Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 4, 6 mars 2019, n° 17/18551

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 4, 6 mars 2019, n° 17/18551
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/18551
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Lyon, 26 juillet 2015, N° 2014J342
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
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Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAIS

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 06 MARS 2019

(n° , 17 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 17/18551 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B4GJW (suite à une réinscription après radiation du 02 mai 2017)

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juillet 2015 – Tribunal de commerce de LYON – RG n° 2014J342

DEMANDERESSE À LA RÉINSCRIPTION

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE

Ayant son siège social : [Adresse 1]

[Adresse 2]

[Localité 1]

N° SIRET : 428 268 023 (SAINT ETIENNE)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Ayant pour avocat plaidant : Me Sébastien SEMOUN de LEXCASE, avocat au barreau de LYON , toque : 851

DÉFENDEURS À LA RÉINSCRIPTION

— Monsieur [I] [V] [B]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 2]

Demeurant : [Adresse 3]

[Localité 3]

Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Ayant pour avocat plaidant : Me Jean-François FENAERT, avocat au barreau de LILLE

— SAS CARREFOUR PROXIMITE FRANCE

Ayant son siège social : [Adresse 4]

[Localité 4]

N° SIRET : 345 130 488 (CAEN)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Ayant pour avocat plaidant : Me Pascal COSSE de la SCP BARON – COSSE & GRUAU, avocat au barreau d’EVREUX

— SARL [B] DISTRIBUTION

Ayant son siège social : [Adresse 4]

[Localité 4]

N° SIRET : 321 747 644 (CAEN)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Représentée par Me Bertrand CHARLET, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 16 Janvier 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Irène LUC, Présidente de chambre, rédacteur,

Monsieur Laurent BEDOUET, Conseiller,

Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Irène LUC dans les conditions prévues par l’article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Irène LUC, président et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Distribution Casino France est spécialisée dans le secteur d’activité des supermarchés sous les enseignes Petit Casino, Vival, Spar, Supermarché Casino, Géant Casino, et Casino Shop.

Monsieur [B] était gérant de la société [B] Distribution et exploitait son fonds de commerce dans le cadre d’un contrat de franchise à l’enseigne SPAR conclu le 24 avril 1996 avec la société Médis à laquelle est aujourd’hui substituée la société Distribution Casino France SAS au termes d’un contrat de franchise renouvelé le 28 avril 2008.

Le 27 décembre 2013, le contrat de franchise a été résilié à l’initiative de la société [B] Distribution. En effet, Monsieur [B] a mis en cause l’inexécution, par la société Distribution Casino France, de l’une de ses obligations contractuelles inhérentes aux défaillances d’un logiciel de gestion.

Le 31 décembre 2013, Monsieur [B] a cédé à la société Carrefour Proximité France ses parts dans la société [B] Distribution. Un changement d’enseigne a alors eu lieu au profit de la société Carrefour Proximité France.

Cette situation a conduit à plusieurs litiges.

Le 7 février 2014, la société Distribution Casino France a assigné la société [B], son gérant Monsieur [B] et la société Carrefour Proximité France devant le tribunal de commerce de Lyon afin de faire prononcer la nullité de la cession des parts de la société [B] Distribution à la société Carrefour Proximité France et de les voir condamner à la réparation des dommages pour la violation de son droit de préemption.

Par jugement du 27 juillet 2015, le tribunal de commerce de Lyon a':

— dit recevable l’exception de compétence soulevée par les défendeurs,

— rejeté cette exception et s’est déclaré compétent,

— constaté que la clause résolutoire insérée dans le contrat de franchise du 28 avril 2008 n’avait pas été mise en 'uvre de bonne foi,

— dit que Monsieur [I] [B] et la société [B] Distribution avaient commis une faute faisant dégénérer en abus leur droit de rompre le contrat,

— déduit de cet abus que la clause résolutoire n’avait pu produire d’effets et que le contrat de franchise du 28 avril 2008 restait en vigueur jusqu’à son terme contractuel, sauf nouvelle dénonciation par l’une ou l’autre partie,

— constaté que le contrat de franchise a prévu dans son article 12, en cas de projet de cession du fonds de commerce du franchisé, une obligation d’information du franchiseur et un pacte de préférence à son profit,

— jugé que Monsieur [B] et la société [B] Distribution étaient, en raison des man’uvres entreprises, ensemble responsables du non respect par le franchisé, la société [B] Distribution, de ses obligations contractuelles résultant de l’article 12 du contrat de franchise,

— dit que ces man’uvres ont causé un préjudice direct et certain à la société Distribution Casino France,

— rejeté la demande d’annulation de la convention de cession des parts sociales intervenue le 31 décembre 2013 entre Monsieur [I] [B] et la société Carrefour Proximité France,

— condamné la société [B] Distribution à verser à la société Distribution Casino France la somme de 36.453 euros à parfaire au titre de la perte de marge constatée,

— condamné Monsieur [I] [B] à payer à la société Distribution Casino France la somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts,

— débouté la société Distribution Casino France SAS de sa prétention au paiement d’une indemnité au titre de la clause intuitu personae visée à l’article 11 du contrat de franchise,

— condamné la société [B] Distribution au paiement à la société Distribution Casino France de l’indemnité forfaitaire de 160.000 euros prévue au titre de la clause de non concurrence à l’article 14 du contrat de franchise,

— rejeté la demande de paiement d’une somme de 75.000 euros présentée par la société Distribution Casino France au titre du détournement d’informations confidentielles,

— jugé que la société Carrefour Proximité France s’est rendue coupable de complicité en favorisant la rupture de mauvaise foi par la société [B] Distribution du contrat de franchise en fraude de ses obligations contractuelles,

— condamné la société Carrefour Proximité France à payer à la société Distribution Casino France la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts,

— débouté Monsieur [I] [B], la société [B] Distribution et la société Carrefour Proximité France de l’ensemble de leurs autres demandes, fins, et prétentions,

— condamné in solidum Monsieur [I] [B], la société [B] Distribution et la société Carrefour Proximité France à payer à la société Distribution Casino France SAS la somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire de la présente décision nonobstant appel sans caution,

— condamné solidairement Monsieur [I] [B], la société [B] Distribution et la société Carrefour Proximité France aux dépens.

