Tribunal de grande instance de Paris, 9e chambre 1re section, 5 juillet 2017, n° 14/00009

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 9e ch. 1re sect., 5 juill. 2017, n° 14/00009
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 14/00009

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S (footnote: 1)

9e chambre

1re section

N° RG : 14/00009

N° MINUTE :

Assignation du :

09 Décembre 2013

JUGEMENT

rendu le 05 Juillet 2017

DEMANDERESSE

Madame Y N O B

[…]

[…]

représentée par Maître Arnaud MÉTAYER-MATHIEU de la SELARL DILLENSCHNEIDER FAVARO & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #A0866

DÉFENDEURS

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD) venant aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE ILE DE FRANCE (CIF IDF)

[…]

[…]

représentée par Maître A M de la SELARL A M ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0663

S.C.P. I-K-L

[…]

[…]

Maître H I

[…]

[…]

représentés par Maître Valérie TOUTAIN de HAUTECLOCQUE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0848, plaidant par Maître Delphine DURANCEAU, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

COMPOSITION DU TRIBUNAL

[…], Vice-Présidente

Vincent BRAUD, Vice-Président

Véronique PITE, Vice-Présidente, ayant fait rapport à l’audience

assistés de Marie BOUNAIX, Greffier

DÉBATS

A l’audience du 15 Mai 2017 tenue en audience publique collégiale, avis a été donné aux conseils des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire

En premier ressort

Madame Y B confiait à la société de conseil patrimonial PLS, dirigée en fait par monsieur C D, la mission de lui proposer un investissement immobilier locatif.

Ce faisant, son mandataire, qui travaillait de concert avec monsieur E X, salarié de la société PGL dont monsieur C D était gérant de droit, lui proposait d’investir dans un contrat de construction de maisons individuelles de rapport, financées au moyen d’un prêt, et mises en location auprès d’une agence partenaire, en réalité la même société PLS, le paiement des loyers étant garanti par le fonds géré par l’association « Location sérénité », abondé par les bailleurs.

Par acte supportant la date, selon l’instrumentum, du 1er septembre 2007 ou du 10 décembre 2007, elle souscrivait un contrat de construction de maisons individuelles avec fourniture de plan auprès de la société par actions simplifiée Maisons de la côte Atlantique, le constructeur, pour l’édification de 2 maisons sur le lot n°13 du lotissement « domaine de Martine » à saint Magne de Castillon, moyennant un prix de 173.771 euros pour chaque maison, sous condition suspensive de l’achat du terrain, de l’octroi du permis de construire et de l’obtention du prêt immobilier, dans un terme d’un an.

Selon instrumentum daté du 5 septembre 2007, elle signait une promesse de vente du terrain à bâtir, contre un prix de 47.000 euros, sous condition suspensive de l’octroi d’un prêt immobilier au taux maximal de 5,5% l’an dans les 60 jours.

A cette occasion, la société Européenne de crédit et d’investissement (ECI), dont monsieur F G était gérant de fait, proposait son dossier de candidature à un prêt auprès de la société anonyme Crédit immobilier de France Ile de France, devenue la société anonyme Crédit immobilier de France développement.

Par offre du 17 novembre 2008, acceptée le 10 décembre suivant, la société anonyme Crédit immobilier de France Ile de France lui consentait un crédit immobilier portant sur un capital de 393.525 euros, d’une durée maximale d’amortissement de 396 mois, faisant suite à une période d’anticipation de 36 mois au plus, pour financer la construction d’une maison individuelle à réaliser par la société par actions simplifiée Maisons de la côte Atlantique, moyennant un taux nominal initial de 5,80% l’an, révisable dès le 121ème mois sur la base de l’Euribor à 3 mois majoré de 1,60 points. L’échéance mensuelle s’élevait à la somme de 2.449,98 euros, prime d’assurance comprise.

L’acte authentique de vente du terrain était conclu le 5 février 2009, par devant maître H I, membre de la société civile professionnelle H I, J K et C L. L’acte de prêt était réitéré à la même date.

Les travaux de construction étaient achevés le 1er octobre 2009.

Parallèlement, en 2007, madame Y B souscrivait :

— un contrat de construction d’une maison individuelle sur le lot n°10 du lotissement « le hameau des vergers » à saint Maixant, financé, comme le terrain la supportant, par un prêt portant échéances de 1.240 euros par mois, conclu avec la banque Crédit agricole, dont l’acte authentique d’acquisition du terrain était établi le 20 juin 2008 par maître H I ;

— un contrat en vue de la construction d’une maison individuelle sur le lot n°10 du lotissement « le chêne vert » à Z, financé, ainsi que le terrain la supportant, par un prêt du 29 mai 2008 souscrit auprès de la société anonyme Crédit foncier de France, portant échéance de 1.791euros par mois, dont l’acte authentique d’acquisition du terrain était aussi établi, le 24 juin 2008, par devant maître H I.

Se plaignant des malfaçons et non façons affectant les maisons sises à saint Magne de Castillon, par exploits des 10 et 11 janvier 2011, madame Y B assignait la société par actions simplifiée Maisons de la côte Atlantique et d’autres devant le juge des référés près le tribunal de grande instance de Libourne, aux fins d’expertise, laquelle était ordonnée le 10 mars suivant, et étendue le 12 mai suivant à la société anonyme Crédit immobilier de France. Par ailleurs, le juge des référés, dont l’ordonnance était confirmée par arrêt du 13 septembre 2012 de la cour d’appel de Bordeaux, suspendait l’exécution du contrat de prêt jusqu’à l’issue du litige en application de l’article L.312-9 du code de la consommation.

Suite au dépôt du rapport le 19 septembre 2012, qui donnait avis de travaux de reprise à concurrence de 268.579 euros, madame Y B assignait le constructeur devant le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Par ailleurs, elle poursuivait la responsabilité, devant cette même juridiction, de maître H I et la société civile professionnelle H I, J K et C L, au titre de ces 3 opérations d’investissement, leur reprochant de n’avoir pas vérifié l’existence d’un mandat signé entre elle et les sociétés PLS et ECI, d’avoir procédé sans contrôle au versement de commissions, de ne pas l’avoir mise en garde sur l’importance des commissions perçues par ces sociétés, de ne l’avoir pas informée sur les irrégularités affectant les ventes tenant notamment au fait que les promesses de vente étaient caduques au moment de leur réitération par actes authentiques, et d’avoir versé à un tiers des sommes prélevées sur les commissions de la société PLS. Elle sollicitait pour dommages-intérêts la somme de 58.926 euros, correspondant au montant des commissions versées aux sociétés PLS et ECI.

Aux termes du jugement du 20 septembre 2016, frappé d’appel, le tribunal de Bordeaux condamnait les défendeurs au paiement de 44.084 euros.

Enfin, par jugement du 11 juin 2015, le tribunal correctionnel de Bordeaux déclarait coupables :

— monsieur C D des délits d’escroquerie, de banqueroute, d’abus de biens sociaux, d’abus de confiance pour des faits advenus entre janvier 2008 et mai 2010, notamment 1) en employant des manœuvres frauduleuses pour avoir présenté des dossiers de demandes de prêt comportant des documents falsifiés, trompé divers établissements bancaires, dont le Crédit immobilier de France, pour les déterminer à accorder des prêts à différentes personnes, dont le nom est listé, cette liste ne comprenant pas madame Y B, 2) en employant des manœuvres frauduleuses en établissant des fausses factures au nom de la sarl ARCS, trompé les établissements bancaires suivants : la BNP Paribas et le Crédit foncier de France, pour les déterminer à débloquer des fonds pour le comptes de différentes personnes, dont le nom est listé, y apparaissant celui de madame Y B,

— monsieur E X et monsieur F G, ce dernier pour avoir déposé des dossiers de demande de prêt comportant des documents falsifiés auprès d’établissements bancaires dont le Crédit immobilier de France, en qualité de complices du délit d’escroquerie.

C’est dans ces conditions que madame Y B faisait citer devant ce tribunal la société anonyme Crédit immobilier de France Ile de France, maître H I et la société civile professionnelle H I, J K et C L, par actes des 9 et 17 décembre 2013.

