Cour d'appel de Paris , Pôle 5, 2e ch.

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRÊT DU 28 janvier 2022

Pôle 5 – Chambre 2 (n° 9) Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 20/04831 –  n° Portalis 35L7-V-B7E-CBUIL

Décision déférée à la Cour : jugement du 14 février 2020 -Tribunal judiciaire de Paris – RG n°17/14731

APPELANTES ET INTIMEES Société DÉCATHLON, société européenne, agissant en la personne de son président du conseil d’administration domicilié en cette qualité au siège social situé 4, boulevard de Mons 59650 VILLE NEUVE-D’ASCQ Immatriculée au rcs de Lil e Métropole sous le numéro B 306 138 900

S.A.S.U. DECATHLON FRANCE, agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé 4, boulevard de Mons 59650 VILLE NEUVE-D’ASCQ Immatriculée au rcs de Lil e Métropole sous le numéro 500 569 405

Représentées par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H AVOCATS, avocate au barreau de PARIS, toque L 0056 Assistées de Me Michel-Paul ESCANDE plaidant pour le CABINET M- P ESCANDE, avocat au barreau de PARIS, toque R 266

Société PHOENIX GROUP GmbH, société de droit allemand, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé Seehalde 1 88149 NONNENHORN Al emagne

Représentée par Me Pascale FLAURAUD, avocate au barreau de PARIS, toque K 090 Assistée de Me Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, toque E 617

INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE S.A. INTERSPORT FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé 2, rue Victor Hugo 91160 LONGJUMEAU Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Immatriculée au rcs d’Evry sous le numéro 964 201 123

Représentée par Me Olivier LEGRAND de la SEP LEGRAND – LESAGE-CATEL – GAULTIER, avocat au barreau de PARIS, toque D 1104

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 novembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Agnès MARCADE, Conseil ère, chargée d’instruire l’affaire, laquel e a préalablement été entendue en son rapport

Mme Agnès MARCADE a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Brigitte CHOKRON, Présidente Mme Laurence LEHMANN, Conseil ère Mme Agnès MARCADE, Conseil ère

Greffière lors des débats : Mme K A

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme V C , Greffière à qui la minute du présent arrê a été remise par le magistrat signataire . Vu le jugement contradictoire rendu le 14 février 2020 par le tribunal judiciaire de Paris.

Vu les appels interjetés le 6 mars 2020 par la société Phoenix Group GMBH et le 14 mai 2020 par les sociétés Décathlon et Décathlon France.

Vu l’ordonnance du conseil er de la mise en état du 5 novembre 2020 de jonction des deux procédures sous le numéro 20/04831.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 octobre 2021 par la société Décathlon et la société Décathlon France, appelantes et intimées à titre incident.

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 22 octobre 2021 par la société Phoenix Group GMBH, appelante et intimée à titre incident.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 19 octobre 2021 par la société Intersport France, intimée et appelante à titre incident.

Vu l’ordonnance de clôture du 28 octobre 2021.

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

La société Décathlon SA devenue Décathlon S.E. (Décathlon) a pour activité la conception, la production et la distribution d’articles de sports. El e se présente comme étant devenue depuis plusieurs années un leader européen dans ce domaine et expose avoir révolutionné la pratique de la plongée subaquatique en lançant un masque intégral au tuba intégré dit 'Easybreath’ évitant les inconvénients attribués aux masques traditionnels de vision altérée par la buée et de gêne respiratoire.

Ce produit a été commercialisé sous la marque 'Tribord', puis 'Subea'.

La société Décathlon est titulaire du modèle communautaire déposé le 28 août 2014 sous le n°002526699-0001, qui comporte notamment les représentations suivantes :

Ayant découvert qu’un masque de plongée intégral reproduisant selon el e les caractéristiques de son modèle de masque 'Easybreath’ était proposé à la vente par la société Intersport France, la société Décathlon a fait établir le 2 juin 2017 un procès-verbal de constat d’huissier de justice sur le site Internet www.intersport.fr puis, le 6 juin suivant, a fait constater l’achat d’un exemplaire du masque litigieux dans le magasin Intersport situé avenue de l’Hurepoix à Sainte-Geneviève-des-Bois (91700) au prix unitaire de 49,99 euros.

Dûment autorisée par ordonnance rendue sur requête du 23 août 2017, la société Décathlon a fait ensuite diligenter des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de l’établissement principal et secondaire de la société Intersport France tels qu’identifiés sur son extrait Kbis et respectivement situés 2, rue Victor Hugo à Longjumeau (91160) et 6-12, avenue Descartes à Morangis (91420).

Ces mesures ont révélé que la société Intersport France avait commandé le 12 septembre 2016, 8.520 masques litigieux référencés Tecnopro auprès de la société al emande Phoenix Group au prix Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

unitaire de 18,99 USD, que ces produits avaient été revendus aux magasins Intersport en France au prix unitaire de 27,16 euros TTC et enfin, que le masque Tecnopro était présenté dans le catalogue Intersport – Sports d’eau – Printemps/Été 2017 sous le code 261866, au prix de vente public suggéré de 49,99 euros.

Il s’est en outre avéré que la société Intersport France présentait dans son showroom trois autres masques de plongée intégraux à tuba intégré répertoriés dans son catalogue Intersport – Sports d’eau – Printemps/Été 2018, soit deux sous la marque Tecnopro et le code 275930 et un troisième sous la marque Seac Sub et le code 1700001.

La société suisse Intersport International Corporation, à la tête du groupe Intersport, propose aux sociétés Intersport de chaque pays – dont Intersport France – un catalogue de produits qu’el es achètent directement auprès du fournisseur ou fabriquant de ces articles.

Estimant que le masque Tecnopro référencé 261866 portait atteinte aux droits conférés par le dépôt de modèle communautaire n°002526699-0001, les sociétés Décathlon SE et Décathlon France, en qualité de licenciée, (les sociétés Décathlon) ont par actes en date des 6 et 19 octobre 2017, fait assigner les sociétés Intersport France et Phoenix Group GmbH en contrefaçon de dessins et modèles communautaires enregistrés et en concurrence déloyale et parasitisme en vue d’obtenir des mesures d’interdiction et l’indemnisation de leur préjudice.

Le jugement dont appel a :

— dit que la société Décathlon établit être titulaire du modèle n°002526699-0001 enregistré le 28 août 2014 ;

- rejeté les demandes tendant à la nul ité du modèle n°002526699- 0001 dont la société Décathlon est titulaire pour clarté insuffisante des représentations, défaut de nouveauté, défaut de caractère individuel et dépôt frauduleux ;

— dit que le masque Tecnopro fourni par la société Phoenix Group et commercialisé par la société Intersport France, ne constitue pas la contrefaçon du modèle n°002526699-0001 ;

— débouté la société Décathlon de ses demandes au titre de la contrefaçon ;

— rejeté les demandes indemnitaires et réparatrices subséquentes ;

— rejeté les demandes de production de pièces ;

— déclaré recevables les demandes formées par les sociétés Décathlon au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ; Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI


- dit que l’importation et/ou la détention, l’offre en vente et la commercialisation en France par les sociétés Intersport France et Phoenix Group de masques de plongée subaquatiques référencés Tecnopro constituent des faits de concurrence parasitaire au préjudice des sociétés Décathlon ;

— condamné in solidum les sociétés Intersport France et Phoenix Group à payer aux sociétés Décathlon la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice né des actes de concurrence parasitaire ;

— dit que la société Phoenix Group devra garantir la société Intersport France des condamnations prononcées à son encontre ;

— débouté la société Phoenix Group de sa demande reconventionnel e au titre de la procédure abusive ;

— condamné in solidum les sociétés Intersport France et Phoenix Group à verser aux sociétés Décathlon la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

— rejeté les demandes de ce chef de la société Intersport France à l’encontre de la société Phoenix Group ;

— condamné in solidum les sociétés Intersport France et Phoenix Group aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

— dit n’y a voir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

La société Phoenix Group et les sociétés Décathlon ont interjeté appel de cette décision et les deux instances ont fait l’objet d’une jonction.

