en implorant pourquoi c’était encore à elle qu’ils demandaient ça. I Y lui a répondu : ''estime-toi heureuse qu’on te le demande gentiment. Puis elle est partie. Ayant assisté à la scène, je l’ai rattrapée pour savoir ce qu’il se passait. Elle s’est mise à pleurer en me disant qu’elle devait prendre un avion deux heures plus tard pour aller à Paris se former sur le AF 50, que tout son travail des derniers mois pour se qualifier sur le AF AG était balayé. Je n’ai rien su faire pour l’aider à se défendre contre cette injustice car selon la liste de séniorité, c’est à AP AQ que revenait ce changement de type d’avion.

J’étais notamment en charge de la vérification et de la saisie informatique des heures de vol des pilotes. I Y avait une obsession de surveiller tout ce que faisait F. Chaque mois, il me questionnait sur les heures de vol qu’elle déclarait. Il disait qu’elle était une menteuse et une tricheuse. Il me demandait d’aller contrôler son carnet de vol, ce qui me mettait dans l’embarras car il ne me l’a jamais demandé pour les autres et je trouvais cela inapproprié, voire intrusif. Je n’ai jamais compris pourquoi il s’acharnait à la faire passer pour une menteuse au sujet de ses heures. D’une part parce que cela n’a jamais été le cas, et d’autre part parce qu’aucun des pilotes n’avait d’intérêt à mentir puisqu’ils n’étaient pas payés selon le nombre d’heures de vol réalisé au mois…

… Avec le temps, les choses se sont aggravées pour F au point que I Y se détournait d’elle lorsqu’elle le saluait ; ces situations étaient très gênantes. L’état de santé de F se dégradait à mesure que ses conditions de travail se détérioraient.

Le dernier obstacle auquel je l’ai vue se confronter remonte à janvier 2016. F et moi travaillions dans un open space que nous partagions avec d’autres pilotes. Un jour où Monsieur B est venu dans notre bureau, F lui a fait part de sa motivation à passer l’ATPL dès son prochain passage au simulateur six mois plus tard en juillet. Monsieur B a accueilli sa requête favorablement en disant qu’il ferait le nécessaire pour planifier cet acte de carrière. Quelques jours se sont ensuite écoulés avant que AY-AZ B, cette fois-ci accompagné de AE A, ne revienne dans l’open space pour expliquer à F que finalement le projet de passage ATPL ne pourrait pas se voir réaliser compte tenu des délais trop courts pour établir le dossier. F n’a rien dit. Pour ma part, j’ai préféré ne pas réagir par peur des représailles.

Mais je savais que le délai moyen était d’environ 3 semaines alors que F faisait sa demande avec six mois d’anticipation. Malgré toutes ces entraves à sa carrière et à sa dignité, F fait preuve d’une force morale remarquable.'.

Monsieur AR K, pilote, atteste notamment que :

— au sein de la société MAS, il a passé plusieurs tests de connaissances dirigés par un examinateur extérieur à la compagnie avec Madame F Z et il a constaté que les résultats de celle-ci étaient toujours brillants ;

— en 2015, la société MAS a décidé de mettre en place un test annuel de connaissances pour les copilotes, alors que les pilotes étaient déjà testés trois fois par an et qu’en tant que responsable de la sécurité il n’avait jamais détecté de failles. Si l’ajout d’un test régulier des connaissances des pilotes lui apparaît normal dans une compagnie aérienne, il s’est étonné que ce nouveau test spécifique à la société MAS comprenne une évaluation orale dirigée par Monsieur Y et Monsieur A, compte tenu du caractère subjectif de cette procédure ;

— il a alors demandé à Monsieur Y de ne pas pratiquer de tests oraux, précisant que concernant notamment Madame F Z ce test oral ne serait pas révélateur compte tenu des tensions flagrantes entre Monsieur Y et Madame Z ;

— Monsieur Y a maintenu la procédure de test oral et a refusé la proposition de le réaliser en la présence de Monsieur K pour obtenir une vision plus objective.

Monsieur AY-M M, pilote de ligne, atteste notamment que :

— en qualité d’instructeur, il a évalué à plusieurs reprises Madame F Z sur simulateur et a relevé très positivement les compétences, les qualités et l’implication de celle-ci dans les compte-rendus adressés à la société MAS ;

— il a été étonné que Monsieur A lui indique, comme suite à une semaine de réentraînement de l’équipage K/Z début janvier 2016, que les notes données à cet équipage étaient trop élevées eu égard au système de notation MAS et lui a demandé de noter en gardant une marge de progression ;

— environ un an avant l’événement susvisé, il a constaté que Madame F Z était entrée en stage récurrent AF 50, après avoir pourtant validé sa qualification sur AF AG. Il indique que ce 'rétropédalage’ professionnel est périlleux sur le plan professionnel et peut s’avérer psychologiquement désastreux pour le pilote, même si Madame F Z s’est montrée à la hauteur du défi qu’est une réadaptation rapide à une technologie ancienne et plus complexe qu’est celle du AF 50.

À la lecture de la licence de membre d’équipage de conduite délivrée à Madame F Z par la DGAC celle-ci a :

— passé l’épreuve de qualification AF 50 les 10 janvier 2014, 9 janvier 2015 et 8 janvier 2016 (validité jusqu’au 31 janvier 2017) ;

— passé l’épreuve de qualification AF AG le 22 novembre 2014 (validité jusqu’au 30 novembre 2015).

Les bulletins de Madame F Z et de Monsieur T D, produits sur la période de 2012-2016, font apparaître une différence de rémunération globale annuelle au détriment de l’intimée.

Une note de service adressée le 17 mars 2016 à huit salariés de la société MAS porte (en gros) le titre de 'programme de révision de F Z avant son stage de renouvellement de QT sur AF AG LXS'.

Monsieur P U, directeur général de la société MAS jusqu’en avril 2016, atteste notamment qu’il a reçu le 6 mars 2015 Madame F Z, et ce à la demande de Monsieur Y qui lui suggérait d’envisager une sanction pour la salariée qui avait refusé d’effectuer un vol supplémentaire. Il a estimé qu’il n’y avait pas lieu à sanction et que l’incident était clos.

Monsieur P AS, gestionnaire des carrières du groupe MICHELIN, atteste notamment que :

— il a été avisé en avril 2015 d’un conflit entre Madame F Z et Monsieur I Y ;

— lors d’un entretien en date du 15 septembre 2015, Madame F Z lui a relaté l’incident de mars 2015 en demandant un meilleur partage entre pilotes et copilotes des aléas liés aux programmations aléatoires de certains vols pour lui permettre de préserver sa vie privée. La salariée lui a indiqué avoir des contraintes et lourdes tâches peu habituelles dans le métier de pilote, mais sans lui demander de modification de sa situation ;

— lors d’un entretien en date du 7 juin 2016, Madame F Z lui a demandé que l’employeur reconnaisse qu’elle avait été victime de harcèlement moral commis par Monsieur I Y, sanctionne l’auteur de ces actes et répare les préjudices subis. Peu après, il lui a répondu qu’il avait une interprétation différente des faits mais que la société était prête à financer sa remise à niveau comme pilote ou à l’aider à changer de métier ;

— lors d’un entretien en date du 20 juin 2016, Madame F Z lui a notifié qu’elle n’acceptait aucune solution si l’employeur ne reconnaissait pas le harcèlement moral, avec licenciement de Monsieur I Y, et communication sur ce point à l’ensemble des salariés de la société.

Monsieur AE A, pilote, responsable de la formation des équipages depuis le 1er avril 2015, responsable des opérations en vol depuis juin 2017, atteste notamment que c’est lui qui a décidé d’organiser à l’été 2015 un test d’évaluation complémentaire pour quatre pilotes de l’entreprise, qu’il a associé à cette procédure Monsieur I Y qui était l’ancien responsable de la formation des équipages jusqu’en avril 2015 et s’est révélé plus indulgent que lui.

