Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 9, 22 mai 2020, n° 19/00974

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Texte intégral

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRÊT DU 22 MAI 2020

(n° / 2020 , 18 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/00974 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7C5R

Décision déférée à la cour : Jugement du 21 Décembre 2018 -Tribunal de commerce de PARIS 04 – RG n° 2015070197

APPELANTS :

Monsieur [B] [M]

Demeurant [Adresse 9]

[Localité 2]

La société [M] GESTION [Localité 10], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Ayant son siège social [Adresse 5]

[Localité 10] LUXEMBOURG

SA [M] GESTION, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 349 501 676

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 6]

Représentés par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,

Assistés de Me Fabrice FAGES, avocat au barreau de PARIS, toque : T09

Monsieur [W] [S]

Né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 7] (Allemagne)

Demeurant [Adresse 11]

[Localité 4] (Allemagne)

Représenté par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER – BEQUET – MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050,

Assisté de Me Antoine HONTEBEYRIE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0301

INTIMES :

Monsieur [W] [S]

Né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 7] (Allemagne)

Demeurant [Adresse 8]

[Localité 4] (ALLEMAGNE)

Représenté par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER – BEQUET – MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050,

Assisté de Me Antoine HONTEBEYRIE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0301

Monsieur [B] [M]

Demeurant [Adresse 9]

[Localité 2]

La société [M] GESTION [Localité 10], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Ayant son siège social [Adresse 5]

[Localité 10] LUXEMBOURG

SA [M] GESTION, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 349 501 676

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 6]

Représentés par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,

Assistés de Me Fabrice FAGES, avocat au barreau de PARIS, toque : T09

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Février 2020, en audience publique, devant Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre, Madame Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre et Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:

Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre

Madame Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre

Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions de l’article 804 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Hanane AKARKACH

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre et par Madame Liselotte FENOUIL , greffière présente lors du prononcé.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [B] [M] est président directeur général de la Sa [M] Gestion, société de gestion de portefeuille française. La Sa [M] Gestion [Localité 10], société de droit luxembourgeois, est filiale de la Sa [M] Gestion. La société de droit allemand [M] Deutschland GmbH est filiale de la société [M] Gestion [Localité 10].

M. [W] [S], de nationalité allemande, qui n’a jamais résidé en France et dit ne pas parler français, a été engagé en 2008 par la société [M] Gestion [Localité 10]. En 2012 il a quitté cette société à la suite d’une rupture conventionnelle pour être engagé par [M] Deutschland GmbH pour exercer les fonctions de Business Development Director.

En 2011, M. [S] s’est vu attribuer 500 options d’achat d’actions [M] Gestion. En mars 2013, indépendamment des options d’achat, il s’est vu proposer par la secrétaire générale de [M] Gestion d’acquérir, de Monsieur [O], cadre du groupe qui souhaitait les céder, 500 actions de [M] Gestion pour un prix de 3.000 € par action. Après avoir obtenu d’une banque allemande un prêt pour financer cette transaction, M. [S] a donné son accord à Monsieur [O] pour cette acquisition et lui a payé le prix le 10 juillet 2013. Le même jour ou le 11 juillet, la date est controversée, il est venu à [Localité 6] à la demande de [M] Gestion et a signé au siège de la société un acte d’adhésion au pacte d’actionnaires de [M] Gestion, étant précisé que cet acte porte la date du 10 juillet.

Ce pacte stipule qu’en cas de rupture du contrat de travail de l’actionnaire salarié, ce dernier s’engage à céder ses actions et M. [M] ou toute personne qu’il se sera substituée promet, s’il le souhaite, d’acquérir les actions de ce salarié.

Le pacte stipule également qu’en cas de rupture résultant d’un licenciement, le prix des actions acquises par le salarié dans les 24 mois précédant la rupture ne pourra excéder le prix d’acquisition de ces actions.

M. [M] rappelle que M. [S] a été licencié Ie 5 février 2014.

M. [S], à la lumière du contentieux qui s’en est suivi devant les juridictions allemandes du travail, soutient que son contrat a été résilié en 2014, et qu’il ne s’agit pas d’un licenciement.

Un accord transactionnel a été ensuite signé entre [M] Deutschland et Monsieur [S].

Le 1er juillet 2015, M. [M], invoquant les stipulations du pacte en cas de licenciement, a exercé la promesse sur les 500 actions acquises en 2013 par M. [S].

M. [S], invoquant plusieurs moyens pour sa défense, et notamment un vice du consentement s’agissant de l’adhésion au pacte, a refusé de procéder au transfert de ses titres.

Monsieur [M] a donc engagé une action devant le tribunal de commerce de Paris pour demander l’exécution forcée du pacte, et a obtenu la mise sous séquestre des actions litigieuses.

M. [S], à titre reconventionnel dans cette instance, a demandé par ailleurs au tribunal de juger qu’il a valablement exercé en juin 2016 les 500 options d’achat d’actions [M] Gestion qui lui avaient été attribuées en 2011, ce que conteste M. [M], qui soutient que ces options sont caduques en application du pacte, M. [S] ayant été licencié.

Par jugement du 21 décembre 2018 le tribunal de commerce de Paris a débouté M. [B] [M], la société [M] Gestion et la société [M] Gestion [Localité 10] de leurs demandes, ordonné la levée du séquestre des actions de M. [W] [S] prononcée par l’ordonnance du président du tribunal de Paris du 22 octobre 2015, ordonné le versement a M. [S] du montant des dividendes payés entre les mains du séquestre, condamné M. [B] [M] à payer à M. [W] [S] les intérêts légaux sur les dividendes séquestrés, dit recevables mais non fondées les demandes reconventionnelles de M. [W] [S],et condamné in solidum M. [B] [M], la société [M] Gestion et la société [M] Gestion [Localité 10] à payer 20 000 € à M. [W] [S] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les sociétés Carmgnac Gestion [Localité 10] et [M] Gestion et Monsieur [B] [M] ont interjeté appel de cette décision le 14 janvier 2019.