Par leurs dernières conclusions les sociétés Décathlon demandent à la cour de :

— débouter la société Phoenix Group de son appel tant principal qu’incident,

— débouter la société Intersport France de ses demandes,

— les déclarer recevables et bien fondées en leurs appels principal et incident,

Y faisant droit,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

— dit que la société Décathlon établit être titulaire du modèle n°002526699-0001 enregistré le 24 août 2014, Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI


- rejeté les demandes tendant à la nul ité du modèle n°002526699- 0001 dont la société Décathlon est titulaire, pour clarté insuffisante des représentations, défaut de nouveauté et dépôt frauduleux,

— infirmer le jugement en ce qu’il a :

— dit que le masque Tecnopro fourni par la société Phoenix Group et commercialisé par la société Intersport France, ne constitue pas la contrefaçon du modèle n°002526699-0001,

— débouté la société Décathlon de ses demandes au titre de la contrefaçon,

— rejeté les demandes indemnitaires et réparatrices subséquentes,

— rejeté la demande de production de pièces,

Et statuant à nouveau :

— juger que la reproduction, l’importation et/ou la détention, l’offre en vente et la vente en France par les sociétés Intersport France et Phoenix Group de masques reprenant les caractéristiques nouvel es et individuel es composant le modèle communautaire n°002526699- 0001 de la société Décathlon, constituent la contrefaçon desdits droits au sens des articles 1er, 10, 19 et suivants du règlement CE n°6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires,

— juger que la reproduction, l’importation et/ou la détention, l’offre en vente et la vente sur le territoire de l’Union Européenne par la société al emande Phoenix Group de masques reprenant les caractéristiques nouvel es et individuel es composant le modèle communautaire n°002526699-0001 de la société Décathlon, constituent la contrefaçon desdits droits au sens des articles 1er, 10, 19 et suivants du Règlement CE n°6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires,

En conséquence,

— ordonner à la société Phoenix Group de leur communiquer les éléments suivants sur le territoire de l’Union Européenne, en y distinguant les ventes faites à la société Intersport France :

Les quantités de masques 'Tecnopro’ achetées,

Les quantités de masques 'Tecnopro’ vendues,

Les chiffres d’affaires et bénéfices réalisés sur la commercialisation des masques 'Tecnopro'; Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Les quantités de masques 'Tecnopro’ encore en stock,

Et ce à compter de l’année 2016,

— donner acte à la société Décathlon qu’el e se réserve la possibilité de former des demandes indemnitaires pour le préjudice commercial qu’el e a subi du fait de la commercialisation des masques litigieux par la société al emande Phoenix Group sur le territoire de l’Union Européenne,

— condamner in solidum les sociétés Intersport France et Phoenix Group à payer à la société Décathlon la somme de 400.000 euros, sauf à parfaire, en réparation des actes de contrefaçon de son modèle communautaire,

— condamner in solidum les sociétés Intersport France et Phoenix Group à payer à la société Décathlon la somme de 400.000 euros, sauf à parfaire, en réparation de son préjudice moral du fait de la contrefaçon de son modèle communautaire,

— interdire aux sociétés Intersport France et Phoenix Group d’importer, d’offrir à la vente et de commercialiser ou exploiter tout masque de plongée 'Tecnopro’ litigieux sur le territoire français, et ce, sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée (c’est-à-dire par masque 'Tecnopro’ litigieux fabriqué et/ou importé, offert à la vente ou vendu) à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, et ceci au profit des sociétés Décathlon,

— interdire à la société Phoenix Group d’importer, d’offrir à la vente et de commercialiser ou exploiter tout masque de plongée 'Tecnopro’ litigieux sur le territoire de l’Union Européenne et ce, sous astreinte au profit des sociétés Décathlon de 1.500 euros par infraction constatée (c’est-à-dire par masque 'Tecnopro’ litigieux fabriqué et/ou importé, offert à la vente ou vendu) à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

— ordonner le rappel des circuits commerciaux de tous les masques litigieux et ce, aux frais des intimées. Et, ceci, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard et par infraction constatée passé un délai de quatre semaines après signification de l’arrêt à intervenir. Et, ceci au profit des sociétés Décathlon,

— ordonner, sous le contrôle d’un huissier de justice désigné à cet effet, la destruction de la totalité du stock de produits litigieux en la possession des intimées, à leurs frais, et sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir. Et, ceci au profit des sociétés Décathlon,

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

— ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues, au choix des sociétés Décathlon et aux frais des intimées, à raison de 6.000 euros par insertion et ce, au besoin à titre de dommages-intérêts complémentaires,

— ordonner également l’inscription par extraits de l’arrêt à intervenir sur la page d’accueil du site Internet www.intersport.fr, en lettres noires sur fond blanc de type Arial de tail e 14, et ce, pendant une durée de trois mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir. Et, ceci, au profit des sociétés Décathlon,

— ordonner également l’inscription par extraits de l’arrêt à intervenir sur la page d’accueil du site Internet www.phoenixworld.eu, en lettres noires sur fond blanc de type Arial de tail e 14, et ce, pendant une durée de 3 mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir. Et, ceci, au profit des sociétés Décathlon,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

— déclaré recevables les demandes formées par les sociétés Décathlon au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,

— dit que l’importation et/ou la détention, l’offre en vente et la commercialisation en France par les sociétés Intersport France et Phoenix Group de masques de plongée subaquatiques référencés 'Tecnopro’ constituent des faits de concurrence parasitaire au préjudice des sociétés Décathlon,

— infirmer le jugement entrepris qui a manifestement sous-évalué le préjudice découlant des actes de concurrence déloyale et parasitaire en ce qu’il a :

— condamné in solidum les sociétés Intersport France et Phoenix Group à payer aux sociétés Décathlon la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice né des actes de concurrence parasitaire,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes visant à la cessation des faits litigieux et aux mesures d’interdiction;

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes de publication sol icitées à titre d’indemnisation complémentaire du préjudice.

Et statuant à nouveau :

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

— condamner solidairement les sociétés Intersport France et Phoenix Group à leur payer la somme de 600.000 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice né des actes de concurrence déloyale et parasitaire,

— interdire aux sociétés Intersport France et Phoenix Group d’importer, d’offrir à la vente et de commercialiser ou exploiter tout masque de plongée 'Tecnopro’ litigieux, sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée (c’est-à-dire par masque 'Tecnopro’ litigieux fabriqué et/ou importé, offert à la vente ou vendu) à compter de la signification de l’arrêt à intervenir. Et, ceci, au profit des sociétés Décathlon,

— ordonner le rappel des circuits commerciaux de tous les masques litigieux et ce, aux frais des intimées et, ceci sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir. Et, ceci au profit des sociétés Décathlon SE et Décathlon France.

— ordonner, sous le contrôle d’un Huissier de justice désigné à cet effet, la destruction de la totalité du stock de produits litigieux en la possession des intimées, à leurs frais, et sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ; Et, ceci, au profit des sociétés Décathlon,

— ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues, au choix des sociétés Décathlon SE et Décathlon France et aux frais des intimées, à raison de 5.000 euros (cinq mil e euros) par insertion et ce, au besoin à titre de dommages-intérêts complémentaires au profit de Décathlon SE et Décathlon FRANCE.

— ordonner également l’inscription par extraits de l’arrêt à intervenir sur la page d’accueil du site Internet www.intersport.fr, en lettres noires sur fond blanc de type Arial de tail e 14, et ce, pendant une durée de 3 mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros (cinq cents euros) par jour de retard au profit des sociétés Décathlon SE et Décathlon France.

— ordonner également l’inscription par extraits de l’arrêt à intervenir sur la page d’accueil du site Internet www.phoenixworld.eu, en lettres noires sur fond blanc de type Arial de tail e 14, et ce, pendant une durée de 3 mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard au profit des sociétés Décathlon,

— juger que la cour d’appel réserve sa compétence pour la liquidation éventuel e des astreintes.

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

— condamner in solidum les sociétés Phoenix Group et Intersport France à leur verser la somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.