Il indique que lors du test entreprise de septembre 2015, Madame F Z a fait preuve d’un très bon niveau des connaissances pilote (questions pour la licence de pilote ATPL) mais d’un niveau moyen pour les connaissances documentations constructeur et compagnie (questions pour l’exploitation quotidienne), ce qui l’a amené à prévoir un programme de mise à niveau pour Madame F Z.

Monsieur AN AO, pilote au sein de la société MAS, atteste notamment que :

— il était présent dans le bureau de Monsieur B, accompagné de Messieurs Y et A, lorsqu’il a été proposé à Madame F Z de retourner sur AF 50 et celle-ci fut contente de rendre ce service à l’entreprise ;

— il n’est pas dégradant de passer sur un avion de conception plus ancienne après avoir été qualifié sur AF AG et cela ne fermait aucune porte pour l’ATPL pratique.

Madame AU G, directrice générale de la société MAS à compter du 4 avril 2016, atteste notamment que Madame F Z ne lui a jamais fait part de difficultés jusqu’en avril 2016, que la salariée a été en situation d’arrêt-maladie à compter du 21 avril 2016. Elle indique avoir été très surprise lorsqu’à partir de mai 2016, Madame F Z lui a révélé qu’elle avait été victime de harcèlement moral de la part de Monsieur Y à compter du différent du 5 mars 2015 et lui a affirmé que celui-ci était responsable de son mal-être actuel.

Monsieur AY-AZ B atteste notamment que Madame F Z n’a fait l’objet d’aucun traitement discriminatoire au sein de l’entreprise. Il indique avoir été informé en septembre 2015 par Madame F Z des difficultés relationnelles que celle-ci

rencontrait avec Monsieur Y.

Monsieur T D, pilote et délégué du personnel au sein de la société MAS atteste notamment que :

— il a alerté début 2016 la direction de l’entreprise d’une relation professionnelle conflictuelle entre Madame F Z et Monsieur Y, qu’il a exprimé son inquiétude sur l’impact de ce conflit sur la salariée et la sécurité des vols ;

— il a assisté à un entretien le 7 juin 2016 entre la direction et Madame F Z qui a pu s’exprimer sur sa situation ;

— à l’issue de l’entretien, il n’a pas demandé le licenciement de Monsieur Y, jugeant cette mesure démesurée. Par contre, il a demandé que la direction s’engage à ne plus faire voler ensemble les deux personnes en conflit, à ce que Monsieur Y n’intervienne plus dans le planning de Madame F Z, à ce que Madame F Z soit présentée à l’examen ATPL pratique et que l’employeur finance sa remise à niveau, notamment sur AF AG.

Madame Q R atteste en tant qu’épouse et désormais veuve de l’ancien pilote S X (décédé le […]). Elle ne mentionne pas avoir été employée par la société MAS mais déclare avoir connu Madame F Z dans un cadre amical en tant que collègue de son mari. Son attestation est surtout caractérisée par le fait qu’elle trouvait Madame F Z, qu’elle décrit comme manipulatrice et séductrice, trop proche de son époux, estimant qu’S X était sous l’emprise de cette femme avec laquelle les rapports n’étaient pas sains et plutôt très déplacés.

Des messages ont été échangés à partir de fin août 2016 entre Madame F Z et la direction de l’entreprise. La société MAS a proposé en septembre 2016 d’envisager un travail à durée déterminée pour Madame F Z avec remise à niveau et présentation dès que possible à l’ATPL, mais sans reconnaissance du harcèlement moral ni d’un quelconque droit à indemnisation.

Embauchée selon contrat de travail du 10 mai 2012 mentionnant un salaire brut annuel de base de 44.000 euros et une partie variable fixée au maximum à 7% du salaire brut annuel précité, Madame F Z a vu sa rémunération progresser régulièrement (salaire brut annuel de base de 45.320 euros à compter du 1er mai 2013, 46.640 à compter du 1er octobre 2013, 51.799 euros à compter du 1er mai 2015, 53.000 euros à compter du 1er novembre 2015, 56.069 euros à compter du 1er mai 2016 / rémunération variable versée en mai 2015 : 6,30% pour l’année 2014, soit 3.108 euros, + composante groupe de 1,80%, soit 888 euros / rémunération variable versée en mai 2016 : 7% pour l’année 2015, soit 3.710 euros, + composante groupe de 4,25%, soit 2.253 euros / rémunération variable versée en mai 2017 : 2,80% pour l’année 2016, soit 1.570 euros, + composante groupe de 3,35%, soit 1.879 euros).

Également embauché selon contrat de travail du 10 mai 2012 en qualité de pilote de ligne et avec les mêmes fonctions ou tâches que Madame F Z, Monsieur T D bénéficiait d’un salaire contractuel brut annuel de base de 48.000 euros et d’une partie variable fixée au maximum à 7% du salaire brut annuel précité.

La SAS MICHELIN AIR SERVICES reconnaît dans ses écritures que le différentiel de rémunération à l’embauche entre Madame F Z et Monsieur T D a été maintenu dans le cadre de l’évolution des rémunérations de ces deux salariés, ce qui est confirmé par l’analyse des bulletins de paie versés aux débats.

Selon les dossiers professionnels de Madame F Z et de Monsieur T D versés aux débats :

— lors de son embauche par la société MAS, Madame F Z avait déjà une expérience professionnelle préalable de transport public de passagers au sein d’une compagnie aérienne, ce qui n’était pas le cas de Monsieur T D ;

 fin 2011 et fin 2012 : Monsieur T D avait cumulé un peu plus d’heures de vol 'total’ mais beaucoup moins d’heures de vols aux instruments que Madame F Z.

—  Sur la discrimination -

À la lecture du dispositif des dernières conclusions de l’intimée, celle-ci sollicite la confirmation de la décision déférée en ce qu’il a été jugé qu’elle a été victime de discrimination fondée sur le sexe et en ce que la SAS MICHELIN AIR SERVICES a été condamnée à lui payer la somme de 33.475,84 euros en réparation du préjudice économique subi du fait d’une discrimination salariale liée au sexe. Il ne sera donc pas développé outre sur l’argumentaire de Madame F Z concernant d’autres fondements juridiques qui ne font pas l’objet de demandes comprises dans le dispositif des dernières conclusions de l’intimée.

Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son sexe.

Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Aux termes des dispositions de l’article L. 1134-5 du code du travail, l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel. Les dommages et intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.

L’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés, ni même une victime identifiable. En cas de comparaison, il n’est pas exigé que les salariés soient dans une situation identique, il suffit qu’ils soient dans une situation équivalente. Par exemple, la comparaison concernant un déroulement de carrière doit être faite avec des salariés engagés dans des conditions identiques de diplômes, de qualification et à une date voisine.

Le principe de non-discrimination ne fait pas obstacle aux différences de traitement lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée. La différence de traitement doit être justifiée par un objectif légitime et pour autant que les moyens utilisés pour y parvenir soient appropriés et nécessaires (différences de traitement objectives, nécessaires et appropriées).

S’agissant de la charge de la preuve au civil, il appartient au salarié qui s’estime victime d’une discrimination de soumettre au juge les éléments de fait, obtenus loyalement, laissant supposer son existence. Il incombe ensuite à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge doit prendre en compte les éléments présentés par le salarié dans leur globalité et non les analyser séparément.

Le salarié qui veut obtenir des documents détenus par l’employeur pour établir qu’il est victime d’une discrimination doit en faire la demande au juge (par exemple en référé). Le salarié qui s’estime victime d’une discrimination doit nécessairement invoquer un des motifs de discrimination illicite (à défaut, il peut invoquer le harcèlement ou une atteinte à l’égalité de traitement).

Lorsqu’un salarié fait l’objet d’une mesure discriminatoire, il peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à ce titre. Le juge peut également ordonner une réparation en nature. Plus généralement, l’atteinte au principe d’égalité de traitement peut être réparée par l’octroi au salarié concerné de l’avantage dont il a été irrégulièrement privé.