***

Dans leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément référé signifiées par voie électronique le 24 janvier 2020 M. [B] [M], la société [M] Gestion et la société [M] Gestion [Localité 10] demandent à la cour de :

Vu les anciens articles 1110, 1116, 1134, 1174, 1184, 2052 du Code civil,

Vu les articles 1583 et 1589 du Code civil,

Vu les articles 51, 68, 70, 76, 564 et 700 du Code de procédure civile,

Vu l’article 21 du Règlement 1212/2015 du 12 décembre 2012,

Vu la transaction conclue le 16 septembre 2015,

Sur l’appel principal relatif aux actions :

— Infirmer le Jugement n° 2015070197 rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 21 décembre 2018, en ce qu’il a :

o « Débouté M. [B] [M], la société [M] Gestion et la société [M] Gestion [Localité 10] de leurs demandes » ;

o « Ordonné la levée du séquestre des actions de M. [W] [S] prononcée par l’ordonnance du président du tribunal [de commerce] du 22 octobre 2015 » ;

o « Ordonné le versement à M. [S] du montant des dividendes payés entre les mains du séquestre » ;

o « Condamné M. [B] [M] à payer à M. [W] [S] les intérêts légaux sur les dividendes séquestrés, à savoir sur :

.5.000 euros à compter du 9 novembre 2015,

.60.000 euros à compter du 28 juin 2016,

.5.000 euros à compter du 24 octobre 2016,

.60.000 euros à compter du 27 juin 2017,

.5.000 euros à compter du 31 octobre 2017 » ;

o « Condamné in solidum M. [B] [M], la société [M] Gestion et la société [M] Gestion [Localité 10] à payer 20.000 euros à M. [W] [S] au titre de l’article 700 du CPC » ;

o « Condamné in solidum M. [B] [M], la société [M] Gestion et la société [M] Gestion [Localité 10] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 129,24 € dont 21,32 € de TVA»,

Et, statuant à nouveau,

A titre principal,

— Juger que le Pacte est en toutes ses dispositions valide et opposable à Monsieur [S] ;

— Juger que l’article 6.2 du Pacte s’applique à Monsieur [S] ;

— Juger que le Pacte et la Promesse de Vente I ont régulièrement été mis en 'uvre par Monsieur [M] ;

En conséquence,

— Ordonner l’exécution forcée du Pacte ;

— Juger que la vente des 500 titres de classe A de [M] Gestion détenus par Monsieur [S] est parfaite dès lors que la rencontre des volontés a eu lieu le 1 er juillet 2015, date de la levée de la Promesse de Vente I par Monsieur [M] ;

— Juger que le prix de cession s’élève à 1.501.745 euros, en application de l’article 6.2 du

Pacte ;

— Juger que le transfert de propriété a eu lieu le 31 août 2015 ;

— Autoriser [M] Gestion à procéder à l’inscription, dans son registre des comptes, du transfert des 500 Titres au bénéfice de [M] Gestion [Localité 10] ;

— Juger que le prix de cession sera versé par [M] Gestion [Localité 10] à compter de l’inscription dans le registre des comptes de [M] Gestion du transfert des 500 Titres au bénéfice de [M] Gestion [Localité 10] ;

— Juger que les dividendes bruts perçus par le séquestre depuis le mois d’octobre 2015 auraient dû être distribués à [M] Gestion [Localité 10] ;

— Ordonner la libération du séquestre des titres et des dividendes résultant de l’ordonnance du 22 octobre 2015 au profit de [M] Gestion [Localité 10] ;

— Juger que le séquestre devra restituer les dividendes à la Société, à charge pour cette dernière de les reverser entre les mains de [M] Gestion [Localité 10] ;

— Rejeter comme mal-fondées toutes les demandes de Monsieur [S] au titre du Pacte et des Actions ;

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse impossible où la Cour écarterait l’application de l’article

6.2 du Pacte,

— Juger que le Pacte est en toutes ses dispositions valide et opposable à Monsieur [S] ;

— Juger que le prix de cession de l’article 6.1 du Pacte est déterminable et doit s’appliquer à Monsieur [S] qui n’a pas actionné le mécanisme de recours à un tiers prévu par le Pacte ;

— A défaut désigner un expert chargé de déterminer le prix conformément aux termes prévus par le Pacte ;

— Juger que le Pacte et la Promesse de Vente I ont régulièrement été mis en 'uvre par Monsieur [M] ;

En conséquence,

— Juger que la vente des 500 titres de classe A de [M] Gestion détenus par Monsieur [S] est parfaite dès lors que la rencontre des volontés a eu lieu le 1 er juillet 2015, date de la levée de la Promesse de Vente I par Monsieur [M] ;

— Juger que le prix de cession s’élève à 1.972.115 euros, en application de l’article 6.1 du Pacte;

— Juger que le transfert de propriété a eu lieu le 31 août 2015 ;

— Autoriser [M] Gestion à procéder à l’inscription, dans son registre des comptes, du transfert des 500 Titres au bénéfice de [M] Gestion [Localité 10] ;

— Juger que le prix de cession sera versé par [M] Gestion [Localité 10] à compter de l’inscription dans le registre des comptes de [M] Gestion du transfert des 500 Titres au bénéfice de [M] Gestion [Localité 10] ;

— Juger que les dividendes bruts perçus par le séquestre depuis le mois d’octobre 2015 auraient dû être distribués à [M] Gestion [Localité 10] ;

— Ordonner la libération du séquestre des titres et des dividendes résultant de l’ordonnance du 22 octobre 2015 au profit de [M] Gestion [Localité 10] ;

— Juger que le séquestre devra restituer les dividendes à la Société, à charge pour cette dernière de les reverser entre les mains de [M] Gestion [Localité 10] ;

En tout état de cause,

— Rejeter comme mal-fondées toutes les demandes de Monsieur [S] au titre du Pacte et des Actions ;

Subsidiairement, si par extraordinaire la Cour devait faire droit aux demandes d’intérêts légaux de Monsieur [S],