Elle demande à ce tribunal, aux termes de ses dernières conclusions communiquées par la voie électronique et visées par le greffe le 20 mars 2017, de :

— à titre liminaire, dire que la demande de prêt, la déclaration de revenus et les bulletins de paie sont des faux, sinon ordonner une expertise « graphologique » de ces documents aux frais avancés de la banque,

— prononcer la nullité du prêt, avec restitution par la banque des sommes déjà versées et dispense pour madame Y B de remettre celles reçues, pour violation des règles régissant le démarchage financier, du fait de l’intermédiaire en opérations de banque,

— sinon, condamner la banque à une indemnité égale à la créance de restitution liée à la nullité du prêt,

— à défaut, la condamner à lui verser une indemnité de 237.499,08 euros,

— allouer à madame Y B les plus larges délais pour s’acquitter des sommes restant éventuellement dues,

— subsidiairement, si la responsabilité de la banque n’était pas retenue du fait de l’intermédiaire en opérations de banque, la condamner à lui verser une indemnité de 237.499,08 euros pour manquement à son devoir de mise en garde et d’information,

— subsidiairement à la demande de nullité, dire que la société anonyme Crédit immobilier de France développement est déchue de son droit aux intérêts, et la condamner à lui rembourser les sommes correspondant aux intérêts indument versés,

— enjoindre la banque, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard dès le prononcé du jugement, dont le tribunal conservera la faculté de liquidation, de lui communiquer l’historique des échéances de remboursement, distinguant capital et intérêts,

— dire que la société anonyme Crédit immobilier de France développement ne sera plus autorisée à percevoir pour l’avenir d’intérêts au titre de ce contrat,

— sinon, à défaut de voir prononcer la nullité du prêt, ordonner la reprise des relations contractuelles selon les stipulations d’origine et juger que les sommes correspondant aux échéances reportées produiront intérêts à un taux réduit,

— condamner maître H I et la société civile professionnelle H I, J K et C L solidairement à lui verser 465.238,51 euros en réparation de son préjudice financier, pour manquements à leur obligation de conseil, aux règles déontologiques de leur profession, et aux règles du code de la consommation,

— condamner la société anonyme Crédit immobilier de France développement à lui payer 20.000 euros en réparation de son préjudice moral,

— en tout état de cause, débouter la société anonyme Crédit immobilier de France développement de ses demandes reconventionnelles,

— condamner in solidum ses contradicteurs à lui verser, chacun, 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— les condamner aux dépens,

— ordonner l’exécution provisoire.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par la voie électronique et visées par le greffe le 3 avril 2017, la société anonyme Crédit immobilier de France développement demande au tribunal de :

— lui donner acte de son intervention volontaire aux lieu et place de la société anonyme Crédit immobilier de France Ile de France,

— débouter madame Y B de ses demandes notamment de nullité du prêt, de dommages-intérêts, et fondées sur les dispositions du code de la consommation afférentes au taux effectif global,

— dire que madame Y B sera tenue de régler l’intégralité des échéances reportées par l’ordonnance de référé du 12 mai 2011, dès la signification du jugement à intervenir,

— dire qu’elle sera tenue de reprendre l’exécution du prêt, dès le jugement à intervenir,

— reconventionnellement, fixer sa créance à la somme de 420.087,26 euros, augmentée des intérêts moratoires conventionnels dès le 27 février 2015, et au besoin, condamner solidairement madame Y B et les autres intervenants fautifs à la lui payer,

— au cas où le prêt serait annulé, condamner madame Y B à la restitution du capital sous déduction de ses règlements, en quittances et deniers, les garanties étant maintenues, et le jugement étant publié à la conservation des hypothèques,

— en tout état de cause, condamner madame Y B ou tout succombant à payer 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner à une amende civile de 10.000 euros au profit du Trésor public en application de l’article 32-1 du code de procédure civile,

— la condamner aux dépens, qui seront distraits au profit de maître A M.

Aux termes de leurs dernières conclusions communiquées par la voie électronique et visées par le greffe le 22 décembre 2016, maître H I et la société civile professionnelle H I, J K et C L demandent au tribunal de :

— débouter madame Y B ou toute partie de leurs prétentions dirigées contre eux,

— condamner madame Y B ou tout succombant à leur payer 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner madame Y B ou tout succombant aux dépens, qui seront distraits au profit de maître de Hauteclocque.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l’exposé du surplus de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 18 avril 2017.

EXPOSE DES MOTIFS :

Au préalable, il convient de donner acte à la société anonyme Crédit immobilier de France développement de son intervention volontaire en lieu et place de la société anonyme Crédit immobilier de France Ile de France, en application de l’article 325 du code de procédure civile.

I – sur la responsabilité de la banque du fait de l’intermédiaire en opérations de banque

Rappelant qu’aux termes de l’article L.519-1 du code monétaire et financier, l’intermédiaire en opérations de banque est toute personne mettant en relation, contre paiement et à titre de profession habituelle, les parties intéressées à une opération de banque, madame Y B expose que la société Européenne de crédit et d’investissement, dite ECI, via monsieur F G, lui a proposé de recourir au prêt offert par la société anonyme Crédit immobilier de France, ce que lui-même reconnaissait avec monsieur X lors de la procédure pénale, et que confirme la convention de courtage versée aux débats par la banque. Elle souligne au reste que cet intermédiaire n’était pas son mandataire, puisque la loi l’empêche, et qu’il doit nécessairement recevoir mandat d’un établissement de crédit aux fins, d’ailleurs, de pourvoir à des tâches matérielles, exclusives d’actes de représentation juridique.

Elle fait ensuite valoir que l’établissement de crédit est responsable des fautes commises par son mandataire, et ce, d’autant plus que le règlement n°97-02 du 21 février 1997 de l’Autorité de contrôle prudentiel l’oblige à se doter de dispositifs de contrôle de ses activités externalisées, dont font partie les opérations d’apport de crédit. Elle relève alors que la banque ne s’était pas inquiétée de l’étrangeté des associés, dont l’un jeune majeur, tous faisant partie de même famille, de celle d’une convention de courtage que ne signait pas le gérant de droit, la fille de monsieur F G, mais ce dernier, ou du respect des conditions exigées par les textes, dont la production d’un extrait du casier judiciaire, alors que l’intéressé était frappé d’une interdiction de gérer, ou celle d’une assurance de responsabilité civile, encore de ses compétences techniques, lui-même faisant aveu de ne rien connaître à la finance.

Madame Y B ajoute, au visa de l’article 1384 du code civil, pris en son 1er alinéa, que cette responsabilité du fait d’autrui ne suppose pas de faute du débiteur de la créance de dommages-intérêts, seule étant recherchée la faute d’autrui.

Rappelant qu’est un démarchage au sens du 7e aliéna de l’article L.341-1 du code monétaire et financier le fait de se rendre physiquement notamment à domicile ou sur le lieu de travail, quelle que soit la personne à l’origine de cette démarche, et que cette conception large n’est limitée que par les exceptions prévues à l’article L.341-2, si bien qu’importe peu qu’elle ait signé une convention avec la société Européenne de crédit et d’investissement pour rechercher un emprunt, et que ce démarchage peut porter sur des opérations de crédit telles que définies aux articles L.311-1 et L.311-2 du code monétaire et financier, elle énonce avoir été ainsi démarchée sur son lieu de travail et à son domicile par monsieur F G et monsieur E X pour voir réaliser l’entier projet, comprenant le prêt. Elle souligne alors que ce démarchage financier n’était pas conforme aux prescriptions légales, puisque d’une part, il fut effectué par une personne, soit un conseiller en investissement financier, non habilitée pour ce faire, l’article L.341-3 du code monétaire et financier lui interdisant le démarchage d’opérations de banque, puisque d’autre part, cette personne n’était pas enregistrée en cette qualité au fichier centralisé des autorités de contrôle, de troisième part, elle ne s’est jamais enquise de l’expérience et des besoins de l’investisseur, ni ne l’a informée utilement en ce qui concerne le prêt, enfin, elle ne lui a pas remis d’écrit informatif.

Madame Y B souligne encore que le démarchage a porté sur un produit, le crédit bancaire, dont le risque maximum n’était pas connu, dans la mesure où il était adossé à un taux variable exempt de plafond, ce qu’interdit l’article L.341-10 du code monétaire et financier. La violation des règles du démarchage étant pénalement sanctionnée, elle y voit pour conséquence nécessaire la nullité, erga omnes, et sans faute prouvée à l’encontre de la banque, du crédit, illicite, et contraire à l’ordre public, en application de l’article 6 du code civil, et ajoute, que celui-ci n’étant pas interdépendant de la vente, n’y avoir pas d’incidence sur cette dernière. Elle se prévaut toutefois de la faute de l’établissement de crédit, pour lui contester droit à la restitution de sa créance, sur le fondement du droit de la responsabilité ou par application de l’adage nemo auditur, en tant qu’elle défaillait à contrôler la société Européenne de crédit et d’investissement, qu’elle doit répondre des fautes de son intermédiaire en opérations de banque, et de son mandataire en sa qualité de mandant du démarcheur, et que de surcroît, elle mit en place un crédit qu’elle savait irrégulier.