En l’espèce, au regard des éléments d’appréciation produits par Madame F Z (cf notamment attestations X, J, AV AK, K, M etc.), celle-ci présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination subie en raison de son sexe, notamment en ce que par rapport à ses collègues de travail pilotes masculins se trouvant dans une situation équivalente ou comparable :

— elle a été embauchée à une rémunération sensiblement inférieure (environ 10% pour le salaire annuel de base par rapport à Monsieur T D);

— elle n’a pas été présentée à l’examen ATPL pratique pour envisager la qualification de commandant de bord ;

— après avoir obtenu la qualification sur AF AG, elle a été à nouveau affectée sur AF 50, ce qui lui a fait perdre ou périmer sa qualification AF AG.

L’employeur soutient que ces décisions ont été prises sur des critères objectifs étrangers à toute discrimination.

S’agissant du différentiel de rémunération avec Monsieur D, il échet de relever que les deux pilotes ont été embauchés à la même date et sur le même poste de pilote affecté essentiellement à du transport public de passagers sur des avions AF.

Si Monsieur D présentait à l’embauche un nombre d’heures de vol au total un peu plus élevé que Madame Z, celle-ci avait effectué plus d’heures de vol aux instruments (IFR), en TPP et sur avion lourd que Monsieur D. Madame Z disposait d’une expérience professionnelle au sein d’une compagnie aérienne effectuant du transport public de passager, en tant que pilote de ligne et en équipage multipilote, contrairement à Monsieur D.

Les deux contrats de travail étant identiques quant aux fonctions, contraintes et tâches, le profil professionnel de Madame Z à l’embauche semblait plus adapté, en tout cas pas moins adapté, à l’emploi des deux pilotes au sein de la société MAS. La différence de rémunération n’apparaît donc ni objective, ni nécessaire et appropriée.

Madame Z disposait de toutes les compétences, qualités et expériences professionnelles, formations et prérequis obligatoires pour passer l’ATPL pratique. Madame Z n’a pourtant jamais été présentée à l’ATPL pratique, contrairement par exemple à Monsieur D. Cette décision de l’employeur, qui n’est pas justifiée en l’état par un objectif légitime selon une exigence proportionnée, ne pouvait que retarder l’évolution professionnelle de Madame Z et l’aspiration de la salariée à devenir commandant de bord.

Si Madame Z a pu finalement accéder à la qualification QT AF AG, elle a ensuite été rapidement réaffectée sur AF 50, ce qui a fait périmer sa qualification sur AF AG. Cette décision n’est pas justifiée par un quelconque manquement de la salariée selon l’employeur mais par le fait qu’un pilote embauché très récemment pour piloter le AF 50 a finalement renoncé à rejoindre son poste. Reste que la société MAS ne justifie pas de façon objective (aucun critère) son choix de désigner exclusivement Madame Z parmi les pilotes pour cette affectation qui pouvait être légitimement vécue comme une sorte de rétrogradation et de frein à l’évolution professionnelle (perte de la qualification QT AF AG), et ce compte tenu notamment de la décision prise par la société MAS de remplacer sa flotte de AF 50 par des avions AF AG.

Surtout, alors qu’en matière de litige relatif à la notion de discrimination le juge doit prendre en compte les éléments présentés dans leur globalité et non les analyser séparément, il apparaît que Madame F Z, seule pilote de sexe féminin de la société MAS, est la seule membre du groupe des pilotes de la société à avoir fait l’objet pendant la période considérée à la fois d’une différence de rémunération à l’embauche, d’un rejet ou retard injustifié apporté à sa demande de passer l’ATPL pratique et d’une réaffectation sur AF 50 peu après avoir passé la qualification QT AF AG.

Ces mesures prises par l’employeur, préjudiciables à Madame F Z, constituent des différences de traitement susceptibles d’être discriminatoires, notamment en matière de rémunération, de formation, d’affectation, de qualification et de promotion professionnelle. La SAS MICHELIN AIR SERVICES échouant à démontrer que ses décisions et actions sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison du sexe de Madame F Z, la discrimination est, dès lors, établie au sens de l’article L. 1132-1 du code du travail.

En conséquence, la décision déférée sera confirmée en ce qu’il a été jugé que Madame F Z a été victime de discrimination fondée sur le sexe.

Madame F Z présente un récapitulatif, détaillé et argumenté, sans critique sérieuse de la part de l’appelant, du préjudice financier subi en raison des mesures discriminatoires susvisées.

Compte tenu des circonstances de la discrimination subie, de sa durée, et des conséquences dommageables qu’elle a eues pour la salariée telles qu’elles ressortent des pièces et des explications fournies, le préjudice résultant pour Madame F Z de la discrimination dont elle a souffert en raison de son sexe sera réparé en lui allouant la somme de 33.475,84 euros à titre de dommages-intérêts. Le jugement sera également confirmé sur ce point.

Sur le harcèlement -

Madame F Z soutient qu’elle a subi des faits de harcèlement sexuel et de harcèlement moral de la part de Monsieur I Y, cadre responsable des pilotes, ce que conteste la SAS MICHELIN AIR SERVICES.

Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 1152-1 du code du travail : 'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'.

Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 1152-4 du code du travail : 'L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.'.

Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 1153-1 du code du travail : 'Aucun salarié ne doit subir des faits : 1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; 2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.'.

Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 1153-5 du code du travail : 'L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner.'.

Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 1154-1 du code du travail : 'Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.'.

Aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral se caractérise par la conjonction et la répétition de certains faits laissés à l’appréciation souveraine des juges du fond. Un acte isolé ne répond pas à la définition du

harcèlement moral.

Le harcèlement sexuel est caractérisé par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à la dignité du salarié en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. Par ailleurs, est assimilé à un harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuel, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou d’un tiers.

Le harcèlement sexuel peut résulter d’un acte unique. Il est constitué par tout agissement à connotation sexuelles ou sexiste, à savoir lié au sexe d’une personne, même non répété, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité du salarié ou de créer un environnement intimidant, hostile dégradant, humiliant ou offensant. Le harcèlement sexuel peut être constitué même si les faits sont intervenus hors du temps et du lieu de travail, peu importe que l’auteur sous-estime la portée de ses actes.

L’auteur du harcèlement peut être l’employeur, un supérieur hiérarchique, un collègue, un subordonné ou un tiers à l’entreprise.

Le harcèlement peut être constitué même si son auteur n’avait pas d’intention de nuire et peu importe que les agissements soient ou non de même nature, qu’ils se répètent sur une brève période ou soient espacés dans le temps.

L’employeur est responsable des faits de harcèlement commis sur ses salariés par un autre salarié ou par un tiers exerçant une autorité de fait ou de droit sur ceux-ci. En matière de harcèlement sexuel, la loi impose également au chef d’entreprise de mettre un terme aux agissements de l’auteur et de les sanctionner.

L’employeur est tenu à une obligation légale de sécurité lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement. Pour remplir son obligation de sécurité, l’employeur doit justifier avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, notamment des actions d’information et de formation, et avoir mis fin au harcèlement dès qu’il en a été avisé, en tout cas avoir pris les mesures immédiates propres à le faire cesser dès qu’il a été informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement.

Les règles de preuve visées en matière de discrimination s’appliquent pour les faits de harcèlement commis depuis le 10 août 2016. Pour les faits survenus avant le 10 août 2016, le salarié concerné doit établir (et non simplement présenter) des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement. Il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, y compris les documents médicaux éventuellement produits, puis d’apprécier si les faits matériellement établis dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Sous ses conditions, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits permettant de présumer l’existence de harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

L’action civile relative à des faits de harcèlement, moral ou sexuel, se prescrit par cinq ans (délai de droit commun de l’article 2224 du code civil). En cas de dommage corporel, l’action en réparation d’un dommage corporel se prescrit par dix ans à compter de la date de consolidation du dommage (article 2226 du code civil).