La cour est saisie de l’appel, interjeté par la société [B] Distribution, Monsieur [I] [B] et la société Carrefour Proximite France, du jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 27 juillet 2015.

Vu les dernières conclusions de la société [B] Distribution, appelante, déposées et notifiées le 7 janvier 2019 par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1108, 1119, 1126, 1131, 1134, 1142, 1157, 1162 anciens du code civil, 1583 et 1842 du code civil, 9, 32, 480, 502, 503, 561, 562, 564, 565 et 566 du code de procédure civile, L. 223-1 et suivants du code de commerce,

— donner acte à la société [B] Distribution de ce qu’elle renonce à son exception de compétence en cause d’appel,

— donner acte à la société Distribution Casino France de ce qu’elle renonce à son appel incident visant à voir annuler la cession des parts sociales de la société [B] Distribution intervenue au profit de la société Carrefour Proximite France,

— confirmer la décision déférée en ce que le tribunal de commerce de Lyon a rejeté la demande d’annulation de la convention de cession de parts sociales intervenue le 31 décembre 2013 entre Monsieur [I] [B] et la société Carrefour Proximité France, a débouté la société Distribution Casino France de sa prétention au paiement d’une indemnité au titre de la clause d’intuitu personae visée à l’article 11 du contrat de franchise, a rejeté la demande de paiement d’une somme de 75 000 euros présentée par la société Distribution Casino France au titre du détournement d’informations confidentielles,

— infirmer la décision déférée en toutes ses autres dispositions, hormis celle par laquelle le tribunal de commerce de Lyon s’est déclaré compétent.

— juger nul et de nul effet pour absence d’objet et de cause le droit de préférence stipulé sous l’article 12 du contrat Spar (pièce n° 1) en ce qu’il vise la cession des parts sociales de la société franchisée,

En toute hypothèse,

— constatant que le droit de préférence stipulé dans le contrat de franchise Spar au profit de la société Distribution Casino France nécessitait pour sa mise en 'uvre et pour déclencher un devoir d’information au profit de la société Distribution Casino France que ce soit le franchisé, c’est-à-dire la société [B] Distribution, qui soit à l’initiative du projet de cession des parts sociales et, en cette circonstance, en informer la société Distribution Casino France.

— dire en conséquence :

* que ce droit de préférence était inefficace s’agissant de la cession des parts sociales de la société [B] Distribution, qui ne pouvait donc pas émaner de la société [B] Distribution elle-même, cédant et cessionnaire étant nécessairement tiers tant à [B] Distribution qu’au droit de préférence revendiqué par la société Distribution Casino France ;

* qu’ainsi aucune violation du droit de préférence ne saurait être reprochée à la société [B] Distribution, ni aucune violation d’un devoir d’information au sens de l’article 12 du contrat de franchise Spar, [B] Distribution ne pouvant être à l’initiative de la cession de ses propres parts sociales, et était nécessairement tiers à cette cession.

Sur les autres demandes de la société Distribution Casino France :

Constatant que le contrat de franchise Spar a pris fin à l’initiative de la société [B] Distribution le 27 décembre 2013,

Constatant que l’ordonnance de référé du tribunal de commerce de Lyon du 21 janvier 2014 et le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 24 juin 2014 ont ordonné la reprise de la relation contractuelle née du contrat de franchise Spar, ce qui implique le constat préalable de sa rupture,

— dire en conséquence :

* que la clause de non-concurrence contractuelle n’était donc plus applicable postérieurement au 27 décembre 2013,

* que c’est par excès de pouvoir et violation de l’autorité de la chose jugée que la décision déférée a jugé qu’il se déduisait de la décision du 24 juin 2014 que la résiliation de mauvaise foi du contrat n’avait pu produire d’effet et que le contrat n’avait cessé de s’exécuter,

en conséquence :

— déclarer irrecevables les prétentions de la société Distribution Casino France, visant à obtenir la condamnation de la société [B] Distribution à la somme de 75.000 euros en réparation d’un prétendu préjudice lié à la violation prétendue d’une obligation de confidentialité,

— déclarer irrecevables les prétentions de la société Distribution Casino France, visant à obtenir la condamnation de la société [B] Distribution à la somme de 1.501.712 euros en réparation d’un prétendu préjudice lié à l’absence de commandes depuis le 27 décembre 2013 jusqu’au 4 juin 2017 dès lors que ce préjudice prétendu ne saurait se rattacher à la violation prétendue du droit de préférence,

en tout état de cause,

— déclarer irrecevable la société Distribution Casino France en cette demande de condamnation à hauteur de la somme de 1.501.712 euros, dès lors qu’elle ne se rattache pas par un lien suffisant à la demande liée à la violation prétendue d’un droit de préférence,

— débouter, en tout état de cause, la société Distribution Casino France de sa demande de condamnation à hauteur de la somme de 1.501.712 euros.