— condamner in solidum les sociétés Phoenix Group et Intersport France aux entiers dépens dont distraction pour ceux-là conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions la société Intersport France demande à la cour de :

— infirmer le jugement du 14 février 2020 en ce qu’il a :

— retenu que « la valeur probante des pièces versées aux débats par les sociétés Décathlon sous les numéros 18-1 à 18-4, (…) 21-1, 22-1 et 22-3, 26-2 et 26-3 (…) n’a pas lieu comme le réclame la société INTERSPORT de faire l’objet d’une décision séparée » et l’a déboutée en conséquence des demandes formées à l’encontre des pièces versées aux débats par les sociétés Décathlon sous les numéros 18- 1 à 18-4, 21-1, 22-1, 22-3, 26-2 et 26-3 ;

— rejeté ses demandes tendant à la nul ité du modèle communautaire n° 002526699-0001 pour clarté insuffisante des représentations, défaut de nouveauté et dépôt frauduleux, ainsi que comme protégeant plusieurs produits et des caractéristiques exclusivement fonctionnel es ;

— dit que l’importation et/ou la détention, l’offre en vente et la commercialisation en France par les sociétés Intersport France et Phoenix Group de masques de plongée subaquatiques référencés 'Tecnopro’ constituent des faits de concurrence parasitaire au préjudice des sociétés Décathlon ;

— condamné in solidum les sociétés Intersport France et Phoenix Group à payer aux sociétés Décathlon la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice né des actes de concurrence parasitaire ;

— condamné in solidum les sociétés Intersport France et Phoenix Group à verser aux sociétés Décathlon la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné in solidum les sociétés Intersport France et Phoenix Group aux dépens, dont recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile;

— rejeté les demandes de la société Intersport France à l’encontre de la Société Phoenix Group au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Et, statuant à nouveau

Sur les pièces

— déclarer dépourvues de caractère probant les pièces versées aux débats par les sociétés Décathlon sous les numéros 18-1, 18-2, 18-3, 18-4, 21-1, 22-1, 22-3, 26-2 et 26-3 ;

— les écarter en conséquence des débats ;

Sur la contrefaçon de modèle al éguée

A titre principal,

— déclarer nul le modèle communautaire n° 002526699-0001 ;

— dire que son arrêt sera transmis à l’EUIPO aux fins d’inscription au registre des dessins ou modèles communautaires ;

— déclarer en conséquence les sociétés Décathlon mal fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions en contrefaçon ; les en débouter ;

A titre subsidiaire,

— confirmer le jugement du 14 février 2020 en ce qu’il a dit que le masque 'Tecnopro’ fourni par la société Phoenix Group et commercialisé par la société Intersport France ne constitue pas la contrefaçon du modèle communautaire n° 002526699-0001 ;

— déclarer les sociétés Décathlon mal fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions en contrefaçon ; les en débouter ;

Sur la concurrence déloyale et parasitaire al éguée

A titre principal,

— constater que la cour n’est saisie d’aucun appel du jugement du 14 février 2020 en ce qu’il a débouté les sociétés Décathlon, de leurs demandes en concurrence déloyale ;

— déclarer en conséquence les sociétés Décathlon irrecevables en toutes leurs demandes de condamnation au paiement de dommages et intérêts, d’interdiction, de rappel des circuits commerciaux, de destruction, de publication et d’inscription sur des sites Internet du chef de prétendus actes de concurrence déloyale, tel es que formées au dispositif de leurs conclusions ;

— déclarer également les sociétés Décathlon irrecevables, faute d’intérêt, en leur demande d’infirmation du jugement du 14 février 2020 Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

en ce qu’il a « condamné in solidum les sociétés Intersport France et Phoenix Group à payer aux sociétés Décathlon SA et Décathlon FRANCE la somme de 100.000 euros (cent mille euros) en réparation du préjudice né des actes de concurrence parasitaire » et en leur demande consécutive tendant à voir « CONDAMNER solidairement les sociétés Intersport France et Phoenix Group à payer aux sociétés Décathlon SE et Décathlon FRANCE la somme de 600.000 euros (six mille euros), sauf à parfaire, en réparation du préjudice né des actes de concurrence déloyale et parasitaire » ;

— déclarer les sociétés Décathlon mal fondées en leurs demandes, fins et conclusions en concurrence parasitaire ; les en débouter ;

A titre subsidiaire

— confirmer le jugement du 14 février 2020 en ce qu’il a débouté les sociétés Décathlon de leur action en concurrence déloyale ;

— déclarer en conséquence les sociétés Décathlon mal fondées en leurs demandes, fins et conclusions en concurrence déloyale ; les en débouter ;

— déclarer les sociétés Décathlon mal fondées en leurs demandes, fins et conclusions en concurrence parasitaire ; les en débouter ;

Sur les demandes indemnitaires et réparatrices des sociétés Décathlon

A titre principal - déclarer les sociétés Décathlon mal fondées en leurs demandes indemnitaires et réparatrices, fins et conclusions à ce titre ; les en débouter.

A titre subsidiaire

— dire que le préjudice subi par la société Décathlon ou par les sociétés Décathlon n’excède pas la somme de 545 euros.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

A titre principal

— condamner in solidum les sociétés Décathlon à lui verser la somme de 30.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— les condamner également in solidum en tous les dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Maître Olivier Legrand, avocat, par application de l’article 699 du code de procédure civile. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

A titre subsidiaire

— condamner la société Phoenix Group à lui verser la somme de 30.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— la condamner également en tous les dépens de première instance et d’appel, dont distraction par application de l’article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions, la société Phoenix Group demande à la cour de :

— confirmer le jugement, rendu le 14 février 2020, par le tribunal judiciaire de Paris, en ce qu’il a :

— dit que le masque 'Tecnopro’ fourni par el e et commercialisé par la société Intersport France ne constitue pas la contrefaçon du modèle n° 002526699-0001 ;

— débouté les sociétés Décathlon de leurs demandes au titre de la contrefaçon ;

— rejeté les demandes indemnitaires et réparatrices subséquentes ;

— débouté les sociétés Décathlon de leur action en concurrence déloyale ;

— infirmer ledit jugement en ce qu’il a :

— dit que l’importation et/ou la détention, l’offre à la vente et la commercialisation en France par les sociétés Intersport France et Phoenix Group de masques de plongée subaquatiques référencés 'Tecnopro’ constituent des faits de concurrence parasitaire au préjudice des sociétés Décathlon ;

— condamné in solidum les sociétés Intersport France et Phoenix Group à payer aux sociétés Décathlon la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice né des actes de concurrence parasitaire ;

— dit que la société Phoenix Group devra garantir la société Intersport France des condamnations prononcées à son encontre ;

— débouté la société Phoenix Group de sa demande reconventionnel e au titre de la procédure abusive ;

— condamné in solidum les sociétés Intersport France et Phoenix Group à verser aux sociétés Décathlon la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI


- rejeté les demandes de ce chef de la société Intersport France à l’encontre de la société Phoenix Group ;

— condamné in solidum les sociétés Intersport France et Phoenix Group GMBH aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau :

— juger qu’el e n’a commis aucun acte de parasitisme ;

— déclarer les sociétés Décathlon mal fondées en leur action et les débouter en conséquence de l’ensemble de leurs demandes étant précisé à titre subsidiaire, qu’el e garantirait la société Intersport France de toutes condamnations éventuel es prononcées par la cour,

— reconventionnel ement ;

— condamner solidairement les sociétés Décathlon à lui régler la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

— condamner solidairement les sociétés Décathlon à lui régler la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner solidairement les sociétés Décathlon aux entiers dépens dont distraction, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Sur l’étendue de la saisine de la cour

A titre liminaire la cour constate que la déclaration d’appel des sociétés Décathlon du 14 mai 2020 (RG 20/ 6328) visait notamment le dispositif du jugement entrepris en ce qu’il a 'limité les condamnations prononcées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire à la somme de 100.000 euros en faveur des sociétés Décathlon SA et Décathlon France'.