Un harcèlement peut causer à la victime un préjudice, d’ordre moral ou corporel, dont l’évaluation relève de la compétence du juge prud’homal.

Les obligations résultant des articles L. 1132-1, L. 1152-1, L. 1153-1, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d’elles, lorsqu’elle entraîne des préjudices différents, ouvre droit à des réparations spécifiques. En conséquence, si elle justifie de préjudices distincts, la victime peut obtenir des dommages et intérêts à la fois au titre du harcèlement (moral et/ou sexuel), au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et au titre d’une discrimination.

La prise en charge de l’affection consécutive au harcèlement, moral ou sexuel, au titre de la maladie professionnelle ne s’oppose pas à l’attribution de dommages-intérêts à la victime pour les faits de harcèlement antérieurs à cette décision.

En l’espèce, au regard des éléments d’appréciation produits par Madame F Z (cf notamment attestations AW AX, H, X et L), celle-ci établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement sexuel.

Monsieur AA AW AX témoigne de ce que Madame F Z était l’une des principales victimes de l’humour très misogyne et très souvent à caractère sexuel de Monsieur I Y.

Madame H témoigne de ce que lors d’une réunion en date du 25 novembre 2015, Monsieur I Y a fait en public des commentaires insultants sur la tenue vestimentaire de Madame F Z, la qualifiant injustement de provocante.

Monsieur S X indique qu’il a souvent entendu Monsieur Y faire à Madame F Z des remarques embarrassantes, et déplacées dans un contexte professionnel, sur son apparence physique, sa silhouette et ses tenues vestimentaires, provoquant un fort malaise chez la salariée.

Ces témoignages viennent conforter les affirmations de Madame F Z selon lesquelles elle aurait été régulièrement la victime des blagues et remarques à caractère sexuel de Monsieur I Y. La propension de Monsieur I Y à ce genre de propos et comportements est également établie par le témoignage de Madame AU-BA L qui indique que Monsieur Y adoptait à son égard un comportement sexuellement déplacé (regards déplacés, mains sur les épaules, proximité physique gênante, baiser dans le cou etc.).

Ces comportements et propos à connotation sexuelle ou sexiste de Monsieur I Y à l’égard de Madame F Z portent atteinte à la dignité de la salariée en raison de leur caractère dégradant ou humiliant et créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

La SAS MICHELIN AIR SERVICES se contente de minimiser les faits, évoquant la notion d’humour, sans démontrer que les agissements de Monsieur I Y ne sont pas constitutifs d’un harcèlement sexuel et que les comportements et propos susvisés du salarié I Y sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au regard des éléments d’appréciation produits par Madame F Z (cf notamment attestations X, L, AW AX, H, AV AK, K, M, DUHESNE etc.), celle-ci établit également des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral, notamment en ce que :

— Madame F Z a subi début mars 2015, de façon humiliante et disproportionnée, les foudres de Monsieur I Y, et ce à propos d’un refus d’effectuer un vol supplémentaire et imprévu, tâche complémentaire lourde susceptible de porter atteinte au droit à la vie privée, alors que, contrairement au souhait de Monsieur Y, la direction n’a finalement pas estimé qu’il s’agissait d’un comportement fautif de la part de la salariée ;

— à partir de mars 2015, et de façon continue jusqu’à ce qu’elle se trouve en situation d’arrêt de travail, Madame F Z a dû faire face à la colère, à la rancoeur, au mépris et la vindicte de Monsieur I Y qui n’a eu de cesse de la dénigrer, de l’humilier, de l’insulter, de la rabaisser et de l’ostraciser sur le plan professionnel. Madame F Z a été régulièrement la victime de propos désobligeants et humiliants de la part de Monsieur I Y tant sur sa personne que sur ses qualités et compétences professionnelles.

Monsieur I Y a pris grand soin d’adopter ces comportements déplacés et de proférer ces critiques injustifiées en public, et ce dans le but de dévaloriser Madame F Z sur le plan professionnel au sein de l’entreprise, tant vis-à-vis de la direction que des collègues de travail ;

— à partir de mars 2015, Madame F Z s’est vue imposer régulièrement par Monsieur I Y des modifications de planning imprévues ou de dernière minute, des tâches administratives supplémentaires, un contrôle extrêmement poussé et strict de ses heures de vol, de ses déplacements et de la qualité de son travail, ainsi que d’autres désagréments ou désavantages, et ce à la différence de tous les autres salariés pilotes que Monsieur I Y encadrait alors ;

— alors que les relations étaient très conflictuelles entre la salariée et Monsieur I Y, Madame F Z a dû subir, à partir de l’été 2015, un test oral supplémentaire de connaissances en présence de I Y qui devait donner son avis sur les compétences d’une salariée qu’il ne cessait de dénigrer et de rabaisser depuis mars 2015. Pour la première fois depuis son entrée dans la société MAS, Madame F Z a alors obtenu une note mitigée quant à ses compétences professionnelles ;

— de façon discriminatoire (cf supra), Madame F Z n’a pas été présentée à l’examen ATPL pratique pour bénéficier de perspectives d’évolution professionnelle plus favorables et envisager la qualification de commandant de bord, de même qu’après avoir obtenu la qualification sur AF AG, elle a été à nouveau affectée sur AF 50, ce qui lui a fait perdre ou périmer sa qualification AF AG (cf supra).

En plus des nombreux témoins qui attestent de façon directe des agissements susvisés à l’égard de Madame F Z, plusieurs témoins salariés de l’entreprise évoquent, de façon plus générale mais argumentée, les méthodes de management stressantes et inadaptées de Monsieur I Y qui avaient pour conséquence une dégradation des conditions de travail, avec une amélioration sensible de la situation lorsque Madame AU G a pris ses fonctions en avril 2016.

Au regard des attestations et éléments médicaux produits par l’intimée, il apparaît que les faits de harcèlement précités ont coïncidé avec une détérioration progressive de l’état de santé de Madame F Z entre mars 2015 et avril 2016, ce qui a conduit Madame F Z à une situation d’arrêt de travail pour cause de maladie (syndrome dépressif), et ce de façon quasi continue jusqu’au constat définitif d’inaptitude professionnelle.

Lors de l’embauche de Madame F Z, Monsieur I Y était à la fois responsable de la formation et des contrôles des compétences des pilotes mais également responsable des opérations aériennes et de la planification des équipages.

Selon que l’on se réfère aux organigrammes produits ou au témoignage de Monsieur A, Monsieur I Y n’a plus exercé la fonction de responsable de la formation et des contrôles des compétences des pilotes (tout en participant comme évaluateur au test oral de connaissances imposé par la société MAS à certains pilotes, dont l’intimée, à partir de l’été 2015) à compter d’avril 2015 ou de mars/avril 2016, mais il a été maintenu comme responsable des opérations aériennes et de la planification des équipages, en tout cas jusqu’à ce que Madame F Z soit placée en situation d’arrêt-maladie de façon continue. Monsieur I Y a donc toujours exercé une autorité de fait ou de droit sur Madame F Z pendant la période d’exécution du contrat de travail de la salariée.

La SAS MICHELIN AIR SERVICES se contente essentiellement de contester la valeur probante des attestations, pourtant concordantes et circonstanciées, produites par Madame F Z, de minimiser également les faits susvisés, ou de plaider son ignorance de la situation réelle et son incapacité de bonne foi en conséquence à réagir de façon rapide et adaptée, mais elle échoue à démontrer que les agissements précités, qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, sexuel et moral, ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement

Il apparaît à la lecture de plusieurs témoignages que la direction de l’entreprise a été avisée assez rapidement du caractère très conflictuel de la relation entre Madame F Z et Monsieur I Y, dès mars 2015 s’agissant de la première altercation, et au plus tard en septembre 2015 concernant la persistance du conflit et la dégradation des conditions de travail qui pouvait en résulter, notamment pour Madame F Z.