— débouter la société Distribution Casino France, en tout état de cause, de l’ensemble de ses prétentions.

— condamner la société Distribution Casino France à la somme de 250 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, l’intention de nuire étant caractérisée,

— condamner la société Distribution Casino France au paiement de la somme de 150 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les frais de l’instance ; '

Vu les dernières conclusions de la société Distribution Casino France, intimée, déposées et notifiées le 8 janvier 2019 par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu les articles L. 411-2 du code de l’organisation judiciaire devenu L. 721-3, 46, 122 et suivants, 463 et suivants, 561, 564 à 566 du code de procédure civile, 1108, 1128 et 1131 1134, 1142, 1147 et 1165, 1351 et 1382 du code civil,' L.442-6 et D. 443-2 du code de commerce,

Vu l’adage, « Nul ne se peut se prévaloir de leur propre turpitude »,

Vu l’adage, « la fraude corrompt tout »,

Vu la jurisprudence produite et les pièces,

Sur les exceptions de procédure

Sur la compétence

— constater et donner acte de ce que la société [B] ne soulève plus l’incompétence initiale du tribunal de commerce de Lyon,

— constater et donner acte de ce que la société Carrefour Proximité France ne soulève plus l’incompétence initiale du tribunal de commerce de Lyon,

— constater et donner acte de ce que Monsieur [I] [B] ne soulève plus l’incompétence initiale du tribunal de commerce de Lyon,

en conséquence

— se déclarer compétente,

Sur le grief d’un prétendu « extra petita » ou violation de l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal de commerce de Lyon du 24 juin 2014 des premiers juges

— constater que, par un arrêt du 16 novembre 2016, la cour d’appel de céans a d’ores et déjà statué sur ce point et a rejeté tout grief sur ce point,

— constater qu’il a été définitivement jugé que le contrat de franchise n’a « jamais connu d’interruption » dès lors que la tentative de rupture du contrat Spar a été jugée comme abusive par des décisions désormais définitives,

En conséquence, et en tout état de cause,

— dire qu’aucun « extra petita » ni aucune violation de l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal de commerce de Lyon du 24 juin 2014 n’ont été commis par les premiers juges,

— débouter les appelants de leurs demandes sur ce point,

Sur le fond

— confirmer, au tant que de besoin, le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 27 juillet 2015 en ce qu’il a fait droit aux demandes de la société Distribution Casino France, sauf en ce qui concerne les quantum qui devront être réformés et rejeter les demandes des sociétés [B] Distribution, Carrefour Proximité France et Monsieur [I] [B],

et, en tout état de cause,

— constater que :

* le contrat de franchise du 28 avril 2008 liant la société Distribution Casino France à la société [B] Distribution, alors représentée par Monsieur [I] [B], prévoit expressément en son article 11 (« Personnalité ») alinéa 1 que : « Le contrat est conclu par le franchiseur en considération expresse et déterminante de la personnalité du franchisé à savoir Monsieur [B], de sa situation de dirigeant effectif de l’activité objet du contrat et le cas échéant, du contrôle qu’il détient de la majorité des parts ou actions et droits de vote de la société. »,

* le contrat de franchise liant la société Distribution Casino France à la société [B] Distribution, alors représentée par Monsieur [I] [B], prévoit expressément en son article 12 (« Clause d’agrément et Pacte de préférence ») un droit de préemption / pacte de préférence au profit de la société Distribution Casino France en cas de cession « de tout ou partie des actions ou parts représentant le capital de la société »,

* dire que les dispositions prévues aux articles 11 et 12 précitées du contrat de franchise Spar sont claires et ne nécessitent aucune interprétation au sens des dispositions des anciens articles 1158, 1159, 1160, 1163 et 1164 du code civil, désormais 1188 à 1192,

* constater que la société [B] Distribution et Monsieur [B] étaient parfaitement informés de la volonté de la société Distribution Casino France de se prévaloir de son droit de préemption/pacte de préférence et de l’intérêt, en tout état de cause, de la société Distribution Casino France pour la reprise du point de vente ou, en tous les cas, sa conservation sous enseigne du Groupe Casino,

* constater que la société [B] a soutenu, tant devant la cour d’appel de Montpellier que devant la cour d’appel de Paris, pour s’opposer à la poursuite forcée du contrat et/ou prétendre à la caducité de celui-ci du fait du prétendu défaut d’agrément que « la société en tant que personne morale n’est qu’une abstraction » et que « juridiquement, on ne peut considérer une société sans la personne de son dirigeant, car c’est en réalité celui-ci, personne physique, qui va exécuter les obligations mises à la charge de la société. »,

* dire que la société Carrefour Proximité ne pouvait ignorer non seulement l’existence d’un droit de préemption au profit de la société Distribution Casino France mais aussi son intention de s’en prévaloir,

* constater que la cession des parts de Monsieur [B] a été consentie à la société Carrefour Proximité, le 31 décembre 2013,

* constater que, dès cette cession, la société Carrefour Proximité est devenue le dirigeant de la société [B] Distribution, cette dernière annonçant sur son point de vente, dès le 2 janvier 2014 suivant, un changement d’enseigne au profit d’une enseigne Carrefour,