— Juger que ces intérêts seront appliqués sur les dividendes nets, après retenue à la source;

— Rejeter la demande de libération des dividendes entre les mains de Monsieur [S];

Sur l’appel incident de Monsieur [S] relatifs aux options :

A titre principal,

— Infirmer le Jugement n° 2015070197 rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 21 décembre 2018, en ce qu’il a dit recevables les demandes reconventionnelles de Monsieur [S] en lien avec les Options ;

Et, statuant à nouveau (dans l’hypothèse où la Cour ne relèverait pas d’office l’incompétence de la juridiction française pour (i) infirmer ce chef du Jugement et (ii) inviter en conséquence Monsieur [S] à mieux se pourvoir) :

— Juger que les demandes reconventionnelles de Monsieur [S] sont irrecevables;

— Débouter Monsieur [S] de ses demandes reconventionnelles relatives aux Options;

A titre subsidiaire, si la Cour jugeait que les demandes reconventionnelles de Monsieur [S] relatives aux Options sont recevables,

— Confirmer le Jugement en ce qu’il a jugées non fondées les demandes reconventionnelles de Monsieur [S] ;

En tout état de cause :

— Condamner Monsieur [S] à verser à Monsieur [M], [M] Gestion et [M] Gestion [Localité 10] la somme de 30.000 euros chacun au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

***

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé signifiées par voie électronique le 13 janvier 2020 Monsieur [S] demande à la cour de :

Vu les articles 1116, 1110, 1134, 1147, 1159, 1162, 1170, 1174 et 1178 du Code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, l’article 1592 du même Code dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, ainsi que les articles 1652, alinéa 3, et 1382, devenu 1240, du même Code ;

Vu l’article L. 111-10, alinéa 2, du Code des procédures civiles d’exécution ;

Vu les articles L. 822-11, III, L. 123-9, alinéa 2, L. 232-23 et R. 123-111 du Code de commerce;

Vu l’article L. 211-18 du Code monétaire et financier ;

Vu le Code de déontologie des Commissaires aux comptes ;

' Recevoir Monsieur [S] en son appel et dire cet appel bien fondé ;

' Infirmer le jugement rendu le 21 décembre 2018 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a débouté Monsieur [W] [S] de ses demandes, et statuant à nouveau,

1. Sur les 500 actions acquises par Monsieur [S] au mois de juillet 2013 :

A titre principal :

' Annuler pour dol ou, subsidiairement, pour erreur sur la substance, l’acte du 11 juillet 2013 par lequel Monsieur [W] [S] a déclaré adhérer au Pacte d’actionnaires de [M] Gestion du 9 mai 2006 ;

' Subsidiairement, annuler pour vice de perpétuité le Pacte d’actionnaires de [M] Gestion du 9 mai 2006 ;

' Très subsidiairement, dire que la situation de Monsieur [S] ne rentre pas dans le

champ d’application de la Promesse de Vente I stipulée audit Pacte ;

' A titre infiniment subsidiaire, annuler la clause de détermination du prix prévue à l’annexe 1 dudit Pacte, ainsi que la Promesse d’Achat I et la Promesse de Vente I stipulées audit Pacte, en tant que le prix n’en est pas déterminé, ou annuler la Promesse de Vente I que qu’elle est en l’occurrence assortie d’une condition purement potestative ; corrélativement, annuler la cession résultant de la levée d’option de Monsieur [M] intervenue le 1 er juillet 2015 ;

En conséquence :

' Dire que Monsieur [W] [S] conserve et n’a jamais perdu la propriété des 500 actions [M] Gestion qu’il a acquises au mois de juillet 2013 et des dividendes y afférents ;

' Ordonner la mainlevée de la mesure de séquestre prononcée par l’ordonnance du 22 octobre 2015 et le versement à Monsieur [W] [S] de l’intégralité des dividendes payées entre les mains du séquestre ; 68

' Condamner Monsieur [B] [M] à payer à Monsieur [W] [S], à titre de dommages et intérêts, une somme équivalente aux intérêts légaux qu’aurait pu produire chacune des sommes séquestrées à compter de son versement entre les mains de l’huissier séquestre, sommes indiquées ci-dessous, lesdits intérêts étant déterminés conformément à l’article L. 313-2 du Code monétaire et financier en tant qu’il vise le créancier personne physique n’agissant pas pour des besoins professionnels, avec capitalisation :

' 09/11/2015 : 5.000 €

' 28/06/2016 : 60.000 €

' 24/10/2016 : 5.000 €

' 27/06/2017 : 60.000 €

' 31/10/2017 : 5.000 €

' 27/06/2018 : 60.000 €

' 26/10/2018 : 5.000 €

' 27/06/2019 : 60.000 €

' 04/11/2019 : 5.000 €

' Condamner Monsieur [B] [M] à payer à Monsieur [W] [S] une somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par la privation des droits politiques afférents aux actions séquestrées;

A titre subsidiaire :

' Dire que l’article 6.2 du Pacte précité ne trouve pas application en l’espèce dès lors que les actions de Monsieur [W] [S] ont été acquises avant l’adhésion audit Pacte, ou dès lors que Monsieur [W] [S] n’a pas fait l’objet d’un licenciement ;

' Subsidiairement de ces derniers chefs, dire que la condition suspensive de non-licenciement à laquelle est subordonnée le paiement du prix de cession fixé à l’article 6.1 du Pacte précité est réputée accomplie ;

' En conséquence, confirmer le jugement en ce qu’il a dit que l’article 6.2 du Pacte précité ne trouvait pas application en l’espèce ;

En conséquence :

' Constater que la société [M] Gestion [Localité 10] est défaillante dans le paiement du prix prévu à l’article 6.1 du Pacte et qu’en conséquence l’article L. 211-18 du Code monétaire et financier trouve à s’appliquer ;

' Dire que Monsieur [W] [S] conserve et n’a jamais perdu la propriété des 500 actions [M] Gestion qu’il a acquises au mois de juillet 2013 et des dividendes y afférents ;