L’employeur n’a pas engagé d’investigations sérieuses quant à la dégradation des conditions de travail de Madame F Z ni fait cesser la situation de harcèlement dont Madame F Z était victime. S’agissant de la situation de Madame F Z, l’employeur a considéré qu’il s’agissait d’un conflit, simple et banal, entre deux collègues de travail. Il a seulement prescrit ou suggéré d’éviter que Madame F Z et Monsieur I Y ne volent ensemble, tout en laissant la salariée sous l’autorité directe du responsable des opérations aériennes et de la planification des équipages qu’était Monsieur I Y.

De même, la SAS MICHELIN AIR SERVICES n’a pris aucune mesure sérieuse pour prévenir le harcèlement de façon générale (cf infra sur l’obligation de sécurité).

L’employeur ne saurait s’exonérer de sa responsabilité quant à la situation de harcèlement vécue par Madame F Z à partir de mars 2015 en se retranchant derrière le fait que la salariée n’a prononcé le mot de harcèlement qu’après avoir été placée en situation continue d’arrêt maladie et qu’il n’a pas eu accès à des informations médicales précises sur Madame F Z avant l’avis d’inaptitude.

Au regard des éléments d’appréciation dont la cour dispose, il est établi que Madame F Z a été victime d’une situation professionnelle de harcèlement, sexuel et moral, dont l’employeur doit être déclaré responsable.

En conséquence, la décision déférée sera confirmée en ce qu’il a été jugé que Madame F Z a été victime d’actes de harcèlement moral et sexuel.

Compte tenu des éléments d’appréciation versés aux débats, notamment d’ordre médical, le préjudice moral subi par Madame F Z en relation avec les faits de harcèlement, sexuel et moral, imputables à l’employeur sera réparé en lui allouant la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts. Le jugement sera réformé sur ce point.

Sur l’obligation de sécurité de l’employeur -

La Cour de cassation a abandonné le fondement contractuel de l’obligation de sécurité de l’employeur pour ne retenir que le fondement légal, tiré notamment des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, interprété à la lumière de la réglementation européenne concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs.

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail (ordonnance 2017-1389 du 22 septembre 2017) : 'L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ; 2° Des actions d’information et de formation ; 3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.'.

Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 4121-1 du code du travail (Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010) : 'L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d’information et de formation ; 3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.'.

Aux termes de l’article L. 4121-2 du code du travail (Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016) : 'L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-2 et L. 1152-3, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ; Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.'.

Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 4121-2 du code du travail (Loi n° 2012-954 du 6 août 2012) : 'L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-2 et L. 1152-3 ; Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.'.

L’obligation de sécurité de l’employeur a été consacrée par la jurisprudence de la Cour de cassation, d’abord par la chambre sociale puis par l’Assemblée plénière de la Cour, en ce que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité. Il n’est plus nécessaire qu’une atteinte physique ou morale soit caractérisée, une simple exposition des salariés au risque est suffisant à engager la responsabilité de l’employeur.

La jurisprudence de la chambre sociale qualifie cette obligation de sécurité de l’employeur d’obligation de résultat. Le résultat attendu de l’employeur est de prévenir, par des moyens adaptés, tout risque lié non seulement à l’exécution de la prestation de travail, mais également à l’environnement professionnel dans lequel elle est délivrée. Ce n’est pas une inexécution que l’on sanctionne pour faire peser sur l’employeur l’obligation d’en réparer les conséquences, c’est un risque dont l’employeur a le devoir de prémunir le salarié quels que soient les moyens d’y parvenir. Il s’agit pour l’employeur de prévenir, de former, d’informer et de mettre en place une organisation et des moyens adaptés.

Le résultat dont il est question dans la notion d’obligation de résultat n’est pas l’absence d’atteinte à la santé physique et mentale, mais l’ensemble des mesures prises de façon effective par l’employeur dont la rationalité, la pertinence et l’adéquation pourront être analysées et appréciées par le juge.

Au titre de son obligation de prévention, il appartient à l’employeur de repérer les situations de tension et, le cas échéant, d’ouvrir rapidement une enquête. L’inertie de l’employeur en présence d’une situation susceptible d’être qualifiée de harcèlement, ou de discrimination, dont il a connaissance, alors qu’il est tenu légalement d’assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés et d’exécuter de bonne foi le contrat de travail, engage nécessairement sa responsabilité, quand bien même il ne serait pas l’auteur des faits dénoncés.

En principe, s’agissant d’une obligation de résultat, dont l’effectivité doit être assurée, l’employeur ne peut s’exonérer de sa responsabilité en prouvant son absence de faute ou en démontrant qu’il a pris des mesures de nature à faire cesser le trouble. Seule une cause étrangère réunissant les critères de la force majeure est susceptible de l’exonérer.

L’objet de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur a cependant été modifié depuis l’arrêt Air France du 25 novembre 2015, par lequel la Cour de cassation a affirmé que ne méconnaissait pas son obligation de sécurité de résultat l’employeur qui justifiait avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail.

Cette évolution de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation introduit la possibilité pour l’employeur de s’exonérer de sa responsabilité, mais ce dernier ne pourra pas se borner à dire qu’il a mis en oeuvre toutes les mesures destinées à mettre fin à la situation d’atteinte à la sécurité et à la santé des salariés, il devra également démontrer qu’il a tout fait, en amont, pour prévenir une telle situation.

Tenu d’une obligation de sécurité, il appartient donc à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en justifiant, d’une part, avoir pris toutes les mesures de prévention prévues notamment par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, d’autre part, dès qu’il est informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un atteinte à la sécurité ou la santé, physique et mentale, d’un salarié, avoir pris les mesures immédiates propres à les faire cesser.

Cette obligation de sécurité dont doit répondre l’employeur s’applique à toute situation de risque en matière de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des travailleurs, notamment s’agissant de prévenir ou de faire cesser toute situation de harcèlement, moral et sexuel, mais également de discrimination.

En l’espèce, non seulement la SAS MICHELIN AIR SERVICES n’a pas pris rapidement les mesures adaptées propres à faire cesser les situations de harcèlement, moral et sexuel, et de discrimination, en raison de son sexe, dont Madame F Z était victime (cf supra : absence d’investigations sérieuses, de consultation, de mesures propres à ne plus placer la salariée sous l’autorité de fait ou de droit de Monsieur Y, d’exercice du pouvoir disciplinaire, de recherche d’un autre poste pour Madame Z ou Monsieur Y, de mesure de médiation etc.), mais l’employeur ne justifie également en rien avoir pris, de façon plus générale mais effective, les mesures préventives nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs en matière de harcèlement et de discrimination, telles que des actions de prévention des risques, d’information et de formation, ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés dans ce cadre.

La SAS MICHELIN AIR SERVICES, qui ne justifie pas de la situation de ses effectifs à l’époque considérée, se contente, d’une part, d’affirmer qu’elle n’était pas tenue d’élaborer un règlement intérieur et, d’autre part, de se référer au règlement intérieur et autres documents sur la prévention des risques, notamment en matière de harcèlement, élaborés par la Manufacture MICHELIN dont elle se revendique la filiale à 100% (pas de justificatif).

Toutefois, l’employeur ne démontre pas avoir porté à la connaissance de ses salariés les documents de la Manufacture MICHELIN en la matière, pas plus qu’avoir engagé de façon effective des actions concrètes (information et sensibilisation du personnel, formation des encadrants, actualisation du document unique, affichage, mise en place d’un dispositif de signalement, enquête pour déterminer les situations à risque…) au sein de l’entreprise en application des dispositions des articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail.

Ainsi, bien qu’ayant eu connaissance, du fait d’une première altercation dès mars 2015 avec l’un de ses collègues exerçant sur la salariée une autorité de fait ou de droit, des répercussions que pouvaient avoir sur la santé de Madame F Z la relation conflictuelle entre l’intimée et Monsieur Y, à l’évidence persistante et inquiétante dès septembre 2015, la société n’a pris aucune mesure concrète et efficace pour protéger la salariée ou même déterminer l’ampleur du problème posé par cette situation de tension au travail.