* constater que plusieurs décisions ayant autorité de la chose jugée ont d’ores et déjà souligné le stratagème frauduleux mis en place par les sociétés [B] et Carrefour Proximité France et Monsieur [I] [B] : (…)

* constater qu’il a été définitivement jugé que le contrat de franchise n’a « jamais connu d’interruption » dès lors que la tentative de rupture du contrat Spar a été jugée comme abusive par des décisions désormais définitives,

* constater que le contrat de franchise Spar a été conclu le 28 avril 2008, soit antérieurement à l’adoption des dispositions relatives au déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties qui ne sont applicables qu’aux contrats conclus depuis le 1er janvier 2009 ainsi que l’a rappelé la cour d’appel de céans dans son arrêt du 3 octobre 2018,

En tout état de cause,

— constater que la société [B] Distribution ne démontre jamais le prétendu déséquilibre entre les droits et obligations des parties qu’elle invoque se contentant de procéder par amalgames et généralités,

— constater que la société [B] a cessé d’invoquer l’existence d’un prétendu déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dans ses conclusions du 17 décembre 2018 et 7 janvier 2019,

en conséquence, et autant que de besoin,

— déclarer irrecevable la société [B] en sa demande sur ce fondement et, en tout état de cause, la déclarer infondée,

— débouter la société [B] de sa demande de nullité de la clause stipulée à l’article 12 pour un prétendu défaut de cause et/ou défaut d’objet,

— constater que la cour d’appel de céans a été déjà saisie d’une demande de la société Carrefour Proximité France visant à prononcer la nullité de clause de non concurrence post-contractuelle stipulée au contrat de franchise de la société [B] Distribution et s’est déjà prononcée sur ladite clause qu’elle a annulée dans son arrêt du 3 octobre 2018,

En conséquence,

— dire sans objet la même demande de la société Carrefour Proximité France dans le cadre de la présente instance, demande qui est d’ailleurs abandonnée dans ses dernières conclusions d’appel en date du 29 novembre 2018, '

— constater qu’en première instance, la société Distribution Casino France sollicitait déjà à l’encontre de la société Carrefour Proximité France des dommages et intérêts de nature à compenser, notamment, une atteinte à l’image,

— constater que la société Carrefour Proximité France le reconnaît expressément dans le corps de ses conclusions du 17 décembre 2018,

en conséquence,

— dire la société Distribution Casino France recevable en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

— dire que la société Distribution Casino France a intérêt à agir au titre de la violation des dispositions de l’article 11 (« Personnalité »), 12 (« Clause d’agrément et Pacte de Préférence ») et 14 (« Clause de non concurrence ») du contrat de franchise Spar à l’encontre des appelants,

— dire que la société [B] Distribution, sous la plume de Monsieur [I] [B], alors son dirigeant, signataire du contrat de franchise et vendeur de parts sociales, a violé la clause de personnalité et détourné et violé le droit de préemption de la société Distribution Casino France avec la tierce complicité de la société Carrefour Proximité France,

— dire qu’il s’agit d’une fraude évidente,

— condamner Monsieur [B] à payer à la société Distribution Casino France des dommages intérêts en réparation du préjudice subi dont le montant sera porté à 50.000 euros,

— condamner la société [B] et la société Carrefour Proximité France in solidum à payer à la société Distribution Casino France la somme de 1.501.712euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’absence de passation de commandes et de versement des redevances et cotisations de publicité depuis le 27 décembre 2013 jusqu’au 4 juin 2017,

— déclarer la demande sur ce point recevable,

— condamner la société Carrefour Proximité France à payer à la société Distribution Casino France la somme de 300.000 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble commercial, atteinte à l’image et au réseau,

— condamner la société [B] Distribution à payer à la société Distribution Casino France la somme de 160.000euros à titre de dommages intérêts pour violation de la clause de non concurrence contractuelle,

— condamner la société [B] Distribution à payer à la Société Distribution Casino France la somme de 75.000 euros à titre de dommages intérêts pour violation de la clause de personnalité,

en toute hypothèse,

— débouter les intimés de l’ensemble de leurs demandes,

— condamner la société [B] Distribution, la société Carrefour Proximité et Monsieur [I] [B], in solidum, au paiement à la société Distribution Casino France d’une somme de 150.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société [B] Distribution, Monsieur [B] et la société Carrefour Proximité, à payer à la Société Distribution Casino France, en cas d’exécution forcée de la décision à intervenir, une indemnité équivalente au droit proportionnel mise à la charge du créancier par l’Huissier instrumentaire au titre de l’article 10 du décret 2001-212 du 8 mars 2001 ;

Vu les conclusions de M. [B], du 7 janvier 2019, dans lesquelles il demande à la cour de :

— juger la société Distribution Casino France irrecevable en ses demandes pour défaut d’intérêt à agir,

subsidiairement,

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation de la cession de parts sociales,

— l’infirmer pour le surplus, en ce qu’il a condamné M. [B] à payer la somme de 35 000 euros à la société Distribution Casino France, ainsi que la somme de 50 000 euros au titre des frais irrépétibles,

— juger la société Distribution Casino France mal fondée en ses demandes,

— condamner la société Distribution Casino France à payer à M. [B] la somme de 30 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de la société Carrefour Proximité France du 17 décembre 2018, dans lesquelles elle demande à la cour de :

— infirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé que la société Carrefour Proximité France s’est rendue coupable de complicité en favorisant la rupture de mauvaise foi par la société [B] du contrat et l’a condamnée à ce titre à payer à la société Distribution Casino France la somme de 150 000 euros, alors qu’elle n’avait pas présenté une telle demande,