Dans leurs premières conclusions d’appel signifiées le 14 août 2020, les sociétés Décathlon demandent la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré recevables les demandes formées par les sociétés Décathlon au titre de la concurrence déloyale et parasitaire et dit que l’importation et/ou la détention, l’offre en vente et la commercialisation en France par les sociétés Intersport France et Phoenix Group de masques de plongée subaquatiques référencés 'Tecnopro’ constituent des faits de concurrence parasitaire au préjudice des sociétés Décathlon et de l’infirmer en ce qu’il a manifestement sous-évalué le préjudice découlant de la concurrence déloyale et parasitaire, les Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

sociétés Décathlon sol icitant alors l’al ocation de la somme de 600.000 euros en réparation de leur préjudice à ce titre.

Ces mêmes demandes ont été formées par les sociétés Décathlon dans leurs conclusions d’intimée et d’appelantes incidentes signifiées le 14 août 2020 en réponse aux conclusions d’appelantes de la société Phoenix Group signifiées le 28 mai 2020 (RG 20/4831).

Saisi d’un incident par les sociétés Intersport France et Phoenix Group aux fins de voir déclarer irrecevables l’appel des sociétés Décathlon en ce qu’il tend à les voir condamner solidairement à payer aux sociétés Décathlon la somme de 600.000 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice né des actes de concurrence déloyale, le conseil er de la mise en état a, par ordonnance en date du 21 janvier 2021, après avoir constaté que les délais prescrits par les articles 908 et 909 du code de procédure civile ont été respectés par les sociétés Décathlon, déclaré recevable l’appel des sociétés Décathlon et dit que le périmètre de la dévolution de l’appel et de l’appel incident des sociétés Décathlon ressort de la compétence de la cour et non du conseil er de la mise en état.

Devant la cour, la société Intersport France soutient que le tribunal a rejeté les demandes des sociétés Décathlon sur le fondement de la concurrence déloyale et que cel es-ci n’ont, par leur déclaration d’appel du 14 mai 2020 et leurs conclusions d’appelantes à titre principal et incident du 14 août 2020, pas interjeté appel du jugement en qu’il a rejeté leurs demandes au titre de la concurrence déloyale et que seules les demandes au titre du parasitisme ayant été accueil ies, l’infirmation quant au quantum al oué en réparation ne peut concerner que le parasitisme al égué. El e en déduit que la cour n’est saisie d’aucun appel du jugement en ce qu’il a rejeté les demandes au titre de la concurrence déloyale.

Selon l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Il ressort de ce qui précède que tant dans leur déclaration d’appel du 14 mai 2020 que dans leurs premières conclusions d’appel signifiées le 14 août 2020, les sociétés Décathlon visaient le quantum des dommages et intérêts al oués au titre des agissements parasitaires reconnus par les premiers juges qu’el es estimaient trop faible, sans sol iciter l’infirmation du jugement en ce qu’il avait rejeté leurs demandes au titre de la concurrence déloyale tout en critiquant les motifs de la décision entreprise dans le corps de ses écritures qui avaient écarté tout risque de confusion entre les deux produits et partant la concurrence déloyale.

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Néanmoins, il convient de relever que le dispositif du jugement déféré qui a seul autorité de la chose jugée, a notamment, s’agissant des demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire dont il était saisi :

— déclaré recevables les demandes formées par les sociétés Décathlon au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

— dit que l’importation et/ou la détention, l’offre en vente et la commercialisation en France par les sociétés Intersport France et Phoenix Group de masques de plongée subaquatiques référencés Tecnopro constituent des faits de concurrence parasitaire au préjudice des sociétés Décathlon ;

— condamné in solidum les sociétés Intersport France et Phoenix Group à payer aux sociétés Décathlon la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice né des actes de concurrence parasitaire.

Si la décision déférée écarte dans ses motifs les actes de concurrence déloyale en raison de l’absence de risque de confusion, les demandes à ce titre des sociétés Décathlon ne sont pas expressément rejetées au dispositif de cette décision.

Il ne peut donc être reproché aux sociétés Décathlon de n’avoir relevé appel que du seul chef qui leur fait grief à savoir la condamnation aux dommages et intérêts qu’el es considèrent insuffisants.

L’appel des sociétés Décathlon a en conséquence déféré à la cour la connaissance des prétentions au titre de la concurrence déloyale et la fin de non-recevoir opposée par la société Intersport France à ce titre sera rejetée.

Sur la recevabilité des conclusions des sociétés Décathlon en réponse à l’appel incident de la société Intersport France

La société Intersport France fait valoir que les sociétés Décathlon n’ont pas répondu dans le délai prescrit par l’article 910 du code de procédure civile à ses demandes de rejet de pièces et de nul ité du modèle communautaire formées dans ses conclusions d’intimées et d’appel incident en date du 14 novembre 2020 et que les moyens développés dans les écritures des sociétés Décathlon sont d’office irrecevables.

Néanmoins, selon les dispositions de l’article 910 du code de procédure civile, l’intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d’irrecevabilité relevées d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification qui lui est faite pour remettre ses conclusions au greffe, les parties peuvent invoquer de nouveaux moyens et conclure à nouveau jusqu’à la clôture de l’instruction. L’irrecevabilité des conclusions déposées par les sociétés Décathlon Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

avant la clôture mais après l’expiration du délai de trois mois suivant l’appel incident formé par la société Intersport France, ne peut être prononcée d’office ces conclusions des appelantes principales en date du 6 août 2021 étant au moins en partie destinées à développer son appel principal.

Sur les pièces des sociétés Décathlon n°18-1 à 18-4, 21-1, 22-1 et 22- 3, 26-2 et 26-3

La société Intersport France fait valoir que les pièces n° 18-1 à 18-4, 21-1, 22-1 et 22-3, 26-2 et 26-3 produites par les sociétés Décathlon sous une forme très largement tronquée, aboutissant à en faire disparaître la quasi-totalité des mentions pour n’en laisser subsister que quelques passages isolés ne lui permettent pas d’apprécier l’objet réel des contrats, de s’assurer de la réalité et de l’étendue des droits de propriété intel ectuel e dont pourrait disposer la société Décathlon ou de prendre connaissance d’éventuel es exceptions lui interdisant de se prétendre seule titulaire desdits droits.

Néanmoins, il n’est pas discuté par les parties que ces pièces ont été régulièrement communiquées par les sociétés Décathlon dans la présente procédure. Ces pièces n’ont donc pas lieu à être rejetées des débats en application des dispositions des articles 15, 16 et 132 du code de procédure civile, cel es-ci ayant pu être débattues contradictoirement, la cour appréciant le caractère probant de cel es- ci dans le cadre de l’appréciation du fond du litige.

La demande de la société Intersport France tendant à voir écarter des débats les pièces susvisées ne peut qu’être rejetée et le jugement déféré confirmé de ce chef.

Sur la validité du modèle communautaire n° 002526699-0001

- Sur le dépôt frauduleux

La société Intersport France fait valoir que la société Décathlon a déposé le 6 novembre 2013 sous le n° 002340224-001 un modèle communautaire portant exactement sur le même modèle que celui invoqué par la société Décathlon dans le présent litige, modèle déposé le 28 août 2014. El e considère que ce second dépôt couvrant le même produit et le même territoire n’a pour finalité que de prolonger indûment de près de 10 mois la durée du monopole attaché au premier dépôt. El e ajoute que ce procédé d’un double dépôt successif conduit à prolonger indûment la durée de protection du modèle communautaire antérieur, ce qui nuit au jeu de la concurrence.

El e critique le jugement entrepris qui n’a pas retenu ce motif de nul ité au vu de la durée prévisible d’exploitation du produit qui est indifférente, seule important la durée du monopole conféré par le dépôt et que le modèle objet de ce second dépôt est susceptible d’être Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

opposé à tout masque tombant dans le champ du premier dépôt du fait par exemple des différences de couleur.