En outre, la SAS MICHELIN AIR SERVICES n’a pas mis en place les mesures nécessaires permettant de prévenir les risques de harcèlement et de discrimination au sein de l’entreprise pour assurer la sécurité des salariés et protéger leur santé physique et mentale conformément aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Le juge peut allouer des sommes distinctes correspondant au préjudice résultant, d’une part, de l’absence de prévention par l’employeur des faits de harcèlement (ou de discrimination) et, d’autre part, des conséquences du harcèlement (ou de la discrimination) effectivement subi.

Les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité ont causé à Madame F Z un préjudice distinct de ceux déjà réparés (cf supra) au titre du préjudice économique résultant d’une discrimination (en raison du sexe) et au titre du préjudice moral résultant des agissements caractérisés de harcèlement (moral et sexuel) dont l’intimée a été victime, notamment en ce que la salariée a perdu une chance de voir prévenir tout fait de harcèlement et de discrimination au sein de l’entreprise et en ce qu’elle n’a pas bénéficié de mesures adaptées propres à faire cesser rapidement la situation de harcèlement et de discrimination dont elle a été victime.

En conséquence, la décision déférée sera confirmée en ce qu’il a été jugé que la SAS MICHELIN AIR SERVICES a manqué à son obligation de sécurité, notamment en matière de harcèlement moral et sexuel.

Compte tenu des éléments d’appréciation dont la cour dispose, le préjudice subi par Madame F Z en relation avec les manquements à l’obligation de sécurité de l’employeur sera réparé en lui allouant la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts. Le jugement sera réformé de ce chef.

— Sur la rupture du contrat de travail -

Lorsque des agissements de harcèlement (moral ou sexuel) ou de discrimination imputables à l’employeur sont à l’origine, ou l’une des causes, de la rupture du contrat de travail, cette rupture produit les effets d’un licenciement nul

En cas de licenciement nul, le salarié ne demandant pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail, ou dont la réintégration est impossible, a droit, quelles que soient son ancienneté et la taille de l’entreprise, à une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant ne peut pas être inférieur aux salaires des six derniers mois, le barème (ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable aux licenciements prononcés depuis le 24 septembre 2017) visé par l’article L. 1235-3 du code du travail n’étant pas applicable.

Lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit, même s’il est dans l’impossibilité physique d’exécuter son préavis, aux indemnités compensatrice de préavis et de congés payés.

La victime d’un licenciement nul, qui ne demande pas sa réintégration, a donc droit à plusieurs indemnités : d’une part, aux indemnités de rupture, c’est-à-dire à l’indemnité compensatrice de préavis (avec congés payés afférents) et à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, d’autre part à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale aux salaires des six derniers mois.

Si l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail (ou d’une maladie professionnelle), qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud’homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul.

La décision de reconnaissance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est sans incidence sur l’appréciation par le juge prud’homal de l’origine professionnelle ou non de l’inaptitude du salarié.

En cas de licenciement pour inaptitude et en l’absence de reconnaissance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, la juridiction prud’homale reste compétente pour déterminer si l’inaptitude du salarié est en lien avec un manquement de l’employeur à ses obligations.

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée. Est nul le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à des agissements de harcèlement (moral ou sexuel) ou de discrimination imputables à l’employeur.

Il n’est pas contesté en l’espèce qu’aucune déclaration d’accident du travail ou de maladie professionnelle n’a été faite concernant Madame F Z et qu’aucune instance n’est pendante devant une juridiction de la sécurité sociale dans ce cadre.

La CPAM atteste que Madame F Z n’a jamais perçu de rente accident du travail ou de pension d’invalidité.

Madame F Z soutient que la situation d’inaptitude qui a fondé son licenciement est imputable aux faits de discrimination à raison du sexe, de harcèlement moral et de harcèlement sexuel dont elle a été victime dans le cadre de l’exécution du contrat de travail la liant à la société MAS, qu’en conséquence son licenciement est nul et qu’elle a droit à la réparation intégrale du préjudice subi. Elle ne sollicite pas une prise en charge ou une réparation de préjudices au titre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

Madame F Z expose qu’elle était en parfaite santé lorsqu’elle a été recrutée par la société MAS, qu’elle avait toujours été jugée apte par la DGAC depuis 2005, sans la moindre restriction, qu’avant d’être arrêtée pour dépression en lien avec ses conditions de travail à compter du 21 avril 2016, elle n’avait aucun antécédent médical particulier, encore moins d’antécédents psychologiques ou psychiatriques. Depuis que Madame Z a été déclarée inapte définitivement par la DGAC, elle n’a, en guise de formation à faire valoir auprès de recruteurs potentiels, outre sa formation de pilote, qu’un DEUG d’italien et aucune expérience à faire valoir en dehors de l’aéronautique. Elle indique n’avoir, à ce jour, toujours pas retrouvé d’emploi. Elle fait valoir qu’aucune perspective sérieuse ne s’ouvre à elle, que depuis son licenciement, elle n’a eu d’autre choix que de retourner chez ses parents et de mettre ponctuellement son appartement en location afin de conserver ce dernier.

Madame Z soutient qu’elle n’a pas perdu qu’un emploi mais son métier, et donc sa carrière de pilote, et ce à seulement 34 ans.

Madame Z expose qu’elle a investi 100.000 euros pour devenir pilote mais a perdu sa licence du fait des manquements de l’employeur. Elle ajoute que le défaut d’information par l’employeur sur les garanties qu’il a souscrites pour son compte lui a définitivement fait perdre toute réparation du fait de cette perte de sa licence. Elle affirme avoir

perdu toute chance de retrouver un emploi d’officier pilote de ligne du fait des manquements de son employeur, qui ont engendré son inaptitude et donc son licenciement. Elle demande l’indemnisation de sa perte de chance de retrouver un emploi, ou plutôt de son impossibilité de se reclasser dans l’emploi de pilote qui était le sien. Elle souligne que du fait des manquements commis par son employeur, elle ne pourra plus jamais exercer son métier de pilote de ligne (les compagnies demandant les états de vol des postulants au cours des derniers mois), ni devenir commandant de bord comme elle l’espérait.

En l’espèce, les éléments médicaux susvisés ainsi que les nombreuses attestations précitées, concordantes sur ce point, établissent que l’état de santé de Madame F Z, qui ne présentait aucun signe de pathologie auparavant, s’est dégradé à partir du moment où elle a été victime de faits de harcèlement et de discrimination imputables à l’employeur.

Le grave syndrome dépressif dont Madame F Z a été victime, qui a conduit à un arrêt quasi continu de travail pour cause de maladie à compter du 21 avril 2016 puis à une déclaration d’inaptitude définitive à son emploi de pilote de ligne au sein de la société MAS sans possibilité de reclassement, est en lien avec les faits de harcèlement et de discrimination et les manquements de l’employeur dans ce cadre.

En conséquence, la rupture du contrat de travail de Madame F Z résultant de faits de harcèlement et de discrimination imputables à la SAS MICHELIN AIR SERVICES, agissements qui sont en lien avec l’inaptitude définitive de l’intimée à son emploi de pilote de ligne sans possibilité de reclassement, le licenciement prononcé à l’encontre de la salariée produit les effets d’un licenciement nul.

Le licenciement de Madame F Z sera donc jugé nul. Le jugement sera réformé sur ce point.

Madame F Z ne réclame pas des dommages-intérêts en réparation d’un préjudice résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle mais des dommages-intérêts pour licenciement nul au motif que par son manquement à ses obligations en matière de harcèlement et de discrimination, l’employeur est à l’origine de son licenciement pour inaptitude, ce qui relève de la compétence du juge prud’homal.