— le confirmer en ce qu’il a débouté la société Distribution Casino France de sa demande d’annulation de la convention de cession des parts sociales,

— constater que la société Distribution Casino France ne disposait pas d’un droit de préemption,

— la débouter en conséquence de sa demande nouvelle de condamnation in solidum des sociétés [B] et Carrefour Proximité France à lui verser la somme de 1 501 712 euros du fait de l’absence de commandes depuis le 3 décembre 2014 en raison de la violation de son droit de préemption,

— juger irrecevable la demande nouvelle de Distribution Casino France de condamnation de la société Carrefour Proximité France à 300 000 euros de dommages-intérêts pour trouble commercial et atteinte à l’image de son réseau,

subsidiairement, dire cette demande mal fondée,

— débouter la société Distribution Casino France de toutes ses demandes,

— condamner la société Distribution Casino France au versement à la société Carrefour Proximité France d’une indemnité de 25 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR,

Sur la clause de préférence

La société [B] prétend que le pacte de préférence, d’interprétation stricte, lui est inopposable, car l’article 12 stipule que l’obligation pèse sur le « franchisé », la société [B], alors que la cession de parts sociales a été réalisée par les époux [B], qui n’ont pas adhéré au pacte de préférence.

Elle expose que la clause est dépourvue d’objet et de cause et demande à la cour d’en prononcer la nullité. Tiers à la cession des droits sociaux, la société [B] n’était pas en mesure de fournir une quelconque information à la société Distribution Casino France.

La société Carrefour Proximité France et M. [B] prétendent de même que les époux [B], propriétaires des parts sociales, n’ont jamais consenti un pacte de préférence à la société Distribution Casino France.

M. [B] expose que la société Distribution Casino France ne justifie pas d’un intérêt légitime à se prévaloir du pacte de préférence, n’ayant jamais eu l’intention d’acquérir les parts sociales de la société [B].

La société Distribution Casino France réfute tous ces arguments.

***

Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter.

Lorsqu’un contrat est conclu avec un tiers en violation d’un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi.

Si le droit de préférence porte sur la cession de parts sociales ou le contrôle de la société franchisée, il doit être conclu avec les associés de cette société.

En l’espèce, l’article 12 du contrat de franchise, intitulé « Clause d’agrément et pacte de préférence » prévoit que :

« Dans le cas où, pendant la durée du présent contrat, le franchisé souhaiterait céder son fonds de commerce ou un de ses éléments ou céder tout ou partie des actions ou parts représentant le capital de sa société, il s’engage à notifier au franchiseur, par lettre recommandée avec accusé de réception, le nom et l’adresse du candidat cessionnaire et à lui communiquer le prix de cession projeté, exprimé au sein d’un acte notarié ou d’une promesse de vente enregistrée dont il communiquera une copie du franchiseur, ledit acte notarié ou ladite promesse de vente devant porter mention du pacte de préférence ci-après stipulé.

Il est convenu qu’à prix égal, le franchisé s’engage à donner la préférence au franchiseur ou à toute personne physique ou morale que ce dernier se réserve de se substituer, soit toute autre personne se portant acquéreur’ ».

Le terme de « franchisé » vise indifféremment la société [B] et M. [B], à titre personnel, indissociablement liés en l’espèce dans l’exécution du contrat de franchise.

En effet, l’article 11 du contrat (dite clause de « personnalité ») prévoit que :

« Le contrat est conclu par le franchiseur en considération expresse et déterminante de la personnalité du franchisé à savoir Monsieur [B], de sa situation de dirigeant effectif de l’activité objet du contrat et le cas échéant, du contrôle qu’il détient de la majorité des parts ou actions et droits de vote de la société.

— "Le franchisé ne pourra céder à titre onéreux ou gratuit les avantages que lui confère le présent contrat qui lui est strictement personnel, sauf accord préalable écrit du franchiseur. Le franchisé s’engage en tout état de cause, à faire connaître aux tiers concernés l’existence des accords le liant au franchiseur et les restrictions en découlant.

— Il veillera, si le franchiseur l’agrée, que le tiers concerné poursuive les relations de franchise.

— Le franchiseur pourra mettre fin au présent contrat par lettre recommandée avec accusé de réception et sans indemnité dans tous les cas où le franchisé, signataire des accords, n’exploiterait pas lui-même directement.

— Il en serait de même dans le cas où le magasin serait exploité ou appartiendrait à une société et que le franchisé qui en avait le contrôle et la direction au moment de la signature du contrat venait à perdre ce contrat pour quelque cause que ce soit'» (la cour souligne).

Il résulte de cette clause de personnalité que la clause de préférence est opposable tant à M. [B], qualifié lui-même à l’article 11 de « franchisé », qu’à la société [B].

La société [B], représentée par M. [B], était informée du fait que la qualité de dirigeant effectif de M. [B] et le fait qu’il détienne la majorité des parts de la société [B] Distribution étaient essentiels pour la société Distribution Casino France, que celle-ci bénéficiait d’un droit de préemption/pacte de préférence, notamment en cas de cession de « tout ou partie des actions ou parts représentant le capital de sa société » et qu’il appartenait à la société [B] d’informer la société Distribution Casino France de tout projet de cession.