Enfin, madame Y B estime que la banque est responsable, du fait d’autrui, y compris sur le fondement de l’alinéa 5 de l’article 1384 du code civil, des faux commis par son intermédiaire en opérations de banque, dont la réalité est attestée par le jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux. Elle précise ainsi n’avoir renseigné ni signé la demande de prêt ou l’accord de mise à disposition des fonds, ajoute que les documents financiers joints à son dossier ont également été falsifiés, ce dont ressortaient au reste diverses incohérences, d’autant plus aisées de déceler qu’elle-même n’a jamais cherché à rien cacher. Elle précise que résultait de ces faux l’octroi du crédit, manifestement excessif, d’autant qu’elle était déjà endettée, et que la totalité des échéances dépassait du double son salaire, si bien que sa perte de chance de n’avoir pas contracté l’emprunt litigieux est en réalité de 100%.

En réplique, la société anonyme Crédit immobilier de France développement, qui admet avoir reçu d’autres documents au soutien du dossier de crédit que ceux produits à l’instance par la demanderesse, assure n’avoir pas connu, avant cette procédure, la possibilité qu’ils fussent falsifiés. Elle explique que l’escroquerie, dont les banques furent les seules victimes, tenait en l’établissement de faux documents pour l’octroi du crédit, dont le montant était augmenté de la surévaluation du coût des constructions et de travaux réservés fictifs donnant lieu à de fausses factures, sur la base desquelles étaient sollicités les appels de fonds. Elle souligne alors que seul monsieur C D, et non monsieur F G, avait été reconnu coupable de faux en écritures par le tribunal correctionnel de Bordeaux, et que les acquéreurs, dont madame Y B, avaient été inquiétés durant l’enquête, sans être poursuivis à raison de la prescription, si bien au reste que l’action civile de cette dernière était déclarée irrecevable, sauf pour l’indemnisation du délit de fausse croyance d’avoir été assurée contre les loyers impayés par une assurance, évaluée à 1.500 euros.

Sur la demande d’une expertise en écritures, elle observe, outre que madame Y B n’a pas sollicité dans le volet pénal de complément d’enquête à ce sujet, que celle apposée sur la demande de prêt est similaire à celle dont sont revêtus les autres documents du dossier, si bien que cette vérification n’est pas pertinente.

Sur le démarchage prétendument illicite, qui tient d’ailleurs en une prise de contact non sollicitée, ici, non avérée, elle dément avoir eu contact avec monsieur C D, ou monsieur E X, qui contrôlaient l’entière opération avant la demande de financement, et conteste, au reste, avoir fait démarcher madame Y B par quiconque. Elle rappelle qu’au contraire l’intéressée a conclu 3 mêmes opérations d’investissement locatif par l’intermédiaire des mêmes, financées par des établissements de crédit différents, et que les sociétés PLS ou PGL étaient, dans les divers montages que la justice eut à connaître, mandatées pour constituer les dossiers de financement. Elle note que d’ailleurs la convention la liant à monsieur F G le constituait intermédiaire en opérations de banque mais excluait expressément tout démarchage, et qu’ainsi, agissant pour le compte des emprunteurs, il présentait les mêmes projets aux banques concurrentes. Elle dément ainsi avoir été le mandant du démarcheur.

A propos de sa défaillance supposée dans le contrôle de la société Européenne de crédit et d’investissement, elle fait valoir que madame Y B fut en réalité démarchée par monsieur C D et monsieur E X, et qu’en plus son dommage tient en l’acquisition d’un bien immobilier déficient, et non dans l’octroi du crédit le finançant. Elle dispute aussi avoir engagé sa responsabilité en ayant mis en place, à escient, un prêt irrégulier, au reste, à le supposer tel, non immoral, mais illicite, en sorte que l’adage nemo auditur ne trouve pas à s’appliquer, puisque ce prêt est au contraire régulier. Elle conteste au demeurant que puisse être indemnisé un préjudice seulement éventuel, masqué sous une perte de chance de ne pas emprunter, dont le montant est d’ailleurs estimé à l’équivalent de l’entier capital emprunté, alors que madame Y B conserve la propriété acquise, et ne lui a quasiment rien remboursé.

Aux termes du 1er alinéa de l’article 1384 du code civil, on est responsable non seulement du dommage que l’on cause, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre. L’alinéa 5 ajoute que les commettants sont responsables du dommage causé par leurs préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.

Aux termes de l’article L.519-1 du code monétaire et financier, dans sa version applicable avant le 1er novembre 2009, il est dit qu'« est intermédiaire en opérations de banque toute personne qui, à titre de profession habituelle, met en rapport les parties intéressées à la conclusion d’une opération de banque, sans se porter ducroire ».

L’article L.519-2 ajoute que « l’activité d’intermédiaire en opérations de banque ne peut s’exercer qu’entre deux personnes dont l’une au moins est un établissement de crédit. L’intermédiaire en opérations de banque agit en vertu d’un mandat délivré par cet établissement. Ce mandat mentionne la nature et les conditions des opérations que l’intermédiaire est habilité à accomplir. »

L’article L.519-3 précise encore que « lorsque les intermédiaires en opérations de banque se livrent à une activité de démarchage au sens de l’article L.341-1, ils sont soumis aux dispositions des articles L.341-4 à L.341-17 et L.353-1 à L.353-5. »

L’article L.341-1 du même code, dans sa version issue de l’ordonnance du 6 juin 2005, dit que « constitue un acte de démarchage bancaire ou financier toute prise de contact non sollicitée, par quelque moyen que ce soit, avec une personne physique ou une personne morale déterminée, en vue d’obtenir, de sa part, un accord sur » notamment :

« 2° La réalisation par une des personnes mentionnées au 1° de l’article L. 341-3 d’une opération de banque ou d’une opération connexe définies aux articles L. 311-1 et L. 311-2 ;

3° La fourniture par une des personnes mentionnées au 1° de l’article L. 341-3 d’un service d’investissement ou d’un service connexe définis aux articles L. 321-1 et L. 321-2 ; »

« 5°La fourniture par une des personnes mentionnées au 3° de l’article L. 341-3 d’une prestation de conseil en investissement prévu au I de l’article L. 541-1. »

« Constitue également un acte de démarchage bancaire ou financier, quelle que soit la personne à l’initiative de la démarche, le fait de se rendre physiquement au domicile des personnes, sur leur lieu de travail ou dans les lieux non destinés à la commercialisation de produits, instruments et services financiers, en vue des mêmes fins ».

Toutefois, l’article L.341-3 prévoit que « ne peuvent recourir ou se livrer à l’activité de démarchage bancaire ou financier, dans la limite des dispositions particulières qui les régissent, que les conseillers en investissements financiers définis à l’article L. 541-1, exclusivement pour les opérations prévues au 5° de l’article L. 341-1. »

En l’occurrence, la société anonyme Crédit immobilier de France Ile de France confiait à la société Européenne de crédit et d’investissement un mandat d’intermédiaire en opérations de banque du 9 septembre 2008, au sens des articles 1984 et suivants du code civil et des articles L.519-1 et suivants du code monétaire et financier, l’autorisant à lui présenter une clientèle de personnes physiques ou morales (SCI à caractère familial uniquement) en vue de l’octroi de prêts immobiliers moyennant rémunération, et à la mettre en rapport avec cette clientèle au moyen d’un document de demande de prêt fourni par le mandant, rempli et signé par les emprunteurs sous la responsabilité du mandataire, sans se porter ducroire. Il y est stipulé que le mandataire ne peut représenter le mandant à quelque titre que ce soit, négocier ou conclure les prêts pour le compte du mandant, établir ou adresser les offres ou se voir confier des fonds. Il est précisé que le mandataire ne peut en aucun cas recourir pour le compte du mandant à une quelconque activité de démarchage bancaire et financier telle que définie aux articles L.341-1 et suivants du code monétaire et financier.

Par ailleurs, monsieur F G reconnaissait devant les services de police, devant le tribunal correctionnel et par attestation du 9 octobre 2015 versée aux débats avoir conclu avec les banques, et notamment celle-ci, de telles conventions, lui ouvrant droit à une rémunération égale à 1% des capitaux empruntés, qu’il qualifie de commissions de courtage. Il précisait toutefois que cette convention n’était signée qu’en vue de la perception de cette rémunération, puisque à l’origine, il était le « courtier » de la société en conseil patrimonial PLS, avec laquelle il entretenait des liens de fait : en recevant l’ordre de contacter les clients, déjà listés, de récupérer auprès d’eux les documents financiers utiles à la demande de prêt, ensuite adressés en copie à monsieur C D, et renvoyés par celui-ci avec une notice explicative servant à la négociation menée auprès des banques. Il indiquait communiquer ces pièces à ces établissements, avec lesquels il discutait du meilleur taux possible. Il précisait recevoir facturation de ses commissions, dites frais de courtage client, de la société PLS, qui les lui rétrocédait plus ou moins.

Ce faisant, le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 20 septembre 2016, intervenu dans le litige opposant madame Y B au notaire défendeur et à sa structure d’exercice, énonce, ce fait étant constant, que lors de chaque transaction, dont celle en la cause, était prévue une commission au profit de la société PLS.