Il ressort des éléments fournis au débat que la société Décathlon a déposé le 6 novembre 2013 un modèle comportant trois clichés photographiques en couleurs du masque Easybreath vu de face, de trois quart et de dos, et le 28 août 2014, un second dépôt de modèle, opposé dans la présente procédure, portant sur le même masque représenté cette fois sous forme de sept dessins en noir et blanc montrant celui-ci de trois-quarts, de face, de dos, de profil gauche puis droit et de dessus.

A supposer que la fraude puisse être une cause de nul ité d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, la mauvaise foi n’étant pas, à la différence de la marque communautaire, prévue comme motifs de nul ité du dessin ou modèle communautaire énumérés de manière exhaustive à l’article 25 du du règlement (CE) n° 6 /2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, il convient de considérer que la société Intersport France à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre nul ement que la société Décathlon a effectué le second dépôt de dessin ou modèle n° 002526699-001 non pas dans un but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence mais avec l’intention de porter atteinte d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que cel e relevant des fonctions d’un dessin ou modèle qu’est notamment la protection de l’esthétique industriel e.

Or, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si le délai de grâce d’un an prévu à l’article 7, paragraphe 2, du règlement précité, s’applique en l’espèce, le seul dépôt successif de dessin ou modèle communautaire portant sur le même masque, mais se distinguant par la représentation qui est faite de ce produit et qui conditionne la portée du dépôt, ne suffit pas à établir le caractère frauduleux du second dépôt, et notamment la volonté de la société Décathlon de prolonger artificiel ement de 10 mois la durée du premier dépôt.

La demande de nul ité pour dépôt frauduleux doit être rejetée.

— Sur le défaut de clarté et d’unicité du dépôt

L’article 3 a) du règlement 6/2002 définit le dessin ou modèle comme l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit que lui confèrent en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et ou des matériaux du produit lui- même et/ou de son ornementation.

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L’article 4.1 e) du règlement (CE) n° 2245/2002 du 21 octobre 2002 portant modalités d’application du règlement (CE) n° 6/2002 dispose par ail eurs que la représentation du dessin ou modèle consiste en une reproduction graphique ou photographique du dessin ou modèle en noir et blanc ou en couleur. El e répond aux conditions suivantes :… e) le dessin ou modèle est reproduit sur fond neutre et n’est pas retouché à l’encre ou au fluide correcteur. Il doit être d’une qualité suffisante pour distinguer clairement tous les détails de l’objet pour lequel la protection est demandée et permettre sa réduction ou son agrandissement au format maximal de 8cm x 16 cm par vue pour son inscription au registre des dessins ou modèles communautaires prévue à l’article 72 du règlement (CE) n° 6/2002, ci-après dénommé 'le registre’ et pour sa publication directe dans le bul etin des dessins ou modèles communautaires visée à l’article 73 dudit règlement.

La société Intersport France se fondant sur les dispositions de l’article 3 a) du règlement n° 6/2002 et de l’article 4.1 e) du règlement n° 2245/2002, soutient que les reproductions figurant au dépôt en cause couvrent 4 masques différents en violation des dispositions de l’article 3(a) du règlement n° 6/2002 précité en ce qu’el es montrent une sangle de fixation soit globalement verticale se décomposant en deux branches en forme de X (vues 1 à 3), soit constituée d’une bande unique s’étendant en diagonale de la partie basse droite à la partie haute gauche opposée ou le contraire (vues 4 et 5) ou encore globalement horizontale (vue 7).

El e considère en outre que les incohérences existant entre les reproductions ne permettent pas aux tiers d’identifier avec clarté et précision les détails du dessin et d’appréhender aisément les différents éléments du modèle déposé tels une visière, une jupe et la fixation de cel e-ci à un cadre comme le revendiquent les sociétés Décathlon.

Néanmoins, la représentation du modèle de masque en cause sous sept vues différentes ne fait pas apparaître, contrairement à ce que soutient la société Intersport France, plusieurs produits dont la différence tiendrait à l’existence d’une sangle de maintien différente, mais un seul produit composé d’une sangle de maintien en forme de X représentée clairement aux figures 1 à 3 et 6, représentation qui n’est pas remise en cause par les vues 4, 5 et 7 ce quand bien même la reproduction graphique de la sangle de maintien sur les vues 4 et 5 ne fait pas apparaître l’exacte perspective.

De même, ainsi que le font valoir les sociétés Décathlon, en matière de dessin ou modèle, seule la représentation figurant au dépôt fixe l’étendue de la protection et la représentation du modèle en cause présentée sous sept vues différentes est suffisamment claire et précise pour en déterminer les caractéristiques composant ledit modèle en ce compris la visière transparente comportant une partie plate au niveau des yeux et laissant apparaître un élément intérieur Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

entourant le nez du plongeur qualifié de 'jupe’ par les sociétés Décathlon, fixé au cadre du masque.

Les tiers peuvent ainsi clairement identifier les caractéristiques du modèle objet de la protection réclamée tel qu’inscrit au registre et publié au Bul etin.

Le grief de nul ité à ce titre doit en conséquence être écarté ainsi que l’a justement retenu le tribunal.

— sur le défaut de nouveauté

L’article 4 du règlement n° 6/2002 dispose que la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel.

Selon l’article 5 de ce règlement, un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public, dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants.

L’article 7, paragraphe 2, du même règlement prévoit que : 'aux fins des articles 5 et 6, il n’est pas tenu compte d’une divulgation si un dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée au titre du dessin ou modèle communautaire enregistré a été divulgué au public:

a) par le créateur ou son ayant-droit ou par un tiers sur la base d’informations fournies ou d’actes accomplis par le créateur ou son ayant droit, et ce,

b) pendant la période de douze mois précédant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou la date de priorité, si une priorité est revendiquée'.

La société Intersport France soutient que, la présomption édictée en faveur du déposant par l’article 17 du règlement n° 6/2002 ne permet pas d’invoquer le bénéfice de l’article 7 paragraphe 2 qui requiert une démonstration positive du déposant de sa qualité de créateur du produit protégé ou d’ayant droit du créateur, que le modèle n° 002340224-001 déposé le 6 novembre 2013 et publié le 20 décembre 2013 prive de nouveauté le modèle n°002526699-0001 déposé le 28 août 2014 invoqué, car la société Décathlon n’est pas le créateur du masque faisant l’objet du dépôt de ce modèle et ne démontre pas être l’ayant-droit des multiples personnes physiques ou morales ayant contribué à sa conception, les quelques contrats fournis Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

au débat largement caviardés n’ayant pas de force probante. El e ajoute que de nombreuses divulgations du modèle en cause ont été effectuées avant le 28 août 2014, privant de nouveauté le dessin ou modèle invoqué dans la procédure. El e considère alors que toute divulgation effectuée par la société Décathlon – ou par des tiers sur la base d’informations fournies par cel e-ci – avant le 28 août 2014, date de dépôt du modèle n° 002526699-0001, est destructrice de nouveauté, et ce quand bien même el e est intervenue pendant la période de douze mois précédant cette date.

Il n’est pas discuté que le dépôt du modèle n°002340224-001 du 6 novembre 2013 constitue une divulgation au public du modèle objet du dépôt n°002526699-0001 en date du 28 août 2014. De même, il ressort de la vidéo 'Tribord’ (pièce 17 de la société Intersport France) ayant fait l’objet de plus de deux mil ions de vues au 18 décembre 2013 sur le site Youtube, ou des articles publiés en 2014 (pièces 6-2, 4-5 bis et 4 -5 quinquiès, 4-8 des sociétés Décathlon), que la société Décathlon a divulgué au public le masque 'Easybreath’ antérieurement à la date de dépôt du modèle en cause déposé le 28 août 2014.

La question posée à la cour est de savoir si la société Décathlon titulaire des deux dépôts de modèle en cause peut bénéficier du délai de grâce prévu à l’article 7, paragraphe 2, du règlement précité.