La société [B] a pris des engagements relatifs à la sauvegarde de l’intuitu personae en son sein. Ces engagements, combinés avec l’article 12 « Clause d’agrément et pacte de préférence », mettent à sa charge une obligation d’information préalable quand bien même elle serait tiers à la cession des parts sociales.

De même, M. [B], signataire du contrat et avenant, a expressément accepté ces clauses et en a eu parfaitement connaissance.

La société [B] peut d’autant moins en l’espèce, s’opposer à l’application de la clause que des discussions ont eu lieu entre elle, représentée par son gérant M. [B], et la société Distribution Casino France, sur son souhait de vendre le capital social de la société en 2014. La société Distribution Casino France s’était impliquée dans ce projet de cession, ainsi qu’il ressort de ses pièces 11 à 15. Alors qu’un acheteur avait été pressenti, la société [B] a toutefois souhaité suspendre la vente, ainsi qu’il ressort d’un courriel du 26 juin 2013, pour permettre à M. [B] de gérer ses droits à la retraite.

Les dispositions contractuelles précitées sont donc claires, ainsi que l’a souligné la cour d’appel de Montpellier à l’occasion de son arrêt du 29 novembre 2016, confirmé par la Cour de cassation le 30 mai 2018.

En toute hypothèse, il résulte de l’article 1156 du code civil, dans sa version alors en vigueur que « On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes ». Par ailleurs, en vertu de l’article 1161 ancien du code civil : « Toutes les clauses des conventions s’interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l’acte entier ».

A l’occasion d’une sommation interpellative du 29 janvier 2014, la société Distribution Casino France a appris que, le 31 décembre 2013, M. [B] avait cédé l’intégralité de ses parts à la société Carrefour Proximité et que cette dernière devenait également, à compter du même jour, dirigeant de la société [B].

Cette cession n’a fait l’objet d’aucune information préalable de la part de la société [B] et de M. [B].

Le moyen soutenu par la société [B], selon lequel la clause serait dépourvue d’objet et de cause, n’est donc pas fondé et sera rejeté. Par ailleurs, la société [B] ne peut sérieusement soutenir qu’elle n’était pas en mesure de fournir une quelconque information à la société Distribution Casino France avant la cession de titres et de respecter le contrat, dans la mesure où c’est M. [B], gérant de la société [B], qui a vendu ses parts sociales. Par son intermédiaire, la société [B] avait nécessairement connaissance de la cession de parts sociales à intervenir. Enfin, la société [B], pour s’exonérer de son obligation d’information de la société Distribution Casino France, ne peut alléguer qu’elle n’aurait reçu qu’une offre d’achat et non une promesse de vente dès lors que le droit de préemption est applicable si l’opération envisagée est soumise au droit de préemption par le contrat, indépendamment de la forme que prend la proposition (promesse de vente ou offre d’achat).

Enfin, il a été définitivement jugé par le tribunal de commerce de Lyon dans sa décision du 24 juin 2014 (qui a d’ailleurs confirmé la position qu’avait déjà exprimée le juge des référés dans son ordonnance du 21 janvier 2014) confirmée par la Cour d’appel de Paris le 14 décembre 2016, puis par la Cour de cassation le 30 mai 2018, que le contrat de franchise n’a en réalité été résilié par la société [B] qu’abusivement, du fait de la mise en 'uvre de mauvaise foi, par la société [B], de la clause résolutoire, et que la poursuite forcée du contrat de franchise a été ordonnée par le tribunal de commerce de Lyon sous astreinte, de sorte que celle-ci ne peut faire valoir que la clause ne serait plus opposable, la cession étant intervenue à la suite de la résiliation.

Si la société [B], ainsi que le soulève également M. [B], reproche à la société Distribution Casino France de ne pas avoir mis en oeuvre son droit de préemption alors qu’elle avait eu connaissance de l’offre de la société Carrefour Proximité France dès le 18 octobre 2013, il convient de noter que cette information, purement orale, n’avait pas valeur de signification au sens de l’article 12 et que les opérations avaient été suspendues à la suite de la demande de M. [B], de sorte qu’aucun grief ne peut être imputé à la société Distribution Casino France.

Sur l’implication de la société Carrefour

Si la société Distribution Casino France demande la condamnation de la société Carrefour Proximité France pour tierce complicité de la violation de la clause de préférence, celle-ci expose que l’intention de la société Distribution Casino France d’exercer son droit de préemption ne lui a pas été communiquée.

Mais la société Carrefour Proximité France, qui connaissait parfaitement les dispositions du contrat de franchise SPAR, puisqu’elle en détenait un exemplaire signé avec une société tierce, avait connaissance, par ailleurs, en sa qualité de professionnel aguerri de la grande distribution, de l’existence courante de ce type de droit de préemption qu’elle incluait également dans ses propres contrats. Elle a en outre elle-même contribué à la tentative de sortie de contrat réalisée par la société [B], dans le dessein de contourner le droit de préemption de la société Distribution Casino France.

Elle est donc responsable, au plan délictuel, comme tiers, avec la société [B], de la violation de la clause.

Sur la responsabilité de M. [B]

Si M. [B] expose qu’il n’était lié par aucune clause de préemption, à titre personnel et que la clause ne s’appliquait pas à cause de la résiliation du contrat, la cour souligne que ces arguments ont été réfutés supra.

Il y a donc lieu de conclure que la société [B], M. [B] et la société Carrefour Proximité France sont responsables de la violation de la clause et de confirmer le jugement déféré sur ce point.