Au reste, les statuts de la société Européenne de crédit et d’investissement fixent son objet social comme étant « le conseil, l’assistance et la formation en matière d’organisation et de gestion administrative, financière, technique ,et commerciale auprès de toutes entreprises, collectivités et associations et tous particuliers », lequel corrobore le lien privilégié d’emblée avec les investisseurs, et non les établissements de crédit.

Aussi tant le mandat d’intermédiaire en opérations de banque liant monsieur F G à la société anonyme Crédit immobilier de France Ile de France que l’entremise conclue par le même au bénéfice de madame Y B ne font-ils de doute. Cette dernière est au reste licite, contrairement à ce que la demanderesse suggère, les contrats existeraient-ils dans le même temps.

Ensuite, certes, il est vrai que madame Y B établit par attestation du 24 avril 2013 d’un témoin, confirmant le modus operanti décrit par tous les intéressés lors de la procédure pénale, qu’elle fut démarchée sur son lieu de travail par monsieur E X, pour ce qui concerne la vente du « package terrain maison et financement ».

Pour autant, outre qu’elle ne démontre pas que la société Européenne de crédit et d’investissement, dont aucun lien de droit n’est démontré avec la société PLG, dont monsieur E X était salarié, eut procédé à son égard à un démarchage à son domicile, ou sur son lieu de travail, il demeure que c’est vainement qu’elle invoque les dispositions du 1er alinéa de l’article 1384 du code civil, qui régit la situation de fait de personnes devant répondre du fait fautif d’autrui, alors que la société anonyme Crédit immobilier de France Ile de France et la société Européenne de crédit et d’investissement étaient liées par contrat de mandat au sens de l’article L.519-2 précité, et ne se retrouvaient pas dans une situation de fait où l’un devait répondre de l’autre.

De surcroît, ce mandat excluait toute possibilité pour le mandataire de procéder à un démarchage financier.

Or, la société anonyme Crédit immobilier de France Ile de France, en sa qualité de mandant, ne peut être tenue pour responsable envers le tiers contractant des faits dolosifs hors mandat commis par le mandataire, constitutifs d’une infraction pénale, dont rien n’indique qu’elle en eut été avisée, qu’a fortiori elle les eût acceptés, et qui échappent nécessairement aux règles de la représentation. Au contraire de ce qu’affirme madame Y B, il n’existe aucune responsabilité de plein droit du mandant du fait du mandataire, à raison de la fiction posée par la représentation, et il ne peut jamais s’agir, d’une manière générale, en ce champ, d’une responsabilité du fait d’autrui, ni d’origine contractuelle ni délictuelle, de surcroît fondée sur les dispositions du 5e alinéa de l’article 1384 du code civil, le mandant n’étant pas un commettant, faute de lien de subordination le liant au mandataire.

Dès lors, même s’il est vrai, contrairement à ce que dit la banque, que la qualification de démarchage n’est pas exclue à raison de la personne à l’initiative de la démarche, qui pourrait ici être madame Y B, du moment que le démarcheur se rend physiquement au domicile des personnes, sur leur lieu de travail ou dans des lieux non destinés à la commercialisation de produits, instruments et services financiers, est inopérant l’argument tiré de l’illicéité de ce démarchage au regard des prescriptions légales posées par les articles L.341-1 et suivants du code monétaire et financier, en tant qu’il est reproché à la banque.

A fortiori, contrairement à ce qu’énonce madame Y B, cette irrégularité ne saurait emporter ipso facto la nullité du contrat de prêt, en application de l’article 6 du code civil, cette réglementation serait-elle d’ordre public.

Enfin, c’est inutilement qu’elle fait référence à l’article L.519-3-4 du code monétaire et financier, dans sa version issue de la loi du 22 octobre 2010, ou à l’article L.311-51 du code de la consommation, d’ailleurs concernant le seul champ du crédit de la consommation, issue de la loi du 1er juillet 2010, ces textes ne pouvant concerner le litige à raison de leur temporalité.

Pas plus, pour dire acquises les obligations particulières de contrôle de l’établissement de crédit, madame Y B ne saurait exciper du seul règlement n°97-02 du 21 février 1997 relatif au contrôle interne des établissements de crédit et des entreprises d’investissement de l’Autorité de contrôle prudentiel, applicable à la relation entre la société anonyme Crédit immobilier de France Ile de France et l’intermédiaire en opérations de banque, et qui fondent diverses obligations à la charge des banques, pour juguler la gestion du risque et permettre la continuité des opérations souscrites en cas de défaillance de l’intermédiaire, en sorte qu’elle ne peut en tirer argument pour fonder les causes d’une nullité du contrat conclu entre la banque dispensatrice de crédit et l’emprunteur, ou une responsabilité de la banque, alors que l’intermédiaire en opérations de banque n’a pas défailli dans l’exécution du projet envisagé, et que la banque a finalisé le prêt, accepté par madame Y B.

Elle ne peut non plus exciper, pour y trouver le fondement légal de l’obligation de contrôle des interdictions d’exercice dont pourrait être frappé son intermédiaire, des dispositions de l’article 71 de la loi du 24 janvier 1984, qui ont été abrogées par l’ordonnance du 6 mai 2005.

Au surplus, monsieur F G n’était pas le gérant de la société Européenne de crédit et d’investissement, si bien que l’interdiction de gérer le frappant n’était pas décelable par la défenderesse, ni davantage son défaut de compétence, rien ne suggérant qu’il aurait signé la convention de mandat avec la banque en lieu et place de la gérante, d’autant que la signature y portée ressemble mieux à celle de cette dernière, apposée sur les statuts de la société. Pas plus n’est pertinent l’argument tiré de l’étrangeté d’une société familiale, ou de la jeunesse des associés, d’ailleurs relative et subjective.

Non plus, elle ne peut pas arguer des prescriptions relatives au contrôle des démarcheurs et en imputer à faute à la banque le défaut, puisque la société Européenne de crédit et d’investissement n’était pas démarcheur pour son compte.

Enfin, rien dans le dossier ne vient corroborer que la société anonyme Crédit immobilier de France Ile de France ait connu l’irrégularité du prêt, à raison de la commission de faux, au temps de son octroi, et cet aspect est au contraire contredit par la teneur du jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux du 11 juin 2015, puisque la banque était reçue en sa constitution de partie civile.

Parce qu’encore il est constant que madame Y B a accepté l’offre de prêt de la défenderesse le 10 décembre 2008, la vérification de l’écriture portée sur la demande de prêt présentée à la banque par l’entremise de monsieur F G n’est pas utile, et les prétentions en ce sens de l’intéressée doivent être écartées en application de l’article 287 du code de procédure civile.

Aussi, faute d’un moyen de droit adéquat, et pour les motifs déjà évoqués, la nullité du contrat de prêt ne saurait être encourue. N’existant pas plus le principe d’une responsabilité de plein droit ou pour manquement de l’établissement de crédit du fait d’autrui, ou de son fait personnel faute d’un contrôle adéquat de l’intermédiaire, les demandes de madame Y B tendant à le voir condamner à des dommages-intérêts ne peuvent non plus prospérer.

II – sur la responsabilité de la banque pour manquements à ses devoirs de mise en garde et d’information

Madame Y B soutient que la banque, en sa qualité de dispensateur de crédit, a manqué d’une part, à son obligation d’information, à savoir se renseigner sur la situation de son client, et l’éclairer, de manière adaptée à son expérience, sur la nature, la portée et les risques particuliers de l’opération envisagée, d’autre part, à son devoir de mise en garde, sur le caractère excessif du crédit et les risques d’endettement en résultant. Soulignant sa qualité de profane, que ne démentent pas la souscription, 6 mois auparavant, de prêts de même nature, avec différé d’amortissement, pour des opérations similaires, que lui soutiraient les mêmes, ou le fait qu’elle n’ait pas déclaré ce précédent endettement, sur lequel personne ne l’interrogeait, elle relève la complexité de l’offre quant au principe et aux modalités de révision du taux, sur laquelle chacun restait taisant, en dépit de l’aspect spéculatif de cette variable et de la rentabilité hasardeuse de l’investissement. Elle observe qu’au reste, elle aurait dû être alertée tant sur la caducité des contrats de construction et de la promesse d’acquisition, que sur la défaillance de la condition suspensive insérée à cette dernière, au regard du taux, quand elle s’engagea dans le crédit. Elle souligne encore la discordance entre le coût de l’opération résultant des contrats immobiliers et celui, moindre, couvert par le crédit, alors qu’elle n’était pas en mesure, de surcroît, de financer l’apport personnel stipulé, qui ne fut jamais versé. Elle note également que la rentabilité annoncée était fantaisiste, ce dont la banque pouvait aisément se convaincre et l’en informer. Elle oppose enfin à la banque la fausseté des documents qui lui furent remis, dont elle n’est pas à l’origine, pour relever que même à considérer ces revenus, le crédit eût été excessif.