Alors qu’il est établi que les faits de harcèlement, moral et sexuel, ainsi que de discrimination en raison de son sexe, subis par la salariée sont à l’origine de son inaptitude et d’une rupture abusive du contrat de travail, Madame F Z a droit à la réparation intégrale des préjudices subis, y compris celui lié à la perte d’emploi, et ce au regard des manquements de l’employeur ayant conduit à juger nul le licenciement de l’intimée.

Il ne s’agit nullement pour la cour de reconnaître l’existence d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, ou de statuer sur les préjudices couverts par la législation de la sécurité sociale pas plus que sur une réparation de préjudices prévue par le code de la sécurité sociale en cas de faute inexcusable ou intentionnelle de l’employeur.

Selon le certificat de travail, Madame F Z a été employée en qualité de pilote par la SAS MICHELIN AIR SERVICES du 5 juillet 2012 au 30 juin 2017.

Madame F Z a perçu en juillet 2017 une indemnité de licenciement d’un montant de 10.277,23 euros, en avril 2018 une indemnité de licenciement d’un montant de 13.030,77 euros, soit la somme totale de 23.308 euros.

Selon une attestation des parents de l’intimée en date du 23 septembre 2018, ceux-ci hébergent à titre gratuit Madame F Z.

Après son licenciement, Madame F Z a bénéficié d’allocations versées par Pôle Emploi. Elle a été admise au bénéfice du RSA à compter de septembre 2019.

S’agissant des conséquences du licenciement nul, la cour estime que le premier juge a fait une exacte appréciation des montants de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité compensatrice de préavis qui sont dus à Madame F Z. La décision déférée sera confirmée sur ces points.

S’agissant du préjudice subi par Madame F Z, âgée de 33 ans au moment du licenciement (37 ans désormais), lié à une perte d’emploi qualifiée de licenciement nul et intervenue dans les conditions précitées, en relation avec des manquements graves de l’employeur à ses obligations, notamment en matière de harcèlement et de discrimination, celui-ci est particulièrement lourd.

Outre la perte d’un emploi stable de pilote de ligne, valorisant socialement et très favorablement rémunéré, qui correspondait également aux aspirations et passions de l’intimée, Madame F Z a perdu sa licence de vol dont l’obtention avait nécessité un investissement financier important, mais également des perspectives d’emploi. Il n’est pas démontré que Madame F Z ne soit pas en mesure dans l’avenir de retrouver un emploi rémunérateur, dans le secteur aérien ou dans un autre secteur, compte tenu de ses qualités, diplômes, compétences et expériences. Toutefois, ses chances de pouvoir exercer à nouveau le métier de pilote, notamment dans le transport public de passagers, sont considérablement réduites compte tenu des problèmes médicaux dont elle a souffert en relation avec les faits de harcèlement et de discrimination, et ce vu la rigueur des contrôles actuels sur les antécédents médicaux, particulièrement s’agissant de la santé mentale ou psychique, des aspirants ou candidats au métier de pilote d’avion.

Compte tenu des éléments d’appréciation dont la cour dispose, une somme de 400.000 euros sera allouée, à titre de dommages-intérêts, à Madame F Z au titre de la réparation de l’ensemble des préjudices résultant pour la salariée d’un licenciement nul dans les circonstances précitées, et ce sans qu’il y ait lieu, comme l’a fait le conseil de prud’hommes, de différencier préjudice pour rupture abusive du contrat de travail, préjudice pour perte de licence et perte de

chance ou incidence professionnelle. Le jugement sera réformé de ces chefs.

— Sur la convention de forfait, les heures supplémentaires et le travail dissimulé -

Le premier juge a dit que Madame F Z ne pouvait être soumise à une convention de forfait en jours sur l’année et a condamné la SAS MICHELIN AIR SERVICES à lui payer la somme de 33.960 euros en réparation du préjudice pour travail dissimulé, en relevant que le système de forfait jours mis en place par l’employeur n’est pas légal et qu’il a pénalisé la salariée en ne lui permettant pas de percevoir les heures supplémentaires prévues par le code de l’aviation civile.

Madame F Z conclut à la confirmation de la décision déférée sur ce point. Elle relève que la société MAS a appliqué le système du forfait jours tel qu’il existe dans le code du travail alors qu’aucun accord collectif ne l’y autorise, alors même que le code de l’aviation civile prévoit une comptabilisation en heures, soit sur une période mensuelle, soit sur une période annuelle. Elle affirme qu’avec le système mis en place par la société MAS (comptabilisation en jours à effectuer sur l’année), elle n’a tout simplement jamais perçu la moindre heure supplémentaire, alors qu’elle travaillait régulièrement plus de 35 heures par semaine. Elle fait valoir que non seulement les heures de vol faisaient l’objet d’un décompte approximatif, mais de nombreuses tâches annexes générant un important surcroît de travail lui avaient été imposées , sans que ces dernières ne fassent l’objet du moindre décompte, encore moins d’une surveillance pour déterminer si sa charge de travail restait raisonnable. Elle expose que la société MICHELIN AIR SERVICES ne pouvant ignorer qu’aucune convention de forfait ne peut être mise en place si un accord collectif ne le prévoit pas, ni qu’il est impératif de décompter le temps de travail, le système mis en place, en dehors de tout cadre légal et conventionnel, démontre à l’évidence le caractère intentionnel. Elle fait valoir que la société MAS a ainsi appliqué une convention de forfait manifestement nulle, sans aucun décompte du temps de travail qu’elle effectuait au sol, alors même qu’elle lui avait confié la responsabilité du projet de déménagement des infrastructures qu’elle avait menée pendant plus d’un an, sans qu’aucune heure supplémentaire ne lui soit rémunérée bien qu’elle soit fréquemment amenée à dépasser la durée légale de travail.

La SAS MICHELIN AIR SERVICES conclut à l’infirmation du jugement sur ce point.

Elle fait valoir que la salariée démontre elle-même qu’elle n’a pas accompli d’heures supplémentaires et d’ailleurs n’en revendique aucune, prétendant seulement qu’elle n’a pas eu la possibilité d’en accomplir du fait de l’irrégularité de la convention de forfait jours, ce qui n’a rien à voir avec l’omission intentionnelle de déclaration d’heures de travail.

L’appelante soutient que l’indemnité prévue par l’article L. 8223-1 du code du travail n’est possible que dans les cas précis de l’article L. 8221-3 et de l’article L. 8221-5 qui ne correspondent en rien à celui de Madame Z. Elle indique que c’est seulement lorsque le bulletin de paie mentionne volontairement un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli que la pénalité est encourue, que l’employeur démontre que Madame Z comme d’ailleurs ses collègues ne travaillaient qu’environ la moitié du temps maximal prévu par la réglementation aérienne qui elle-même prévoit un temps de travail de la moitié de celle de la durée légale du travail en France.

Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail : 'En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.'.

Le salarié doit étayer sa demande de paiement d’heures supplémentaires par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. Pour autant, la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties. Le juge ne peut donc pas se fonder sur l’insuffisance des preuves apportées par le salarié pour rejeter sa demande, mais doit examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés et que l’employeur est tenu de lui fournir. Le juge du fond ayant constaté l’existence d’heures supplémentaires en évalue souverainement l’importance et

fixe les créances salariales s’y rapportant après avoir apprécié et analysé l’ensemble des éléments de fait et sans être tenu de préciser le détail du calcul appliqué. Il ne peut pas substituer au paiement des heures supplémentaires une condamnation à des dommages-intérêts.

La mise en place de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l’année est subordonnée à la conclusion d’un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, de branche, qui détermine : – les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention de forfait ; – le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait ; – les caractéristiques principales de ces conventions ; – s’il autorise la conclusion de conventions de forfait en jours, des clauses supplémentaires en matière de suivi de la charge de travail des salariés ; – s’il est postérieur au 8 août 2016, la période de référence du forfait, c’est-à-dire une période de douze mois consécutifs correspondant à l’année civile ou à une autre période, ainsi que les conditions de prise en compte des absences, des arrivées et des départs en cours de période pour la rémunération des salariés (article L. 3121-53 et suivants du code du travail). Cette mise en place nécessite également la conclusion d’une convention individuelle de forfait, laquelle requiert l’accord du salarié et doit être passée par écrit.