Sur les demandes de réparation de la société Distribution Casino France pour non respect du pacte de préférence dirigées contre la société [B], M. [B] et la société Carrefour Proximité France

La société [B] prétend qu’à supposer violé le pacte de préférence, la société Distribution Casino France ne démontre aucun lien de causalité entre cette violation et le préjudice qu’elle prétend avoir subi, ne pouvant demander la perte de marge constatée jusqu’au terme du contrat, mais uniquement l’éventuelle perte de chance d’acquérir les parts sociales de la société [B], faculté dont elle s’est elle-même privée en s’abstenant de s’aligner sur l’offre de Carrefour Proximité France dont elle avait connaissance. Elle souligne que l’arrêt des commandes dont la société Distribution Casino France demande réparation est la conséquence de la résiliation du contrat et non de la cession des parts sociales.

La société Carrefour Proximité France conclut dans le même sens.

La société Distribution Casino France réplique que, depuis le 27 décembre 2013, le point de vente de la société [B] ne commande plus aucune marchandise auprès d’elle et qu’elle a donc, depuis cette date, été privée de toute la marge qu’elle réalisait sur la vente des produits vendus à la société [B] ainsi que de la perception des cotisations d’enseigne et de publicité. Ce préjudice serait, selon elle, la conséquence directe de la cession des parts intervenue en fraude de ses droits.

***

L’arrêt des commandes ne se rattache pas à la violation de la clause de préférence, le contrat de franchise ayant continué à s’exécuter jusqu’en 2017. Cet arrêt trouve son fondement dans l’exécution déloyale du contrat par la société [B]. Il n’y a donc pas un lien de causalité direct entre la violation de la clause litigieuse et le préjudice allégué. Il y a donc lieu de débouter la société Distribution Casino France de sa demande tendant à la condamnation de M. [B] au paiement de la somme de 50 000 euros et celle des sociétés [B] et Carrefour Proximité France à payer la somme de 1 501 712 euros.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a, sur ce fondement :

— condamné la société [B] à payer à la société Distribution Casino France la somme de 36 453 euros,

— condamné M. [B] à payer à la société Distribution Casino France la somme de 35 000 euros.

Sur la condamnation de la société Carrefour Proximité France pour complicité dans la rupture de mauvaise foi du contrat par la société [B]

La société Carrefour Proximité France expose que cette demande n’avait pas été présentée au tribunal, seule la tierce complicité au titre des clauses de préemption et de non concurrence étant visée par la société Distribution Casino France. N’étant plus soutenue par la société Distribution Casino France, elle ne sera pas examinée par la cour.

Sur les demandes de la société Distribution Casino France pour violation des clauses du contrat

La société [B] expose en premier lieu que ces demandes sont irrecevables, en vertu du principe de concentration des moyens, selon lequel elles auraient dû être présentées dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à l’arrêt de la cour du 14 décembre 2016.

Elle prétend que :

— la société Distribution Casino France ne peut se plaindre de la violation de l’obligation de confidentialité qui découle de la poursuite forcée du contrat ;

— la clause de non concurrence ne pouvait s’appliquer, le contrat ayant été résilié le 23 décembre 2013, et cette résiliation n’ayant pas été mise à néant par l’injonction de reprise forcée du contrat sous astreinte du 24 juin 2014 ; il est également demandé à la cour de constater que c’est par excès de pouvoir et violation de l’autorité de la chose jugée que la décision déférée a jugé qu’il se déduisait de la décision du 24 juin 2014 que la résiliation de mauvaise foi du contrat n’avait pu produire d’effet et que le contrat n’avait cessé de s’exécuter,

La société Distribution Casino France expose que la cour d’appel de Paris a considéré dans son arrêt du 14 décembre 2016, définitif, confirmant en tous points le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 24 juin 2014, s’agissant de la prétendue « disparition » ou « inexistence » du contrat de franchise au moment de la cession frauduleuse que : « Le contrat n’a jamais connu d’interruption, puisque, depuis l’ordonnance de référé du 21 janvier 2014, la reprise ou le maintien du contrat a été ordonnée, confirmée au fond par le jugement entrepris, qui estimant la rupture irrégulière, a ordonné sa reprise ». Elle demande une réparation pour la violation de la clause d’intuitu personae et de non concurrence.

Sur la clause intuitu personae

Selon l’article 11 du contrat de franchise :

« Le franchisé ne pourra céder ou transférer à titre onéreux ou gratuit les avantages que lui confère le présent contrat qui lui est strictement personnel, sauf accord préalable écrit du franchiseur.

— Le franchiseur pourra mettre fin au présent contrat, par lettre recommandée avec accusé de réception et sans indemnité dans tous les cas où le franchisé, signataire des accords, n’exploite pas lui-même directement

— Il en serait de même au cas où le magasin serait exploité ou appartiendrait à une société que le franchisé qui en avait le contrôle et la direction au moment de la signature venait à perdre ce contrôle pour quelque cause que ce soit. » (la cour souligne).

Or, en l’espèce, à compter de la cession intervenue le 31 décembre 2013, Monsieur [B] a cessé d’exploiter lui-même le point de vente, et a perdu le contrôle de la société franchisée, alors que l’exécution du contrat se poursuivait. Il a en effet été définitivement jugé par l’arrêt de cette cour du 14 décembre 2016 que « le contrat n’a jamais connu d’interruption, puisque, depuis l’ordonnance de référé du 21 janvier 2014, la reprise ou le maintien du contrat a été ordonnée, confirmée au fond par le jugement entrepris, qui estimant la rupture irrégulière, a ordonné sa reprise ».