Par ailleurs, la demanderesse fait valoir les irrégularités des contrats de construction des maisons individuelles, au regard de l’article L.231-2 du code de la construction et de l’habitation, quant aux informations de fait et de droit sur le terrain destiné à recevoir la construction, à la possibilité pour le maître de l’ouvrage d’être assisté par un professionnel lors de la réception de l’ouvrage et quant à la description et au détail chiffré des travaux dont il se réserve l’exécution, pour conclure que la banque devait assurer ce contrôle, aux termes de l’article L.231-10 du même code, avant de faire offre, ce qu’elle ne fit pas.

Elle estime ainsi le montant de son préjudice à la perte nette qu’elle subit. Elle dément enfin avoir participé, comme le dit la banque, à l’escroquerie, dont elle fut la réelle victime, ce dont témoigne son endettement excessif au regard de l’actif reçu.

La société anonyme Crédit immobilier de France développement répond n’avoir pas défailli dans le respect des obligations relevant du devoir de mise en garde, madame Y B étant un emprunteur averti pour avoir souscrit avant le crédit litigieux, 2 autres emprunts, dans des conditions similaires, dont elle ne l’informait d’ailleurs pas. Au demeurant, elle note que le dossier de financement transmis faisait apparaître des revenus mensuels de 7.212 euros en 2008, un loyer mensuel de 529 euros et la prévision raisonnable d’un revenu foncier mensuel de 1.200 euros, si bien que n’existait aucun risque d’endettement, au regard de la mensualité de 2.449 euros. Elle souligne qu’encore madame Y B se montrait déloyale envers elle, ce qui exclut tout devoir de mise en garde, puisqu’elle ne lui déclarait pas son endettement. Elle remarque enfin que la procédure pénale révélait que certains emprunteurs tenaient un rôle actif dans l’escroquerie, en transmettant aux établissements financiers de fausses factures en vue de la délivrance de fonds, et que les manœuvres de monsieur C D consistaient à présenter différentes demandes de crédit dans différents établissements, dans le même trait de temps, ou à contrefaire les relevés de compte ou les bulletins de paie pour que soient évincées ou compensées de précédentes échéances de crédit, en sorte que la banque accepte le dossier de financement, qu’elle tiendrait pour unique, et conclut avoir été mise dans l’impossibilité manifeste et volontaire de connaître le taux d’endettement de l’intéressée. Elle précise enfin que les faux n’étaient pas apparents, ni matériellement, ni intellectuellement, si bien qu’elle n’avait de raison de se renseigner mieux.

Sur la complexité alléguée de l’offre de prêt, la société anonyme Crédit immobilier de France développement répond que nulle part n’est indiquée la fixité du taux d’intérêt, qu’au contraire, est exposée, notamment au moyen d’une notice, sa variabilité, simulations à l’appui, ce que madame Y B, investisseur d’habitude, et cadre d’une grande entreprise, pouvait appréhender. Elle ajoute qu’au reste existe une passerelle vers un taux fixe, qui n’a jamais été sollicitée.

Elle dispute ensuite avoir dû s’immiscer dans les affaires de sa cliente, pour la conseiller sur la rentabilité de son projet d’investissement, ou avoir eu l’obligation de la rencontrer. Elle rappelle encore que l’enquête pénale révélait que le coût des constructions avait été sciemment surévalué, par accord conclu entre les intermédiaires et les emprunteurs, et que des fausses factures de travaux étaient de même émises, pour convaincre les banques à distribuer des fonds qu’elles n’eussent autrement pas délivrés. Elle souligne encore que le contrat de construction de maisons individuelles qui lui fut remis, signé et paraphé par madame Y B, et ayant l’apparence d’une régularité formelle, était daté du 10 décembre 2007, en sorte qu’il n’était pas caduc quand l’offre a été émise et acceptée. Elle ajoute que d’ailleurs l’intéressée n’a jamais manifesté son intention de se dédire de l’opération et l’a au contraire poursuivie par acquisition du terrain, 2 mois après, et par instructions en vue du déblocage des fonds.

La société anonyme Crédit immobilier de France développement dispute encore la nécessité qu’aurait eue le prêt de couvrir le montant total des travaux réservés tels qu’envisagés, d’autant que l’emprunteur faisait un apport personnel de 12.162 euros, lequel n’avait pas à être retracé dans la comptabilité du notaire puisqu’il fut libéré progressivement, comme les sommes correspondant au coût des constructions, qui n’y sont pas plus, au regard de l’avancement du chantier. Elle ajoute qu’au reste, elle n’avait pas à l’interroger sur ses objectifs, puisqu’elle ne pouvait pas s’immiscer dans ses affaires et n’en était pas chargée.

Rappelant ensuite n’être tenue, aux termes des articles L.231-2 et L.231-10 du code de la construction et de l’habitation, qu’au contrôle formel de l’existence des mentions prévues au premier de ces textes, sans qu’elle ait à en apprécier la teneur technique, au regard de l’ensemble des actes qui lui sont remis, incluant en plus du contrat, la notice descriptive des constructions, la demande de permis de construire, ses annexes et le permis, elle conclut qu’y sont justement désigné le terrain, énoncé le droit de propriété, précisé l’assistance à laquelle peut prétendre le maître de l’ouvrage lors de la réception, et que si le détail chiffré n’était fait des travaux réservés concernant le raccordement de l’immeuble aux réseaux publics, dont les devis devaient être faits par les compagnies cessionnaires de la commune, cette irrégularité doit être mise à la charge du seul constructeur.

L’établissement bailleur de fonds doit éclairer l’emprunteur sur les caractéristiques du crédit qu’il consent, sans être tenu d’un devoir de conseil, sauf convention spécifique. Il ne saurait au demeurant s’immiscer dans les affaires de son client.

Par ailleurs, il résulte de l’article 1147 ancien du code civil que la banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti est tenu à son égard lors de la conclusion du contrat d’un devoir de mise en garde en considération de ses capacités financières et des risques d’un endettement excessif né de l’octroi du prêt. La déloyauté de l’emprunteur fait obstacle à l’exécution de ce devoir.

D’emblée, il convient de noter que l’article L.311-8 du code de la consommation, dans sa version issue de la loi du 1er juillet 2010, que madame Y B invoque, n’est pas applicable en la cause, à raison de son champ, et de sa date.

Ici, il est constant que n’a été conclu entre la société anonyme Crédit immobilier de France Ile de France et madame Y B aucune convention spécifique, sinon le contrat de prêt. Ce faisant, la banque, qui ne saurait s’immiscer dans les affaires de son client, n’avait pas à s’interroger sur l’opportunité ou la rentabilité de l’investissement, et pas plus sur l’éventuelle caducité des contrats de construction de maisons individuelles, d’ailleurs non apparente puisque l’exemplaire de la banque, signé de madame Y B, est daté du 10 décembre 2007, ou de la défaillance de la condition apposée à la promesse de vente du terrain, dans la mesure où, de manière visible, le candidat à l’emprunt entendait poursuivre l’opération, puisqu’il déposait une demande de crédit pour financer ces opérations, et où les droits qui s’induisent de ces termes sont à la libre disposition des parties. Pas plus la banque ne devait se mêler du défaut de couverture par le prêt du montant de l’opération, et n’avait pas plus à s’interroger sur le versement de l’apport personnel, qui est un événement par essence postérieur à la conclusion du contrat.

Encore, les caractéristiques du contrat sont stipulées, et madame Y B ne saurait arguer de la complexité de l’offre, au seul motif d’un « taux nominal fixe » suivi d’un taux d’intérêt variable, alors que les modalités de révision du taux, sa modulation, la possibilité d’un passage à un taux fixe sont précisées, qu’ainsi la première révision intervient dès le 121ème mois de l’émission de l’offre, qu’une notice, paraphée, lui était adressée sur les conditions et modalités de révision du taux d’intérêt, avec des exemples chiffrés, que ce taux est adossé à celui de l’Euribor à 3 mois publié par la Banque de France majoré d’une partie fixe, et qu’encore elle reçut le tableau d’amortissement du capital. Aussi, la banque, qui n’avait pas d’obligation de rencontrer physiquement sa cliente, justifie-t-elle de l’accomplissement de son devoir d’information sur le crédit, lequel n’est ni spéculatif ni entaché d’une complexité singulière. Sa responsabilité ne saurait être engagée de ce fait.

Par ailleurs, comme l’affirme madame Y B, il ne saurait être tiré de la circonstance qu’elle procédait à 2 précédents investissements immobiliers de même nature, en juin 2008, qu’elle est un emprunteur averti, puisqu’ils intervinrent dans le même trait de temps, les projets initiaux ayant été entrepris de manière plus ou moins croisée.