' Ordonner la mainlevée de la mesure de séquestre prononcée par l’ordonnance du 22 octobre 2015 et le versement à Monsieur [W] [S] de l’intégralité des dividendes payées entre les mains du séquestre ;

' Condamner Monsieur [B] [M] à payer à Monsieur [W] [S], à titre de dommages et intérêts, une somme équivalente aux intérêts légaux qu’aurait pu produire chacune des sommes séquestrées à compter de son versement entre les mains de l’huissier séquestre, sommes indiquées ci-dessous, lesdits intérêts étant déterminés conformément à l’article L. 313-2 du Code monétaire et financier en tant qu’il vise le créancier personne physique n’agissant pas pour des besoins professionnels, avec capitalisation :

' 09/11/2015 : 5.000 €

' 28/06/2016 : 60.000 €

' 24/10/2016 : 5.000 €

' 27/06/2017 : 60.000 €

' 31/10/2017 : 5.000 €

' 27/06/2018 : 60.000 €

' 26/10/2018 : 5.000 €

' 27/06/2019 : 60.000 €

' 04/11/2019 : 5.000 €

' Condamner Monsieur [B] [M] à payer à Monsieur [W] [S] une somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par la privation des droits politiques afférents aux actions séquestrées ;

Subsidiairement de ces cinq derniers chefs :

' Condamner la société [M] Gestion [Localité 10], à payer à Monsieur [W] [S] le prix fixé à l’article 6.1 du Pacte, avec intérêts de droit à compter de la date de levée d’option intervenue le 1 er juillet 2015 et capitalisation desdits intérêts ;

' Dire que le transfert des actions à la société [M] Gestion [Localité 10], ne pourra intervenir qu’une fois ledit prix effectivement déterminé et payé à Monsieur [W] [S] ;

2. Sur les 500 options attribuées à Monsieur [S] au mois de septembre 2011 :

A titre principal :

' Dire que Monsieur [W] [S] a valablement exercé, les 20 et 21 juin 2016, les options qui lui ont été attribuées au mois de septembre 2011, portant sur 500 actions de la société [M] Gestion pour un prix de 1.489.045 € ;

' Condamner en conséquence la société [M] Gestion à livrer à Monsieur [W] [S] lesdites actions contre paiement dudit prix ;

A titre subsidiaire :

' Dire que Monsieur [W] [S] a conservé les options qui lui ont été attribuées le 22 avril 2011, portant sur 500 actions de la société [M] Gestion pour un prix de 1.489.045 €, et qu’il reste donc libre d’exercer ces options dans un délai de deux mois à compter de la signification de la décision à intervenir;

A titre très subsidiaire :

' Condamner Monsieur [B] [M] (s’il est jugé que la Promesse de Vente I ne peut trouver à s’appliquer) ou la société [M] Gestion [Localité 10] (s’il est jugé que la Promesse de Vente I trouve application en l’espèce mais sans qu’il y ait lieu à plafonnement du prix) à payer à Monsieur [W] [S], à titre de dommages-intérêts, une somme représentative : (i) d’une part, de la différence entre le montant du prix des options, soit 1.489.045 €, et la valeur des actions au jour de la décision à intervenir ; et (ii) d’autre part, des dividendes que Monsieur [W] [S] aurait perçus au titre des 500 actions entre la date de levée d’option au mois de juin 2016 (ou à tout autre date que la Cour fixera) et celle de la décision à intervenir ; (iii) ou, subsidiairement, de la perte de la chance de percevoir les sommes visés au i) et au ii), qui ne saurait être inférieure à 80 % ;

' Désigner tel expert qu’il lui plaira avec pour mission de quantifier la différence entre le montant du prix des options, soit 1.489.045 €, et la valeur des actions au jour de la décision à intervenir ;

' Mettre la provision à valoir sur les frais et honoraires dudit expert à la charge exclusive de Monsieur [B] [M] ou de [M] Gestion [Localité 10], suivant le cas ;

A titre infiniment subsidiaire :

' Condamner [M] Gestion à payer à Monsieur [W] [S], à titre de dommages-intérêts, une somme représentative de la différence entre le montant du prix des options, soit 1.489.045 €, et la valeur des actions au jour de la décision à intervenir ;

' Désigner tel expert qu’il lui plaira avec pour mission de quantifier la différence entre le montant du prix des options, soit 1.489.045 €, et la valeur des actions au jour de la décision à intervenir ;

' Mettre la provision à valoir sur les frais et honoraires dudit expert à la charge exclusive de [M] Gestion ;

3. En tout état de cause :

' Débouter Monsieur [B] [M], la société [M] Gestion et la société [M] Gestion [Localité 10] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

' Condamner Monsieur [B] [M], la société [M] Gestion et de la société [M] Gestion [Localité 10], in solidum, à payer à Monsieur [W] [S] une somme de 50.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure

civile ;

' Condamner Monsieur [B] [M], la société [M] Gestion et la société [M] Gestion [Localité 10], in solidum, aux entiers dépens de première instance et d’appel.

SUR CE

Sur la cession forcée des 500 actions acquises en 2013 par Monsieur [S]

Les sociétés [M] et Monsieur [M] soutiennent que le pacte est valide, opposable à Monsieur [S] et dès lors que ce dernier, suite à son licenciement, doit céder ses actions. Ils contestent le dol ou l’erreur et en tout état de cause celle ci serait inexcusable et ne pourrait donner lieu à la nullité du pacte. Ils contestent le fait que le pacte soit affecté d’un vice de perpétuité puisqu’il est assorti d’un terme précis. Et en tout état de cause cela ne rendrait pas le pacte nul.

Ils affirment que l’article 4.2 du pacte est applicable à la situation de Monsieur [S]. Ils conteste le fait que les articles 4.2 et 6.2 du pacte auraient un caractère potestatif.

Ils soutiennent que l’article 6.2 du pacte qui plafonne le prix des actions est applicable.