Compte tenu de l’importance économique cruciale pour la société Distribution Casino France de la préservation de l’intuitu personae, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer son préjudice à 20 000 euros que la société [B] sera condamnée à lui payer.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur la violation de la clause de non concurrence contractuelle

Selon l’article 14 du contrat de franchise : « Pendant toute la durée du présent contrat, le franchisé s’interdit de créer, participer ou s’intéresser directement ou indirectement par lui-même ou par personne interposée à toute entreprise ou société concurrente du franchiseur et du réseau SPAR et, en particulier, à tout commerce de distribution alimentaire ».

Cette clause faisait par conséquent interdiction à la société [B] de s’intéresser « directement ou indirectement » à tout réseau concurrent pendant la durée du contrat.

Cette interdiction implique l’interdiction d’adhérer à un réseau concurrent mais également de s’approvisionner via un membre d’un réseau concurrent.

Or, il est démontré par les pièces n°30, 49 et 58 que’la société [B] est d’ores et déjà affiliée au réseau Carrefour, auquel elle a adhéré et dont elle commercialise les produits.

Or, le contrat de franchise dispose, article 14 dernier alinéa, que : « La violation de cette clause, outre les conséquences qu’elles pourraient avoir sur le contrat en cours d’exécution, entraînera le versement par le franchisé d’une somme de 160.000 euros, sans préjudice des autres droits et recours du franchiseur et de l’obligation pour le franchisé de respecter l’obligation concernée ».

Aucune violation de l’autorité de la chose jugée ne peut être invoquée en l’espèce, seule la validité de la clause de non concurrence post contractuelle ayant déjà été soumise à l’appréciation des premiers juges et ayant donné lieu à un arrêt de cette cour le 3 octobre 2018.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société [B] au paiement à la société Distribution Casino France de la somme de 160 000 euros.

Sur la demande de la société Distribution Casino France pour atteinte à l’image

La société Carrefour Proximité France expose qu’elle n’a commis aucune faute susceptible d’avoir provoqué une atteinte à l’image de la société Distribution Casino France et qu’il s’agit d’une demande nouvelle, comme telle, irrecevable.

La société Distribution Casino France réplique que la demande n’est pas nouvelle et que la démarche de la société Carrefour lui a causé un préjudice, car elle a été contrainte :

— de multiplier les démarches afin de faire valoir ses droits,

— de constater l’absence de ses produits dans un point de vente qui était pourtant lié à elle par un contrat de franchise parfaitement valide puisqu’irrégulièrement dénoncé,

— ce qui a incontestablement entraîné un trouble dans l’esprit des consommateurs et porté atteinte à son image.

***

La société Distribution Casino France démontre qu’elle avait déjà présenté cette demande aux premiers juges, le montant en ayant été seulement actualisé. Elle est donc recevable.

Le préjudice allégué est également en rapport avec le défaut d’exécution du contrat de franchise, au profit de la société Carrefour.

Le préjudice moral lié à la violation de la clause de préférence est relatif aux actions judiciaires et multiples démarches accomplis par la société Distribution Casino France pour défendre ses droits.

L’atteinte à son image résulte aussi de la part prise par la société Carrefour dans la violation de la clause, qui a abouti à la disparition de ses produits dans le point de vente.

La cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer à la somme de 40 000 euros le préjudice résultant de l’atteinte portée par la société Carrefour Proximité France à l’image de la société Distribution Casino France.

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur le quantum.

Sur l’appel incident de la société Distribution Casino France

La société [B] expose que la société Distribution Casino France s’est prévalue d’un droit inapplicable, ce qui justifie sa condamnation pour harcèlement procédural à lui payer la somme de 250 000 euros de dommages-intérêts.

Mais la société [B] ne démontre pas la mauvaise foi de la société Distribution Casino France qui, au contraire, dans la majorité des instances l’ayant opposée à [B], a obtenu gain de cause.

Cette demande sera donc rejetée.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Succombant au principal, les sociétés [B], Carrefour Proximité France et M. [I] [B] seront condamnés aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer in solidum à la société Distribution Casino France la somme de 60 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a :

— condamné la société [B] à payer à la société Distribution Casino France la somme de 36 453 euros pour violation de la clause de préférence,

— condamné M. [B] à payer à la société Distribution Casino France la somme de 35 000 euros pour violation de la clause de préférence,

— rejeté la demande de la société Distribution Casino France à l’encontre de la société [B] pour violation de la clause d’intuitu personae,

— condamné la société Carrefour Proximité France à payer à la société Distribution Casino France la somme de 150 000 euros pour atteinte à l’image,

L’INFIRME sur ces points,

et, statuant à nouveau,

DÉBOUTE la société Distribution Casino France de ses demandes dirigées contre la société [B] et M. [B] en réparation de la violation de la clause de préférence,

CONSTATE la violation par la société [B] de la clause d’intuitu personae,

CONDAMNE la société [B] à payer à la société Distribution Casino France la somme de 20 000 euros pour violation de la clause d’intuitu personae,

CONDAMNE la société Carrefour Proximité France à payer à la société Distribution Casino France la somme de 40 000 euros pour atteinte son image,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE les sociétés [B], Carrefour Proximité France et M. [I] [B] aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer in solidum à la société Distribution Casino France la somme de 60 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

Cécile PENG Irène LUC

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 4, 6 mars 2019, n° 17/18551