Pas plus, il ne peut lui être reproché sa déloyauté à avoir menti sur sa situation financière, puisque madame Y B dénie avoir signé la demande de prêt certifiant le défaut de tout endettement, qu’il est avéré que l’un des intermédiaires a commis des faux, qu’il était condamné pour escroquerie de ce fait, et que le document n’étant pas produit en original, le tribunal n’est pas mis en position d’appréhender son éventuelle falsification, quand bien même la signature y portée est strictement conforme aux documents contemporains par ailleurs présentés comme étant signés de la main de l’emprunteur, notamment les contrats de construction et de crédit.

Pour autant, étant souligné que les justificatifs venant au soutien du dossier de crédit que produit la société anonyme Crédit immobilier de France Ile de France ne présentent aucune anomalie matérielle ou intellectuelle eu égard à la demande de prêt, il n’en demeure pas moins que l’intéressée ayant déclaré en dernier lieu des revenus mensuels de 7.000 euros et des charges de 529 euros, l’échéance prévue serait-elle de 2.449,98 euros, il n’apparaissait à la lecture du dossier aucun risque d’endettement excessif, d’autant que l’opération financée était fructifère.

Dès lors, la banque, qui n’était pas avisée, sans en être fautive, de la réelle situation de l’emprunteur, n’avait aucune obligation de le mettre en garde. Sa responsabilité ne peut donc être engagée de ce motif.

Aux termes de l’article L.231-10 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version applicable aux faits : « aucun prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte celles des énonciations mentionnées à l’article L.231-2, qui doivent y figurer au moment où l’acte lui est transmis et ne peut débloquer les fonds s’il n’a pas communication de l’attestation de garantie de livraison. »

Ceci dit, outre que le défaut de sincérité d’une mention n’équivaut pas à son absence, puisque la banque n’était pas en mesure d’appréhender les falsifications advenues, c’est de manière inopérante que madame Y B met en exergue l’erreur commise sur la date de signature de la promesse de vente, d’ailleurs non avérée dans l’exemplaire produit par la société anonyme Crédit immobilier de France Ile de France. Ensuite, contrairement à ce qu’elle dit, figure au contrat, à l’article 2-7 la mention de sa possible assistance par un professionnel de l’immobilier, lors de la réception, et la notice descriptive du constructeur conseil liste et chiffre en son récapitulatif les travaux réservés, comme étant « les branchements extérieurs : 20.000 euros, les peintures/papiers peints/moquette : 10.000 euros, la norme handicapés : 10.000 euros, le chemin d’accès: 5.000 euros. », madame Y B ayant ensuite reconnu que « le montant des travaux réservés s’élève à 45.000 euros. »

Aussi, à supposer que le manquement reproché ait un lien avec le préjudice invoqué, il n’est en tout état de cause pas avéré.

III – sur la déchéance du droit aux intérêts de l’établissement de crédit

Madame Y B prétend que les dispositions de l’article L.312-8 du code de la consommation n’ont pas été respectées, en tant que l’objet des frais de dossier n’est pas spécifié, qu’elle ne se souvient pas d’avoir accepté l’offre par voie épistolaire, que le taux effectif global est erroné en ce qu’il ne considère pas les modalités du taux, variable, qu’ainsi lui-même est évolutif, et en ce qu’il omet les primes d’assurance pendant la période d’anticipation, ce qui emporte, par application de l’article L.312-33 du même texte déchéance du droit aux intérêts.

A cela, la société anonyme Crédit immobilier de France développement répond que les frais de dossier s’entendent aisément de l’étude qui en est faite, qu’ils n’ont pas à être détaillés, que madame Y B a accepté l’offre le 10 décembre 2008, ainsi qu’elle le reconnaît elle-même à l’acte authentique, et que le démontre la production de l’enveloppe. Quant au taux effectif global, elle précise qu’il est calculé lors de l’émission de l’offre, sans varier à l’égal du taux nominal, et que n’avait pas à y être intégrées les sommes dues pendant la période d’anticipation, conformément à la loi et aux stipulations, puisque la durée de cette période étant laissée à l’initiative de l’emprunteur, elle constitue une option, qui n’est pas une condition d’octroi du crédit, et qu’en outre elles ne sont pas déterminables. Elle ajoute qu’au reste, madame Y B ne fait pas la preuve d’une erreur dépassant le seuil légal d’une décimale, faute de calculs.

L’article L.312-33 du code de la consommation dispose que le prêteur qui ne respecte pas l’une des obligations prévues aux articles L. 312-7 et L. 312-8 pourra être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

L’article L.312-8 tertio dit que l’offre indique outre le montant du crédit susceptible d’être consenti, et, le cas échéant, celui de ses fractions périodiquement disponibles, son coût total, son taux défini conformément à l’article L. 313-1 ainsi que, s’il y a lieu, les modalités de l’indexation ; le quarto ajoutant qu’elle énonce, en donnant une évaluation de leur coût, les stipulations, les assurances et les sûretés réelles ou personnelles exigées, qui conditionnent la conclusion du prêt.

Ce faisant, madame Y B, qui n’excipe d’aucune disposition emportant obligation de mentionner la teneur et le détail des frais de dossier, ne peut être suivie en sa critique de ce chef.

Pas plus le défaut de respect du délai prévu à l’article L.312-10 du même code, à le supposer vrai, n’est susceptible d’emporter la déchéance du droit aux intérêts, si bien que ce moyen est inopérant.

Ensuite, il appartient à celui qui le prétend de faire la preuve de l’erreur commise dans le taux effectif global.

Aux termes de l’article L. 313-1, alinéas 1 et 2, ancien du code de la consommation, dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ; toutefois, pour l’application des articles L. 312-4 à L. 312-8 du code de la consommation, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d’officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat ; en outre, pour les prêts qui font l’objet d’un amortissement échelonné, le taux effectif global doit être calculé en tenant compte des modalités de l’amortissement de la créance.

Selon l’article R. 313-1, alinéas 1 et 2, ancien, du code de la consommation, sauf pour les opérations de crédit mentionnées au tertio de l’article L. 311-3 et à l’article L. 312-2 pour lesquelles le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires, le taux effectif global d’un prêt est un taux annuel, à terme échu, exprimé pour cent unités monétaires et calculé selon la méthode d’équivalence définie par la formule figurant en annexe au code ; le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l’emprunteur ; le taux de période est calculé actuariellement, à partir d’une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l’emprunteur ; il assure, selon la méthode des intérêts composés, l’égalité entre, d’une part, les sommes prêtées et, d’autre part, tous les versements dus par l’emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés.

Ceci dit, si l’annexe de l’article R.313-1 précité n’a pour objet que de définir la méthode de l’équivalence de calcul au taux effectif global visée par ce texte et non la méthode proportionnelle, seule applicable aux crédits immobiliers, dont celui en la cause, il n’en demeure pas moins qu’il est de principe que la précision figurant au paragraphe d) de cette annexe, disant que le résultat du calcul de ce taux est exprimé avec une exactitude d’au moins une décimale, est d’application générale, ainsi que l’excipe la banque.

Dès lors, il appartient à l’emprunteur de démontrer que l’erreur alléguée entraîne un écart d’au moins une décimale entre le taux réel et le taux mentionné dans le contrat.

En l’occurrence, le taux effectif global ressort à 6,861% l’an, en considération, selon les stipulations, du taux nominal initial de 5,80% l’an pour la période d’application de ce taux et du taux d’intérêt révisé qui serait applicable à l’issue de cette période et pour la durée résiduelle, en tenant compte d’une durée globale de 362 mois, et d’un Euribor à 3 mois de 4,96%.

Ce faisant, madame Y B se trompe en énonçant que le taux effectif global est évolutif, et qu’à la date du contrat, le seul taux assuré était celui du taux « nominal » applicable sur 336 mois, alors que le taux nominal est un donné de l’offre, qui ne préjuge ni de sa fixité ni de sa variabilité, correspondant au prix de l’argent, et que nécessairement le taux effectif global est calculé en intégrant tant la part de fixité du taux que sa part de variabilité, lors de l’émission de l’offre.

Encore, s’il est stipulé que le taux effectif global ne tient pas compte des sommes dues pendant la période d’anticipation, d’une durée maximale de 36 mois dès l’émission de l’offre, il n’en reste pas moins que ce montant n’est pas déterminable d’emblée, puisque les sommes sont libérées au fur et à mesure de l’avancée des travaux, s’agissant de la construction d’une maison individuelle, si bien d’ailleurs que contrairement à ce qu’elle dit, elle rentra dans l’amortissement bien avant 3 ans, la maison étant achevée le 1er octobre 2009.