Selon la jurisprudence du tribunal de l’Union européenne et de la Cour de justice de l’Union européenne, pour que l’article 7 paragraphe 2 du règlement soit applicable dans le cadre d’une procédure de nul ité, le titulaire du dessin ou modèle communautaire visé par la demande en nul ité doit établir qu’il est soit le créateur du dessin ou modèle invoqué pour fonder ladite demande, soit l’ayant droit de ce créateur (CJUE aff C 41-16 arrêt du 8 juin 2016 et T UE, 14 juin 2011, aff. T-68/10).

Il ressort des éléments fournis au débat que la société Décathlon n’est pas le créateur du modèle en cause, d’autres sociétés tel es les sociétés Mestel Safety ou Fritch-Durisotti ayant contribué à la création du masque Easybreath.

El e se prévaut toutefois de sa qualité d’ayant droit pour pouvoir invoquer le délai de grâce prévu à l’article 7, paragraphe 2, du règlement. El e invoque à ce titre les contrats conclus avec les sociétés précitées et se prévaut de la cession à son profit des droits de propriété intel ectuel e et de la présomption de cession des droits, étant la titulaire du premier modèle et exploitant paisiblement celui-ci sans revendication des créateurs.

Ainsi que le fait valoir la société Intersport France, les contrats fournis au débat par les sociétés Décathlon qui sont constitués d’un contrat cadre de service conclu le 1er décembre 2011 entre les sociétés Décathlon et Mestel Safety (pièces 18-1 et 18-2), du bon de Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

commande conclu à la même date entre les mêmes parties et concernant le développement du masque 'Easybreath’ par la société Mestel Safety (pièces 18-3 et 18-4) et d’une convention d’étude conclue le 18 décembre 2012 entre les sociétés Décathlon et Fritch- Durisotti concernant la création d’un modèle de masque 'Tribord’ (pièce 22-1) sont très largement caviardés et ne permettent pas à la cour de connaître exactement la portée de la cession des droits de propriété intel ectuel e consentis par ces deux sociétés, seule apparaissant pour le contrat conclut par la société Mestel Safety une clause de cession générale des droits de propriété intel ectuel e, étant en outre relevé qu’il ne peut être fait aucun lien entre la convention conclue entre les sociétés Décathlon et Fritch-Durisotti et l’extrait de contrat fourni en pièce 22-3 par la société Décathlon, reproduisant un seul article de contrat (article 7) portant cession de droits de propriété intel ectuel e. A cet égard, le motif lié à la protection du secret des affaires invoqué par les sociétés Décathlon, qui n’est établi par aucun élément autre que leurs seules affirmations, est insuffisant à justifier une communication aussi lacunaire des contrats en cause qui ne peuvent être considérés comme ayant force probante.

Néanmoins, il doit être relevé que la société Décathlon a procédé au dépôt du premier modèle le 6 novembre 2013 sans aucune revendication de la part des autres créateurs ayant participé au développement du masque Easybreath et l’a exploité paisiblement, ce dépôt et cette exploitation paisible faisant présumer qu’el e est titulaire des droits sur ce modèle au sens de l’article 17 du règlement 6/2001 mais également sa qualité d’ayant droit du créateur, corroborant ainsi les al égations des sociétés Décathlon selon lesquel es les sociétés Mestel Safety et Fritch Durisotti lui ont cédé leurs droits sur le modèle divulgué fondant la demande en nul ité. Aussi, el e peut valablement se prévaloir du délai de grâce prévu à l’article 7, paragraphe 2, et l’autodivulgation à laquel e el e a procédé dans la période de 12 mois précédant la date de dépôt n’est pas destructrice de la nouveauté du modèle déposé le 28 août 2014 sous le n°002526699-0001.

— Sur les caractéristiques fonctionnel es

L’article 8-1 du règlement n° 6/2002 dispose qu’un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique.

L’article 25 de ce même règlement prévoit qu’un dessin ou modèle communautaire ne peut être déclaré nul que … b) s’il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9.

La société Intersport France se basant sur deux brevets, un brevet français déposé le 17 mai 1994 par M. M et publié le 24 novembre 1995 sous le numéro 2 720 050 et une demande internationale PCT/FR2014/051056 déposée le 5 mai 2014 par la société Décathlon, Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

soutient que toutes les caractéristiques du modèle n° 002526699- 0001, tel es que mises en avant par les sociétés Décathlon sont exclusivement fonctionnel es.

Selon la Cour de justice de l’Union européenne (arrêt du 8 mars 2018, Affaire C-395/16) l’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires doit être interprété en ce sens que, pour apprécier si des caractéristiques de l’apparence d’un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci, il y a lieu d’établir que cette fonction est le seul facteur ayant déterminé ces caractéristiques, l’existence de dessins ou modèles alternatifs n’étant pas déterminante à cet égard.

L’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 doit être interprété en ce sens que, afin de déterminer si les caractéristiques concernées de l’apparence d’un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci, au sens de cette disposition, il incombe au juge national de tenir compte de toutes les circonstances objectives pertinentes de chaque cas d’espèce. Il n’y a pas lieu, à cet égard, de se fonder sur la perception d’un « observateur objectif ».

Les sociétés Décathlon reconnaissent que certains éléments sont imposés par la fonction technique de cette nouvel e catégorie de masque intégral de randonnée subaquatique tels que la présence du cadre, l’aplati de la vitre dans sa partie haute destinée à assurer la vision, la longueur du tuba et son inclinaison à 45 ° par rapport à l’axe du cadre, la forme ovoïdale de la jupe en silicone destinée à assurer l’étanchéité du masque et la valve de purge.

La rigidité du cadre est, contrairement à ce qu’affirment les sociétés Décathlon, également conditionnée par la fonction technique ainsi qu’il ressort de la demande de brevet PCT (page 2 ligne 25 de la description) selon laquel e l’invention atteint son but par le fait que le cadre est rigide. Il en va de même de sa forme ovoïdale dictée par la forme ovoïdale de la jupe qui assure l’étanchéité.

De même la forme en V inversé de la jupe apparaît guidée par des considérations purement techniques, cet élément présenté comme la cloison dans le brevet international précité, étant destiné selon la revendication 1 du brevet, à délimiter une chambre supérieure pour la vision d’une chambre inférieure pour la respiration, le cloison étant agencée pour être en appui au-dessus du nez de l’utilisateur de manière que la bouche et le nez se trouvent dans la chambre inférieure pendant que les yeux de l’utilisateur se trouvent dans la chambre supérieure, la cloison comportant au moins un passage agencé pour permettre une circulation d’air inspiré dirigée de la chambre supérieure vers la chambre inférieure lors d’une phase d’inspiration de l’utilisateur.

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Il ressort également des éléments fournis au débat (pièce 29 Décathlon) que 'la solution anti-buée imposait également de mettre le tuba en haut du masque', ce positionnement du tuba n’est donc pas comme l’affirment les sociétés Décathlon un choix esthétique mais est dicté par des considérations purement techniques.

Enfin, la forme de la sangle de maintien du masque apparaît également dictée par des considérations purement techniques cette forme et les modalités de raccordement avec le masque faisant l’objet des revendications 20, 21 et 22 de la demande de brevet PCT.

Néanmoins, s’il ressort notamment de la demande de brevet PCT précitée que la forme ovoïdale de la jupe fixée au cadre qui adopte la même forme, assure l’étanchéité du masque et est donc conditionnée par la forme du visage, tel e n’est pas le cas de cel e des montants du cadre dont la forme extérieure globalement arrondie sans angle sail ant, apparaît être un choix dicté par des considérations esthétiques et non exclusivement techniques. A cet égard, la société Intersport n’oppose pas utilement la norme NF EN 16805 selon laquel e le masque doit être exempt de parties sail antes ou de coins et arêtes vives susceptibles de blesser l’utilisateur, des formes géométriques plus anguleuses du cadre pouvant être adoptées dans le respect de cette norme ainsi qu’il ressort de la forme du cadre adopté par des masques du même type commercialisés par la société Intersport, peu important que ceux-ci soient postérieurs au dessin ou modèle en cause, qui présentent un cadre adoptant des formes plus géométriques avec des angles (pièces 23-21 et 23-22 Décathlon).