Ils demandent en conséquence l’exécution forcée de la cession en appliquant l’article 6.2 du pacte. Subsidiairement, ils demandent l’application de l’article 6.1 du pacte qui stipule des conditions de prix différentes. Ils estiment que la formule de l’article 6.1 permet de déterminer le prix contrairement à ce qu’affirme Monsieur [S].

Monsieur [S] fait valoir à titre principal que l’acte d’adhésion au pacte est entaché de nullité pour vice du consentement, subsidiairement pour vice de perpétuité, très subsidiairement que sa situation n’entre pas dans le champ d’application de la promesse, n’étant pas salarié d’une filiale au sens du pacte, infiniment subsidiairement que la clause de prix est nulle rendant la promesse nulle, le prix n’étant pas déterminable. Enfin il soulève la nullité de la promesse en ce qu’elle est affectée d’une condition purement potestative.

Subsidiairement, si la promesse n’est pas jugée nulle il conteste l’application de l’article 6.2 du pacte plafonnant le prix de cession.

Sur la nullité du pacte pour vice du consentement

Monsieur [S] soutient qu’il ne comprend pas le français, qu’il a été contraint de signer le pacte très rapidement en 5 minutes sans avoir été informé de la clause pouvant le priver de toute plus value et que cette situation est constitutive d’un vice du consentement, éventuellement d’un dol pour réticence et d’une erreur sur la substance.

Les parties [M] font valoir que Monsieur [S] avait le pacte en sa possession depuis 2011 puisqu’il figurait en annexe de la lettre lui attribuant les options d’achat, que l’intention dolosive n’est pas démontrée et qu’en sa qualité de professionnel expérimenté il avait le devoir de s’informer avant de signer de sorte que si erreur il y a eu elle n’est pas excusable.

La cour relève que Monsieur [S] a signé le pacte d’actionnaire litigieux le 10 ou le 11 juillet 2013. Il ne l’a pas découvert le jour de la signature puisque le pacte avait été annexé au courrier de [M] Gestion du 22 avril 2011 l’informant qu’il était bénéficiaire d’options d’achat d’actions. L’affirmation de Monsieur [S] selon laquelle le pacte n’avait en fait pas été annexé au courrier n’est pas établie et si tel avait été le cas Monsieur [S] aurait pu le signaler à [M] Gestion. Enfin, à cette date, Monsieur [S] aurait pu, et il l’a peut être fait, obtenir une traduction du pacte.

Au demeurant, le jour de son adhésion au pacte il a signée une attestation dans laquelle il dit 'avoir parfaitement connaissance du Pacte d’actionnaire intervenu le 9 mai 2006, ci-annexé. En conséquence de l’article 9 de ce Pacte, je reconnais devenir de plein droit partie à celui-ci et être tenu de son entière exécution en tant qu’Actionnaire de classe A (le terme est défini dans le Pacte).'

Monsieur [S] est un professionnel averti, spécialisé dans la gestion de portefeuille et il ne peut soutenir au regard des documents qu’il avait en sa possession et de son expérience, avoir été victime d’un vice du consentement ou d’un dol, dont il n’apporte pas le moindre commencement de preuve, ou d’une erreur, qui, en tout état de cause, n’aurait pas été excusable.

Enfin la cour souligne que l’acquisition des actions n’était qu’une possibilité offerte à Monsieur [S] et il ne peut se plaindre d’avoir été contraint d’emprunter pour cette acquisition ou d’avoir été trompé sur la rentabilité des actions alors qu’il était employé d’une filiale indirecte de la société et parfaitement à même d’évaluer son acquisition.

La nullité du pacte pour vice du consentement, dol et erreur sera en conséquence rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Sur la nullité du pacte pour vice de perpétuité

Monsieur [S] fait valoir que l’engagement pris est nul pour vice de perpétuité puisqu’il excède la durée de vie professionnelle. Le nouvel article 1210 du code civil n’est pas applicable à l’espèce étant postérieur au contrat.

Monsieur [M] soutient que dès lors que l’actionnaire lié par le pacte peut céder ses actions, il n’y a pas perpétuité.

En l’espèce la durée du pacte est fixée jusqu’au 3 février 2088.

Aux termes de l’article 3 du pacte Monsieur [M] s’engage 'irrévocablement, sur simple demande d’un Salarié (…) à acquérir les Titres de ce Salarié (…).'

L’article 3.1 précise les conditions d’exercice de la garantie de liquidité qui peut être exercée 'pendant la période de 2 mois suivant la date de l’arrêté des comptes annuels de la Société par le Conseil d’administration (…)'

Certes le pacte limite le choix de l’acquéreur et détermine les modalités de calcul du prix selon une formule accepté par tous les actionnaires dont Monsieur [S].

Cependant ces limitations ne sont pas de nature à supprimer la liberté de Monsieur [S] de céder ses actions. Elle ne font que l’encadrer.

Ainsi Monsieur [S], avait la libre possibilité de céder ses actions tous les ans. Le fait que la cession des titres obéisse à des conditions déterminées par le pacte ne fait pas obstacle à cette faculté dès lors que ces conditions ne sont pas telles qu’elles rendraient cette faculté illusoire.

Ainsi et puisque Monsieur [S] pouvait mettre fin à ses obligations résultant du pacte d’associé en faisant jouer la garantie de liquidité, le contrat n’est pas perpétuel et le pacte n’est pas nul.

La cour relève par ailleurs que la garantie de liquidité peut être exercée à compter de la date d’arrêté des comptes et non la date de dépôt des comptes contrairement à ce que Monsieur [S] soutient.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur l’applicabilité du pacte à Monsieur [S]

Monsieur [S] soutient que l’article 4.2 du pacte ne lui est pas applicable car il n’est pas un salarié au sens du pacte, le droit allemand ne reconnaissant pas cette qualité aux employés des entreprises de moins de dix personnes comme c’est le cas en l’espèce et qu’il n’est en tout état de cause pas salarié de [M] Gestion ni d’une de ses filiales.