En cas de litige, il incombe à celui invoquant une convention de forfait d’en apporter la preuve.

Un forfait annuel, en heures ou en jours, appliqué sans accord collectif le prévoyant ou sans convention individuelle n’est pas valable, ce qui entraîne l’application du régime des heures supplémentaires dans son intégralité. En cas d’invalidité d’une convention de forfait, le droit commun des heures supplémentaires s’applique et le salarié doit étayer sa demande de rappel de salaire pour ces heures, faute de quoi elle doit être rejetée.

Aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail : 'Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.'.

Le travail dissimulé suppose un élément intentionnel de l’employeur. Les juges du fond apprécient souverainement l’existence de l’intention de l’employeur.

La dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée, par exemple, que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli. Le caractère intentionnel du délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié ne peut se déduire du seul recours à un contrat inapproprié ni de la seule conscience des difficultés en résultant ni de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

Le délit de travail dissimulé peut être constitué si l’employeur applique à un salarié le système du forfait jours sans accord collectif le prévoyant ou sans conclure de convention individuelle, dès lors que l’existence d’heures supplémentaires est avérée.

En cas de rupture de la relation de travail, il résulte des dispositions de l’article L. 8223-1 du code du travail que le salarié dont l’employeur a volontairement dissimulé une partie du temps de travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, nonobstant de vagues références à la pratique ou aux usages du groupe ou de la Manufacture MICHELIN, la SAS MICHELIN AIR SERVICES ne justifie en rien de l’existence, encore moins du contenu, d’un accord collectif lui permettant de conclure avec Madame F Z une convention individuelle de forfait jours sur l’année, telle qu’elle résulte du contrat de travail mentionnant un forfait annuel de 212 jours de travail effectif.

Le contrat de travail signé par Madame F Z ne fait d’ailleurs référence à aucun accord collectif ou convention collective.

Du fait de son invalidité, le système de forfait jours sur l’année mentionné dans le contrat de travail est donc inopposable à Madame F Z.

Pour justifier des horaires effectivement réalisés par Madame F Z, la SAS MICHELIN AIR SERVICES produit un planning hebdomadaire (semaine du 27 avril au 3 mai 2015) et des tableaux mentionnant les heures de vol effectuées par la salariée pendant les années 2014, 2015, 2016 et 2017. Ces décomptes font apparaître le nombre d’heures de travail effectuées chaque mois et chaque année (412 heures en 2014 ; 350 heures en 2015 ; 88 heures en 2016 ; 0 en 2017) mais seulement en terme de vol et pas toutes les heures de travail effectif effectuées de façon hebdomadaire ou quotidienne.

Reste que les pièces produites par l’employeur ne font pas apparaître un dépassement de la durée légale du travail au regard des dispositions combinées du code de l’aviation civile et du code du travail, et ce alors que Madame F Z ne présente aucune réclamation précise et argumentée en matière d’heures supplémentaires.

S’agissant du règlement des heures supplémentaires, si la charge de la preuve des heures de travail qu’elle a effectuées ne repose pas sur la seule salariée et s’il incombe à l’employeur de justifier les horaires réalisés, il appartient cependant en l’espèce à Madame F Z de fournir préalablement des éléments de nature à étayer une demande d’heures supplémentaires, ou du moins son affirmation selon laquelle elle a nécessairement effectué des heures supplémentaires.

Tel n’est pas le cas en l’espèce puisque Madame F Z ne produit aucun élément d’appréciation en la matière, s’en tenant à la critique des documents de nature à justifier les horaires effectivement réalisés que l’employeur verse aux débats, au fait qu’elle a nécessairement subi un préjudice et que la SAS MICHELIN AIR SERVICES, qui ne pouvait ignorer la nullité de la convention de forfait, est redevable de l’indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire prévue par l’article L. 8223-1 du code du travail au titre du travail dissimulé.

En l’absence de production du moindre document comportant des éléments vérifiables quant aux heures de travail effectuées, Madame F Z ne permet pas à l’employeur d’apporter une réponse et ses seules affirmations ne sont pas de nature à étayer ses prétentions quant à l’exécution d’heures supplémentaires.

Le caractère intentionnel du délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié ne peut se déduire du recours par la SAS MICHELIN AIR SERVICES à une convention de forfait sans accord collectif le permettant, ni de la conscience probable par l’employeur des difficultés en résultant, ni de l’absence au sein de l’entreprise d’un système fiable de comptabilisation de la totalité des heures de travail effectuées par les pilotes en général, et par l’intimée en particulier, et ce alors qu’en l’espèce l’existence d’heures supplémentaires n’est pas avérée.

En conséquence, Madame F Z sera déboutée de ses demandes à ce titre et le jugement sera infirmé en ce que la SAS MICHELIN AIR SERVICES a été condamnée à lui payer la somme de 33.960 euros en réparation du préjudice pour travail dissimulé.

— Sur les sommes dues à Pôle Emploi -

Compte tenu que le licenciement nul est intervenu dans une entreprise comptant plus de 10 salariés et qu’il a été prononcé à l’encontre d’une salariée ayant plus de deux ans d’ancienneté, il y a lieu, par application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, de fixer la créance de POLE EMPLOI au titre des indemnités chômage versées à dans la limite de six mois à compter de son licenciement.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

— Sur les sommes déjà versées -

L’obligation de rembourser les sommes versées en vertu de la décision de première instance résulte de plein droit de la réformation de ladite décision, sans que la cour doive effectuer des calculs en la matière puisque peu importe que la preuve des versements en exécution du premier jugement soit ou non rapportée.

— Sur les dépens et frais irrépétibles -

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance. Y ajoutant, la SAS MICHELIN AIR SERVICES, qui succombe au principal en son recours, sera condamnée à verser à Madame F Z une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

— Réformant, dit que le licenciement de Madame F Z est nul ;

— Infirme le jugement en ce que la SAS MICHELIN AIR SERVICES a été condamnée à verser à Madame F Z les sommes suivantes comme suite à la rupture abusive du contrat de travail : – 56.600 euros en réparation de son préjudice pour rupture abusive du contrat de travail, – 100.000 euros en réparation de sa perte de licence subie du fait des agissements fautifs de son employeur, – 300.000 euros en réparation de sa perte de chance d’exercer son métier de pilote de ligne et des incidences sur sa carrière complète du fait de la perte de sa licence, et, statuant à nouveau de ces chefs, condamne la SAS MICHELIN AIR SERVICES à payer Madame F Z la somme globale de 400.000 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation de l’ensemble des préjudices résultant pour la salariée d’un licenciement nul ;

— Infirme le jugement en ce que la SAS MICHELIN AIR SERVICES a été condamnée à verser à Madame F Z la somme de 33.960 euros en réparation du préjudice pour travail dissimulé et, statuant à nouveau de ce chef, déboute Madame F Z de ses demandes en matière d’heures supplémentaires et de travail dissimulé ;

— Réformant, condamne la SAS MICHELIN AIR SERVICES à payer Madame F Z la somme de 20.000 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice moral subi en relation avec les faits de harcèlement, sexuel et moral, imputables à l’employeur ;

— Réformant, condamne la SAS MICHELIN AIR SERVICES à payer Madame F Z la somme de 10.000 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi du fait des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité ;

— Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires ;

— Y ajoutant, condamne la SAS MICHELIN AIR SERVICES à verser à Madame F Z une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure en cause d’appel ;

— Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

— Condamne la SAS MICHELIN AIR SERVICES aux dépens d’appel.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le président,

E. BOUDIER C. RUIN

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Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 26 mai 2020, n° 19/00744