De même, il est démontré par la société Décathlon par les nombreuses pièces qu’el e verse au débat et concernant le travail sur les aspects du masque en cause, que les concepteurs du masque 'Easybreath’ ont souhaité que celui-ci ait une forme réduisant l’appréhension de l’utilisateur face à un masque trop inquiétant du style 'masque à gaz’ ou 'GIGN', cet objectif ayant nécessité l’intervention de la société Fritch-Durisotti pour proposer un 'design’ attractif (pièce 29 Décathlon). La société Intersport ne conteste pas utilement la valeur probante des attestations rédigées par M. E L (pièce 29) qui a participé au projet en qualité de chef de produit plongée au sein de la société Décathlon, et par M. F C (pièce 19 Décathlon) désigner au sein de la société Décathlon, au motif qu’en qualité de préposés, leurs témoignages ne sauraient être pris en compte, alors que ces attestations sont circonstanciées et documentées, corroborées par d’autres éléments fournis au débat (pièces 4-2 à 4-6 ou 18-6 notamment) et n’apparaissent pas dictées pour les seuls besoins de la cause. Ainsi, il ressort notamment que l’usage d’une vitre transparente sur l’ensemble du masque y compris en partie basse, comme la forme du tuba de section ovoïdale et sa transparence, apparaissent être des choix esthétiques pour al éger l’aspect global du masque et non dictées par des considérations exclusivement techniques. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Il résulte des éléments qui précèdent que la fonction technique du masque Easybreath n’est pas la seule à déterminer les caractéristiques de son apparence, des considérations esthétiques ayant joué un rôle déterminant pour la forme du masque objet du dépôt de dessin ou modèle communautaire argué de nul ité.

La demande de nul ité de la société Intersport France du dessin ou modèle communautaire n°002526699-0001 dont la société Décathlon est titulaire doit être rejetée et le jugement entrepris confirmé de ce chef.

Sur la contrefaçon

L’article 10 du règlement n° 6/2002 prévoit que :

1- la protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s’étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression visuel e globale différente.

2 – pour apprécier l’étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.

Ainsi que l’a retenu la tribunal, l’utilisateur averti est constitué de personnes pratiquant la plongée de surface à titre de loisir de façon habituel e ou occasionnel e, et des professionnels louant du matériel utile à cette activité.

Les sociétés Décathlon reprochent au masque fourni par la société Phoenix Group et commercialisé par la société Intersport France de reprendre au masque objet du dépôt de dessin ou modèle n°002526699-0001 :

— la forme ovoïdale du cadre rétrécie en bas du visage,

— la transparence intégrale de la vitre y compris en bas du visage,

— la forme de croissant arbitrairement choisie pour l’aplati de la vitre bien au-delà du champ de vision,

— le positionnement du tuba au centre de la partie sommitale du cadre,

— la forme rectiligne du tuba,

— la forme ovoïdale adoptée pour la section du tuba,

— la jupe en forme de « v » renversé visible par la transparence de la vitre,

— la forme cruciforme retenue pour la sangle de maintien. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Il ressort néanmoins de ce qui précède que plusieurs des caractéristiques de l’apparence du masque objet du dépôt de dessin ou modèle n°002526699-0001 invoquées par la société Décathlon comme reprises par le produit argué de contrefaçon, sont exclusivement imposées par sa fonction technique (forme ovoïdale du cadre dictée par la forme ovoïdale de la jupe qui assure l’étanchéité ainsi que la forme en V inversé de la jupe au-dessus du nez formant cloison entre le haut et le bas du masque, l’aplati de la vitre pour la vision, mais aussi sa forme basse épousant le nez, la longueur du tuba, son placement en haut du cadre et son degré d’inclinaison par rapport à l’axe du cadre, la forme de la sangle de maintien du masque), et que le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du produit en cause est donc restreint, ce degré de liberté devant être pris en considération dans le cadre de l’appréciation de l’étendue de la protection du modèle.

Or les ressemblances existant entre les deux masques en présence ressortent principalement de la reprise par le masque argué de contrefaçon de caractéristiques imposées par la fonction technique du produit, seules la transparence de la partie inférieure de la vitre et la forme de croissant de la partie haute de cel e-ci étant reprises sans nécessité. En revanche, les autres éléments du masque non imposés par les contraintes techniques tels la forme du cadre ou du haut du tuba présentent des différences notables qui sont justement relevées par le tribunal, soit :

— le forme du cadre qui est dans le masque de la société Décathlon constitué de deux pièces, la partie supérieure étant nettement plus large et présentant une arrête et à son sommet un renforcement trapézoïdal, alors que celui du masque commercialisé par la société Intersport France est monobloc, plus étroit et de largeur constante et ne comporte aucun renforcement trapézoïdal,

— le tuba du masque de la société Décathlon est transparent, de forme ovale avec un embout arrondi et un chapeau asymétrique alors que le tuba du produit vendu par la société Intersport France est d’aspect opaque et son embout globalement triangulaire,

— la forme de la vitre n’est pas plate dans toute sa partie supérieure dans le masque commercialisé par la société Intersport France, cel e- ci comportant au-dessus de la partie plate, une partie inclinée vers l’avant.

En conséquence, le tribunal doit être approuvé en ce qu’il a considéré que nonobstant les caractéristiques communes entre les deux masques en présence, les différences précédemment relevées suffisent à susciter chez l’utilisateur averti ayant un certain niveau de vigilance, une impression visuel e globale différente. A cet égard, la société Décathlon ne peut invoquer utilement le 'rapport d’étude (pièce Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

36-2 Décathlon) auquel el e a fait procéder en octobre 2020 aux fins de 'mesurer l’association du masque de plongée Intersport à la marque Décathlon’ pour considérer que 76,5 % des personnes interrogées attribuent le masque Tecnopro à la société Décathlon. En effet, cette étude a été effectuée trois ans après les faits de contrefaçons reprochés, et peu après la première crise sanitaire qui a mis en avant le masque 'Easybreath’ notamment comme moyen de pal ier à la pénurie de respirateurs, et l’appréciation de l’étendue de la protection du modèle en cause doit tenir compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du modèle de masque qui est en l’espèce restreint, la plupart des ressemblances existant entre les produits en présence ressortant de caractéristiques imposées par des considérations techniques.

Il s’ensuit que la société Décathlon est mal fondée en son grief de contrefaçon de son droit de dessin ou modèle communautaire enregistré sur le masque 'Easybreath’ et doit être déboutée de l’ensemble des demandes formées de ce chef à l’encontre des sociétés Intersport France et Phoenix Group.

Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.

Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire

Les sociétés Décathlon forment également une demande au fondement de la concurrence déloyale et parasitaire qui doit être examinée dès lors que la demande principale formée au fondement de contrefaçon a été rejetée, la cour ayant ci-avant considéré que l’appel des sociétés Décathlon a déféré à la cour la connaissance des chefs de concurrence déloyale.

Le principe de la liberté du commerce implique qu’un produit qui n’est pas l’objet de droits privatifs peut être librement reproduit et commercialisé à moins que la reproduction ou l’imitation du produit ait pour objet ou pour effet de créer un risque de confusion entre les produits dans l’esprit du public, comportement déloyal constitutif d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil.

Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sil age d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.

La demande en concurrence déloyale et parasitaire présente un fondement délictuel et il incombe en conséquence aux sociétés Décathlon de rapporter la preuve d’un agissement fautif des sociétés Intersport France et Phoenix Group commis à leur préjudice par la création d’un risque de confusion et / ou la captation des investissements consentis pour développer un produit phare.

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Il découle des motifs qui précèdent que les masques en cause sont différents et exclusifs d’un risque de confusion. En effet, si l’imitation devient fautive lorsqu’el e révèle une volonté de créer une confusion dans l’esprit du consommateur entre deux produits, il ressort de ce qui précède que les principales ressemblances entre les deux masques résultent de nécessités techniques. La concurrence déloyale qui pour être établie suppose la démonstration d’une faute par la création d’un risque de confusion doit être, en conséquence, écartée.