Les parties [M] font valoir que Monsieur [S] est bien un salarié ayant fait l’objet d’un licenciement, qu’il était collaborateur du groupe [M] et que c’est en cette qualité qu’il a pu acquérir les actions litigieuses et s’est vu attribuer des options d’achat.

La cour relève que Monsieur [S] était employé de la société [M] Deutschland GmbH, elle même filiale de [M] Gestion [Localité 10], filiale de [M] Gestion.

Le lien de Monsieur [S] avec la société [M] Deutschland est bien un contrat de travail, peu important que le droit allemand soumette à des modalités particulières la rupture de ce contrat pour les entreprises de moins de dix salariés. Les règles particulières du licenciement ne privent pas ces employés du statut de salarié.

Il est exact que la société [M] Deutschland n’est pas une filiale directe de la société [M] Gestion. Cependant, il convient d’interpréter le contrat à la lumière de la commune intention des parties.

En l’espèce le pacte, dans son préambule, stipule qu’il s’applique aux 'personnes qui lui apportent leur concours habituel', 'aux principaux partenaires ou collaborateurs de la Société, quelle que soit la forme de leur concours (…)'.

L’article 4.2 du pacte ne fait référence qu’aux 'salariés'. Ainsi que l’ont justement relevé les premiers juges, malgré cette imprécision dans les termes, la commune intention des parties et toute l’économie du pacte était bien d’intégrer la société [M] Deutschland et donc ses salariés dans le périmètre du pacte et c’est la raison pour laquelle Monsieur [S] a pu bénéficier de la faculté d’acquérir des actions et des options d’achat.

La possibilité qui a été offerte à Monsieur [S] d’acquérir des actions et donc de devenir actionnaire, était fondée sur le fait qu’il était bien considéré au sens du pacte comme un 'salarié’ du groupe dont l’efficacité reposait sur son intéressement aux résultats.

Le pacte est donc bien applicable à Monsieur [S] et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la nullité des promesses et de la cession

Monsieur [S] soutient que les promesses ainsi que la cession sont affectées de deux vices dont chacun suffit à emporter leur nullité. Le premier vice est afférent au prix de cession prévu à l’article 6.1 du pacte qui n’est pas déterminable et le second à la condition purement potestative contenu dans l’article 6.2.

Les parties [M] font valoir que le prix de cession est déterminé chaque année selon une formule acceptée par tous et que c’est sur le fondement de cette formule que Monsieur [S] a acquis ses actions. Sur la clause potestative elles font valoir que 'seules les obligations contractées sous une condition purement potestative de la part de celui qui s’oblige encourent la nullité'. Or c’est Monsieur [S] qui s’oblige à céder ses titres. Les clauses du pacte n’encourent donc pas la nullité.

Avant d’examiner si la clause de détermination du prix de l’article 6.1 est affectée d’un vice, il convient d’abord de déterminer si la situation de Monsieur [S] entre dans le cas prévu à l’article 6.2 du pacte comme le soutiennent les parties [M]. Dans une telle hypothèse il serait inutile d’examiner les griefs formulés à l’encontre de l’article 6.1 qui ne serait pas applicable à Monsieur [S].

Aux termes de l’article 6.2 du pacte 'en cas de rupture résultant d’un licenciement, d’une révocation ou d’une démission pour quelque cause que ce soit, le Prix de cession des Titres acquis par le Salarié dans les 24 mois précédant la rupture ne pourra excéder le Prix d’acquisition des titres en question.'

Le contrat de travail de Monsieur [S] a été rompu le 5 février 2014 par son employeur la société [M] Deutschland. Une rupture d’un contrat de travail à la seule initiative de l’employeur répond sans nul doute à la définition du licenciement.

Le droit du travail allemand distingue pour l’application de mesures protectrices des salariés en cas de licenciement selon que l’entreprise a plus ou moins de dix salariés.

Lorsque la société a moins de dix salariés la loi de protection contre le licenciement n’est pas applicable. Néanmoins le licenciement ne doit pas être contraire aux bonnes moeurs et l’employeur doit être de bonne foi.

En l’espèce Monsieur [S] a saisi la juridiction allemande du travail. Par un jugement en date du 10 juillet 2014, le tribunal du travail de Francfort a débouté Monsieur [S] de ses demandes tendant à contester son licenciement. Monsieur [S] demandait au tribunal de constater que la relation de travail n’avait pas été résiliée par le licenciement, qu’elle n’était pas terminée et qu’il devait en conséquence être réintégré aux anciennes conditions jusqu’à la clôture du litige.

Il affirmait que les critiques exprimés à l’égard de sa hiérarchie étaient justifiées, que son licenciement n’avait pour unique but que de lui rendre impossible l’opportunité de réaliser des profits sur les options d’achat et sur les actions déjà acquises et que la lettre de licenciement était affectée de vices de forme

Le tribunal de Francfort a jugé que le licenciement n’était pas nul pour vice de forme, qu’il était valide du fait que la société employait moins de dix salariés, que le licenciement n’était pas contraire à la bonne foi ou aux bonnes moeurs et ne portait aucune infraction à l’interdiction des mesures de rétorsion. Le tribunal a notamment relevé que Monsieur [S] ne rapportait pas la preuve de la mauvaise foi de la société, qu’aucun indice montrant que le licenciement avait été effectué sans bonne raison n’était présenté, que les critiques formulées par Monsieur [S] à l’encontre de son supérieur et ayant motivé à son licenciement n’étaient pas justifiées alors qu’au contraire une critique non justifiée à l’encontre d’un supérieur dans une petite entreprise peut constituer un motif de licenciement et enfin que le licenciement n’était pas intervenu dans le but de lui faire perdre ses possibilités de gains.

La lecture de ce jugement montre que les juridictions allemandes exercent un certain contrôle sur les licenciements dans les petites entreprises même si les textes sont moins protecteurs dans un tel cas. La rupture du contrat de travail n’est donc pas laissée à l’arbitraire de l’employeur.