Au reste, madame Y B, qui n’effectue aucun calcul du taux effectif global qu’elle estimerait juste, ne fait la preuve que l’erreur alléguée, même serait-elle établie, dépasserait le seuil légal d’une décimale, en sorte qu’elle ne peut d’aucune manière être suivie en sa démonstration.

Ses demandes formées en application du droit de la consommation doivent être rejetées.

IV – sur la responsabilité des notaires

Au rappel que la société civile professionnelle est tenue solidairement avec ses associés des conséquences dommageables des actes commis par ces derniers, selon l’article 16 de la loi du 29 novembre 1966, madame Y B reproche au notaire instrumentaire, maître H I, de n’avoir pas attiré son attention sur les irrégularités de l’opération, telle la caducité de la promesse d’acquisition du terrain, ou la défaillance de sa condition suspensive tenant à l’octroi d’un prêt dans les 60 jours, ou la contradiction entre le règlement du lotissement et le projet envisagé, rendant impossible la construction de 2 maisons sur le même lot, alors qu’à raison de difficultés de santé, elle aurait souhaité se délier de ses engagements, et qu’au surplus, elle n’a jamais versé d’apport personnel, en violation des stipulations. Elle lui impute à faute sa méconnaissance des prescriptions du code de la consommation, notamment de l’article « L.312-6 », disposant d’un délai de 10 jours entre la réception de l’offre et son acceptation, dont témoigne l’établissement, avant ce terme, de la procuration donnant pouvoir au notaire d’emprunter la somme nécessaire au paiement du prix d’acquisition, si bien qu’elle crut être obligée d’accepter le prêt, personne ne l’ayant conseillée.

Au rappel de son obligation d’avoir à éclairer les parties, et de celle d’avoir à s’assurer de la validité et de l’efficacité de ses actes, madame Y B expose que maître H I n’a jamais vérifié l’adéquation de l’opération avec les objectifs qu’elle poursuivait, et dont on lui avait assuré qu’elle serait sans risques et sans frais, ni sa capacité de les financer, alors qu’elle avait conclu devant lui quelques mois auparavant d’autres actes de vente immobilière, dans les mêmes conditions.

Elle lui reproche encore d’avoir rémunéré son apporteur d’affaires, en violation de l’article 4.2.2 du règlement national du notariat, d’y avoir perdu son indépendance, et de n’avoir pas plus exercé sa profession dans les conditions qu’expose ce règlement, faisant signer les procurations et les actes, en série, dans des lieux publics.

Elle se prévaut d’un préjudice tenant à la perte de chance de n’avoir pas contracté, qu’elle évalue au différentiel entre le coût, réduit au montant de sa dette bancaire, des opérations faites sur les communes de […] et de Z, et la valeur estimée des biens qu’elle reçut, soit 465.238,51 euros.

Au rappel que maître H I fut écarté des poursuites pénales, ce dernier et la société civile professionnelle H I, J K et C L dénient avoir commis une faute, et aux reproches de n’avoir pas relevé les irrégularités de l’opération, ils objectent que les contrats de construction de maisons individuelles, du 10 décembre 2007, conclus sous condition suspensive de l’obtention d’un financement au terme de 12 mois, n’étaient pas caducs lors de l’acceptation du prêt, le 10 décembre 2008, et qu’au reste, les parties n’étaient pas empêchées de proroger, même tacitement, le terme. Ils rappellent encore que seul le vendeur aurait pu se prévaloir de la défaillance de la condition au cas où aucun prêt n’aurait été sollicité, et qu’aucune partie ne s’en était alors fait l’écho, pas plus que madame Y B ne leur avait fait part de son intention de se délier de ses engagements, à telle enseigne qu’elle ne réclame pas l’annulation de la vente.

Sur les dispositions du code de la consommation, ils précisent que l’offre de crédit a été reçue le 20 novembre 2008, et acceptée le 10 décembre suivant, si bien que le délai de 10 jours était accompli, peu important à quelle date fut régularisée la procuration, qui n’a pas pour objet de suppléer l’acceptation.

Relevant l’indifférence de leurs relations avec monsieur C D, d’usage au cas de vente en l’état futur d’achèvement de nombreux lots, outre l’indifférence du lieu de signature de la procuration, hors l’étude, d’ailleurs pour rendre service à l’acquéreur, ils renchérissent n’avoir été tenus d’une obligation de conseil envers ce dernier sur l’opportunité économique de l’opération envisagée, d’autant que le notaire, qui n’a pas participé au compromis de vente, est intervenu après les négociations immobilière et bancaire, et qu’aucun élément flagrant ne la rendait suspecte.

Le notaire est professionnellement tenu d’éclairer les parties et d’appeler leur attention sur les conséquences, la portée, les effets et les risques des stipulations de l’acte qu’il instrumente. Il doit fournir tous les éléments d’information en sa possession susceptibles d’éclairer ses clients sur la nature et la portée de leurs engagements mais aussi attirer leur attention sur les risques juridiques comme matériels de ces actes. Ce faisant, il doit s’assurer que les droits et obligations réciproques contractés par les parties répondent aux finalités révélées de leur engagement, qu’ils sont adaptées à leur facultés respectives et sont assortis des stipulations propres à leur conférer leur efficacité, quand bien même ces engagements procéderaient d’un accord antérieur, dès lors qu’au moment de l’authentification cet accord n’a pas produit tous ses effets ou ne revêt pas un caractère immuable.

Il appartient au notaire de faire la preuve d’avoir accompli ce devoir.

En l’occurrence, par acte sous seing privé du 5 septembre 2007, enregistré auprès des services fiscaux le lendemain, la société Sud ouest villages promettait de céder à madame Y B le lot n°13 du terrain cadastré section C n°1576, 1580, 1537, 1382 et 1381 sis à […], moyennant un prix net de 47.000 euros, sous condition suspensive de l’obtention dans le délai de 60 jours d’un prêt, selon les modalités suivantes : capital emprunté : 384.064 euros ; durée : 25 ans ; taux : 5,5%. Il est précisé que le bénéficiaire s’oblige à ce que l’acte notarié qui vaudra levée de l’option soit réalisé avant le 30 septembre 2007, et qu’en cas de défaut de signature de l’acte authentique, la promesse deviendrait nulle et non avenue, le promettant reprenant la libre disposition du terrain. Il est encore indiqué que si toutes les conditions suspensives se réalisent, mais que le bénéficiaire ne lève pas l’option, l’indemnité d’immobilisation sera acquise de plein droit au promettant. Il est aussi dit qu’à défaut de conclusion de la vente faute de réalisation de l’une des conditions, cette indemnité serait reversée au bénéficiaire. L’indemnité était expressément stipulée de zéro euro.

Il est encore acquis aux débats que maître H I était le notaire instrumentaire de 2 précédents actes d’acquisition de terrains à bâtir pour y édifier des maisons individuelles, conclus par madame Y B, les 20 et 24 juin 2008, aux termes desquels elle déclarait la première fois payer le prix comptant, les fonds trouvant leur origine dans un emprunt auprès de la société anonyme Crédit foncier de France, de 294.063 euros, et la seconde fois, qu’elle réglait comptant le prix de 51.000 euros, sans précision sur l’origine des sommes.

Le 5 janvier 2009, madame Y B concluait par devant le même notaire l’acte d’acquisition du terrain susdit, y déclarant régler le prix au moyen d’un crédit de 393.525 euros, au taux initial de 5,80% l’an.

Elle réitérait par un second acte authentique du même jour, par devant le même officier ministériel, le contrat de crédit conclu le 10 décembre 2008, spécifiant outre ces modalités une mensualité de 2.449,98 euros. Le contrat prévoyait que le montant du prêt ne pourrait être libéré que sur justification du versement de l’apport personnel tel qu’indiqué à l’offre, soit 12.162 euros.

D’emblée, il convient de relever que madame Y B ne peut pas imputer à faute à maître H I de ne l’avoir pas informée du caractère peu rentable de l’opération, dans la mesure où, chargé d’assurer l’authentification des actes et d’en assurer l’efficacité juridique et pratique, cet aspect ne relève pas de sa mission, sauf à avoir eu connaissance d’une difficulté y afférent, ce qui n’est pas établi.

Par ailleurs, le règlement du lotissement d’où résulterait l’interdiction de construire 2 maisons individuelles sur le même lot n’étant pas produit, et la lettre d’un tiers notaire qui le remarque, sans qu’on sache de quel lotissement il parle, ne pouvant pallier ce défaut, l’argument tiré de cette irrégularité ne peut pas prospérer.

Pas plus madame Y B ne saurait reprocher au défendeur le caractère hâtif de la procuration qu’il lui faisait parvenir sans que soit expiré le délai de réflexion de 10 jours de la réception de l’offre le 20 novembre 2008, et que les parties s’accordent à dater du 28 novembre 2008, puisque, faute d’être versée aux débats, ses termes demeurent inconnus, si bien que le tribunal n’est mis en position de connaître son éventuelle ambiguïté.