En revanche, la société Décathlon justifie par les différentes pièces versées au débat tant devant le tribunal que devant la cour, que le masque 'Easybreath’ a dès sa commercialisation en 2014 rencontré un grand succès commercial.

Il résulte en effet notamment des attestations de P E C, directeur administratif et financier de la société Décathlon, et de cel e de G G M, directeur administratif et financier de la société Décathlon France, que les ventes en France de masques 'Easybreath’ entre les mois de mai 2014 et novembre 2018 s’augmentent à plus de 2.300.000 produits pour un chiffre d’affaires généré de plus de 73 mil ions d’euros, ces attestations, si el es émanent de préposés de la société Décathlon et que les chiffres dont el es témoignent ne sont pas certifiées par un expert-comptable ou commissaire aux comptes, il ressort que le succès commercial et la notoriété du masque 'Easybreath’ à la date des faits reprochés aux sociétés Phoenix Group et Intersport France, sont néanmoins corroborés par les nombreux articles de presse spécialisée ou non faisant état de l’innovation révolutionnaire que constitue ce produit, du succès rencontré par celui-ci et la notoriété acquise (pièces 6 et suivantes), la presse présentant le masque 'Easybreath comme un produit phare de la société Décathlon. Il est également montré par les sociétés Décathlon les lourpds investissements publicitaires de plus de trois mil ions d’euros consentis pour promouvoir ce produit (pièce 7 et suivantes), la société Intersport contestant vainement le lien entre ces factures et les spots publicitaires diffusés, les factures produites précisant bien que les sommes investies concernent la promotion du masque 'Easybreath'.

La fourniture par la société Phoenix Group à la société Intersport France du masque critiqué, pour la commercialisation de celui-ci en France sous la dénomination Tecnopro en 2017, période à laquel e le masque 'Easybreath’ rencontre un grand succès commercial, constitue un produit phare de l’enseigne Décathlon et est connu d’une large partie du public grâce aux lourds investissements publicitaires consentis par les sociétés Décathlon, ne peut être regardée comme fortuite et manifeste de la volonté délibérée des sociétés Phoenix Group et Intersport France de se placer dans le sil age des sociétés Décathlon pour bénéficier du succès rencontré auprès de la clientèle par leur masque subaquatique, un lien se faisant entre les deux masques du fait de leur aspect global sans pour autant engendrer un Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

risque de confusion non nécessaire en matière de parasitisme, ce d’autant que ni la société Phoenix Group, ni la société Intersport France ne justifient d’investissements particuliers pour développer le masque Tecnopro ou le faire connaître du public.

Les agissements contraires à la loyauté du commerce sont ainsi caractérisés, la qualité de leader mondial d’articles de sport invoquée par la société Intersport France qui en déduit n’avoir aucun intérêt, ni aucune intention de se placer dans le sil age des sociétés Décathlon, est à cet égard totalement inopérante.

Le jugement entrepris mérite également confirmation sur ce point.

— Sur les mesures réparatrices

La société Intersport France soutient que les sociétés Décathlon sont non-recevables, faute d’intérêt, en leur demande d’infirmation du jugement qui leur a al oué à titre de dommages et intérêts la somme de 100.000 euros, somme qui était sol icitée par les sociétés Décathlon en première instance.

Néanmoins, les parties sont recevables à former devant la cour des prétentions par lesquel es el es élèvent le montant de la réclamation si el es ne diffèrent de cel es formulées devant le premier juges que par leur ampleur.

Aussi, la demande des sociétés Décathlon visant à l’al ocation de la somme de 600.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’el es estiment avoir subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire est recevable en cause d’appel.

Les sociétés Décathlon critiquent le jugement entrepris en ce qu’il leur a al oué la somme de 100.000 euros de dommages et intérêts aux motifs que le premier juge a sous-évalué leur préjudice, estimant que celui-ci va bien au-delà de la marge réalisée par les sociétés Phoenix Group et Intersport France en raison des investissements qu’el es ont consenti et de la captation par les sociétés Phoenix Group et Intersport france de la notoriété du produit.

La société Intersport France sol icite quant à el e que la somme al ouée soit réduite à 545 euros, contestant le montant des investissements des sociétés Décathlon et faisant valoir que les faits litigieux portent sur 8.520 masques Tecnopro ainsi qu’il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon.

Outre que le tribunal a al oué aux sociétés Décathlon la somme qu’el es réclamaient en réparation du préjudice issu des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, la mention 'à parfaire’ étant inopérante, cel es-ci n’apportent devant la cour aucun élément nouveau tels la poursuite des actes de parasitisme reprochés, Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

permettant de considérer que la somme accordée par le premier juge est insuffisante à réparer leur préjudice.

Il convient également de relever que la société Intersport France a commandé à la société Phoenix Group 8.520 produits pour un montant total de 161.794 euros, le prix unitaire du produit étant de 18,99 USD, ce produit étant revendu au prix de 27,16 euros TTC (pièce 11-3 Décathlon procès-verbal de saisie contrefaçon).

Or, c’est par une juste appréciation que la cour adopte, que le premier juge en se basant sur des investissements de développement du produit Easybreath justifiés à hauteur de 350.000 euros et des investissements promotionnels évalués à une somme qui n’est pas inférieure à un mil ion d’euros, s’agissant de la seule conception des spots, même s’il est désormais justifié que les investissements publicitaires en ce compris la diffusion des spots publicitaires, sont de trois mil ions d’euros, a al oué aux sociétés Décathlon la somme de 100.000 euros en réparation de leur préjudice issu du parasitisme dont el es ont été victimes.

La société Phoenix Group dont il ressort qu’el e est le fournisseur des masques en cause commercialisés par la société Intersport France ne conteste pas utilement sa responsabilité au seul motif qu’el e n’a pas el e-même importé les produits en France.

Le jugement sera également confirmé de ce chef.

La nature de l’atteinte relevée et l’ancienneté du litige ne justifient pas une mesure de publication judiciaire qui sera rejetée.

Les mesures d’interdictions sol icitées ne sont pas plus pertinentes, les sociétés Décathlon ne montrant pas que les sociétés Phoenix group et Décathlon ont poursuivi les agissements fautifs reprochés.

Le jugement est confirmé à ces titres.

Sur la demande de la société Phoenix Group au titre de la procédure abusive

Aucune faute des sociétés Décathlon dans l’introduction de la présente procédure n’étant démontrée, certaines de leurs prétentions étant en outre accueil ies, les demandes de la société Phoenix Group au titre de la procédure abusive doivent être rejetées et le jugement confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

La société Phoenix Group tout en sol icitant dans ses dernières écritures l’infirmation du jugement entrepris qui l’a condamnée à garantir la société Intersport des condamnations prononcées contre Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

cette dernière, ne présente aucun moyen à l’appui de cette demande sauf à préciser que si, par extraordinaire, la cour faisait droit aux demandes des sociétés Décathlon, el e garantirait la société Intersport France de toutes condamnations éventuel es prononcées par la cour.

Aussi, il convient de confirmer le jugement déféré non critiqué sur ce point.

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles.

L’équité commande de condamner in solidum les sociétés Intersport France et Phoenix Group à payer aux sociétés Décathlon la somme globale de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et de les débouter de leur demande formée à ce même titre.

Les sociétés Intersport France et Phoenix Group, succombant à l’appel, en supporteront les dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir de la société Intersport France s’agissant des demandes des sociétés Décathlon formées au titre de la concurrence déloyale,

Rejette la fin de non-recevoir de la société Intersport France tirée du défaut d’intérêt des sociétés Décathlon et Décathlon France à contester la somme al ouée par le tribunal en réparation du préjudice subi en raison des actes de parasitisme,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Déboute les sociétés Décathlon et Décathlon France de leurs demandes formées au titre de la concurrence déloyale,

Condamne in solidum les sociétés Intersport France et Phoenix Group à payer aux sociétés Décathlon et Décathlon France une somme globale de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et les déboute de leur demande formée à ce même titre,

Condamne in solidum les sociétés Intersport France et Phoenix Group aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

La greffière La présidente Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

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Cour d'appel de Paris , Pôle 5, 2e ch.