La cour rappelle que la condition potestative n’est pas prohibée en soi. Elle ne l’est que si l’événement formant la condition est au seul pouvoir de celui qui s’oblige.

L’article 1174 du code civil applicable à l’espèce dispose que 'Toute obligation est nulle lorsqu’elle est contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige.'.

En l’espèce, celui qui s’oblige est Monsieur [S]. Il s’oblige à céder ses actions s’il perd la qualité de salarié ou de collaborateur de la société. En revanche, Monsieur [M] n’a pas l’obligation de lever la promesse. Le licenciement de Monsieur [S] était au pouvoir de la société [M] Deutschland et non au pouvoir de Monsieur [S]. Dès lors la condition relative au licenciement ne peut entraîner la nullité du pacte et de la clause litigieuse.

Monsieur [S] sera en conséquence débouté de sa demande tendant à voir annuler le pacte du fait de la condition purement potestative affectant les calcul du prix de cession..

Dès lors il n’est pas nécessaire d’examiner si la clause de détermination du prix de l’article 6.1 souffre ou non d’imprécision.

Sur l’application de l’article 6.2 relatif au plafonnement du prix

Monsieur [S] soutient que l’article 6.2 ne s’applique pas aux titres acquis par le salarié avant l’adhésion au pacte, qu’il n’a pas fait l’objet d’un licenciement et enfin que la condition requise pour l’obtention du prix non plafonné est réputée accomplie.

Monsieur [M] et les sociétés [M] font valoir que les titres acquis par Monsieur [S] l’ont bien été après la signature du pacte, que Monsieur [S] a fait l’objet d’un licenciement et enfin que ce n’est pas l’obligation de paiement du prix non plafonné qui est soumis à une condition suspensive mais le calcul du prix.

Aux termes de l’article 6.2 du pacte 'les dispositions du présent article 6.2 ne sont pas applicables (…) aux titres acquis par le salarié avant la date des présentes.'

La cour relève que le pacte a été signé le 9 mai 2006. Monsieur [S] y a adhéré selon lui le 11 juillet, [M] soutenant que la date d’adhésion est le 10 juillet.

La cour considère que l’article 6.2 du pacte est une clause claire et précise et qu’elle ne nécessite pas d’interprétation. En effet, 'la date des présentes’ ne peut que se référer à la date d’entrée en vigueur du pacte, soit le 9 mai 2006 et non à la date de signature du pacte par chacun des futurs nouveaux actionnaires. Cette interprétation est d’ailleurs confortée par l’article 9 du pacte selon lequel 'les parties s’engagent à ce qu’aucun titre de la Société ne soit émis, proposé à la vente ou cédé à une personne qui n’est pas déjà partie au présente Pacte d’actionnaires, à moins qu’elle n’ait formellement adhéré au Pacte selon l’engagement d’adhésion figurant en Annexe 2". Un salarié ne peut en conséquence acquérir des actions sans avoir déjà adhéré au pacte.

C’est donc à tort que les premiers juges ont jugé que l’article 6.2 du pacte n’était pas applicable à Monsieur [S].

Sur le licenciement de Monsieur [S], la cour a déjà observé que ce dernier avait bien fait l’objet d’un licenciement qu’il a d’ailleurs contesté devant les juridictions du travail allemandes, peu important que s’agissant d’une entreprise de moins de dix personnes les mesures protectrices du salarié soient moindres.

Enfin, les article 6.1 et 6.2 du pacte ne sont que des modalités de calcul du prix de cession des actions. L’article 6.1 n’oblige pas Monsieur [M] à payer à Monsieur [S] le prix non plafonné des actions sous la condition du non licenciement de ce dernier. Il ne s’agit que d’une simple faculté pour lui.

La cour a déjà affirmé que le débiteur de la condition était Monsieur [S] qui s’est engagé à céder ses actions, Monsieur [M] étant le créancier de l’obligation. Or les modalités de calcul du prix de cession dépendaient du pouvoir du créancier de l’obligation et non du débiteur.

Dès lors les dispositions de l’article 1178 du code civil en vigueur au moment des faits, selon lequel 'La condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement’ n’est pas applicable à l’espèce.

Conclusion

Il résulte de ces développements que le pacte est valide et que l’article 6.2 du pacte est applicable à Monsieur [S]. Dès lors Monsieur [M], qui s’est substitué la société [M] Gestion, a valablement levé l’option d’acquisition des actions de Monsieur [S] au prix stipulé dans l’article 6.2 du pacte. Les dividendes attachées à ces actions, actuellement sous séquestre, seront versés à la société [M] Gestion et le séquestre sera levé.

Sur les demandes reconventionnelles de Monsieur [S]

Monsieur [S] fait valoir que suivant assemblée générale extraordinaire des actionnaires de [M] Gestion en date du 31 mai 2010, celle-ci a adopté un plan d’option d’achat d’actions soumis aux dispositions des articles L. 225-177 et suivants du Code de Commerce, que le 4 juin 2010, a été arrêté le Règlement du plan d’option d’achats d’actions de [M] Gestion et que par courrier en date du 22 avril 2011, remis en main propre, il lui a été indiqué, alors qu’il était salarié de [M] Gestion [Localité 10] que le conseil d’administration, réuni le 21 avril 2011, avait décidé, en exécution des décisions prises par l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires précitée de lui offrir 500 options d’achat susceptibles d’être levées, moyennant le prix d’acquisition de titres fixé à 2.978,09 € par option, soit la somme de 1.489.045 € pour la totalité des options levées. Au mois d’avril 2014, suite à la rupture de son contrat avec [M] Deutschland intervenue le 5 février 2014, il a souhaité valoriser lesdites options auprès de [M] Gestion ce qui lui a été refusé, les options étant caduques en cas de licenciement de l’attributaire. Il demande donc que lui soit livré les options en contrepartie du paiement du prix.