Mais ceci dit, le notaire, dont l’obligation de conseil est inhérente à sa profession, se devait d’aviser madame Y B, en sa qualité de partie au contrat, sur les incohérences résultant de la promesse de vente du terrain, qui ouvrait un double délai incompatible de 25 jours pour réitérer l’acte de vente, sous peine d’une nullité ou d’une caducité dont les contours restaient singulièrement opaques, et de 60 jours pour l’obtention d’un prêt sous certaines conditions, dont la défaillance ou l’accomplissement spécialement régi était sans objet, faute d’indemnité d’immobilisation, aucune autre sanction n’étant prévue.

Il est encore faux de prétendre, comme le fait maître H I, que la condition suspensive de financement du terrain ait été stipulée au seul bénéfice du promettant, alors qu’au contraire elle protège le bénéficiaire de la promesse d’un engagement qu’il ne pourrait tenir, étant observé qu’ici, le taux de l’emprunt dépassait les prévisions de cette condition. Il est manifeste qu’il devait éclairer l’intéressée sur ce point, peu important qu’il n’ait connu sa volonté de se dédire.

Il se devait aussi d’attirer son attention sur les conséquences économiques des actes combinés de prêt et d’acquisition du terrain en vue de la construction de maisons sur plan, de rapport, dans la mesure où il était informé de 2 autres opérations similaires, conclues en son étude devant lui 6 mois auparavant, par le même acquéreur, dont l’une financée au moyen d’un crédit, l’autre d’une manière non précisée, d’autant que rien n’évoquait la possibilité que cet acquéreur fût professionnel des affaires, et ce, peu important que l’offre ait été acceptée hors sa vue, puisque au moment de l’authentification cet accord n’avait pas produit tous ses effets et ne revêtait pas un caractère immuable, en tant qu’il formait un ensemble contractuel avec la promesse de vente, dont la pérennité incertaine a été relevée et qu’au reste l’apport personnel, qui conditionnait la délivrance des fonds, n’était pas payé.

Or, faute de pièces, maître H I ne fait pas la preuve d’avoir accompli dans sa complétude son devoir de conseil, s’agissant de l’opération en la cause, et d’avoir singulièrement éclairé la demanderesse sur les conséquences et risques des actes authentifiés.

Cette faute, génératrice de responsabilité dans les conditions de l’article 1382 ancien du code civil, doit être retenue à son encontre. En conséquence, en application de l’article 16 de la loi du 29 novembre 1966, qui dit que chaque associé répond sur l’ensemble de son patrimoine, des actes professionnels qu’il accomplit et qu’une telle société est solidairement responsable avec lui des conséquences dommageables de ces actes, la responsabilité de la société civile professionnelle H I, J K et C L est aussi engagée du même fait.

En revanche, le préjudice en lien direct et nécessaire avec la faute ne saurait porter sur une autre opération que celle précisément envisagée aux débats, et ainsi sur les conséquences de l’investissement fait dans des conditions seraient-elles similaires à Z. Au demeurant, ce préjudice ne peut s’appréhender qu’en la perte d’une chance de n’avoir pas contracté, et la réparation de cette perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

Aussi, sera-t-il en l’espèce évalué à la somme de 30.000 euros.

Maître H I et la société civile professionnelle H I, J K et C L seront condamnés solidairement à ce paiement.

V – sur la demande de réparation du préjudice moral

Madame Y B fait valoir, outre ses graves difficultés financières, dont son inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, la détérioration de son état de santé.

Aucun manquement n’ayant été retenu à l’encontre de la société anonyme Crédit immobilier de France développement, madame Y B n’est pas habile à réclamer la réparation du dommage moral allégué.

V – sur la demande reconventionnelle de la société anonyme Crédit immobilier de France développement en fixation de sa créance

La société anonyme Crédit immobilier de France développement estime qu’à l’issue du litige, le paiement des échéances, suspendu par ordonnance du juge d’instance du 12 mai 2011, doit être repris, d’autant qu’elle supporte ainsi, alors qu’elle y est étrangère, la responsabilité du fait du constructeur, à raison de malfaçons. Entendant voir fixer sa créance au montant des sommes restant dues, elle souligne que le capital a nécessairement augmenté à l’aune des intérêts intercalaires de la période de préfinancement, l’emprunteur ayant eu la faculté de ne pas les payer immédiatement.

Madame Y B répond que le décompte n’est pas juste, pour énoncer un capital restant dû : 444.503,06 euros supérieur au montant emprunté, 393.525 euros.

L 'article L.312-19 du code de la consommation dit que « lorsqu’il est déclaré dans l’acte constatant le prêt que celui-ci est destiné à financer des ouvrages ou des travaux immobiliers au moyen d’un contrat de promotion, de construction, de maîtrise d’œuvre ou d’entreprise, le tribunal peut, en cas de contestation ou d’accidents affectant l’exécution des contrats et jusqu’à la solution du litige, suspendre l’exécution du contrat de prêt sans préjudice du droit éventuel du prêteur à l’indemnisation. Ces dispositions ne sont applicables que si le prêteur est intervenu à l’instance ou s’il a été mis en cause par l’une des parties. »

Ce faisant, encore que la société anonyme Crédit immobilier de France développement n’établit pas que la cause ayant donné lieu à suspension de l’exécution du contrat de prêt, décidé par ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Libourne du 12 mai 2011, ait pris fin, et ainsi que le litige opposant le maître de l’ouvrage au constructeur, auquel il est partie, ait trouvé sa solution, au vu de l’accord des parties pour voir reprendre leurs relations contractuelles, qui ne peut s’entendre que d’une reprise de l’exécution de la convention de crédit, il y sera fait droit.

En revanche, madame Y B ne saurait bénéficier de délais de paiement, qui contredisent la reprise de l’exécution régulière du contrat, les échéances suspendues étant nécessairement reportées en fin du tableau d’amortissement. L’article 1244-1 ancien du code civil n’étant pas applicable aux faits, ces échéances ne sauraient produire intérêts à taux réduit.

Par ailleurs, la déchéance du terme n’étant pas advenue, la banque n’est pas habile à voir fixer une créance globale, au paiement de laquelle de surcroît, madame Y B, ou tout succombant à sa place, serait condamné.

VI – sur les autres demandes

Sur la condamnation au paiement d’une amende civile

La société anonyme Crédit immobilier de France développement sollicite la condamnation de madame Y B au paiement d’une amende civile au motif qu’elle a caché au tribunal avoir mandaté la société Européenne de crédit et d’investissement pour rechercher le financement de l’opération querellée, et n’a pas déféré à la sommation de communiquer cet élément, faite par la banque.

L’article 32-1 du code de procédure civile dit que : « celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 3 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »

L’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit, et ne saurait dégénérer en abus pouvant faire naître une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’une erreur équipollente au dol.

Cette malignité ou légèreté blâmable, qui ne saurait ressortir du seul sens de la décision, n’étant pas établie en l’espèce, et ne pouvant ressortir du seul silence gardé par un plaideur sur partie des faits en la cause, il n’y a lieu de prononcer une amende civile sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Maître H I et la société civile professionnelle H I, J K et C L, parties succombantes à titre principal, seront tenus des dépens, qui seront distraits, pour ce qui le concerne, au profit de maître A M. Il suit de cela qu’ils devront, in solidum, 3.000 euros à madame Y B en application de l’article 700 du code de procédure civile. Par ailleurs, madame Y B, qui succombe à l’égard de la société anonyme Crédit immobilier de France développement, sera tenue à lui payer 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

L’exécution provisoire, compatible avec la nature du litige, sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et publiquement par mise à disposition au greffe :

Condamne solidairement maître H I et la société civile professionnelle H I, J K et C L à payer à madame Y B 30.000 euros en réparation de sa perte de chance de n’avoir pas contracté ;

Ordonne la reprise des relations contractuelles entre madame Y B et la société anonyme Crédit immobilier de France développement s’agissant du contrat de prêt conclu le 10 décembre 2008, réitéré par acte authentique du 5 février 2009, dès la signification de ce jugement ;

Rejette le surplus des demandes ;

Ordonne l’exécution provisoire ;

Condamne in solidum maître H I et la société civile professionnelle H I, J K et C L à payer à madame Y B 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne madame Y B à payer à la société anonyme Crédit immobilier de France développement 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Autorise maître A M à recouvrer directement contre maître H I et la société civile professionnelle H I, J K et C L les frais compris dans les dépens dont il aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision;

Condamne maître H I et la société civile professionnelle H I, J K et C L aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 05 Juillet 2017

Le Greffier La Présidente

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Tribunal de grande instance de Paris, 9e chambre 1re section, 5 juillet 2017, n° 14/00009