Les sociétés [M] et Monsieur [M] demandent en premier lieu à la cour d’appel de se déclarer incompétent au profit des juridictions allemandes pour statuer sur les demandes reconventionnelles en lien avec les options. Ils font valoir que les demandes reconventionnelles n’ont pas de liens suffisants avec les demandes principales. Par ailleurs elles se heurtent à l’autorité de la chose jugée du fait du jugement du 10 juillet 2014 et de la transaction conclue le 16 septembre 2015. Il soutiennent encore que Monsieur [S] n’a pas le droit d’agir à leur encontre, les demandes étant liées au contrat de travail qui lie Monsieur [S] à la société [M] Deutschland GmbH.

Subsidiairement ils demandent la confirmation du jugement qui a débouté Monsieur [S] de ces demandes;

La cour constate tout d’abord que le litige sur les options d’achat d’actions concernent Monsieur [S] et la société [M] Gestion et découle de l’article 9.1 du Règlement du plan d’options d’achat d’actions de [M] Gestion du 4 juin 2010 auquel la société [M] Deutschland n’est pas partie. La société [M] Deutschland, qui est devenue par la suite l’employeur de Monsieur [S] n’est donc pas liée par cette obligation. Les juridictions du travail allemandes ne sont en conséquence pas compétentes pour statuer sur la validité des options d’achat et elles ne l’ont pas fait contrairement à ce que soutient [M].

La cour d’appel est en conséquence compétente pour connaître de la demande de Monsieur [S].

Au surplus, les demandes relatives aux options d’achat sont étroitement liées aux demandes relatives à la cession des actions puisqu’elles concernent les mêmes parties et qu’elles sont toutes deux dépendantes de la situation créée par la rupture du contrat de travail de Monsieur [S].

La cour considère en conséquence que les demandes reconventionnelles de monsieur [S] sont recevables.

Aux termes de l’article 9.1 du Règlement du plan d’options d’achat d’actions de [M] Gestion du 4 juin 2010 'en cas de licenciement du bénéficiaire (…) pour quelque raison que ce soit, la totalité des actions attribuées au bénéficiaire révoqué ou licencié devient caduque à la date de notification du licenciement'.

La société [M] Deutschland a adressé le 5 février 2014 une lettre à Monsieur [S] l’informant qu’elle mettait un terme à la relation de travail existant entre eux. C’est à juste titre que les premiers juges ont considéré qu’une rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur s’analysait en un licenciement.

Par ailleurs le tribunal du travail de Francfort a estimé que ce licenciement n’était pas contraire aux bonnes moeurs ou à la bonne foi et qu’il n’était pas motivé par la volonté de priver Monsieur [S] des options d’achat qu’il détenait. Le tribunal a donc exercé un contrôle sur le licenciement de Monsieur [S] même s’il s’agit d’un contrôle a minima.

La rupture du contrat a été effectué par l’employeur de Monsieur [S], la société [M] Deutschland, société partie du groupe [M] mais qu’i n’est pas la filiale de [M] Gestion, débitrice du plan d’options d’achat d’actions.

Monsieur [S] échoue à établir que la société [M] Gestion a eu un rôle dans son licenciement, la simple présence du logo de [M] Gestion sur la lettre de licenciement ne faisant que rappeler l’appartenance de [M] Deutschland au Groupe [M] mais ne faisant pas disparaître l’indépendance et l’autonomie des deux sociétés.

Dès lors il ne peut être reproché à la société [M] Gestion d’avoir licencié Monsieur [S] afin de le priver de ses options d’achat.

La cour confirmera en conséquence le jugement attaqué en ce qu’il a débouté Monsieur [S] de sa demande de délivrance d’actions contre règlement du prix.

Les autres demandes de Monsieur [S] sont sans objet.

Sur l’article 700 du Code de procédure civile

IL serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieru [M] et des sociétés [M] Gestion et [M] [Localité 10] la charge des frais engagés non compris dans les dépens.

Il leur sera allouée à ce titre à chacun la somme de 10.000 euros.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 21 décembre 2018,

Statuant à nouveau,

Ordonner l’exécution forcée du Pacte ;

Dit que la vente des 500 titres de classe A de [M] Gestion détenus par Monsieur [S] est parfaite dès lors que la rencontre des volontés a eu lieu le premier juillet 2015, date de la levée de la Promesse de Vente I par Monsieur [M] ;

Dit que l’article 6.2 du Pacte d’actionnaire est aplicable,

En conséquence dit que le prix de cession s’élève à 1.501.745 euros, ;

Dit que le transfert de propriété a eu lieu le 31 août 2015 ;

Autorise [M] Gestion à procéder à l’inscription, dans son registre des comptes, du transfert des 500 Titres au bénéfice de [M] Gestion [Localité 10] ;

Dit que le prix de cession sera versé par [M] Gestion [Localité 10] à compter de l’inscription dans le registre des comptes de [M] Gestion du transfert des 500 Titres au bénéfice de [M] Gestion [Localité 10] ;

Dit que les dividendes bruts perçus par le séquestre depuis le mois d’octobre 2015 auraient dû être distribués à [M] Gestion [Localité 10] ;

Ordonne la libération du séquestre des titres et des dividendes résultant de l’ordonnance du 22 octobre 2015 au profit de [M] Gestion [Localité 10] ;

Dit que le séquestre devra restituer les dividendes à la Société, à charge pour cette dernière de les reverser entre les mains de [M] Gestion [Localité 10] ;

Sur l’appel incident de Monsieur [S] relatifs aux options :

Confirme le Jugement en ce qu’il a dit recevables les demandes reconventionnelles de Monsieur [S] en lien avec les options ;

Déboute Monsieur [S] de ses demandes reconventionnelles relatives aux Options ;

Condamne Monsieur [S] à verser à Monsieur [M], à la société [M] Gestion et à la société [M] Gestion [Localité 10] la somme de 10.000 euros chacun au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne Monsieur [W] [S] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile. .

La Greffière La Présidente

Liselotte FENOUIL Michèle PICARD

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 9, 22 mai 2020, n° 19/00974